Merci pour ces réponses qui m'apportent beaucoup d'éléments de réflexion et d'information (je suis chômeuse de longue durée mais qu'auparavant j'exerçais un métier qui ne me permettait pas de me syndiquer, je n'ai donc pas d'expérience "directe" dans ce domaine).
Tout d'abord quelques précisions au sujet du piquet de grève de la TIRU:
- Les employés de la TIRU ne faisaient pas grève, ils allaient au travail, mais du fait du piquet de grève l'activité de l'usine était très ralentie, quasi nulle (les camions d'ordures ne pouvant pas y accéder). Ce que les autorités avaient déclaré dangereux (soi disant risques d'explosion des camions...).
Pourtant, je repose la question à laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse: vu le faible nombre de grévistes sur le piquet il aurait été très facile de le faire dégager, surtout en prétextant une dangerosité... Pourquoi alors le gouvernement a-t-il laissé faire?
- Je ne sais pas pourquoi les employés de la TIRU ne participaient pas à ce piquet, en tout cas il était clair que les délégués présents sur ce piquet n'essayaient pas de les convaincre de les rejoindre, bien au contraire. Ordre de leur propre syndicat? Tentation de faire la "grève par procuration" - regrettable, mais compréhensible quand on est payé au lance-pierre et qu'on a un loyer à payer... D'autant que les délégués syndicaux parisiens (du secteur nettoyage, donc) s'étaient bien gardés de dire, aux employés de la TIRU comme aux soutiens syndiqués ou non, que leurs revendications ne concernaient pas du tout les employés de la TIRU, encore moins le mouvement des retraites en général...
- Les copains du groupe et moi ne sommes pas des romantiques, nous ne sommes pas arrivés bille en tête avec des revendications révolutionnaires (je l'ai dit, une copine de la CNT vignolles, militante syndicale et anarchiste très active, a préféré caché son appartenance à un syndicat qui aurait pu être jugé trop radical...). Parmi nous il y a un mécanicien RATP syndiqué à la CGT (envers laquelle il est de plus en plus critique, non parce qu'elle n'est pas révolutionnaire, mais parce qu'elle empêche les luttes, même sur les bases revendicatives les plus "quotidiennes", alors que dire en cas de mouvement social!), qui a passé avec nous des nuits entières sur le piquet, discutant avec les uns et les autres, et pas anarchie ou révolution mais stratégie de luttes, conditions de travail, etc. Un autre copain est mécanicien mais à SUD RAIL. En grève sur son lieu de travail, il a proposé aux délégués (CGT) de tenter de joindre les luttes et n'a obtenu qu'une réponse évasive.
Pourtant je ne crois pas que la raison ait été une rivalité entre syndicats, car étaient présents sur ce piquet de grève d'autres syndiqués (pas délégués) à SUD, dans l'éducation notamment, et venus de leur propre initiatives. Mais eux aussi ont été surpris de la conclusion de l'histoire...
Au delà de cette expérience, je me pose des questions sur le rôle que peuvent jouer des chômeurs, précaires, ou employés dans des secteurs où la grève n'a guère d'incidence.
Pas question pour autant de faire "la grève par procuration". Donc il ne nous reste, pour agir, pas 36 solutions:
- Sabotage,
- Propagande (et cela au groupe nous le faisons de notre mieux, tractages (même tôt!), collages d'affiches, invitation de travailleurs et travailleuses sur Radio libertaire ou dans des débats publics...
- Enfin, participer, aider de notre mieux les luttes menées par des travailleurs et travailleuses, surtout quand elles semblent "déborder" le cadre des luttes "autorisées" (comme nous pensions que c'était le cas sur le piquet de grève de la TIRU).
Le hic c'est que, comme le souligne Peter Vener, rares sont les luttes qui font appel à des soutiens extérieurs. D'où notre empressement à sauter sur l'occasion quand enfin elle se présente, pour la TIRU mais aussi les luttes de sans papiers.
Nous avons participé à plusieurs luttes de sans papiers, dont une (celle des employés de la SENI) qui était aussi une lutte de travailleurs.
http://fa-ivry.forlogaj.tk/article28/sans-papiers-en-lutte-de-la-seni-a-bastille(Deux employés de la SENI invités dans notre émission).
Carrément, un délégué CGT extérieur à l'entreprise leur a dit qu'ils ne devaient pas aller dans le bureau des patrons pour négocier, "il faut des années de pratique syndicale pour supporter ça". Pour parler aux journalistes, même chose, "ils ne sauraient pas".
Lors d'un débat organisé par la CGT, un homme de la LDH déclare que "si les gens ont des questions à poser sur la lutte, ils peuvent s'adresser à lui", devant les grévistes à qui on n'avait pas donné la parole! donc ma première question a été de demander aux grévistes de parler eux mêmes de leur lutte, ce qu'ils se sont empressés de faire avec brio, et je ne sais pas s'il y a eu un rapport de cause à effet (je l'espère...) mais quand on les a revus la fois suivante c'était un gréviste (et non un délégué CGT extérieur à l'entreprise) qui s'est présenté comme porte-parole... voilà, c'est pas grand chose, mais que faire de mieux quand on est chômeuse?
Évidemment, vous me direz que "ça dépend des lieux, des gens, bref du cas par cas").
Cependant il n'est pas si facile de contrer les stratégies bureaucratiques. Combien de syndiqués (à la SNCF en particulier) témoignent de leur ras-le-bol des ordres de faire la grève une journée par ci par là, sans même en comprendre la raison? "A vous dégouter de la lutte"...
(La manière dont la CGT a clos la lutte des 6000 nous a également choqués.)
http://fa-ivry.forlogaj.tk/article65/sans-papiers-a-la-cite-de-l-immigration)
Je n'ai évidemment pas de leçons à donner et je ne sais pas ce que je ferais si je pouvais travailler dans un domaine qui permette de se syndiquer.
C'est pourquoi je trouve intéressantes les expériences d'auto organisation, car il semble que trop souvent les travailleurs doivent lutter quasi autant contre les directions syndicales que contre patrons et gouvernement.
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