Pédagogie et Révolution

Pédagogie et Révolution

Messagede barcelone 36 » 15 Fév 2012, 15:41

Pédagogie et Révolution
Grégory Chambat
Questions de classe et (re)lectures pédagogiques.



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http://editionslibertalia.com/Pedagogie ... ution.html

Grégory Chambat
PÉDAGOGIE ET RÉVOLUTION
Questions de classe et (re)lectures pédagogiques.

Cantonné à la seule question des moyens ou englué dans l’artificielle querelle opposant réac-publicains et pédagogistes, le débat autour de l’école est aujourd’hui dans l’impasse.

Proposer une relecture des « classiques » de la pédagogie et questionner leur actualité à la lumière des enjeux présents est une manière de réactiver cette inspiration révolutionnaire qui guidait les éducateurs d’hier. De Francisco Ferrer à Jacques Rancière, en passant par Célestin Freinet, Paulo Freire ou Ivan Illich, ce recueil de chroniques publiées dans la revue N’Autre école esquisse le bilan d’un siècle de pratiques et de luttes pour une éducation réellement émancipatrice.

Ce parcours pédagogique emprunte également des chemins oubliés ou plus inattendus : l’apport du syndicalisme révolutionnaire, de Fernand Pelloutier à Albert Thierry ou l’œuvre éducative de la révolution libertaire espagnole. Car, si la postérité a conservé la trace de quelques-unes des figures convoquées ici, elle ne doit pas nous faire oublier que le combat pour une école de la liberté et de l’égalité fut toujours une pratique collective et sociale. Dans le domaine de la pédagogie, comme dans celui de l’action militante, ceux qui savent de quoi ils parlent sont ceux qui font…

Montaigne l’affirmait : « Éduquer, ce n’est pas emplir un vase, c’est allumer un feu »… il est temps de souffler sur les braises !

L’AUTEUR
Enseignant depuis 1995, Grégory Chambat travaille avec des élèves non-francophones dans un collège de Mantes-la-Ville (78). Militant de la CNT-éducation, il participe au comité de rédaction de la revue N’Autre école. Il a publié Instruire pour révolter, Fernand Pelloutier et l’éducation, vers une pédagogie d’action directe et coordonné le livre d’entretiens École : une révolution nécessaire (éditions CNT).

SOMMAIRE
Introduction
Vers une pédagogie socialement critique…
Un mythe qui a la vie dure : l’école de Ferry selon Jean Foucambert
Aux sources du syndicalisme : ni curés, ni patrons, ni État
« Instruire pour révolter », Pelloutier ou la pédagogie d’action directe
Albert Thierry, l’homme en proie aux enfants
Francisco Ferrer : une école pour la Sociale ?
Espagne 1936 : l’école fait sa révolution
Korczak : l’autre insurrection de Varsovie
« Une société sans école ? » Ivan Illich
La pédagogie des opprimés de Paulo Freire
Bourdieu et l’école
Jacques Rancière : l’école ou la démocratie ?
Freinet... jusqu’où ?
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede Pïérô » 12 Oct 2012, 12:49

Le syndicat Sud éducation et la Librairie des Territoires organisent autour du livre de Gregory Chambat "Pédagogie et révolution" une rencontre apprenante :

Pour une autre école, pédagogie et révolution ?

Samedi 13 octobre 2012 à la Librairie-Tartinerie de Sarrant (32 Gers)


Grégory Chambat
Enseignant depuis 1995, Grégory Chambat travaille avec des élèves non-francophones dans un collège de Mantes-la-Ville (78). Militant de la CNT- éducation, il est l’auteur de Pédagogie et révolution aux éditions Libertalia.

La Librairie des Territoires
La Librairie des Territoires a développé le concept de « rencontre apprenante » dont les buts sont : – Utiliser comme outils de réflexion et de travail le livre, la lecture et l’échange – Construire ensemble une culture citoyenne autour d’une thématique qui repose sur un problème social, intellectuel, humain pour participer à une dynamique de décision et d’action territoriale – Proposer un programme de travail autour de thèmes qui en émergeront.n programme de travail autour de thèmes qui en émergeront.

Infos et programme précis
Sur la plaquette en téléchargement : programme, contacts, tarifs, plan... :
http://agora32.fr/IMG/pdf/Rencontre-apprenante.pdf


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Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 09 Déc 2012, 01:19

L’alternative pédagogique, entretien avec Grégory Chambat

Entretien avec Grégory Chambat : L’alternative pédagogique

Précipiter la révolution au sein des syndicats en subvertissant l’institution de l’intérieur par une « pédagogie d’action directe », tel est le programme des instituteurs révolutionnaires, dont Célestin Freinet. Hélas, la révolution tarde à se réaliser… Alors, quand certains doutent et renoncent, d’autres cherchent à renouveler les perspectives…Dernier volet de l’entretien avec Gregory Chambat, auteur de Pédagogie et Révolution (2011)

Grégory Chambat : Aux espérances du début du XXe siècle succèdent les déceptions. Le Front populaire marque un tournant dans la contestation syndicale et pédagogique de l’école et en révèle les ambigüités. Tandis qu’en Espagne, la révolution expérimente à grande échelle les principes d’une pédagogie libertaire, le gouvernement français est incapable de mener à bien une transformation radicale de l’école. Freinet s’en désole, lui qui avait appelé à la constitution d’un « Front de l’enfance » [1].

