Au sommaire
Edito ; NANTES : Retraitement de choc ; LILLE : Des temps déterminants, des personnes déterminées ; STRASBOURG : C’est en interpro qu’on arrive à lutter ; CREUSE / EUROPE / LE HAVRE : Brèves ; LORIENT : Armes de dissuasion massive ; SAINT-LÔ / PARIS / MONTPELLIER : Brèves ; LYON : Instants d’ensemble ; RENNES : Ouvrons la boîte de Pandore ! ; RENNES : La maison de la Grève ; PARIS : Veolia aux ordures ; MONTREUIL / MARSEILLE / PARIS : Brèves ; BREST : La guerre du pétrole ; RODEZ / BESANÇON : Brèves ; LENS : Chronique d’un terrain minier ; AMIENS : L’âge de la déraison ; NANTES / CIEL / PARIS : Brèves ; PARIS : TIRU dans les brancards ; Pendant ce temps : Rroms / CIP-IDF
À l’origine de Jusqu’ici, un appel public à créer un journal de liaison pour donner à voir ici ce qui se passe là-bas. Très vite, des volontés de coopération viennent de la France entière, et un petit groupe tout neuf, de coordination, se réunit à Montreuil. Au-delà des participants individuels, un comité de rédaction de Jusqu’ici se constitue aussi pour l’occasion à Lyon.
Jusqu’ici est un hebdomadaire de mouvement, un journal de rue visant à relier et à informer sur les luttes en cours. Par son écriture décentralisée, il veut permettre de dire la multiplicité, en terme de pratiques, de langages, de formes d’organisation. À la fois rompre avec la représentation médiatique dominante, focalisée sur les temps forts et les actions spectaculaires et filtrer le trop-plein d’information que produit internet. Faire, enfin, que se réinvente une sorte de journalisme populaire, fabriqué par les gens du mouvement eux-mêmes, dans lequel le récit de l’intérieur ne signifie pas absence de critique et permet la mise en valeur des limites du mouvement.
Jusqu’ici invite tout le monde à participer, avec des reportages, des récits, des interviews, des analyses, photos, dessins ou chansons. Le travail éditorial et les limites physiques du journal obligent à faire des choix : nous privilégions les textes qui donnent le plus à voir le mouvement et qui prennent le soin de situer les actions et les propos rapportés.
Jusqu’ici existera le temps de la lutte, il est auto-financé, et, pour l’impression, on agrandit les trous de nos poches.
Pour le rembourser, nous avons donc besoin de soutiens financiers. À vos chéquiers donc, si vous estimez que l’aventure vaut la lecture, à l’ordre de : « Les ami-e-s de Clark Kent. »Adresse : Z • 9, rue François Debergue, 93100 Montreuil.
Précisons qu’en cas de surplus inespéré, le reliquat sera reversé à une caisse de solidarité.
Edito
Pas de doute, une phase s’est close. Celle de la montée en puissance du mouvement contre la réforme des retraites – sous l’égide d’une intersyndicale soudée, avec des grèves reconductibles dans différents secteurs, des manifs lycéennes, et une attention générale concentrée sur le blocage des douze raffineries.
Jusqu’ici, tout continue. Les chiffres montent et descendent, mais la détermination persiste. Comme nous le disions dans le numéro précédent, « le blocage unit lorsque la nouvelle organisation du travail sépare ». Les outils collectifs de décision, de liaison et de mutualisation apparaissent et gagnent en consistance, loin des projecteurs. Un peu partout fleurissent des journaux et des feuilles de luttes, des cantines de mouvement et des caisses de solidarité ; les AG interpros commencent à se coordonner en même temps que se construit de la confiance pour mener des actions.
Si, comme le souligne un texte rennais, les participants aux blocages sont très divers (syndicalistes, lycéens, étudiants, chômeurs, précaires, etc.), mais en petit nombre, ces actions sont soutenues, sans pour autant embarquer tout le monde. Comment faire pour continuer les blocages dont beaucoup perçoivent la pertinence ? Comme la grève, les blocages exigent de l’organisation, de l’écoute – pour faire face à de nombreuses peurs et contraintes. Il s’agit d’une véritable culture commune à construire.
