http://alternativelibertaire.org/?Lire- ... etot-L-ABCLire : Georges Yvetot, « L’ABC syndicaliste »
Cette mince brochure avait contribué à former une génération de militantes et de militants syndicalistes révolutionnaires au début du XXe siècle. Permanentat, modes d’actions, structuration du syndicat... Autant de questions qui sont loin d’être obsolètes, cent dix ans plus tard. Cela méritait bien une réédition !
Écrite en 1906 par Georges Yvetot, un des responsables de la CGT, cette brochure de formation vient de faire l’objet d’une réédition.
L’occasion de découvrir ce syndicaliste qui fut le champion du courant anarchiste au sein de la CGT, et dont la notice dans le dictionnaire Maitron des anarchistes précise que sa « spécialité », au sein de la confédération, était l’antimilitarisme et l’antipatriotisme [1].
Alors qu’on pourrait s’attendre à un texte daté, la majeure partie du propos reste d’une criante actualité. Comme le dit l’adage, « rien ne sert de réinventer l’eau chaude ». Bien que son objet soit de fournir les outils clefs en main pour créer un syndicat, ce n’est probablement pas la (courte) partie sur le dépôt des statuts qui retiendra l’attention du lecteur d’aujourd’hui. Le retour aux sources et fondements du syndicalisme est lui salutaire.
Lorsque Yvetot s’adresse à l’ouvrier réticent à se syndiquer on sourit en pensant à ces camarades qui pensent original de « vouloir conserver leur liberté » alors que l’argument semble déjà en vogue en 1906. La réflexion sur la constitution de caisses de grèves retiendra également l’attention tant leur alimentation prend parfois un rôle central dans les luttes.
Permanents, modes d’actions (boycott, sabotage, grèves partielles…), organisation du syndicat ou encore structuration par corporation ou industrie viennent compléter ce texte. Autant de questions qui continuent de faire l’objet de discussions.
Les camarades du groupe Salvador Segui de la FA qui éditent ce petit livre le font dans un objectif de formation et de compléter les formations syndicales, qu’ils jugent de qualité, délivrées par la CGT. C’est une préoccupation que partage tout militant révolutionnaire tant la formation est cruciale, autant pour garantir la démocratie réelle dans le syndicat que pour fournir à chacun les outils nécessaires à la lutte et l’émancipation. Finalement quand Le Monde écrit un article entier pour répondre à la question « À quoi sert un syndicat ? » il eut mieux fait de s’en référer à Yvetot qui synthétise parfaitement la réponse : le syndicat c’est le regroupement des ouvriers pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. Le syndicat tend à la suppression du patronat et du salariat.
Ce petit livre auquel est adjoint un texte plus connu, Le Sabotage, d’Émile Pouget (rapport voté par le congrès confédéral CGT de 1897) est à mettre entre toutes les mains, comme le permettent son petit format pratique et son prix abordable.
Aurélien (AL Paris Sud)
[1] Un portrait lui est consacré dans Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, Montreuil, 2014.
http://www.autrefutur.net/Burnett-Bolloten-La-Guerre-dBurnett Bolloten, La Guerre d’Espagne, révolution et contre-révolution (1934-1939).
Pourquoi ne pas aller passer ses vacances en Espagne ? C’est un beau pays, pittoresque, on y mange bien et le soleil change agréablement des brumes londoniennes. C’est probablement ce que s’est dit le jeune Burnett Bolloten, citoyen britannique et correspondant de l’agence de presse américaine AP. en juillet 1936.
Juillet 1936 ! Burnett Bolloten est de gauche, et sans être encarté nulle part, vaguement sympathisant du parti communiste. C’est un bon journaliste, habitué des enquêtes, des interviews. 17 juillet : Franco lance son coup d’Etat. La bourgeoisie républicaine, tétanisée, cherche à négocier, n’est pas loin de se rendre. Le mouvement ouvrier, CNT en tête, va en décider autrement. Et à la faveur de la résistance au coup d’Etat, va se développer la révolution sociale la plus radicale que le monde ait jamais connue.
Oubliées les vacances ! Burnett Bolloten multiplie les reportages, les entrevues avec des militants et des responsables de tout l’éventail politique et syndical républicain. Il n’est militant d’aucun parti, ce qui lui ouvre largement toutes les portes, d’autant qu’aussi bien la république que les révolutionnaires éprouvent le besoin de faire connaître à l’étranger la réalité de la situation espagnole.
Rapidement, Burnett Bolloten va se rendre compte que derrière l’unanimité de façade du gouvernement, des luttes sourdes agitent le camp républicain. Et surtout il se rend compte que le discours officiel, « il s’agit d’une lutte entre la démocratie et le fascisme, entre un gouvernement légal et des militaires factieux, » dissimule en fait une révolution sociale d’une ampleur encore inconnue.