A l’offensive réactionnaire de Vichy pour transformer le système scolaire en instrument de rééducation, répond à la Libération le plan Langevin-Wallon, qui malgré ses ambitions, témoigne des impasses d’une réforme éducative « par le haut ». Au triomphe de l’État éducateur s’ajoute l’intégration d’un mouvement syndical enseignant qui se résout à l’autonomie au sein de la Fen (Fédération de l’Éducation nationale) au prix d’un éloignement avec le monde ouvrier. La période voit l’école de Ferry s’effacer – non dans l’imaginaire collectif mais dans les faits – avec la fin du certificat d’étude et l’avènement du collège unique, massification plus que réelle démocratisation de l’école, comme le montrera Bourdieu. Entre nostalgie élitiste et fuite en avant libérale, l’école se cherche un nouveau modèle…

AL : Justement, comment les défenseurs d’une éducation émancipatrice vont-ils combattre ces nouvelles conditions ?

Depuis la Libération, le courant pédagogique se heurte aux nouvelles conditions sociales : c’est en région parisienne, à l’ombre des bidonvilles et des tours HLM, dans les « écoles casernes », que la rupture s’établit entre le mouvement Freinet et la pédagogie institutionnelle pourtant issue de ses rangs, qui lui reproche de ne pas mettre assez fondamentalement en question l’institution. S’appuyant sur les acquis de la psychanalyse ou de l’autogestion politique, elle veut renouer avec le projet émancipateur d’une pédagogie socialement engagée. Conseil de coopération, journal de pratiques, organisation autogérée de la classe… visent à une remise en cause globale de la société et de son fonctionnement, préfigurant et accompagnant l’explosion de 68. Mais son reflux, l’influence d’un marxisme grossier renvoyant les questions pédagogiques aux calendes révolutionnaires, les micro-expérimentations d’inspiration communautaire, ne permettent pas d’ébranler les bases de l’édifice scolaire.

D’une certaine manière, c’est la réactualisation du débat syndical des débuts du XXe siècle. D’où contester le plus efficacement : dans ou en-dehors de l’institution ?

Le débat est récurrent, et ne peut pas se résoudre de manière définitive. Éducateur « prolétarien », Freinet ne s’imaginait pas enseigner hors de l’école publique, là où sont « formatés » les dominés.

Inversement, au Chiapas ou en Kanaky, c’est pour rompre avec une école déconnectée de son milieu, de ses contradictions et des conflits sociaux qui la traverse que les insurgés se sont dotés de structures éducatives autonomes. C’est parce que ces expériences alternatives se sont appuyées sur le social, sur un mouvement populaire en lutte pour son émancipation, qu’elles ont pu s’enraciner et imaginer d’autres voies.

AL : Ceux qui – par choix ou nécessité – restent dans le cadre de l’école capitaliste, sont-ils pour autant démunis ? L’institution a-t-elle étouffé toute possibilité d’alternative ?

Freinet nous invitait à nous méfier autant de l’illusion que de la « désillusion pédagogique » : « L’institution, écrit Edwy Plenel, est en elle-même un champ de luttes, parce que des demandes contradictoires s’y affrontent et, surtout, parce que l’école n’est pas dans un rapport d’instrumentalisation directe par la classe dominante » [2]. On peut supposer que l’école a autant transformé les dominés que ceux-ci l’ont transformée…

Il y a une continuité des principes pédagogiques révolutionnaires depuis Robin et son enseignement « intégral » (Ière Internationale). Si certains sont devenus des évidences (mixité, refus des châtiments corporels), il en est de plus « subversifs » (refus des classements, examens ou notes, autogestion de la classe, enseignement polytechnique). Tous veulent rendre les enfants « auteurs », « producteurs » de leur savoir et non seulement « spectateurs » (pédagogie traditionnelle) ou « acteurs » C’est la finalité de la pédagogie sociale [3], qui propose d’éduquer dans, à travers et pour le milieu, afin de mieux le connaître, mais aussi pour le changer : « On ne comprend le monde, affirmait Paulo Freire, qu’en le transformant ».

C’est là, probablement, que se réactualise aujourd’hui le souffle de pratiques et de réflexions venues « d’ailleurs » : Illich et son rêve de « déscolariser la société » [4], Freire, et sa « pédagogie des opprimés »… Si toute expérimentation au sein du système demeure limitée, elle n’en reste pas moins nécessaire et déterminante !

Qu’en est-il des perspectives actuelles ?

A partir du début des années 80, le débat s’enferme dans la stérile querelle réacpublicains/pédagogues. Dans les deux camps, c’est le même déni du social, l’abandon de toute perspective de transformation politique : « s’il est un terrain d’entente entre sociaux-libéraux et élitistes républicains, c’est bien l’évacuation du social par le détour d’idéalisations jumelles » (Plenel). D’une certaine manière, les débats sur la marchandisation de l’école ont connu le même travers, l’antilibéralisme jouant le rôle tenu par la laïcité autrefois : masquer les contradictions et les tensions sociales du système public au nom d’une « union sacrée » autour de l’école d’État.

Au début des années 2000, les questionnements pédagogiques irriguent à nouveau les luttes sociales. Encore un peu marginales, des expériences comme la revue N’Autre école [5], la pédagogie sociale, le mouvement des Désobéisseurs contre les évaluations nationales, renouvellent dynamiques et convergences.

Il conviendrait aujourd’hui de réactualiser les acquis de décennies d’expérimentation et de pratiques pédagogiques émancipatrices, dans et hors de l’institution : le conseil coopératif, les alternatives à la notation, l’ambition d’une éducation qui ne se contente pas de transmettre le savoir mais vise à rendre chacun producteur de savoir. C’est dans cette perspective que s’inscrit Pédagogie et révolution, à travers une relecture de ces pratiques ou de ces « moments » révolutionnaires - naissance du syndicalisme en France, l’Espagne de 36 …

Propos recueillis par Cuervo (AL banlieue Nord-Ouest)


[1] Pendant le Front Populaire, Freinet propose un « Front de l’Enfance » que préside Romain Rolland, et s’adresse aux parents pour promouvoir l’éducation populaire.

