Le QSP suspend ses parutions / Le corps d’Elvis Akpa rapatrié au Nigéria
Le QSP suspend ses parutions
Le Quotidien des sans-papiers a publié 30 numéros, et décide de suspendre ses parutions régulières,
pour concentrer ses efforts sur son site sanspapiers.info, et sur le travail d’information audio-visuelle
commencé par la Télé des sans-papiers qui se prolonge dans le cadre de Télé-liberté.
Rappelons que le Quotidien des sans-papiers
est né à l’été 2007, pour briser l’isolement dont étaient victimes les
sans-papiers de Lille, organisés dans le CSP59, qui étaient alors en
grève de la faim et livraient une bataille héroïque contre le nouveau
régime à peine mis en place. Nous aurons ensuite assuré des parutions
très régulières – y compris quotidiennes dans un premier temps – pour
refléter autant que faire se pouvait le mouvement multiforme qui, de
RESF à l’ensemble des collectifs de sans-papiers, s’exprimait avec
force un peu partout sans que les canaux traditionnels d’information
remplissent toujours leur fonction. En cours de route nous aurons pu
voir par moments « le quotidien des sans-papiers »
repris par l’ensemble des médias, ce qui n’était jamais pleinement
satisfaisant, mais aura marqué une évolution dont on pouvait parfois se
féliciter – ou s’amuser.
Nous décidons de cet arrêt pour de multiples raisons,
mais d’abord en hommage à Elvis Akpa, sans-papiers nigérian, mort en
tombant du septième étage, 97 boulevard de la Villette, à Paris, alors
qu’il tentait d’échapper à la police, le 1er octobre 2008. Nous avons
publié cette information, après une enquête sur les circonstances de
cette mort, sous le titre Silence, on tombe, dans notre dernier numéro.
Cette information, reprise par nombreux sites et blogs sur internet,
n’aura pas donné lieu à la moindre mobilisation. Et le scandale que
nous avons pu révéler du faux acte de décès produit par
l’administration n’aura pas plus suscité de réactions.
Ainsi un sans-papiers peut mourir dans une véritable
indifférence. Et, malgré nos efforts, nous ne serons pas parvenus à
ébrécher cette chape de plomb. Nous ressentons à l’instant d’avoir à
décider d’un éventuel numéro suivant qu’il y aurait comme de
l’indécence à continuer à parler d’autres choses, comme si cette mort
était un incident parmi d’autres, comme si le temps du deuil n’existait
pas.
Au delà de son travail d’information, le Quotidien des sans-papiers
s’était engagé à rassembler les collectifs de sans-papiers de régions
parisienne dans le cadre de « réunions autonomes de collectifs de sans-papiers »
qui se sont tenues pendant plusieurs mois tout-au-long de l’été et
jusqu’à la rentrée. Nous aurons réussi a réunir suffisamment de
collectifs – en particulier ceux rassemblés sous l’enseigne d’ALIF et
ceux de la CSP 75 occupant la Bourse du travail – pour que cette année
le douzième anniversaire de Saint-Bernard donne lieu à une
manifestation unitaire, le 23 août, dont les participants auront pu
considérer que c’était un succès. Ce succès se mesurait surtout au fait
que les collectifs de sans-papiers avaient dû s’organiser par
eux-mêmes, et qu’une telle manifestation avait pu se dérouler sans le
renfort des traditionnelles organisations de soutien.
C’est dans ce vide de l’information comme de l’action militante,
que le Quotidien des sans-papiers
a pu se retrouver investi de telles responsabilités comme d’organiser
ces rencontres – ou de diffuser « en exclusivité » des informations
aussi graves que la mort d’Elvis Akpa.
Quant à ces « réunions autonomes », elles auront
finalement échoué, face à ce qui sera apparu comme la volonté d’une
partie du mouvement de dicter aux autres la marche à suivre. À ce
propos, vient de paraître le numéro 8 du Journal de la Bourse du travail occupée,
jusque-là présenté comme une édition spéciale du Quotidien des sans-papiers.
La volonté de mettre en avant la question syndicale, sur laquelle ce
journal revient depuis deux numéros, n’aura pas été pour rien dans la
dissolution des réunions autonomes de collectifs que nous animions.
Nous ne pouvons néanmoins que souhaiter bonne route au Journal de la Bourse du travail occupée.
Et que cette question syndicale aussi fasse son chemin. C’était notre
analyse depuis cet été, dans le cadre d’une réflexion engagée avec
quelques « électrons libres », que le mouvement des sans-papiers
pourrait gagner à dépasser la forme d’organisation en « collectifs »
qui est la sienne depuis Saint-Bernard, pour fonder une organisation
plus large dédiée à la défense des intérêts des sans-papiers sous leurs
divers aspects. Il est probable qu’une telle entreprise, pour avoir une
chance d’aboutir, nécessiterait un minimum de réflexion sur les
questions importantes de la démocratie dans le mouvement des
sans-papiers.