Si les grévistes vont et viennent, certains portent des revendications propres à leurs situations et sont déterminés. Sur des questions de salaire, de conditions de travail ou de menaces de licenciement... Révélant que, au-delà des retraites, il y a quelque chose dans l’air.
Nous avançons grandis, de jour en jour, des rencontres et des discussions, de ces différences qui se frottent et s’étripent, de ces rires partagés sur un piquet, de ces idées qui nous étonnent et des pratiques apprises. Pour de bon.
Pour chaque numéro de Jusqu’ici, deux PDF à télécharger.
- 1 fichier A4 RECTO page par page pour lecture sur écran, impression en A4 à agrafer.
- 1 fichier A3 RECTO avec deux pages sur chaque feuille, pour imprimer en RECTO/VERSO à la photocopieuse.
Ce fichier est déjà monté, la dernière page est donc en face de la première, la deuxième en face de l’avant-dernière, etc., de manière à obtenir un cahier lors de l’impression RECTO/VERSO.
leo a écrit:administration forum (Pïérô) : ce type de compte rendu circule en interne aux niveau des militant-es, et ne doit pes être rendu public. J'invite celles et ceux qui sont intéressé-es à envoyer un MP à JPD pour qu'il leur envoie en privé.
ou bien, qu'ils/elles aillent le lire sur un autre forum, où il y a moins de censure !
http://forum.anarchiste.free.fr/viewtop ... 251#p80251
Adresse à tous les travailleurs et travailleuses, retraités, salariés, chômeurs, rsistes, lycéens, étudiants, sans-papiers...
Par des travailleurs et précaires de l'AG interpro de la Gare de l'Est et IDF
Depuis le début septembre, nous avons été des millions à manifester et des milliers à entrer grève reconductible dans certains secteurs (raffinerie, transports, éducation, lycées, facs...) ou à participer à des blocages. Le gouvernement et le patronat n’ont pas pour autant reculé. Pour cela, il aurait fallu que nous représentions une menace réelle. Seule une grève de masse associée à une mobilisation de toute la population travailleuse, s’organisant à de l’échelle locale à l’échelle nationale et décidant nous mêmes des revendications et des moyens d’action à mettre en œuvre, aurait eu une chance de les faire reculer.
Il aurait fallu dès le départ, s’appuyer sur les secteurs en grève, ne pas limiter le mouvement aux seules retraites alors que les licenciements, les suppressions de postes, la casse des services publics, les bas salaires continuent dans le même temps. Cela aurait pu permettre d’entrainer d’autres travailleurs dans la lutte et d’étendre le mouvement gréviste. A aucun moment, l'intersyndicale n’a tenté de mener cette politique. Bien au contraire elle appelé, alors que les secteurs en grève reconductibles s’essoufflaient, à deux nouvelles journée d’action le 28 octobre et 6 novembre. Limiter le mouvement de grève reconductible à quelques secteurs et aux seules retraites ne pouvait qu’entraver le mouvement gréviste dans son extension et ne pas effrayer le patronat. Voilà pourquoi, nous n’avons pas été en mesure de faire reculer le gouvernement.
Mais que pouvions-nous attendre d’autre de la part d’un Chérèque (CFDT) qui défendait les 42 annuités, ou encore d’un Thibault (CGT) qui n’a jamais revendiquait le retrait de la loi. Et ce n’est certainement le faux radicalisme d’un Mailly (FO), serrant la main d’Aubry en manif, alors que le PS vient de voter les 42 annuités. Pas plus que la politique défendue par Solidaires/Sud-Rail qui ne proposait rien d’autre que l’alliance avec la CGT. Aucun d’entre eux ne voulait aider à l’organisation autonome des travailleurs pour que nous nous défendions et passions nous mêmes à l’offensive.