[2] Edwy Plenel, La République inachevée, Payot, 1985 et Charlotte Nordmann, « Peut-on défendre l’école publique sans la critiquer ? », La Revue des livres n°3, janvier-février 2012.

[3] Voir N’Autre école n° 31, mai 2012.

[4] Le titre original Deschooling society fut traduit en français par « Une société sans école ».

[5] Revue « syndicale et pédagogique », N’Autre école a été lancée en 2002 par la fédération des travailleurs-euses de l’éducation (CNT).
http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle5070
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 09 Avr 2013, 00:47

Conférence de Grégory Chambat

Extraits de la conférence :

01. Introduction : Jules Ferry, un homme ambigu
02. L'École de Jules Ferry, représentant d'une certaine République
03. Ce contre quoi lutte Jules Ferry avec son projet d'École
04. La laïcité pour Jules Ferry et pour la Commune de Paris
05. L'École tourne le dos au peuple
06. L'enseignement mutuel
07. Le danger vient-il de l'ignorance ou du savoir ?
08. La révolution de l'intérieur, par la pédagogie
09. L'heure de vie de classe est une belle étincelle dans le collège
10. Vie de classe : souvent une heure fantôme et c'est dommage
11. Discipline et pacification / "Obéir"
12. Passer de l'invention pédagogique individuelle à l'invention collective
13. La parole aux élèves et les savoirs
14. On désobéit pour quelque chose (des valeurs...) et pas "contre"
15. Des espaces et des temps d'échange et de controverse
16. Se réapproprier le mot "travailleur"
17. Redonner des repères collectifs / Échanger


En vidéos : http://www.cnt-f.org/video/videos/50-ed ... a-desobeir
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colloque, vers la voie de l'école du peuple, 27-28 avril

Messagede bipbip » 14 Avr 2013, 12:33

Colloque : Que doit-on chercher et apprendre à faire ensemble pour mettre le système éducatif sur la voie de l’école du peuple ?

samedi 27 et dimanche 28 avril 2013 à Gennevilliers

colloque Actes de lecture - N’Autre école - Questions de classe(s)


. . . . . . . . . . Image


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Détails, infos, inscription : http://www.questionsdeclasses.org/?Rapp ... us-pour-le
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 26 Mar 2014, 11:44

Vendredi 4 avril, Choisy (94)

Débat « Quelle pédagogie pour quelle société ? »

Grégory Chambat, auteur de Pédagogie et révolution et de Apprendre à désobéir, petite histoire de l'école qui résiste, interviendra pour une discussion organisée par le syndicat CNT éducation 94 à 19h30 à la Bourse du travail de Choisy, 27 boulevard des Alliés
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 21 Aoû 2014, 12:13

La subversion pédagogique : un entretien pour le Café pédagogique

Cet entretien, réalisé au mois de mai dernier et publié dans l'édition du 8 juillet 2014 du Café pédagogique revient sur les enjeux sociaux du combat pédagogique et évoquer au passage le discours réactionnaire sur l'école

'' L’ école de Jules Ferry entendait s'opposer aussi bien à l'école religieuse qu'à l'école « du peuple » imaginée par les Communards et le mouvement ouvrier. Grégory Chambat est enseignant en collège depuis 1995. Depuis 15 ans il exerce dans un collège de Mantes-la-Ville (Yvelines) auprès d’élèves non-francophones. Militant syndical (CNT-éducation), il est membre du comité de rédaction de la revue N’Autre école, et du collectif d’animation du site Questions de classe.''


Comment présenteriez-vous la subversion pédagogique à des enseignants ?

Grégory Chambat - L’idée de la « subversion pédagogique », recouvre une double réalité. Il s’agit, d’une part, de voir en quoi les différents pouvoirs subvertissent et « récupèrent » un certain nombre de principes issus des pédagogies populaires et les détournent à leur profit (par exemple, les notions de compétences, d’autonomie, de travail en groupe). C’est le premier volet d’une réflexion en phase avec les débats très vifs qui traversent – et divisent les mouvements pédagogiques, mais aussi les syndicats et les salles des maîtres ou des profs… Mais il ne s’agit pas de s’en tenir à des lamentations ou à une posture de stricte défense de l’institution. La compétition, la concurrence, l’individualisme, l’évaluation ne sont hélas pas des créations du néo-libéralisme : ce sont aussi des éléments constitutifs du système éducatif français, et ce, depuis sa création. On ne peut donc défendre l’école publique face aux menaces de marchandisation ou de privatisation sans la critiquer, en paroles mais aussi en actes. C’est le second sens de cette subversion : comment, collectivement et à notre échelle, dans notre quotidien d’enseignants et d’enseignantes, pouvons-nous « subvertir » l’institution et ses méthodes afin de mettre en œuvre d’autres pratiques pédagogiques, non plus au service de la reproduction et de la légitimation des inégalités sociales ou d'une perspective de « pacification sociale », de domination et de contrôle mais avec une ambition émancipatrice. Il s’agit alors de travailler sur les contradictions et les ambiguïtés d’une institution dont Freinet disait déjà qu’elle était « fille et servante du capitalisme » mais dans laquelle la pédagogie qu’il a inspirée a toujours pensé qu’elle avait sa place, avec les enfants du peuple, pour y défendre et y pratiquer une « autre éducation » - ce que nous appelons « n’autre école ».


Quelle différence faites-vous entre la pédagogie de la subversion dont vous parlez et les pédagogies contestataires issues de mai 1968 ?

