Des émissaires du régime autorisés à visiter plusieurs centres de rétention
Comment la France a livré des opposants politiques à la dictature soudanaise
Accueil d’agents sur le territoire français, visites en centre de rétention… Depuis 2014, la police française collabore étroitement avec la dictature soudanaise, favorisant ainsi le renvoi à Khartoum d’opposants politiques réfugiés en France.
Le 17 mars 2017, Mohammed, un Soudanais d’à peine 30 ans, est remis aux mains de la police de son pays après avoir été expulsé par la France. À la descente de l’avion, « la police française m’a confié à la police soudanaise. Celle-ci m’a mise en prison pour m’interroger », explique Mohammed dans un témoignage recueilli par le Collectif La Chapelle Debout(link is external), que StreetPress a pu consulter.
Quelques semaines plus tôt, Mohammed, un darfouri d’une minorité oppressée, passé par les geôles soudanaises, avait reçu la visite d’une « délégation soudanaise », alors qu’il était enfermé au centre de rétention du Mesnil-Amelot (77). « [Ils] m’ont dit qu’ils faisaient partie d’une organisation humanitaire qui aide les exilés. Ils avaient l’air bizarre c’est pour ça que je suis resté méfiant et surtout plutôt silencieux », explique-t-il(link is external) aux membres du même collectif.
Selon des informations de StreetPress, cette délégation faisait en fait partie d’une « mission d’identification » du régime soudanais. Entre janvier et mars 2017, ce petit groupe de fonctionnaires du régime en provenance de Khartoum – il s’agirait de militaires selon un bon connaisseur du dossier – a visité au moins 3 centres de rétention en France : Marseille (13), Coquelles (62) et le Mesnil-Amelot (77). La visite de ces représentants de la dictature avait reçu l’aval de la France, confirment à StreetPress deux sources au ministère de l’intérieur. Son but ? Déterminer l’identité de Soudanais et ainsi permettre leur expulsion par la France. Suite à leur passage, au moins 4 exilés ont été expulsés vers Khartoum. Tous les quatre déclaraient être menacés par la police au Soudan.
Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. StreetPress a remonté la piste de la collaboration policière entre le Soudan et la France. Et surprise : les relations entre les deux pays ne datent pas d’hier. Depuis 2014, la France collabore activement avec le régime dirigé d’une main de fer, depuis 28 ans, par le général Omar el-Bechir pour favoriser le renvoi au pays de Soudanais réfugiés dans l’Hexagone. Partage des informations, accueil d’agents soudanais chargés d’identifier les réfugiés, et même utilisation de bases de données de la police soudanaise par les pandores français… la collaboration est des plus étroites.
...
https://www.streetpress.com/sujet/15067 ... ure-soudan