L’usine de rien
Un film du collectif Terratreme, réalisé par Pedro Pinho
Synopsis : Une nuit, des travailleurs surprennent la direction en train de vider leur usine de ses machines. Ils comprennent qu’elle est en cours de démantèlement et qu’ils vont bientôt être licenciés. Pour empêcher la délocalisation de la production, ils décident d’occuper les lieux. À leur grande surprise, la direction se volatilise laissant au collectif toute la place pour imaginer de nouvelles façons de travailler dans un système où la crise est devenue le modèle de gouvernement dominant.
L’histoire est simple comme un conte.
Il était une fois une usine.
Ses ouvriers comprennent une nuit qu’elle va être démantelée et décident de tenir tête à la patronne. La patronne et ses sbires expliquent : c’est la crise, faut s’adapter. Et les ouvriers disent que non, veulent pas s’adapter, merde à la crise.
Alors, ils occupent l’usine et la transforment en autre chose...
Pendant ce temps, la vie continue. Non pas au loin mais bien dans le prolongement narratif et cinématographique de cette usine/monde que le cinéaste invente avec ses héros.
Il y a les enfants, les partenaires et les parents.
Il y a les concerts et la vie nocturne, les bières et les parties de cartes.
Et il y a les discussions politiques, qui ne sont pas le politique mais qui en font partie quand même... Le faire et le penser, le dire et le jouer.
Théorie et pratique, quoi.
Le documentaire qui rejoint la fiction, ou l’inverse.
On s’en fout... c’est du cinéma.
Ou peut-être que c’est vraiment la vie ?
Le rêve révolutionnaire et le concret de la chose se rejoignent dans des espaces étranges, inusités. Et puis tout revient à l’usine, ce lieu depuis lequel se pense à la fois le bouleversement politique et les limites de celui-ci.
Dès le générique du début, le désir est posé : c’est un film collectif.
Et l’idée nous accompagne tout le long : on voit quelque chose qui a été pensé au-delà d’une singularité, dans une tentative de faire corps avec une époque qui pense le nombre, le groupe, la bande ou le collectif non pas comme alternative mais bien comme sécession active à l’absence d’alternative capitaliste.
De collectif il sera question tout le long du film, de manière plus ou moins directe.
Et c’est peut-être ce pari qui est le plus fort : rendre palpable par le cinéma ce qui est contenu dans le fait même de se regrouper, de se mettre ensemble pour parler, penser, et se métamorphoser.
Quand les ouvriers se réunissent pour faire front et occuper l’usine, ou même (juste) pour parler, ils métamorphosent le lieu et se transforment avec lui.
C’est simple comme un geste révolutionnaire.
Le collectif dans l’usine, celui des ouvriers, a ceci de particulier qu’il n’est PAS un collectif de potes. C’est un groupe qui s’est formé par nécessité. Les ouvriers se sont agrégés CONTRE. C’est peut-être le collectif originel. Celui qui départit amis et ennemis, ceux avec qui on peut (ou l’on doit) s’organiser pour s’affirmer contre quelque chose, pour aller au-delà de soi.
Ce collectif qu’on va suivre va s’interroger sur le travail. Et ses limites.
Il va croître, multiplier, et puis se rétrécir.
Il ne gagnera pas. Pas parce que la victoire n’intéresse pas, mais bien parce qu’elle est contenue dans le geste même de l’agrégation.
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