G. C. - Plus qu’une « pédagogie de la subversion » qui consisterait à remplacer un contenu conformiste par un autre contenu « anticonformiste », nous pensons que c’est dans le choix des méthodes et des pratiques pédagogiques que se construisent l’émancipation, l’accès à l’autonomie et aux savoirs. Ce choix d’une éducation libératrice des classes dominées s’inscrit dans une histoire collective et dans l’analyse critique des projets d’éducation et des enjeux de société qu’ils contiennent. La référence à mai 1968 est le plus souvent le fait des diatribes réactionnaires sur l’école (1) . C’est d’ailleurs un contresens historique : ce que ces esprits conservateurs reprochent à mai 1968 - les revendications d’égalité et de démocratie (mixité, accès de toutes et tous aux études secondaires, etc.) - lui sont antérieures et correspondent à un mouvement de fond. Cet acharnement contre mai 1968 vise à occulter le fait que ce fut surtout un formidable mouvement populaire, avec ses acquis sociaux. Comme à chaque fois que les dominés se sont révoltés contre l’ordre établi, ils se sont posé la question de l’éducation et de la pédagogie : ce fut le cas sous la Commune de Paris ou, plus près de nous, avec l'insurrection zapatiste au Chiapas. Quand les luttes sociales et les luttes pédagogiques convergent, il y a subversion. Les modèles du passé n’ont cependant de valeur que s’ils sont réactualisés : par exemple il peut exister une « subversion des Tice ». Une des idées de ces subversions est de rendre l'élève acteur et auteur de ses apprentissages et non plus simple spectateur ou consommateur. C'est, d'une certaine manière un renversement du rôle de l'école de la République : n’oublions pas que Jules Ferry, en promulguant ses lois scolaires, déclarait vouloir « clore l’ère des révolutions. » Son école « pour le peuple » socialement ségrégative, entendait s'opposer aussi bien à l'école religieuse qu'à l'école « du peuple » imaginée par les Communards et le mouvement ouvrier.


Peut-on être enseignant, fonctionnaire de la République, rémunéré par l’État, respectable, inspectable et pédagogue libertaire (anarchiste) ?

G. C. - Le choix de travailler dans l’institution scolaire et de tenter d’y mettre en œuvre d’autres pratiques pédagogiques est une des caractéristiques de l’histoire de la contestation de l’école en France (2) . C’est lorsque les premiers instituteurs syndicalistes, malgré la répression, ont choisi de rejoindre les organisations ouvrières, au début du vingtième siècle, que l’idée d’un travail au sein de l’école publique s’impose. Dans la fameuse circulaire du 20 septembre 1887 signée par le Ministre de l’Instruction publique Eugène Spuller, interdisant aux enseignants de se syndiquer, on peut lire ce passage : « L’autonomie des fonctionnaires a un autre nom ; elle s’appelle l’anarchie ; et l’autonomie des sociétés de fonctionnaires, ce serait l’anarchie organisée. » C'est en particulier pour rester au contact des enfants du peuple et de leurs familles, mais aussi pour y contrecarrer la propagande nationaliste et l'enseignement de l'obéissance, que ces militants font le choix de rester dans l'école publique. « L’école émancipée », telle est leur ambition, et ce sera le credo et le nom de leur revue, fondée en 1910, mêlant l’actualité des luttes sociales dans et hors de l’école, les revendications professionnelles et l’expérimentation pédagogique. Quant au quotidien d’un enseignant, il est traversé par des contradictions – tout comme l’institution elle-même est marquée par ses ambiguïtés – c’est aussi la raison pour laquelle les pratiques pédagogiques alternatives vont de pair avec les luttes syndicales. Il s’agit toujours d’essayer de mettre en cohérence ce que l’on dit, ce que l’on revendique et ce que l’on fait. Et c’est un combat essentiellement collectif.


Parfois, ne vous suspecte-t-on pas de pédagogisme ? Ne vous reproche-t-on pas de surdéterminer son rôle par rapport aux déterminants sociétaux et aux origines objectives des élèves ?

G. C. - Le mot « pédagogisme » a été forgé par les réac-publicains. Il est absurde de penser que la question qui se pose aujourd'hui serait de choisir entre une école « avec » ou « sans » pédagogie… L’école traditionnelle met assurément en place une pédagogie en conformité avec des choix de société : la sélection, la compétition, l’élitisme, la hiérarchie… et, non seulement elle renforce les inégalités sociales mais également elle les légitime, c’est ce modèle qui séduit tant les nostalgiques de l’école d’antan. En revanche, il est vrai que la question sociale est la grande absente de la querelle entre les « républicains » et les « pédagogues ». Ces derniers, pour diverses raisons, ont déserté le terrain des luttes sociales. Pour sortir de cette impasse, il importe de penser et de réfléchir une « pédagogie sociale », c’est-à-dire une pédagogie démocratique, attentive à combattre les inégalités sociales et qui œuvre à un véritable partage des savoirs qui est aussi une forme de partage des richesses.


Peut-on vous définir comme un militant sur le terrain ?

G. C. - Toutes les questions qui ont traversé l’histoire de l’école, restent encore des chantiers qu’il convient de poursuivre. C’est l’objectif de la revue N’Autre école, qui se propose d’explorer ces pistes de réflexion en partant toujours de la parole de ceux et celles qui sont sur le terrain. Après dix ans d’existence, nous venons d’ailleurs de publier un ouvrage collectif qui esquisse une synthèse de ces travaux Changer l’école, de la critique aux pratiques aux éditions Libertalia (3). Propos recueillis par Gilbert Longhi

Les entretiens avec Gilbert Longhi http://www.cafepedagogique.net/lesdossi ... onghi.aspx


Notes :

1 Voir Sarkozy, Brighelli ou Finkielkraut.

2 Sauf de rares expériences en dehors du système (Sébastien Faure à la Ruche et Madeleine Vernet avec l’Avenir social), mais, déjà, l’orphelinat de Paul Robin où se pratiquait un enseignement « intégral » et mixte était relié à l’institution, sous le regard bienveillant de Ferdinand Buisson.