Mais en même temps, une conspiration du silence s’organise autour de cette révolution tandis que toutes les forces politiques, y compris, hélas, la direction de la puissante CNT, vont tenter de l’étouffer.
Au premier rang de ces forces de la contre révolution, le Parti communiste d’Espagne, le PCE, et son appendice catalan, le Parti socialiste unifié de Catalogne, le PSUC.
Groupuscule sans guère d’influence en dehors de quelques villes (notamment Madrid et Séville) le PCE va agir comme l’instrument docile de la politique étrangère de l’URSS dont les intérêts de grande puissance ne coïncident nullement avec ceux de la révolution espagnole.
Inquiète de la montée en puissance du nazisme et dans une moindre mesure du fascisme italien, l’URSS cherche à constituer un front avec les démocraties occidentales, notamment la France et la Grande-Bretagne. L’URSS ne veut donc surtout pas apparaître comme une menace, comme l’hydre communiste menaçant les pays capitalistes, mais comme un rempart de la démocratie face à l’expansionnisme hitlérien. La révolution espagnole va lui fournir le meilleur prétexte pour prouver à la France et à la Grande-Bretagne qu’elle est seulement préoccupée par la défense de la légalité républicaine et démocratique et par la volonté de lutter contre la menace nazie. Mais dans le même temps, le parti communiste espagnol, force minuscule au départ, va rapidement viser l’hégémonie au sein du camp républicain tout en protestant de son indéfectible bonne foi démocratique.
C’est ce double, ce triple jeu que va découvrir Burnett Bolloten et qu’il passera sa vie à décrire avec une rigueur quasi chirurgicale. La première édition de ce livre, en anglais, portera d’ailleurs le nom de The Grand Camouflage. Plusieurs éditions tant en anglais que dans différentes langues, notamment le français et l’espagnol, verront le jour au cours des années, jusqu’à la dernière, parue en 1991, sous le titre de The Spanish Civil War. Revolution and Counterrevolution. C’est cette ultime version, dont les dernières épreuves ont été corrigées par Burnett Bollotten juste avant sa mort, qui est aujourd’hui parue aux éditions Agone, dans une excellente traduction due à Etienne Dobenesque, et dans une édition très soigneusement établie par Philippe Olivera et Thierry Discepolo.
Cette dernière version reprend avec des modifications considérables la traduction en français parue en 1977, avec cinq nouvelles parties totalement inédites. C’est dire que l’on a affaire à un ouvrage bien différent de celui qui passait déjà pour une véritable somme sur la guerre et la révolution espagnoles.
Aux côtés du classique de Pierre Broué et Emile Témine, la Révolution et la guerre d’Espagne, de l’Espagne libertaire de Gaston Leval, de l’Autogestion dans l’Espagne révolutionnaire de Frank Mintz, de Révolution et contre révolution en Catalogne de Carlos Semprun Maura, du Mouvement anarchiste en Espagne de César M. Lorenzo et de quelques autres, le livre de Burnett Bollotten (plus d’un millier de pages !) apparaît comme l’un des ouvrages majeurs sur la question.
Non qu’il soit au-dessus de toute critique et notre ami Frank Mintz a pointé quelques insuffisances dans ses appréciations du mouvement de collectivisation, notamment dans le domaine industriel : http://www.fondation-besnard.org/sp.... Pour autant, ces quelques réserves, justifiées, ne diminuent en rien l’intérêt majeur de cet ouvrage qui réside avant tout dans l’examen impitoyable des menées communistes aussi bien au sein des différents gouvernements qu’à l’arrière et sur les fronts.
On connaissait déjà, bien sûr, la façon dont un parti plutôt squelettique s’était gonflé comme une outre dans les quelques mois qui suivirent l’explosion révolutionnaire en se présentant avant tout comme un parti d’ordre et de discipline. Comment il avait rallié de larges fractions de la petite bourgeoisie, des fonctionnaires, de la police et de l’armée effrayées par l’ouragan révolutionnaire qui menaçait de les emporter. On savait comment ce parti qui manquait cruellement non seulement d’une base ouvrière mais aussi de cadres compétents, avait été cornaqué par les centaines de « conseillers » soviétiques qui l’avaient infiltré dans tous les rouages de l’appareil d’Etat et notamment dans l’armée. On connaissait le chantage aux armes pratiqué par l’URSS, ces armes payées par l’or de la banque d’Espagne commodément envoyé par bateau dans la « patrie des travailleurs. »
Il manquait pourtant la description minutieuse des manœuvres, complots et assassinats qui avaient fini par assurer au parti stalinien une place dominante au sein de l’appareil républicain. Pour ce faire, Burnett Bolloten s’appuie sur une documentation immense, le plus souvent de première main, même s’il n’ignore rien de l’imposante littérature sur le sujet. Il a été journaliste, il est devenu historien, manifestant dans l’un et l’autre domaine des qualités et une rigueur impressionnantes.