S’ils se sont mis à la tête des luttes et ont enfourché le cheval de la grève reconductible, c’était surtout pour éviter de se faire déborder. Ils ne cherchaient pas à faire reculer ce gouvernement sur les retraites mais à être dans la meilleure position possible afin de pouvoir monnayer leur capacité à encadrer nos luttes en échange d’être admis à la table des négociations pour, comme il est écrit dans la lettre signée par sept des organisations syndicales de la CFTC à Solidaires, « faire entendre le point de vue des organisations syndicales dans la perspective de définir un ensemble de mesures justes et efficaces pour assurer la pérennité du système de retraites par répartition. »
Mais quelle pérennité des retraites, alors que depuis le début de la crise, c’est ce gouvernement qui mène pour le patronat une offensive sans précédent contre les conditions de vie et de travail de la population travailleuse. C’est lui qui supprime des milliers de postes dans les services publics, verse des milliards au privé qui licencie en masse, casse les services publics… Quel dialogue avec ce gouvernement qui matraque les infirmiers anesthésistes, les lycées, déloge les travailleurs des raffineries et expulse les roms et les travailleurs sans papiers.
Il ne peut avoir aucune pérennité de nos retraites, de nos emplois, de la santé, de l’éducation et dialogue avec ce gouvernement avec le capitalisme en crise. L’attaque sur les retraites est l’arbre qui cache la forêt. Et demander le retrait ne pouvait être que l’exigence minimale. Et cela n’aurait pu suffire. Des centaines de milliers de vieux travailleurs survivent déjà avec moins de 700 euros par mois, pendant que des centaines de milliers de jeunes vivotent avec le RSA, quand ils l’ont, faute de travail. Pour des millions d’entre nous, le problème crucial, c’est déjà de pouvoir manger, se loger et de soigner. Ce qui nous attend, c’est la paupérisation de toute la population travailleuse.
Parler de pérennité, alors que le capitalisme est en pleine putréfaction, c’est nous désarmer face à la bourgeoisie, qui depuis le début de la crise mène une véritable guerre sociale contre l’ensemble de la population travailleuse. Leur unité syndicale, c’est non seulement la collaboration de classe avec la bourgeoisie, mais c’est aussi le seul moyen pour ces faux amis des travailleurs de faire barrage à la seule unité capable de faire reculer ce gouvernement et les classes dirigeantes. Cette unité, celle de toute la classe des travailleurs, se forge dans le feu de la lutte entre le public, le privé, les salariés, les chômeurs, les retraités, les jeunes, les travailleurs avec ou sans papier, les syndiqués ou non. Pour cela nous devons briser tous les corporatismes, les barrières nationales.
Pour cela nous devons contrôler nos luttes, à la base dans des AG communes et élire des représentants avec des mandats révocables et nous coordonner nationalement pour décider nous mêmes des revendications et des moyens d’action.
La seule issue à la misère à laquelle les classes dirigeantes nous destinent, ce sera notre capacité à nous battre ensemble et à nous accaparer les richesses produites et les moyens de production pour subvenir aux besoins de toute la population. Nous ne devrons pas hésiter à remettre en cause la propriété privée industrielle et financière ainsi que la grande propriété foncière. Pour aller sur ce chemin, nous ne devons avoir confiance que dans notre propre force. Et certainement pas dans les partis de la gauche (PS, PCF, PG…) qui n’ont jamais remis en cause la propriété privée et dont les homologues mènent l’offensive pour la bourgeoisie en Espagne et en Grèce actuellement.
Dans cette lutte, nous ne devons pas apparaître comme défendant des intérêts catégoriels mais ceux de toute la population travailleuse y compris les petits paysans, marins pêcheurs, petits artisans, petits boutiquiers ; qui est jetée dans la misère avec la crise du capitalisme. Nous devons les entrainer, et nous mettre à la tête de toutes les luttes pour mieux nous en prendre au Capital.
Que nous soyons salariés, chômeurs, précaires, travailleurs avec ou sans papiers, syndiqués ou non et ce cela quelque soit notre nationalité, c’est toute la population travailleuse qui est dans le même bateau.
Rendez vous pour en discuter en AG interpro
Le ……
Bourse du travail, métro République
L’heure n’est pas à la résignation !