3 http://www.editionslibertalia.com/

http://www.questionsdeclasses.org/reac/ ... 9dagogique
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 20 Aoû 2015, 13:11

Pédagogie et Révolution

Connaissez-vous la nouvelle ?
La collection N’autre école s’aggrandit !

Aujourd’hui 20 août paraît en librairie, le numéro 5, la nouvelle édition augmentée du livre de Grégory Chambat Pédagogie et Révolution, Questions de classe et (re)lectures pédagogiques aux éditions Libertalia, la précédente édition étant épuisée !


Cantonné à la seule question des moyens ou englué dans l’artificielle querelle opposant réac-publicains et pédagogistes, le débat autour de l’école est aujourd’hui dans l’impasse.

Proposer une relecture des « classiques » de la pédagogie et questionner leur actualité à la lumière des enjeux présents est une manière de réactiver cette inspiration révolutionnaire qui guidait les éducateurs d’hier.
De Francisco Ferrer à Jacques Rancière, en passant par Célestin Freinet, Paulo Freire ou Ivan Illich, ce recueil de chroniques publiées dans la revue N’Autre école esquisse le bilan d’un siècle de pratiques et de luttes pour une éducation réellement émancipatrice.

Ce parcours pédagogique emprunte également des chemins oubliés ou plus inattendus : l’apport du syndicalisme révolutionnaire, de Fernand Pelloutier à Albert Thierry ou l’œuvre éducative de la révolution libertaire espagnole. Car, si la postérité a conservé la trace de quelques-unes des figures convoquées ici, elle ne doit pas nous faire oublier que le combat pour une école de la liberté et de l’égalité fut toujours une pratique collective et sociale. Dans le domaine de la pédagogie, comme dans celui de l’action militante, ceux qui savent de quoi ils parlent sont ceux qui font…

Montaigne l’affirmait : « Éduquer, ce n’est pas emplir un vase, c’est allumer un feu »… il est temps de souffler sur les braises !


Sommaire

Préface de Charlotte Nordmann

Introduction
Vers une pédagogie socialement critique…
Un mythe qui a la vie dure : l’école de Ferry selon Jean Foucambert
Aux sources du syndicalisme : ni curés, ni patrons, ni État
« Instruire pour révolter », Pelloutier ou la pédagogie d’action directe
Albert Thierry, l’homme en proie aux enfants
Francisco Ferrer : une école pour la Sociale ?
Espagne 1936 : l’école fait sa révolution
Korczak : l’autre insurrection de Varsovie
« Une société sans école ? » Ivan Illich
La pédagogie des opprimés de Paulo Freire
Bourdieu et l’école
Jacques Rancière : l’école ou la démocratie ?
Freinet... jusqu’où ?

Lire l’introduction

En savoir plus sur le site des éditions Libertalia
1ère édition
édition augmentée

Pédagogie et Révolution, Grégory Chambat, Libertalia, 2015, 10 euros.

Un clin d’œil estival pour une surprise de rentrée...

http://www.questionsdeclasses.org/?Peda ... Revolution
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 24 Aoû 2015, 09:57

L’éducation pour changer le monde ????

Mais pour aller vers quel monde ?

Je suis toujours perplexe quand j’entends cette expression, réitérée depuis longtemps, puisque c’est toujours l’éducation qui a formaté les mondes. Il faudrait donc changer l’éducation, mais l’éducation c’est quoi ? D’une façon simpliste et communément admise c’est la résultante de l’action de personnes sur d’autres personnes, de la conception de systèmes naturels et culturels (famille) ou artificiels (école) dans lesquels sont ou dans lesquels on met ceux à « éduquer ».

Eduquer confère un pouvoir à des éducateurs, aux personnes dont leur statut confère un pouvoir. Même « éduquer à… » (Voir le billet déjà écrit à ce propos http://education3.canalblog.com/archive ... 08268.html). En général et dans l’usage courant, toute éducation indique, de différentes façons, ce qu’il faut faire, ne pas faire, comment se comporter, comment être ou ce qu’il ne faut pas être…

Les intentions de l’éducation peuvent être variables mais elle ne peut se concevoir sans intention. Il n’y a pas besoin de remonter à Spartes pour que des intentions éducatrices très clairement belliqueuses puissent être celles de l’éducation comme par exemple avant 1914 de part et d’autre du Rhin. Il a largement été analysé et parfois dénoncé les intentions étatiques dans la conception des systèmes éducatifs. Mais même dans les familles, le « réussir » qui est une intention qu’on peut considérer comme légitime reste trouble : réussir dans l’obtention d’une bonne position sociale ? Comme il n’y en a pas pour tous la réussite va être très aléatoire surtout pour ceux dont les parents ne sont pas déjà dans une situation sociale privilégiée. Réussir sa vie ? Mais c’est quoi réussir sa vie ? Le résultat de l’éducation va toujours être incertain, échapper aux éducateurs.

Il y a aussi l’intention de la mise en conformité avec une morale, une idéologie. Faire devenir un bon catholique, un bon musulman, un bon communiste, un bon libéral…. L’éducation est alors dirigée par des textes dits sacrés (peu importe les humains qui ont écrit ces textes !). Le formatage n’est plus caché. Il aboutit d’ailleurs à ce que les « biens formatés » deviennent les puissants des sociétés régies par cette morale et qui la font perdurer… ou à son contraire : il est bien connu que les pires « bouffeurs de curés » étaient souvent ceux qui avaient subi une éducation jésuitique.

