Le confédéralisme démocratique au KurdistanI- Le confédéralisme démocratique au KurdistanLa région Kurde est en train de se transformer. Les populations s’organisent au sein des assemblées populaires et des coopératives, se déclarant autonomes vis-à-vis de l’État et exprimant leur aspiration à une vraie démocratie. Les idées féministes et anticapitalistes y fleurissent. Ces changements trouvent leur inspiration dans un nouveau concept : le confédéralisme démocratique. Ces mouvements ont la capacité de transformer la réalité de millions de personnes au Kurdistan, ainsi que de s’étendre sur toute la région du Moyen-Orient. L’année dernière, nous nous étions rendus au Kurdistan de Turquie, appelé Bakur, et dans la région autonome majoritairement Kurde de Syrie, le Rojava. Cet article examine à la fois la théorie et la pratique du confédéralisme démocratique de ces deux régions et ouvre une discussion sur comment mettre en œuvre notre solidarité tout en gardant une perspective à la fois critique et honnête.
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La CommuneLa commune constitue le premier niveau du système des conseils au Rojava. De manière générale, les communes urbaines comptent entre 30 et 40 maisons, alors qu’à la campagne il s’agit du village entier. Il y a une réunion bi-hebdomadaire à laquelle participe toute la population de la commune et où un conseil d’administration est élu. Ce dernier se réunit toutes les semaines, et tout-e-s les membres de la commune ont le droit d’y participer. Chaque poste doit être tenu par une femme et un homme. Tout.e.s les représentant-e-s sont révocables par les membres de la commune.
Nous nous sommes rendus au Mala Gel, la maison du peuple, gérée par la commune de Sehit Hozan dans la ville d’Amud, dans le canton de Cizîrê, ou nous avons pu discuter avec le co-président. La commune est composée d’environ 400 familles du quartier qui élisent le conseil d’administration de la commune. On nous a expliqué qu’au sein de la commune existent des commissions chargées de la gestion des services, de l’économie, de l’éducation en langue Kurde, de l’auto-défense, de la réconciliation et de la justice.
La commission de la réconciliation et de la justice cherche à résoudre les problèmes entre différent.e.s membres de la commune. On nous a expliqué que la commission a récemment été félicitée, pour la médiation qu’elle a menée suite à un accident de voiture, ainsi que pour la gestion d’un désaccord sur l’appartenance d’un terrain. On nous a dit que la commission arrive souvent à trouver une solution à ce type de problèmes.
La commission de l’auto-défense organise l’auto-défense armée de la commune. Les unités ainsi créées agissent en autonomie par rapport aux unités des YPG/YPJ et des forces de sécurités, nommées Asayis.
Il y a des réunions publiques organisées par la commune. Nous nous sommes fait inviter à l’une d’elles, organisée par la commune de Sehit Hozan. Plus de 50 hommes et femmes des alentours y ont participé, et deux des sujets de discussion étaient le capitalisme et le féminisme. La discussion a eu lieu en langue Kurmanji (langue Kurde parlée au Rojava), avec une traduction en Arabe.
Le Conseil Communautaire du Quartier/Village et le ‘Niveau du District’Le conseil d’administration de chaque commune envoie des représentant.e.s au Conseil du Village/Quartier, ce dernier étant une structure composée de 7 à 30 communes, selon les régions.. Ensuite, le Conseil du Village/Quartier est chargé d’élire un conseil d’administration, et c’est ce dernier qui sera leur représentant dans le troisième niveau de l’administration, appelé le ‘Niveau District’.
Le district est composé de représentant-e-s du conseil d’administration du deuxième niveau (Conseil du Village/Quartier). En plus de cela, des places sont réservées à 5 représentant.e.s issu.e.s de partis politiques et d’organisations de la société civile au sein du TEV-DEM*.
* TEV-DEM : Mouvement pour une société démocratique. Structure (équivalent -au Rojava- du DTK du Bakûr) englobant les mouvements et organisations sociales, et les délégués des conseils, qui participent au “confédéralisme démocratique”. Lire aussi “Appel du TEV-DEM”
Lors d’une rencontre à Kobanê avec l’Union de la Jeunesse Démocratique (connue auparavant sous le nom de Jeunesse Révolutionnaire), qui fait partie des organisations de la société civile auxquelles sont réservées des places au niveau du District, on nous a expliqué que :
« Les buts de notre organisation sont l’égalité hommes-femmes et la protection de l’environnement. Notre organisation n’existe pas que pour les jeunes Kurdes, il y a aussi des membres Arabes, Arménien.ne.s et Turkmènes. »
Le Conseil Populaire du Kurdistan Ouest (MGRK)Le quatrième niveau du système des conseils s’appelle le Conseil Populaire de Kurdistan Ouest (MGRK), composé des représentant-e-s de tous les conseils de districts et des organisations du TEV-DEM. Alors qu’un des buts principaux du MGRK est la mise en place de la coordination entre les trois cantons du Rojava, la situation de guerre actuelle empêche ses membres de se réunir tout-e-s au même endroit.