Appel de la rencontre nationale de Tours du 6 novembre
Le 6 novembre à Tours se sont réuni-e-s les délégué-e-s mandaté-e-s ou observateurs/trices de 25 Assemblées Générales (AG) interprofessionnelles, AG de lutte, intersyndicales ouvertes à des non-syndiqué-e-s, collectifs, coordinations intersecteurs, etc..., de Laval, Le Havre, Angers, Béziers, Saint Etienne, Roanne, Chambéry, Nantes, Angoulême, Cognac, Bayonne, Chinon, Nîmes, Tours, Saint Denis, Rouen, Champigny, Paris-Est, Paris-Centre, Paris Ve/XIIIe, Paris XXe, Vannes, Lille, Grenoble et Nancy (sont excusées les villes de Aubenas, Agen, Brest, Rennes, Montpellier et Sarlat).
Les travailleur/se-s du public et du privé, les chômeur/se-s, les retraité-e-s, les lycéen-ne-s et les étudiant-e-s se sont mobilisé-e-s massivement par la grève, la manifestation et les actions de blocage pour le retrait de la réforme des retraites, avec le soutien de la majorité de la population. Pourtant, le pouvoir n’a répondu que par le mépris, la désinformation, la répression, l’atteinte au droit de grève, et il décide de passer en force.
La lutte contre la réforme des retraites arrive à un moment charnière. Alors que le gouvernement et la plupart des médias nous annoncent depuis des semaines la fin de la mobilisation, des actions de blocage et de solidarité sont menées dans tout le pays et les manifestations sont encore massives. Cette loi doit être abrogée. Nous refusons l’enterrement du mouvement après le vote de la loi.
La stratégie de l’intersyndicale a été un échec pour les travailleur/se-s. Mais l’heure n’est pas à la résignation : nous sommes résolu-e-s à continuer le combat. Dans de nombreuses localités, celles et ceux qui luttent, syndiqué-e-s de diverses organisations et non-syndiqué-e-s, se sont retrouvé-e-s dans des Assemblés générales et des collectifs pour réfléchir et agir ensemble : informer, soutenir les secteurs en lutte, étendre la grève reconductible, organiser des actions de blocage. Nous voulons que cette dynamique de l’auto-organisation et de l’action commune se pérennise, s’amplifie et se coordonne.
Ce mouvement s’inscrit dans une perspective plus large pour donner un coup d’arrêt à la politique du gouvernement et du patronat, qui préparent de nouvelles attaques, notamment sur l’assurance maladie. Nous restons convaincu-e-s que le seul moyen de gagner contre le gouvernement est le blocage de l’économie et la grève générale.
Nous appelons à faire front contre la répression qui frappe de plus en plus brutalement celles et ceux qui participent au mouvement social.
Nous avons tenu cette réunion nationale pour commencer à discuter entre nous, à nous coordonner et à mener des actions communes.
Nous appelons celles et ceux qui luttent à se réunir en Assemblées générales s’il n’y en a pas encore dans leur localité.
Nous appelons toutes les AG interprofessionnelles, AG de luttes, intersyndicales étendues aux non-syndiqué-e-s, etc., à participer à la prochaine rencontre nationale à Nantes le samedi 27 novembre 2010, en envoyant des délégué-e-s mandaté-e-s.
Nous invitons les organisations syndicales à envoyer des observateur/trice-s à cette rencontre.
Nous appelons aux actions suivantes, venant renforcer les actions de toute nature qui se déroulent quotidiennement :
- une action symbolique le 11 novembre à 11h pour l’abrogation du projet de loi et en hommage aux morts au travail avant la retraite ;
- une journée d’action de blocage économique le 15 novembre, pour laquelle nous appelons au soutien international ;
- une action symbolique consistant à brûler le texte de loi le jour de sa promulgation.
BILAN DES CSR SUR LES LUTTES DES MOIS PASSÉS.