Parce que le corollaire de l’éducation c’est la résistance individuelle à l’éducation. Plus l’éducation est forte et quelle qu’elle soit, plus cette résistance deviendra instinctive et nécessaire pour un certain nombre. C’est le seul moyen pour des enfants de protéger, de retrouver l’intégrité de leur personne. Les psy nous disent que l’opposition fait partie de la socialisation, sous-entendu qu’ensuite ce sera le retour à la norme sociale inculquée par l’éducation. Education et socialisation sont très semblables dans leurs objectifs de conduire à une certaine norme comportementale (ou à un idéal comportemental). La « crise de l’adolescence » serait un stade normal et ensuite le poids éducatif de l’environnement social ramènerait chacun dans l’acceptation et l’intégration dans son ordre. On peut la considérer autrement : le dernier soubresaut pour être autre chose que ce que l’éducation (et les détenteurs du pouvoir éducatif) a voulu faire de soi, la recherche de soi. Je m’avancerais à dire que la crise de l’adolescence n’est pas forcément « normale » mais qu’elle est le reflet d’une incroyable vitalité qui n’a pas pu s’exprimer, étouffée par l’éducation, et qui va le faire de façon non contrôlée parce qu’elle est impossible à contrôler, parfois autodestructrice. On devrait presque regretter le retour ensuite à la normale : que sont devenus les adolescents ou adolescents prolongés de mai 68 ? Certainement pas des changeurs de monde tant ils étaient finalement… bien éduqués ! L’éducation, surtout la « bonne éducation », inhibe les sentiments de révolte ce qui fait tout accepter, même l’inacceptable.

On ne peut nier que les intentions de la grande majorité des éducateurs (enseignants pour la plus grande part) soient nobles. Tous veulent ou annoncent qu’ils veulent aider les enfants à s’émanciper, à devenir autonomes, citoyens, etc., avec des moyens auxquels ils croient tous, souvent diamétralement opposés. Et notre monde ne s’est ni amélioré, ni n’a changé ! Eduquer au « plus jamais ça » après la boucherie de 14-18 n’a pas empêché la succession ininterrompue de génocides sanglants.

On oublie que ce qui est le plus puissant éducateur c’est tout l’environnement social. L’éducation est, qu’on le veuille ou non, informelle. On veut changer le monde par l’éducation mais c’est ce même monde qui est éducatif ![1] Le serpent, inexorablement se mord la queue même quand ledit monde devient de moins en moins acceptable.

Alors de là à dire qu’il faudrait au contraire rejeter toute éducation, il n’y a qu’un pas… que je franchis ! J’ai été un anti-éducateur professionnel comme il y a eu les antipsychiatres des années 70 ! Vous allez me dire bien sûr : « Mais comment vous pouvez alors défendre une école du 3ème type ? ». Je ne reviendrai pas sur le terme « école » que j’ai utilisé parce que c’est dans cet espace institué que nous sommes quelques-uns à avoir développé autre chose et parce que le terme représente aussi des lieux et bâtiments existants à investir et utiliser autrement, comme sont à investir et à s’approprier l’espace public (voir la pédagogie sociale).

Rejeter l’éducation comme pouvoir intentionné des adultes (professionnels ou non) n’est pas rejeter leur rôle dans l’interdépendance qui les lie aux enfants tant que ceux-ci ne deviennent pas à leur tour des adultes… qui devraient être autonomes. L’adulte a donc toujours des pouvoirs (voir un autre billet à propos des pouvoirs http://education3.canalblog.com/archive ... 30273.html). Lorsqu’il exige telle ou telle chose d’un enfant, lorsqu’il protège d’un danger, lorsqu’il permet,… lorsqu’il dispose des objets à attraper sur la couverture où le bébé est assis. C’est l’utilisation de ce dernier pouvoir qui amène à créer (ou à aménager) des espaces spécifiques comme une école du 3ème type à disposition des enfants et adolescents.

D’abord parce que malheureusement les espaces publics ne sont pas à leur disposition et quand ils les occupent (comme la rue pour un nombre d’entre eux), il leur faut le faire de façon sauvage, violente, dans la forme sociale qui convient alors : la bande, qui n’est d’ailleurs que rigoureusement identique à l’organisation sociale dans laquelle se retrouvent tous les puissants qui régissent notre société, politique, finance, économie...

Ensuite pour qu’ils y fassent l’expérience sociale, leur expérience sociale, celle qui n’est pas télécommandée par une éducation. Je ne reviendrai pas sur les apprentissages dont tout être vivant a besoin pour vivre dans ses environnements et qu’ils font tous naturellement dans l’interaction et l’interrelation parce que c’est la caractéristique de tous les systèmes vivants. Le pouvoir des adultes (ce devrait être aussi le pouvoir assumé de la société) est de donner aux enfants les conditions environnementales de ces apprentissages, d’être à leur disposition et de les aider quand ils les sollicitent. Je ne reviendrai pas une fois de plus sur les apprentissages naturels. Mais, c’est là que l’on devient anti-éducateur : nous n’avons pas à inculquer des comportements, à en fustiger d’autres, à exiger ce qui paraît pédagogiquement, sociétalement, politiquement correct, à imposer une structure, une organisation sociale qui nous paraît conforme à celle dont la société a besoin (actuellement elle a besoin d’ordre et de soumission) ou à celle dont nous pensons que la société aurait besoin (c’est la coopération qui est le plus souvent évoquée). Dès l’instant où l’on prône le respect de l’enfant en tant que personne, nous devrions devenir des anti-éducateurs assumés, quel que soit l’espace où l’on exerce nos pouvoirs.