À chaque niveau du système des conseils, en commençant par la commune, existe un Conseil des Femmes. Ces conseils sont mis en place par l’organisation des femmes Yekîtiya Star (renommé Kongira Star). Lors d’une rencontre à Kobanê, on nous a expliqué que des femmes de cette organisation participent à chaque conseil de commune et organisent des stages d’empowerment* destinés aux femmes.
* Empowerment : terme emprunté à l’anglais qui signifie grosso modo “prendre confiance dans son propre pouvoir”.
Le Contrat SocialEn janvier 2014, un contrat social pour les trois cantons de Rojava a été rédigé par 50 partis politiques et des organisations. Il s’agit d’une tentative d’élargir la participation politique de la population au Rojava. Le texte met l’accent sur l’égalité des genres et l’égalité des droits pour toutes les peuples et ethnies, le droit à l’enseignement dans sa langue maternelle et la garantie pour tout.e.s les demandeur.se.s d’asile de ne pas être expulsé.e.s. Le texte invite les autres régions syriennes à adopter le modèle des cantons dans le but de créer d’autres régions autonomes qui puissent travailler ensemble au sein d’une confédération.
Le Contrat Social pose les fondations pour la création de gouvernements, appelés Administrations Démocratiques Autonomes ou Auto-Administation Démocratique, dans les trois cantons du Rojava. Selon ce contrat, ce sont les conseils législatifs, élus par la population, qui nomment ensuite les conseils exécutifs. Au moment où nous écrivons ce texte, ces élections n’ont toujours pas eu lieu et le conseil législatif est toujours composé des partis politiques et des organisations signataires de la charte et qui travaillent ensemble avec des représentant-e-s des différents groupes ethniques.
On nous a parlé de l’idée d’allouer 40 % des sièges de l’Assemblée Législative aux MGRK de chaque canton, afin d’intégrer le système des conseils à l’Administration Démocratique Autonome.
Lorsque les fonctionnaires d’Assad ont quitté la région en 2011, les conseils municipaux du régime ont été renversés. Selon le nouveau contrat social, ces conseils municipaux seront gérés par le Conseil Exécutif concerné. Les premières élections de ces administrations municipales ont eu lieu en 2015.
II- Appel à une solidarité critiqueQuand on parle du Kurdistan, et plus particulièrement du Rojava, le débat se focalise sur la question de la perfection de la révolution. Nous nous demandons souvent si la société du Rojava est utopique ou non, alors que nos propres mouvements sociaux sont encore très loin de l’être.
Le débat est souvent polarisé entre une position de soutien sans équivoque à tous les aspects de la révolution, et une position disant qu’en raison des imperfections de l’expérience menée au Rojava nous ne devrions lui apporter ni attention ni soutien.
Nous nous positionnons très clairement pour une position de solidarité critique, pour garder du recul et un regard non-dogmatique qui voit les mouvements sociaux au Bakur et au Rojava pour ce qu’ils sont. Afin de critiquer les aspects négatifs tout en étant solidaires des mouvements positifs de libération qui sont en cours, que ce soit la résistance contre Daech, les luttes pour l’autonomie, la résistance contre la répression de l’Etat turc, les mouvements féministes, anti-capitalistes et coopératifs. Ces mouvements peuvent transformer la société tant au Kurdistan que dans le reste du Moyen-Orient.
Ceci dit, certains aspects de la situation au Rojava méritent que nous gardions un regard critique.
Par exemple, pour le moment les partis politiques et les organisations militaires et sécuritaires qui leur sont associées, détiennent beaucoup de pouvoir au Rojava et au Bakur. Au DTK* du Bakur et au sein du système des conseils au Rojava, des sièges sont réservés aux représentant.e.s des partis politiques. Cela garantit que les partis politiques gardent une voix dans les structures du confédéralisme démocratique, qu’elle représente ou non la vision des gens exprimée dans les assemblées populaires.
* DTK : Congrès pour une société démocratique. C’est une plate-forme d’associations et de mouvements kurdes en Turquie qui développe depuis 2011 son modèle “d’autonomie démocratique” en tant qu’organisation “faîtière” confédérale.
