Kzimir a écrit:Quelqu'un pourrait faire une petite définition du "substitutisme" ? Ça m'intéresse mais je connais mal la notion ...
Patriarcat
Le patriarcat est un système social qui repose sur l’oppression des femmes au profit des hommes. Ce système a des impacts sur pratiquement toutes les facettes de nos vies : l’inégalité des rôles sociaux et des salaires attribués aux femmes et aux hommes, l’exclusion des femmes des hautes sphères politiques, l’imposition d’une langue sexiste, la valorisation des attitudes machos, la plus ou moins acceptation sociale du viol...
On connaît mal l’origine du patriarcat, mais on peut imaginer que l’enfantement est à la base de la division sexuée du travail et que les fondements politiques du patriarcat découlent de cette division.
Si le patriarcat se perpétue encore aujourd’hui, alors que le fait de pouvoir avoir des enfants n’égale plus forcément être confinée à la sphère familiale, c’est grâce à la socialisation sexuée des garçons et des filles. Les comportements et les rôles sociaux liés aux genres ne sont ni librement choisis ni imposés par les gènes ou par des dieux : ils sont reproduits à travers les générations par les institutions sociales, politiques et économiques, comme les écoles, les partis politiques et les corporations.
La réaction d’auto-défense des femmes face à cette oppression patriarcale, et face à sa réalisation idéologique, le partiarcalisme, a donné naissance au féminisme. Les féministes ont entrepris de combattre l’oppression des femmes partout où elle se trouve en développant des outils théoriques et pratiques qui permettent de reconstruire de nouvelles manières de vivre égalitaires. Le suffrage universel, l’accès aux postes de pouvoir, la modifications de lois sexistes sont des exemples historiques des changements importants que les féministes ont réussi à apporter à nos sociétés construites sur le cadre patriarcal.
Même si en théorie l’anarchisme, ennemi de tous les autoritarismes, est complètement compatible avec le féminisme, en pratique, les anarchistes sont eux et elles aussi socialisé-e-s à la manière patriarcale et reproduisent de manière consciente ou non les comportements patriarcaux.
Le patriarcat a survécu longtemps sans le capitalisme et pourrait encore le faire à l’avenir. Afin que nos formes d’organisation, nos revendications et nos tactiques soit adaptées aux conditions de l’ensemble des exploité-e-s, il est donc nécessaire de reconnaître l’existence de l’oppression spécifique des femmes puis d’intégrer des modes de fonctionnement anti-patriarcaux dans nos mouvements. Un mouvement révolutionnaire entaché par une culture sexiste, même s’il se voulait anti-capitaliste, aurait peu de chance de contribuer à la construction d’une société réellement égalitaire.
« J » comme Justice
Pour les anarchistes, l’appareil judiciaire (tribunaux, prisons) fait partie, avec la police et l’armée, des institutions répressives de l’état qui ont pour missions fondamentales le contrôle social et la protection de la propriété privée. Il s'assure que continuent l’exploitation économique et les inégalités sociales en réprimant ceux et celles qui les combattent.
En général, les prisons entassent surtout des pauvres et des marginaux. Les juges appliquent pour ceux-ci des règles qu'ils ne sauraient appliquer à tous : le propriétaire d'un commerce peut voler le travail de ses employéEs sans limite, mais lorsque ceux-ci décident de se réapproprier une partie de son capital, ils sont accuséEs et condamnéEs. L'inégalité est source de tension et le système judiciaire, en empêchant de résoudre cette tension, est lui-même responsable des comportements qu'il réprime.
Il arrive parfois qu'une police secourt une victime, qu'un juge tranche en faveur d'une personne en besoin : assurer la sécurité physique de la population ne menace pas les schèmes d'exploitation liés au salariat et à la propriété privée des moyens de production.
Il est bien évident que même dans une société plus égalitaire, les conflits d’intérêts, les déviances et les litiges entre individus ou organismes subsisteraient. Mais les anarchistes estiment que le nombre de conflits sera infiniment moins important lorsque les tensions, frustrations et injustices liées directement à l’exploitation de l’humain par l’humain disparaîtront avec celle-ci.
Il restera alors bien des raisons de se disputer... comment envisager une gestion des conflits sans retomber dans un système répressif inacceptable? D’abord, les règles communes, indispensables dans toute société, devront être élaborées collectivement et rediscutées autant que nécessaire, dans le souci d’être le mieux adaptées possible aux besoins et à l’éthique. Ces règles feront partie du contrat social que chaque individu pourra refuser... en se privant également de tous les services collectifs qui l'accompagnent. Par exemple, la nécessité d’une contribution aux tâches collectives (travail) ne peut être refusée qu’en renonçant à l’accès aux biens, services et ressources collectifs qu’elles fournissent.