Mais, parce que dans cet espace du 3ème type nous permettons tous les « faire » et la liberté de faire, nous laissons s’auto-créer une entité sociale autonome, qui a sa vie propre, instaure et invente sa propre culture, son propre vivre ensemble, ses propres valeurs.

Et c’est certainement la plus grande découverte personnelle que j’ai pu faire dans mon vécu de l’école du 3ème type : l’espèce humaine est bien naturellement une espèce sociale. Les amis de la pédagogie sociale le découvrent aussi. La très vieille expérience des terrains d’aventure avait fait le même constat. Les enfants ne vont pas alors naturellement vers la violence, les exclusions, le rejet des autres, la concurrence et la compétition, la recherche du pouvoir sur les autres. Il n’y a pas à les éduquer à ce qu’ils sont… naturellement quand ils sont dans les conditions où la nature humaine profonde peut s’exprimer. Ces conditions qui correspondent aux lois naturelles des systèmes vivants nous les connaissons maintenant : taille limitée et hétérogénéité des structures, appropriation de l’espace où elles s’établissent, communication entre leurs éléments et avec l’extérieur, interaction avec les autres entités de leur écosystème social,… Les règles ne sont pas à donner à l’avance (ce que fait l’éducation en général), leur communauté les crée, les fait évoluer pour perdurer et pour que chacun dans l’entité y trouve son compte sans que ce soit au détriment des autres puisqu’alors le dysfonctionnement touche tout le monde. Naturellement la finalité est la recherche du bien-être de chacun comme de l’ensemble. C’est l’entité qui devient auto-éducative parce qu’elle a alors la possibilité d’être originale, d’être sous sa propre influence dans son propre espace. Elle n’a pas à lutter pour conquérir cet espace, s’imposer dans un autre d’où elle est exclue ou dérangeante (comme la rue), à obéir ou à désobéir à des règles qui ne sont pas faites pour elle…

Ma plus grande surprise avait été de constater qu’alors la structure sociale qui s’auto-crée se rapproche de… l’anarchie, pas comme chaos mais dans le sens où l’entend Edgar Morin « la forme suprême et la plus complexe de l’organisation de la vie ». Mais aussi qu’il était impossible de la prévoir à l’avance, de la concevoir intellectuellement puis de l’imposer. On le fait quand par exemple on instaure un système coopératif qui ne marche que tant qu’une autorité l’impose et le fait fonctionner, et qui s’écroule rapidement dès que l’autorité disparaît. Les exemples dans l’école ou dans l’histoire ne manquent pas. A contrario d’autres exemples, de courte durée parce qu’inexorablement détruits par l’environnement politique (éduqué, lui !) ont existé : la Commune de Paris, les fermes autogestionnaires de la République espagnole, les tous premiers soviets mis ensuite sous la coupe des bolchevicks, les communautés de l’altiplano sud américain,… qui recréaient d’autres structures et comportements sociaux[2].

Mais dans notre plus courte histoire dans le monde animal, on peut dire que notre espèce n’a pas encore atteint globalement ce stade social qui assure seul la survie des espèces de notre genre.

Bien sûr nous sommes confrontés à l’environnement antisocial qui régente notre société et qui est pour l’instant le principal éducateur de nos enfants et nous cherchons à être des contre-éducateurs, à vouloir inculquer (donc éduquer) ce qui pourrait contrecarrer ses méfaits. On ne peut le reprocher et on ne peut dire que ce soit inutile. Par exemple les comportements par rapport à l’environnement (il s’agit surtout de la nature) ou à l’alimentation ont quelque peu changé. Mais cela ne change pas profondément la société, même lorsque celle-ci commence à avoir vaguement conscience de sa perte (par exemple dans la perspective d’un changement climatique). Il s’avère impossible de modifier globalement et rapidement (puisqu’il est de plus en plus admis qu’il y a urgence) les systèmes qui constituent le monde, exemple du système éducatif. Le faire par une éducation dont ces systèmes seraient les porteurs et dont d’ailleurs personne ne l’envisage de la même façon ni ne lui donne les mêmes finalités est un leurre qui ne date pas d’aujourd’hui, tous les grands philosophes s’y sont attelés en pure perte[3].

Par rapport à l’environnement social, la solution n’est donc pas l’éducation mais la création et la multiplication d’espaces autonomes où d’autres rapports sociaux, d’autres organisations humaines pourront s’auto-créer. Pour cela, ce n’est pas d’éducation dont nous avons besoin mais d’une ingénierie des systèmes vivants puisque les systèmes sociaux institués ont cessé d’être des systèmes vivants. C’est comment revenir (ou arriver) aux lois naturelles de la vie qui pose problème, ce dans tous les domaines[4]. Avant que le monde ait changé et qu’on puisse être dans la société sans école de Illich (le monde sera alors bien un autre éducateur), nous avons besoin non pas d’éducateurs mais d’ingénieurs de la vie qui puissent, parce qu’ils en connaissent les principes et les lois, permettre la constitution et l’évolution de ces espaces ce qui ne va pas de soi puisqu’ils vont à l’encontre des représentations qui pèsent sur l’ensemble de la société. Ce sont beaucoup plus les apports des dernières connaissances sur l’organisation de la vie (les biologistes !) qui sont utiles à ce que j’appelle ces « ingénieurs » que seulement ceux des pédagogues bien que leur apport ait été capital et qu’ils aient ouvert des portes dans lesquelles aucun système éducatif n’a voulu ou pu s’engouffrer[5].