Quoi qu’il en soit quant à la pertinence de cette
analyse de l’opportunité d’une organisation transversale des collectifs
de sans-papiers, nous pensons qu’il est plus qu’inutile, inopportun
aujourd’hui, de perdre de l’énergie dans de vaines polémiques, où l’on
manque parfois singulièrement d’humour ou de distance, et qui ne
servent en rien l’intérêt général de la cause des sans-papiers – ni
leur union.
Simultanément, nous nous félicitons aussi de
l’initiative de 9ème collectif de sans-papiers de vouloir faire aussi
un journal – dont on attend incessamment la parution. Rappelons que le Quotidien des sans-papiers
est né au sein du 9ème collectif – que nous incitions alors à faire son
journal. Souhaitons à celui-ci tout le succès qu’il mérite.
Le Quotidien des sans-papiers se réserve la possibilité de reparaître sous
forme papier à toute occasion, au gré des circonstances.
Le Quotidien des sans-papiers
prévoit aussi l’édition de ses trente numéros sous forme d’un volume –
que nous espérons bientôt disponible. Nous pensons utile de rassembler
ce matériau qui constitue un reflet, bien souvent effrayant de la
politique indigne mise en place en France depuis maintenant plusieurs
décennies, et qui aura atteint sous l’actuel gouvernement un degré
d’ignominie jamais encore atteint.
Nous appelons les lecteurs à contribuer, aussi souvent qu’ils le pourront,
au site sanspapiers.info,
en nous faisant parvenir leurs informations aussi bien que leurs points
de vue. Vous êtes aussi invités à envoyer vos films ou vos reportages
audios, pour la télé ou la radio des sans-papiers. Nous entendons nous
organiser afin que le travail d’information ainsi assuré, aussi bien
par écrit que sous forme audio-visuelle, puisse fonctionner aussi bien
que possible et assurer ce que nous considérons comme un service
nécessaire.
Plus que jamais, nous sommes convaincus de l’importance
qu’il y a à donner la parole aux sans-papiers eux-mêmes, pour qu’ils
puissent dire ce qui leur arrive, pour qu’ils puissent faire entendre
leurs revendications, et pour dénoncer l’ordre xénophobe qui les
opprime.
Il n’est pas inutile de rappeler ici notre point de vue
de fond : bien sûr, la question des sans-papiers est celle des
« autres », de ceux qui arrivent dans ce pays et y sont si souvent si
mal reçus. Mais le racisme, la xénophobie, la violence de l’État comme
la lâcheté de la société face à cette violence, sont des problèmes qui
dépassent l’ensemble de questions particulières qu’ils soulèvent, et
concernent, bien au-delà des « autres », tous et tout-un-chacun. Et
aussi déplacé que cela puisse sembler, il nous semble urgent de
continuer à militer pour faire accéder la conscience collective à cette
étrange vérité : nous sommes tous des sans-papiers.
QSP
http://sanspapiers.info **********
Le corps d’Elvis Akpa rapatrié au Nigéria
Le corps d’Elvis Akpa, défenestré le 1er octobre, et depuis ce jour
conservé à la morgue, aura finalement été rapatrié au Nigéria, il y a
une dizaine de jours. La mairie du Xème arrondissements aura payé la
moitié des frais de ce rapatriement – éventuellement pour se faire
pardonner le faux acte de décès qu’elle avait produit le concernant
[ Cf. Silence on tombe, QSP n°30 ]...
Le QSP est allé faire un saut cette semaine chez Huguette Ahouavoeke, la
veuve d’Elvis Akpa, ce Nigérian sans-papiers qui s’est défenestré le
1er octobre à l’arrivée de la police chez lui à 6h du matin [ cf QSP n°30 ].
Même si Huguette va mieux aujourd’hui, elle est encore
traumatisée par cette mort si brutale. La présence de ses quatre
enfants lui permet de tenir vaille que vaille. Elle a le projet de
mettre sa dernière-née en crèche pour recommencer à travailler. Les
trois enfants plus grands sont encore sous le choc, ils voient un
psychologue d’un centre du quartier mais n’arrivent pas encore à parler
de l’événement.
Huguette nous a demandé de remercier chaleureusement
les six ou sept lecteurs du QSP qui lui ont envoyé un chèque de
solidarité. Joints à ceux des parents d’élèves et gens du quartier qui
ont été marqués par son histoire, elle a pu enfin faire rapatrier le
corps de son mari au Nigéria il y a une dizaine de jours. La mairie du
Xe arrondissement l’a soutenue en payant la moitié des frais de
rapatriement (quasiment 6000 euros). Ne plus se préoccuper de savoir le
corps de son mari en attente à la morgue l’a beaucoup soulagée.
Si elle est touchée de la réaction des simples citoyens
et du milieu scolaire qui s’inquiètent d’elle et des enfants,
l’amertume de l’accusation de trafic de drogue demeure. Toute à sa
peine, elle n’a pas un mot de colère contre les associations qui sont
restées singulièrement muettes sur cette mort suspecte.
Quand à l’enquête de l’IGPN sur les circonstances du décès, elle est
toujours en cours...
QSP
http://sanspapiers.info