Migrants. La Chapelle, le purgatoire des réfugiés
Face à des difficultés croissantes, les associations qui viennent en aide aux migrants accusent l’État et la Ville de Paris de ne pas assumer leurs responsabilités.
Porte de la Chapelle. Ici, le paysage semble asséché par la chaleur, le temps ralenti par l’attente. Sur le terre-plein central, entre plusieurs groupes de réfugiés assis à l’ombre de maigres arbres, des bouteilles d’eau vides jonchent le sol. Plus loin, une trentaine de réfugiés patientent, mines fatiguées, derrière une voiture garée à l’arraché sur le trottoir. C’est celle de l’association locale Présent, qui vient ici une fois par semaine distribuer des repas chauds à ceux qui ont faim. Quelques mètres en arrière, trois toxicos allument leur pipe de crack, une scène aujourd’hui ancrée dans le paysage. « Vivre à côté d’eux est difficile. Ils sont souvent très agressifs », explique Abdoulaziz, 15 ans, arrivé du Tchad après un passage difficile par la Libye, où il a connu l’esclavage avant de pouvoir traverser la Méditerranée.
La solidarité, freinée par la police
En cause, la fermeture d’un centre d’accueil de toxicomanes porte de la Chapelle et l’évacuation, fin juin, d’un campement sauvage connu sous le nom de « la colline du crack ». Une population délaissée par les politiques de la Ville qui vient aujourd’hui se nourrir des vivres des associations. Mais la cohabitation est devenue ingérable pour les associations. « Dès qu’ils sont en manque, ils deviennent violents. Nos bénévoles ont déjà reçu plusieurs coups, témoigne Alix Geoffroy, coordinatrice de l’association Utopia 56. Il faut passer beaucoup de temps à les calmer… Ça rallonge notre travail, c’est épuisant. »
À cela s’ajoutent le manque d’effectifs et la pause estivale de certaines associations. Les Restos du cœur, normalement présents toute la journée porte d’Aubervilliers pour distribuer de la nourriture, ont été absents au mois de juillet. Une carence palliée par de simples citoyens qui, coûte que coûte, viennent aider sur le terrain. Un acte de solidarité pourtant plusieurs fois freiné par la police. « Ils virent les associations et les bénévoles qui distribuent de la nourriture, sous prétexte qu’aucune autorisation n’a été donnée par la mairie. Ils sont même allés jusqu’à donner des amendes et à nous accuser de trouble à l’ordre public ! C’est aberrant ! » rapporte Alix. Pour Abdoulaziz, ces décisions « inhumaines » ont changé sa vision d’une France idéalisée comme un pays de droit, d’égalité et de justice pour tous. « Tous les matins, ils viennent nous réveiller à six heures pour nous dire de partir. Nous, on ne sait pas où aller. »
À qui la faute ? « À la mairie », dénonce la coordinatrice d’Utopia 56. Alors que Paris vit un de ses étés les plus chauds, la municipalité aurait pris la décision de fermer plusieurs points d’eau essentiels. « Même s’ils ne se disent pas responsables, c’est a priori eux qui ont le contrôle dessus. » Ian Brossat, adjoint au maire en charge du logement et de l’hébergement d’urgence, répond : « J’ai du mal à comprendre les plaintes quant à l’accès à l’eau, puisque 54 robinets ont été ouverts à proximité. » Une chose est sûre, les réfugiés ont souffert du manque d’eau en cette période de canicule.
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