La question que je me pose depuis le mouvement contre la réforme des retraites est: comment contrer certaines manoeuvres syndicales?
Car si une opportunité comme celle que je décris ci dessous devait se reproduire, évidemment nous la saisirions, mais être avertis des magouilles possibles ce n'est pas suffisant pour les contrer...
donc si quelqu'un a une idée sur la question, ou mieux, si quelqu'un a déjà réussi à surmonter un problème du même genre?
Je voudrais donc revenir sur le mouvement des retraites, sous l'angle des "débordements" (blocages en particulier) qui ont suscité tant d'espoir chez les libertaires. Je ne trahirai aucun secret stratégique qui pourrait servir à la police, ces infos ont largement circulé et sont maintenant "officielles", mais d'une part vous n'en avez pas forcément entendu parler, et je voudrais vous livrer le point de vue d'une anarchiste qui y a été mêlée de près.
En effet nous sommes tous d'accord pour déplorer les manifs "kermesses", les grèves d'une journée avec service minimum garanti...Îl était donc normal que le groupe d'Ivry se précipite pour participer au blocage de la TIRU, à Ivry. Une lutte indéniablement en rapport avec la lutte des classes (une obsession pour le groupe), qui semblait déborder les schémas traditionnels, qui continuait après la fin officielle du mouvement, et surtout qui faisait appel à soutiens extérieurs.
Nous avons décidé d'y passer un max de temps, surtout la nuit, car les soutiens étant plus rares on pensait que l'occasion serait meilleure pour nouer des liens avec les grévistes.
Première surprise, AUCUN gréviste de la TIRU (il semble qu'on ne leur ait même jamais fait de proposition pour participer au piquet). Les grévistes n'étaient même pas d'Ivry, c'étaient des syndicalistes, majoritairement des délégués (CGT nettoyage de la ville de Paris). Les soutiens (en dehors de quelques voisins) étaient également presque tous délégués. Les jours ou nuits de fêtes il y avait pas mal de monde, mais le reste du temps il y avait une vingtaine de personnes, une dizaine passé minuit. Les contacts étaient chaleureux, mais nous avions le sentiment que beaucoup de choses nous échappaient. Il y avait clairement une volonté d'empêcher que cette action prenne de l'ampleur, qu'elle échappe aux délégués syndicaux qui en étaient les initiateurs.
- Les grévistes répétaient que leur motivation était la défense des retraites, le retrait de la loi, etc. Pour nous militants révolutionnaires anarchistes, ce n'était bien sûr pas un mot d'ordre très intéressant (notre slogan préféré était "la retraite à vingt ans pour baiser il faut du temps"), mais au moins ça semblait partir d'une volonté de solidarité, d'unité, de dépassement des corporatismes...
Et puis un matin on a appris que tout s'arrêtait, sur la promesse de primes et recalculs de droits, revendications purement catégorielles dont il n'avait jamais été question tant que les grévistes parisiens (trop peu nombreux pour tenir seuls un piquet) avaient besoin d'aide extérieure... déjà, l'impression très nette de s'être fait rouler dans la farine.
Dès le début, une question évidente. Ce piquet de grève n'aurait pu résister cinq minutes si la police avait décidé de le dégager. Pourquoi alors l'avoir laissé durer plusieurs semaines? (je n'ai aucune réponse à cette question, je me la pose encore aujourd'hui).
Ci dessous, un texte de Peter Vener qui rejoint ces interrogations, qui dépassent largement le cadre de ce blocage en particulier.
Je précise encore (puisque le groupe d'Ivry vient de faire un débat sur le sujet avec des copains anars qui y ont participé en tant que grévistes) que le cas de la TIRU de St Ouen est différent. Les employés communaux étaient en grève depuis le début du mouvement, et constatant que cette grève était inefficace, ils cherchaient d'autres moyens d'action. Une de ces grévistes de St Ouen est venue voir le piquet de grève d'Ivry et a ramené l'idée de bloquer la TIRU de St Ouen. Donc à St Ouen les grévistes étaient des locaux, syndiqués ou non, qui agissaient spontanément. C'est seulement après coup que les syndicats sont intervenus pour faire pression afin qu'ils arrêtent le blocage (qui s'est poursuivi quelques jours après l'arrêt du blocage à Ivry).
Le lien avec "l'idéologie du blocage" de Peter Vener (lisez-le, d'accord ou non, c'est intéressant):
http://reposito.internetdown.org/analyses/oil.pdf