Mercredi 16 novembre 2016 à 19h30
Atelier-discussion autour du livre « L'ennemi intérieur »
généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire de Mathieu Rigouste
avec l'association Survie
L'ennemi intérieur, notion développée pendant les guerres coloniales, au centre du développement de la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire, justifie la mise en place d'un arsenal sécuritaire. Alors que cette doctrine est censée avoir été mise de côté, Mathieu Rigouste montre la construction d'un nouvel ordre sécuritaire à partir des racines coloniales de la contre-subversion et de l'idéologie identitaire.
La soirée consistera en un arpentage à travers la lecture d'extraits du livre que chacun-e se répartira puis d'un retour en collectif où nous partagerons ce que nous aurons appris et les réflexions que nos lectures nous aurons inspiré.
L'ennemi intérieur
La France des années 2000, comme de nombreux pays, a vu se confirmer un modèle de contrôle censé protéger la population contre la prolifération, en son sein, de « nouvelles menaces » : islamisme, terrorisme, immigration clandestine, incivilités, violences urbaines... Et pour justifier cet arsenal sécuritaire, un principe s'est imposé : désigner l'« ennemi intérieur ». Cette notion évoque la guerre froide, quand cet ennemi était le communisme. Et surtout les guerres coloniales d'Indochine et d'Algérie, quand l'armée française a conçu la « doctrine de la guerre révolutionnaire », afin d'éradiquer au prix des pires méthodes la « gangrène subversive pourrissant le corps national ».
Si cette doctrine a été évacuée officiellement depuis lors par l'État, certains de ses éléments clés auraient-ils contribué à façonner cette grille de lecture sécuritaire qui présente les populations immigrées issues de la colonisation comme les vecteurs intérieurs d'une menace globale ? C'est ce que montre Mathieu Rigouste dans ce livre rigoureusement documenté, en s'appuyant notamment sur un corpus d'archives conservées à l'École militaire. Retraçant l'évolution des représentations de l'ennemi intérieur dans la pensée d'État depuis les années 1960, il révèle l'effrayante évolution du contrôle intérieur, de ses dimensions médiatiques et économiques, ainsi que la fonction de l'idéologie identitaire dans la mise en œuvre du nouvel ordre sécuritaire.
Jeudi 17 novembre 2016 à 19h
Rencontre « Boulots de merde ! »avec Olivier Cyran et Julien Brygo
Les boulots de merde courent les rues. Aussi, c'est un vaste programme que se sont fixés Olivier Cyran et Julien Brygo, enquêter pour en dresser l'inventaire et les contours, toujours grandissants par le concours de nos gouvernements successifs.
Les luttes contre la loi « Travaille » ont permis à nombre de gens d'exprimer publiquement leur ras-le-bol des féroces conditions d'exploitation qui leur sont faites au quotidien, sur le lieu de travail.
Mais Brygo et Cyran voient plus large encore. S'il est un boulot de merde, qui combine travail inutile et nuisance social, c'est bien celui de trader.
Leur seul regret suite à cette exploration, « que ce livre ne soit pas assez lourd pour servir de pavé dans la figure de ce monde-là ».
Boulots de merde !
Du cireur au trader, enquête sur l'utilité et la nuisance sociales des métiers
Julien Brygo, Olivier Cyran
Pas un jour sans que vous entendiez quelqu'un soupirer : je fais un boulot de merde. Pas un jour peut-être sans que vous le pensiez vous-même. Ces boulots-là sont partout, dans nos emplois abrutissants ou dépourvus de sens, dans notre servitude et notre isolement, dans nos fiches de paie squelettiques et nos fins de mois embourbées. Ils se propagent à l'ensemble du monde du travail, nourris par la dégradation des métiers socialement utiles comme par la survalorisation des professions parasitaires ou néfastes.
Comment définir le boulot de merde à l'heure de la prolifération des contrats précaires, des tâches serviles au service des plus riches et des techniques managériales d'essorage de la main-d'œuvre ? Pourquoi l'expression paraît-elle appropriée pour désigner la corvée de l'agent de nettoyage ou du livreur de nans au fromage, mais pas celle du conseiller fiscal ou du haut fonctionnaire attelé au démantèlement du code du travail ?
Pour tenter de répondre à ces questions, deux journalistes eux-mêmes précaires ont mené l'enquête pendant plusieurs années. Du cireur de chaussures au gestionnaire de patrimoine, du distributeur de prospectus au « personal shopper » qui accompagne des clientes dans leurs emplettes de luxe, de l'infirmière asphyxiée par le « Lean management » au journaliste boursier qui récite les cours du CAC 40, les rencontres et les situations qu'ils rapportent de leur exploration dessinent un territoire ravagé, en proie à une violence sociale féroce, qui paraît s'enfoncer chaque jour un peu plus dans sa propre absurdité. Jusqu'à quand ?