Comme pour la police ou l’armée, il est dangereux (et incompatible avec la rotation des tâches) d’instaurer une caste judiciaire chargée de régler les différends. Les personnes chargées de régler les conflits pourraient être élues pour une durée déterminée par secteur géographique ou professionnel, avec des clauses de contrôle et de révocabilité, assurant qu'elles rendent compte de leurs décisions et les justifient. La procédure judiciaire, une fois établis les faits de la façon la plus objective possible (en tenant compte des points de vue contradictoires), au lieu de chercher d’abord la sanction, devrait s’efforcer, lors de réunions de conciliation, de trouver les voies d’une réparation, qui permette à la fois à la « victime » d’être indemnisée, d’obtenir réparation matérielle ou morale du préjudice causé, et au « coupable » de sortir de cette situation de marginalisation, de rupture sociale pour reprendre une place digne, de se reconstruire un espace social. En ce sens, la prison, même si elle ne consistait qu’en la privation de liberté (ce qui est loin d’être le cas) ne peut pas être une réponse constructive puisqu’elle n’est qu’une punition (et la victime, sauf si elle est sadique, ne peut s’en satisfaire) et qu’à de rares exceptions près elle a tendance à aggraver pour la personne détenue, sa famille et ses proches, les ruptures avec la société et accroît ses difficultés économiques et relationnelles. Dans la façon de rendre la justice aujourd’hui, ce qui se rapproche le plus d’une possible décision de justice en société anarchiste, ce sont les « travaux communautaires ». Les dégâts matériels peuvent assez souvent trouver une équivalence de dédommagement, la difficulté vient des préjudices moraux, qu’on ne saurait compenser par une somme d’argent (que l’on espère aboli!) ou quelque forme de torture que ce soit de la personne condamnée. L’essentiel du travail de la justice sera un questionnement psychosocial des protagonistes et de leur environnement pour ouvrir les pistes, dans le dialogue (y compris vif, vengeur ou affectif), sinon à une réconciliation au moins à la possibilité de cohabiter à nouveau librement et sans heurts. Même dans les cas de troubles mentaux, l’enfermement n’est pas une thérapie et doit rester une étape de courte durée.
Remettre en cause le bien-fondé de l’incarcération est réellement subversif : un pas de plus, et c’est la prison dans nos têtes qui saute. Et ça, aucun gouvernement ne souhaite que nous y parvenions.
JUSTICE
Jus était, à l'origine, un mot dont le sens était d'ordre religieux. Etendu, puis restreint à un sens. d'ordre laïque, jus a donné justus, justicià, puis par composition avec le grec : judicare et jueda. Dans le premier sens, il traduit la philosophie morale de ce qui est juste. Dans le second, il désigne l'action de dire le droit. C'est ainsi qu'un même mot peut définir deux domaines fort différents, voire souvent antagonistes. D'évidence, les tribunaux de justice n'ont rien de commun avec la justice morale. Les lois, élaborées par quelques-uns, n'ont qu'un seul souci : perpétuer le droit des pouvoirs économique et politique et la division de la société en classes. Par opposition à tout cela, l'idée-force philosophique, sociologique et morale de justice est essentielle à tout projet global cohérent de société fondé sur la liberté. La justice est une réalité et un idéal, rendant toutes les conditions équivalentes et solidaires. Il en résulte donc l'égalité devant la justice qui, affranchie de tout intérêt personnel et de toute considération divine, devient un idéal qui s'étend sans cesse. Pour mieux saisir le sens de cette définition, il n'est besoin que de ôter OEfle faiæ par P.]. Proudhon*, qui contient tous les grands thèmes de la morale anarchiste. " L'homme, en vertu de la raison dont il est doué, a la faculté de sentir sa dignité dans la personne de son semblable comme dans sa propre personne, et d'aHirmer, sous ce rapport, son identité avec lui. " La justice est le produit de cette faculté : c'est le respect, spontanément éprouvé et réciproquement garanti, de la dignité humaine, en quelque personne et dans quelque circonstance qu'elle se trouve compromise et à quelque risque que nous expose sa défense. " Le respect est au plus bas degré chez le barbare qui y supplée par la religion ; il se fortifie et se développe chez le civilisé, qui pratique la justice pour elle-même, et s'affranchit incessamment de tout intérêt personnel et de toute considération divine. . . " " Le " droit " est pour chacun la faculté d'exiger des autres le respect de la dignité humaine dam sa personne ; le " devoir ", l'obligation pour chacun de respecter cette dignité en autri. " Au fond, droit et devoir sont termes identiques, puisqu'ils sont toujours l'expression du respect, eK1#1ble ou dû ; exigible parce qu'ù est dû ; dû parce qu'il est exigible. Ils ne différent que par le sujet, moi ou toi, en qui la dignité est compromise. " [Cette définition] énonce un fait, à savoir que s'il n'y a pas toujours et nécessairement communauté d'intérêts entre les hommes, il y a toujours et essentiellement solidarité de dignité, chose supérieure à l'intérêt. " Elle est pure de tout élément mystique, physiologique. A la place de la religion des dieux, c'est le respect de l'humanité ; au lieu d'une affection animale, d'une sorte de magnétisme organique, le sentiment exalté que la raison a d'elle-même... " * P.-J. Proudhon : De la justice dans la Révolution et dans l'Eglise.
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