Beaucoup de celles et ceux qui participent au mouvement expliquent que ces partis politiques ne sont présents que parce que le mouvement en est encore à ses débuts, et que, dans l’avenir, on n’en aura plus besoin. Quoi qu’il en soit, il est évident que ces partis sont un endroit où le pouvoir pourrait être consolidé. L’écrivain kurde, Ercan Ayboğa, nous a exprimé son espoir que le pouvoir bascule vers les communes :
« Les partis politiques sont des instruments politiques et idéologiques qui jouent un rôle spécifique. Au fur et à mesure des dernières années, ce rôle a diminué dans la vie politique. Les structures auto-gérées, comme entre autres celles des femmes et des jeunes, sont devenues plus importantes. Ce sont des processus lents parce que, depuis des décennies, le peuple kurde ne pensait qu’avec les catégories des partis politiques, et changer cela prend du temps. »
Les conseils exécutif et législatif du Rojava font aussi partie des corps politiques qu’il faudrait examiner d’un œil critique. Selon la théorie du confédéralisme démocratique, ces corps politiques ne devraient qu’appliquer les décisions des conseils. Mais il reste à savoir si le pouvoir restera entre les mains des communes ou s’il basculera vers le niveau parlementaire. Comme l’a exprimé l’anarchiste Kurde Zaher Baher :
« J’ai l’impression que, tant que le pouvoir du DSA (Administration Démocratique Autonome) augmente, c’est le pouvoir du TEV-DEM qui diminue, mais le contraire pourrait aussi être vrai. »
Il nous semble aussi que l’existence d’une force de sécurité centralisée, l’Asayîs, agissant plus ou moins indépendamment du système des conseils, va forcément à l’encontre du concept du pouvoir des communes. Mais dans le contexte actuel de guerre civile et des attaques de Daech, le besoin d’une sécurité efficace s’impose et nous étions très reconnaissants envers les multiples checkpoints des Asayîs qui ont assuré notre sécurité lors de notre visite en 2015. Beaucoup de militant.e.s du mouvement, y compris des membres des Asayîs, insistent sur le fait que ces dernières se dissoudront lorsqu’on n’en aura plus besoin. La mise en place des forces armées d’auto-défense par les communes s’inscrit dans les démarches pratiques déjà entamées pour parvenir à ce but. Bedrain Gia Kurd, nous a expliqué que le TEV-DEM (dont il est membre) soutient activement les communes pour la mise en place des unités d’auto-défense. Grâce à ce processus, les Asayîs n’ont pas le monopole de l’usage des armes au Rojava.
Les forces les plus puissantes au Rojava sont probablement les Unités de Protection du Peuple (YPG) et les Unités de Protection des Femmes (YPJ). C’est à ces forces que l’ont doit la survie du confédéralisme démocratique. Mais quel pourcentage de la population du Rojava a vraiment son mot à dire sur les alliances formées par ces organisations militaires ? La nature aléatoire de l’alliance avec les États-Unis, peut-être nécessaire pour gagner la guerre contre Daech mais qui, nous semble-t-il, pourrait potentiellement menacer la révolution sociale populaire du Rojava, en est un exemple.
Lorsque Kobanê a été assiégée par Daech en 2014, les États-Unis ont commencé, à contrecœur et tardivement, à bombarder Daech en coordination avec les forces YPG et YPJ. Le soutien aérien des États-Unis fut un facteur décisif pour la libération de Kobanê. Depuis, la coopération avec les Américains dans la guerre contre Daech s’est renforcée.
Beaucoup d’habitant.e.s du Rojava regardent cette alliance d’un œil critique. Lors d’une discussion avec Bedran Gia Kurd du TEV-DEM, il nous a dit que :
« La coopération avec l’armée des États-Unis est quotidienne car nous avons le même ennemi, mais il n’y a pas d’accord à long terme. Il n’y a aucune garantie par rapport à cette coopération ; c’est temporaire. Peut-être que dans l’avenir elle n’existera plus. Une coopération future serait basée sur la protection de nos principes. De ce fait, si cette alliance met en péril ou en question notre projet, alors on la refusera. »
Cependant, comme l’a expliqué Zaher Baher, Saleh Muslim -le coprésident du PYD- avait exprimé un point de vue totalement différent lors d’un entretien avec l’Institut Kurde de Washington :
« Les États-Unis sont une grande puissance qui encourage la démocratie de manière globale et qui tente de la développer et disséminer de par le monde entier ».
Certain.e.s membres du PYD ont appelé à un investissement commercial international au Rojava, sans pour autant prendre en compte que cela nuirait à tout mouvement allant vers une économie anti-capitaliste et coopérative au Rojava.