Nous avons subi un échec. Mais la lutte des classes continue, il faut donc nous réorganiser
Malgré le reflux de la mobilisation, il serait suicidaire de se démobiliser ou de se démotiver. Car l’adversaire ne va pas arrêter du jour au lendemain son offensive contre les acquis sociaux. Mais pour remporter les prochaines batailles, il faut sortir de la position défensive que nous occupons depuis maintenant plus de 30 ans. Car jamais une victoire n’a été remportée sur la base d’une stratégie défensive.
L’heure n’est donc plus à la « Résistance » mais à la contre-offensive. Et pour cela il faut analyser nos faiblesses, nous réorganiser et nous doter d’une stratégie efficace.
Les éléments positifs de cette expérience
Les 5 mois de lutte que nous venons de vivre nous auront permis de reconstruire du lien social à plusieurs niveaux.
Dans beaucoup d’entreprises, les tournées syndicales, les AG, mais aussi la participation aux manifs ont été l’occasion de débattre, de nous informer et de reprendre goût à l’action collective.
De nombreuses équipes syndicales se sont remobilisées et des milliers de travailleurs ont fait le pas de se syndiquer et même de construire une section syndicale.
De nombreux syndicats et sections se sont réinvestis dans la vie collective de leur confédération, dans leur Union Locale et Départementale et même dans leur Fédération. Ils sont sortis de la vision réductrice de l’entreprise pour voir plus loin que leurs intérêts immédiats. Ils ont renoué avec le syndicalisme de classe et rompu avec le syndicalisme institutionnel d’entreprise.
Ces acquis doivent être consolidés. Il faut désormais lancer une vaste campagne de syndicalisation pour construire un puissant contre-pouvoir. Mais il faut aussi réinvestir nos outils syndicaux (UL, UD et Fédé), les rénover et les consolider en faisant émerger de solides syndicats de branche professionnelle (pour organiser les travailleurs des petites et moyennes entreprises). Beaucoup de ses travailleurs ont fait grève ou ont manifesté. Il faut désormais leur offrir des lieux d’accueil pour lutter, c’est à dire des syndicats d’industrie (de branche) selon le modèle historique de la CGT.
Réunification Syndicale et Contre-pouvoir syndical
Cette mobilisation a aussi été l’occasion de renforcer l’unité syndicale, sur des bases de lutte. Sur le terrain, les équipes de la CGT ont pu tisser des liens fraternels avec d’autres équipes, issues de SUD, de la FSU, de FO,… Cela a permis de démontrer que la division syndicale était le plus souvent un fait injustifiable. Si nous étions dans les même luttes avec les mêmes revendications, pourquoi ne serions nous pas dans la même confédération ?
Des millions de travailleurs ont pris conscience qu’ils ne vivaient pas dans une démocratie. Cette « République » bourgeoise et ses institutions « représentatives » ont démontré qu’elles étaient au service de la classe dirigeante. La démocratie des travailleurs ne peut donc s’exprimer que là où fonctionne le fédéralisme, c’est à dire dans le mouvement syndical, quand les adhérents font vivre cette démocratie. Et c’est seulement pas la grève que l’on construit un rapport de force. Le vote pour de supposés « représentants du peuple » a démontré toutes ses limites. Cette délégation de pouvoir n’a pas contribué à transformer la société et a même entretenu son fonctionnement élitiste. Si les manifestations ont permis de mobiliser des millions de travailleurs, à un certain moment elles se sont substituées à la grève et n’ont donc pas permis, en elles-mêmes, de s’attaquer aux véritables dirigeants de la société : les capitalistes.
Mais la puissance de la mobilisation, sa radicalité et le soutien qu’elle a reçu soulèvent des questionnements quand on fait le lien avec notre échec. Nos faiblesses étaient en effet de taille.
Citoyen-consommateur ou Syndicaliste-producteur ?