A la lecture de son ouvrage, on reste également confondu devant la pusillanimité et parfois la couardise non seulement du parti socialiste, manipulé ou écrasé quand certains de ses militants se rebiffaient, ce qui, au fond, n’est guère surprenant, mais surtout de la direction de la CNT, principale force révolutionnaire d’Espagne, qui, par antifascisme politicien, a laissé l’Etat républicain dominé par les communistes dépouiller lentement la révolution de toutes ses conquêtes, a laissé les staliniens assassiner ses militants sans réagir.
L’année 2016 verra le quatre-vingtième anniversaire du début de la révolution espagnole et l’on peut craindre les commémorations les plus affligeantes, depuis les universitaires, soulagés de pouvoir embaumer dans les draps du savoir historique l’insurrection qui partit à l’assaut du ciel, mais aussi des « anarchosyndicalistes » patentés, plus soucieux de revendiquer des étiquettes prestigieuses que d’agir aujourd’hui pour en finir avec le capital.
Pourtant, le plus bel hommage que nous pouvons rendre à nos camarades qui ont accompli ce qui reste à ce jour la révolution la plus radicale que le monde ait jamais connue, c’est bien de poursuivre leur combat pour l’émancipation du genre humain.
http://www.alternativelibertaire.org/?L ... cq-Nos-Neo
Impressionnant c’est sûrement le mot qui vient lorsque l’on a l’ouvrage de Jacques Leclercq entre les mains. Il l’est tout d’abord par sa taille conséquente (528 pages tout de même) mais aussi par le travail minutieux d’observation du microcosme de l’ultradroite de l’Hexagone dans ses plus infimes détails.
La période historique et le nombre d’organisations, groupes, groupuscules ou sectes est colossale. Il s’agit à la fois de la force et de la faiblesse de ce livre, l’exhaustivité est intéressante mais on se perd rapidement dans les sigles ou les noms de protagonistes.
De même, on peut parfois s’interroger sur l’espace consacré à certains microgroupuscules qui ne doivent pas compter plus de quinze membres alors que des mouvements plus importants sont à peine survolés (ce défaut est à relativiser puisque d’autres ouvrages de l’auteur sont consacrés justement à ces groupes).
Cependant, il est indéniable que l’étalement des débats qui vivent au sein de cette frange politique permet de sortir d’une vision simpliste que l’on pourrait avoir de ces groupes et des dynamiques qui les animent.
Ce serait une grave erreur politique de considérer qu’il n’y a pas de doctrine ou qu’ils se construisent sur une inconsistance théorique ou philosophique. Certes, ces groupes prolifèrent sur la faiblesse endémique du mouvement ouvrier actuel mais comme disait Korsch à propos du nazisme : « Le fasciste essaie d’accomplir à l’aide de nouvelles méthodes révolutionnaires, et sous une forme grandement différente, les tâches sociales et politiques que les partis et les syndicats réformistes avaient promis d’exécuter sans pouvoir y parvenir dans les conditions historiques données. » [1] Il s’agit donc d’une force qui possède une forme d’autonomie et un projet de société « alternatif » dans le cadre capitaliste. Leurs projets sont bien sûr exécrables à tous points de vue et lire leurs textes ne peut que nous conforter dans l’importance du combat antifasciste.
Cette importance doit justement nous obliger à comprendre leur logique pour mieux la combattre au lieu de tomber dans les anathèmes et les raccourcis faciles, en examinant de plus près les débats théoriques et les querelles de chapelle.
On comprend que l’extrême droite est loin de constituer un monolithe et pas uniquement pour une simple question d’ego de ses leaders. Un ouvrage qui s’adresse donc selon moi à tout ceux qui voudraient approfondir leurs connaissances de ces groupes mais qui est difficilement abordable pour des nouveaux venus qui risqueraient de se perdre dans le dédales de sigles, de noms et d’événements.
Sin Vincente (AL Bruxelles)
Jacques Leclercq, (Nos) Néo-nazis et ultras-droite, L’Harmattan, 2015, 528 pages, 49 euros.
[1] Korsch Karl, La Guerre et la Révolution, à consulter sur : https://bataillesocialiste.files.wordpr ... n-1941.pdf
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