De telles déclarations pourraient bien sûr s’inscrire dans une stratégie pragmatique de la part des politicien.ne.s afin de gagner un soutien international dans leur lutte d’autonomie et pour la guerre contre Daech. Mais, dans le meilleur des cas, ces politicien.ne.s sont en train de jouer un jeu très dangereux ; et dans le pire des cas, ils et elles ne sont pas du tout d’accord avec les éléments anti-capitalistes et anti-impérialistes du mouvement.
Un autre sujet sensible est celui de la vénération du personnage de Abdullah Öcalan. Dans quasi chaque interview que nous avons fait au sujet du confédéralisme démocratique, nos interlocuteurs nous disaient que leurs idées venaient de leur leader. Cette habitude de se référer à Öcalan va à l’encontre du principe du pouvoir du peuple à transformer la société. Comme l’a exprimé Zaher Baher :
« Depuis un certain temps, dans ses livres et textes récents, Öcalan a dénoncé et rejeté l’État ainsi que l’autorité. Par contre, je ne l’ai jamais entendu rejeter sa propre autorité ni dénoncer ces gens qui lui donnent l’appellation de grand leader et qui mettent tout en œuvre pour lui donner une position sacrée. L’attitude d’Öcalan ne sera correcte que lorsqu’il rejettera son autorité ainsi que sa position de leader. »
Nous avons entendu parler de certaines œuvres d’Öcalan, qui ne sont pour l’instant disponibles qu’en allemand, et dans lesquelles il remet en question son rôle de leader. Nous n’avons pas vu de versions traduites de ces écrits. Mais la question ne se pose pas seulement sur le fait qu’Öcalan lui-même rejette son rôle de leader ; elle doit aussi se poser sur le fait qu’il soit vu et traité en tant que tel par une grande partie des gens participant au mouvement du confédéralisme démocratique. Cette constante est particulièrement frappante au sein du mouvement des femmes, lorsque d’un côté elles déclarent lutter pour l’auto-organisation des femmes, et de l’autre disent que leurs idées viennent d’Öcalan.
Concernant notre solidarité avec le développement du mouvement du confédéralisme démocratique, nous pensons que la solidarité la plus pratique que nous puissions apporter n’est ni un rejet total des mouvements positifs en raison des imperfections du mouvement, ni d’en parler d’une manière systématiquement élogieuse. Plutôt, nous voulons maintenir notre position de camarades qui apporte un soutien honnête au mouvement, d’un.e ami.e qui n’a pas peur d’agir en solidarité avec ceux et celles qui luttent pour une société meilleure, et qui n’a pas peur non plus d’en parler de manière honnête, ouverte et critique.
Mouvements populaires capables de transformer la sociétéDes idées anti-capitalistes, féministes, anti-autoritaires et anti-étatiques sont en train de fleurir parmi les mouvements du confédéralisme démocratique en cours au Rojava et au Bakur. Ces mouvements sont capables de changer la réalité sociale de millions de personnes. Ces changements sont en train d’être formulés par des mouvements populaires inspirés par des idées révolutionnaires et non pas par des politicienne.e.s ou des institutions gouvernementales.
La création des communes et des assemblées au Bakur et au Rojava a permis de valoriser et de donner le pouvoir aux personnes afin de prendre les décisions qui concernent leurs vies, auparavant contrôlées par l’État. Par exemple, des tentatives créatives de mettre en place des méthodes pour gérer différemment les problèmes liés aux comportements problématiques ont vu le jour au Rojava depuis que les communes y sont établies. Comme décrit plus haut, chaque commune possède une commission de justice et de réconciliation dont le but est la gestion des problèmes qui surgissent au sein de la communauté. Pour ce qui concerne les incidents plus sérieux comme le meurtre, il existe un “tribunal populaire” au niveau de chaque district dont les juges sont élu.e.s par la commune. Ces juges ont effectivement le pouvoir d’envoyer des gens en prison mais, comme l’a exprimé Ercan Ayboğa, militant kurde originaire de Bakur ayant visité le Rojava :
« Il y a toujours des prisons au Rojava mais il y a peu de prisonnier.e.s. Dans la petite ville de Serekaniye, par exemple, le nombre de prisonnier.e.s est de 20 comparé à 200 à l’époque d’Assad. Les tribunaux essaient au maximum d’éviter d’envoyer des gens en prison. Ils tentent d’autres méthodes comme, par exemple, envoyer quelqu’un.e travailler dans une autre ville ou région, demander à certain.e.s personnes de quitter une région ou un lieu pour un temps défini, ou en appliquant une peine éducative ou une formation pour la personne accusée. »
Selon Ercan, ce système reste néanmoins critiqué par une partie de la population du Rojava. Certain.e.s personnes ont même commencé à tenter une alternative appelée la “Plateforme de Justice”, nouveau système au sein duquel la commission de la justice et de la réconciliation peut demander du soutien en cas de problèmes graves en formant une plateforme de justice. Cette dernière est composée de 200 à 300 personnes venant des « mouvements des femmes, de la jeunesse, ainsi que d’autres organisations du quartier. Ils et elles débattent le cas, puis cherchent à trouver un consensus. »
Deux facteurs pouvant contribuer à ce que le pouvoir reste entre les mains du peuple de base sont, premièrement, le fait qu’aucun groupe n’a le monopole de l’usage de la violence et, deuxièmement, que les communes sont en train de développer des groupes armés d’autodéfense. Le fait qu’il y ait des éléments armés appartenant au mouvement de base aide aussi à empêcher la consolidation du pouvoir entre les mains de l’Administration Démocratique Autonome ou l’armée, entre autres.
