ce sujet pose énormément de questions, essentielles pour tout militant anarchiste révolutionnaire.
aujourd'hui, vu l'augmentation constante du chômage et la délocalisation des usines, peut-on encore baser la future révolution sur la seule classe ouvrière?sans être "ouvriériste" (comme tous les anarchistes je ne suis pas pour la dictature du prolétariat mais pour l'abolition des classes...) (et je ne pense pas que les ouvriers soient fondamentalement ni pires ni meilleurs que les autres...), je suis consciente qu'une véritable grève générale, totale (sans service minimum) et illimitée est un moyen incomparable de déstabiliser le système actuel, ne serait-ce qu'en fracassant les routines (d'abord matérielles, puis intellectuelles... ça s'est toujours vérifié, en 68, EN 95...), en créant des solidarités, en dépassant les corporatismes...
mais concrètement quels corps de métier peuvent-ils vraiment, ici et maintenant, créer une telle situation en arrêtant le travail?
JP Le Varay (Putain d'usine) le dit bien dans ses articles (CQFD) et bouquins, la meilleure chose qui pourrait arriver à la société serait que son usine arrête son activité actuelle (production de nitrates!). et combien de boulots comme celui là inutiles voire nuisibles?
j'ai plusieurs copains militants (pas dans une organisation, mais dans leur syndicat, et parallèlement avec des anars d'Ivry-Vitry "autonomes" - entendez organisés ensemble en réseau quoique ne faisant partie d'aucune orga "officielle") qui travaillent dans des secteurs qui pourraient potentiellement bloquer l'économie et les activités sociales s'ils se mettaient massivement en grève (l'un par exemple est mécanicien RATP, en formation pour devenir "roulant", l'autre mécanicien SNCF).
cela dit les deux sont catégoriques, pour que la grève de mécaniciens aient un effet il faut plusieurs semaines de grève. pour bloquer immédiatement l'activité trains et métros la participation des roulants est indispensable. or la direction pas folle aurait tendance à donner plus facilement satisfaction aux roulants, pour casser la solidarité...
de plus, ce qui vient d'arriver avec la grève dans les aéroports ne peut être ressenti que comme une menace pour le droit de grève (quand il a un réel potentiel de lutte syndicale efficace, ne parlons même pas de révolution!).
(concernant la RATP, la mise en service de locomotives en pilotage automatique est également inquiétant).
autre détail, je suis chômeuse depuis longtemps mais ce n'est pas du tout volontaire! il est loin le temps où les révolutionnaires pouvaient se faire embaucher facilement dans un but militant... et pour les chômeurs quel autre moyen de lutte efficace que l'action directe (occupations de Pole emploi, etc) ou le sabotage, bref des actions illégales, donc plus risquées que la grève (tant qu'elle fait encore un tout petit peu partie des droits des travailleurs...).
je ne sais pas comment ça se passe dans ton entreprise mimosa rouge, mais je suis désolée d'entendre mes potes qui travaillent en usine, en chantier... répéter qu'il n'y a pas moyen de faire bouger leurs collègues malgré tous les efforts, même pas pour leur droits, alors par solidarité! et je vous jure que ce n'est pourtant pas de leur part faute d'essayer, et pas en répétant "vive l'anarchie" façon ploum ploum mais bien en partant de ce qui devrait les révolter au quotidien (par exemple un camarade sur un chantier a un mal de chien à convaincre ses collègues que le taulier devrait un minimum respecter les consignes de sécurité - c'est leur vie à tous qui est en jeu, mais ils n'ont qu'une idée en tête, la peur de perdre leur emploi!)
faute d'une situation propice en entreprise on ne peut donc (à mon avis) compter que sur des périodes de grands mouvements sociaux, qui peuvent survenir à tout moment, et que les militants anarchistes tentent d'anticiper et préparer de leur mieux faute de pouvoir les provoquer (en répandant leurs idées et pratiques partout où c'est possible...)
les militants anarchistes révolutionnaires doivent-ils cacher leurs idées pour ne pas "effrayer (ou rebuter) les gens"?pour essayer autant que possible d'être à la fois sur le terrain des luttes et celui de la propagande purement anarchiste, je n'ai pas de réponse super carrée à donner à cette question, je ne sais pas pour vous mais nous à Ivry on juge au cas par cas, selon les opportunités...
sur les luttes de sans papiers par exemple, pas question de "récupérer" des luttes quand elles sont initiées par les sans papiers (souvent aussi des travailleurs en grève) eux mêmes. seulement pousser dans le sens de l'autonomie des luttes, en pointant les tentatives de manipulations (souvent grossières...) des bureaucrates politicards ou syndicaux.
lors du piquet de grève des travailleurs sans papiers de Vitry (quatre mois en hiver devant le centre des impôts), nous avons noué des liens plus personnels avec certaines personnes, et là nous avons été amenés très naturellement (à leur demande) à parler de nos idées.
évidemment chaque fois que nous avons invité des sans papiers à Radio libertaire pour parler de leur lutte ils ont eu un aperçu de ce qu'est l'anarchisme (dont ils n'avaient jamais entendu parler auparavant, nos idées étant peu répandues en Afrique).
en ce moment nous sommes impliqués dans une lutte contre les expulsions (coordonnée avec divers collectifs identiques de la région parisienne, où s'investissent beaucoup d'anars), à Ivry la lutte est partie d'une trentaine d'habitants menacés d'expulsions... il est évident qu'on ne va pas arriver bille en tête avec des Tshirt et drapeaux anars - ni prôner direct la révolution! reste que dans notre façon même d'envisager la lutte on ne peut que se comporter en anars, et c'est ça le plus important pour l'instant...
car quand nous sommes sur NOTRE terrain, celui de la propagande anarchiste, nous ne lâchons ni ne cachons rien, nous nous exprimons à fond et en toute liberté sur nos révoltes, idées, aspirations...
donc en résumé il y a deux "lieux" de luttes, qui n'impliquent pas du tout la même attitude militante:
- l'expression sur nos propres médias anarchistes, ainsi que débats, meetings, tracts, affiches... qui est totalement sincère et reflète intégralement ce que nous pensons et voulons en tant que militants libertaires révolutionnaires,
- la lutte de terrain (travail, logement, mais aussi anti précarité, lutte pour les papiers, etc.) où les enjeux sont immédiats, peuvent impliquer des compromissions (dans certaines limites quand même) où nos idées sont mise à l'arrière plan, même si évidemment on garde toujours des arrières pensées d'espoirs de dépassements de ces luttes dans une perspective la plus révolutionnaire et la plus libertaire possible!