Depuis des décennies, les travailleurs et leurs outils syndicaux subissent la culture sociale-démocrate. A sa naissance, la CGT avait pour principe que « l’émancipation des travailleurs serait l’œuvre des travailleurs eux mêmes ». Et puis, au fil du temps, on nous a fait croire que des spécialistes pourraient régler à notre place la domination de classe que nous subissions. La culture ouvrière a donc cédé la place à une culture d’assisté, de consommateur. Le mythe de la démocratie s’est donc forgé avec le modèle du « citoyen », cet individu isolé qui va voter une fois de temps en temps, pour ensuite rester passif et dominé. D’où maintenant l’illusion que des manifs de masse feraient basculer la situation et obligeraient la classe dirigeante à appliquer la démocratie dans un système anti-démocratique !.
Et c’est certainement la cause principale de notre défaite. La grande masse des travailleurs venaient aux manifestations… puis rentraient bien gentiment chez eux pour attendre les consignes syndicales. Cela a été aussi l’attitude de la majorité des équipes syndicales qui rentraient dans leur entreprise alors qu’il était évident que la bataille se menait à une échelle nationale et interprofessionnelle. Les Assemblées générales n’ont rassemblé qu’une faible minorité de grévistes, les réunions syndicales qu’une faible minorité d’adhérents.
Et puis la tentation a été de déléguer la lutte à des professions, comme celles des cheminots et des industries pétrolières, et même aux lycéens ! La délégation de pouvoir a donc atteint son point le plus ultime : la grève par procuration. Peu d’entre nous ont donc construit leur lutte. Et pourtant c’était une des rares occasions, dans cette société capitaliste, de participer à des prises de décisions, à l’élaboration d’un projet de société. A devenir des femmes et des hommes enfin libérés de la domination capitaliste.
Ce manque de créativité a été aussi visible au niveau de l’information. Nous sommes restés tributaires des médias gérés par les capitalistes et de leur désinformation. A de rares occasions nous avons envisagé de produire notre propre information, chose pourtant facile en utilisant nos outils de communication de masse (sites syndicaux, caméras numériques, publications par internet,…).
Les 3 heures passées chaque jour devant le petit écran se sont donc transformées en véritables instruments d’aliénation.
Un contre-pouvoir anti-capitaliste et socialiste : le syndicat confédéré
Il faut donc rompre avec cette culture de la délégation de pouvoir. Nous devons tous participer à la vie de nos syndicats, en y reconstruisant des lieux de fraternité, de réflexion et d’action collective. Mais cela n’est possible que par l’investissement du plus grand nombre.
Si nous avions réfléchi collectivement, nous aurions préparé sérieusement la mobilisation. Nous aurions gagné du temps et ainsi pu débattre des modalités d’action.
On aurait aussi pu élaborer des revendications intelligentes comme le faisaient nos aînés. Des individus supposés très compétents nous ont expliqué que l’enjeu des retraites était de taxer les profits par l’impôt. Mais comment taxer les profits quand l’Etat capitaliste gère le prélèvement des impôts, créant au passage de nombreuses niches fiscales destinées aux capitalistes qui contrôlent l’Etat ?
Non, la revendication historique des travailleurs c’est l’augmentation des cotisations patronales, sous contrôle des organisations syndicales. Mais pas simplement pour des raisons de principes et pour rappeler que les richesses sont le produit du travail.
Revendiquer l’augmentation des salaires et des cotisations (le salaire socialisé) c’est la stratégie qui permet de mener la bataille non pas au parlement mais dans les entreprises, c’est à dire en développant la perspective de la grève. C’est la stratégie qui permet aussi de créer une solidarité d’intérêt et d’action entre tous les travailleurs. Car les cotisations on en profite tous, contrairement à l’impôt qui est avant tout destiné à défendre les intérêts des capitalistes (exonérations patronales et fiscales, politique militaire et impérialiste, financement d’une technocratie parasitaire, mobilisation des services publics au profit du patronat,…), sans aucun contrôle démocratique.
Ces revendications de classe auraient pu servir d’axe pour ancrer la grève dans les entreprises. C’est à quoi nous devons aujourd’hui nous préparer pour les prochaines échéances.
Nous sommes forts par notre nombre, mais mal organisés.
Alors restructurons nous dans nos syndicats de branche et nos UL pour organiser sur le terrain les prochaines batailles.
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