Ce sont les mouvements des femmes au Bakur et au Rojava qui sont les éléments les plus inspirants de la situation actuelle au Kurdistan. Pendant notre voyage dans ces deux régions nous avons pu rencontrer des femmes déterminées à lutter contre le patriarcat et il nous a semblé que c’est une véritable occasion pour pour que les choses changent. Dans la ville d’Amed (Diyarbakır en turc), nous sommes allé.e.s à la rencontre d’une Académie de Femmes dans laquelle les femmes s’organisent pour lutter contre la violence masculine. Elles nous ont raconté comment elles organisent des actions collectives contre la violence conjugale exercée par les maris des femmes avec lesquelles elles travaillent. Elles organisent aussi des formations courtes pour l’empowerment des femmes au sein de leurs communautés. Des femmes du Rojava et du Bakur nous ont expliqué que leurs idées ne sont pas toujours acceptées par les hommes et que la lutte pour instaurer des changements est une lutte quotidienne.
Les mouvements pour le confédéralisme démocratique ont aussi réussi à libérer des espaces pour les idées anti-capitalistes. Les discussions organisées par les communes au Rojava ont une forte capacité à répandre de telles idées. La mise en place des coopératives est une des manières par lesquelles les gens peuvent participer à la création d’alternatives populaires. Selon l’économiste allemand Michel Knapp :
« Lorsqu’au Kurdistan Nord les communes ainsi que les coopératives travaillent sous l’emprise d’une répression féroce, c’est dans les territoires libérés du Rojava où il y a des efforts et des tentatives de créer une nouvelle forme d’économie indépendante des relations d’exploitation capitaliste et féodale. Et ce dans le contexte du drame de la guerre en Syrie : des milliers de personnes ont été tué.e.s et la moitié de la population se trouve sans maison.»
Knapp continue en citant Dr Dara Kurdaxi, économiste et membre du comité pour la renaissance économique et le développement du canton d’Efrin, Rojava :
« Nous avons besoin de nouveaux modèles pour les organisations ainsi que les institutions. Les modèles économiques collectifs, communaux, qu’on appelle aussi parfois des économies sociales. C’est la méthode qui nous sert de base, pour que l’économie du Rojava puisse être relancée et se développer. »
Le fait qu’il y ait l’espace et l’élan pour la mise en place de coopératives populaires au Rojava est largement dû au fait qu’il y existe un consensus assez large sur le fait que l’économie devrait être organisée sur des bases collectives. C’est en train de se mettre en place du bas vers le haut grâce à une variété de communes et d’organisations. Par exemple, dans le canton de Cizîrê plusieurs coopératives de femmes sont en train de voir le jour grâce à la Fondation des Femmes Libres du Rojava.
Nous avons beaucoup à apprendre de ces mouvements, la première étape vers une vraie solidarité est de s’éduquer, de se renseigner. Parmi les groupes que nous avons visité au Rojava, beaucoup ont exprimé l’envie qu’il y ait des gens de l’extérieur qui viennent pour apprendre sur leurs mouvements. C’est en créant des liens de plus en plus forts avec les militant.e.s luttant au premier niveau du confédéralisme démocratique -par exemple dans les communes, les coopératives et les organisations de femmes- qu’on pourra élargir notre compréhension et commencer à forger une véritable solidarité tout en y prenant des idées et de l’inspiration pour nos luttes à nous.
Source : Democratic confederalism in Kurdistan
https://corporatewatch.org/news/2016/ap ... -kurdistan Traduction : Merhaba Hevalno
http://www.kedistan.net/category/editio ... a-hevalno/