Si on regarde tous les îlots qui se créent et qu’on appelle à juste titre « alternatifs », si on fait abstraction des pédagogues dont ils se réfèrent, des noms qu’ils se donnent (école démocratique, école écologique, école dynamique, école de 3ème type, etc.), c’est bien vers cette organisation de la vie vers laquelle ils tendent tous et vers laquelle ils vont plus ou moins rapidement quand ceux qui les instiguent et les pilotent ont conscience que ce ne sont pas eux qui doivent être des éducateurs. Ces « écoles » sont révolutionnaires justement parce que leur finalité n’est pas la révolution (voir l’école du 3ème type est-elle révolutionnaire ? http://education3.canalblog.com/archive ... 32590.html)

Ce serait d’un orgueil démesuré de penser que l’éducation avec ses éducateurs auraient le pouvoir, quasi divin, de changer le monde ! Que sera ce nouveau monde qui adviendra nécessairement s’il ne veut pas disparaître ? Il faut admettre l’incertitude, ne pas vouloir faire réaliser nos fantasmes par ceux que l’on veut éduquer pour cela. Le plus raisonnable et le plus humble, c’est de permettre que nos enfants puissent se construire enfin dans les lois de la vie, depuis Darwin on sait que ce sont elles qui sont toute puissantes et créatrices, que ce sont elles qui assurent les sauvegardes des espèces… ou annoncent leur disparition. Aurions-nous un petit avantage en les connaissant ?

PS : Tout ceci ne veut pas dire que, dans l’instant présent et dans les systèmes instaurés, aient tort tous ceux qui prônent une éducation bienveillante, d’autres comportements dans les rapports enfants-adultes, la non violence éducative,… Si c’était admis et pratiqué par tous, cela améliorerait certainement notre monde… mais cela ne le changerait probablement pas ni ne donnerait aux enfants futurs adultes les capacités créatrices de le changer à leur façon.




[1] Au moment où j’écris j’entends à la radio, encore à propos du foot et de ses affaires, « Le foot fait baver des millions et des millions de spectateurs, de téléspectateurs, de jeunes… il est indispensable, il ne faut pas le détruire, détruire ce qu’il représente… »… bonjour pour justement ce qu’il représente !!!


[2] Les abeilles qui perdurent depuis des millions d’années dans des structures sociales dont on n’arrive pas encore à cerner toute la complexité ont-elles besoin d’être éduquées ?


[3] Un certain voulait, parait-il, que le monde soit éduqué à « aimez-vous les uns les autres » à « tu ne tueras point »". On sait ce qu’il est advenu de cette éducation !


[4] Un autre billet sur l’ingénierie de la libération.


[5] « Plus jamais ça ! » disait Freinet (et d’autres) en 1920 au sortir de la boucherie de 14-18. Il pensait, à juste raison, que c’était par l’école, mais une autre école basée sur d’autres principes, que le monde changerait. Déjà il avait compris que ce n’était pas en assénant une éducation qu’on pouvait modifier les comportements sociaux mais en faisant vivre (et apprendre) les enfants dans une organisation sociale (scolaire) induisant d’autres relations, d’autre rapports que ceux de la compétition et de la soumission. On le réduit trop souvent et de plus en plus en des « méthodes » qui font mieux apprendre (ce qui est quand même le cas). C’est probablement parce qu’il y avait bien chez Freinet et ses compagnons cette vision de la transformation du monde que le système éducatif s’est refusé à le prendre en compte. Mais il est vrai qu’alors cela impliquerait l’autonomie des espaces dans lesquels les enfants vont s’auto-éduquer (ou se créer) socialement et librement, et induit la crainte qu’ils ne le fassent pas conformément à ce qu’on attend ou voudrait. On n’a pas totalement confiance en leur nature d’être sociaux et on ne peut s’empêcher d’imposer une organisation, même de façon soft… comme des éducateurs qui sauraient comment le monde devrait être. C’est alors l’organisation prédéterminée dans laquelle doivent s’insérer les enfants qui a une intention éducative, mais les visions de ce que devrait être le monde (les idéologies) ne sont pas communes à tous !

http://education3.canalblog.com/archive ... 02628.html
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 08 Mai 2016, 13:33

Appel à subvertir l’ordre scolaire

Aux enseignants, agents reproducteurs des inégalités sociales

Il serait temps que les enseignants conscients des inégalités sociales et désirant lutter contre celles-ci cessent d’être des agents d’État de la reproduction des inégalités sociales

Constats

La France est le pays de l’OCDE qui reproduit le plus les inégalités sociales à l’école : elle arrive en 34e position.

Les « miraculés scolaires » (Bourdieu) sont le plus souvent des filles en particulier issues de l’immigration. Elles doivent de s’en sortir à leur capacité reproduire les codes, à l’insu des enseignants eux-mêmes, qui permettent la réussite scolaire. Il s’agit là de stratégies d’observation que leur situation de dominées dans l’espace domestique les ont préparé à développer. D’une certaine manière, les élèves de milieux populaires, qui ne sont pas en échec dans le système scolaire, sont un peu comme des esclaves qui apprennent à lire et à écrire, discrètement, en observant leurs maîtres.

Avec la masterisation, l’origine sociale des enseignants plus élevé les éloignent encore plus des classes populaires. Cela les conduit d’autant plus à s’appuyer de manière implicite sur les compétences développées par les élèves dans les familles les plus conniventes avec l’école. Leur rôle se réduit alors à enregistrer le niveau de maîtrise de la culture lettrée que les familles ont su transmettre à leurs enfants. Néanmoins, tous les enseignants ne se satisfont pas de cette situation, de n’être que des agents de validation des inégalités sociales.

Le système d’enseignement public permet à l’enseignant conscient d’être en contact avec les élèves des milieux sociaux populaires. C’est cette opportunité qui doit être utilisée pour lutter contre la reproduction des inégalités sociales.

Mais pour cela, encore faut-il que l’enseignant soit préoccupé par cette cause et non pas avant tout de la réussite de ses propres enfants par des habiles stratégies de dérogation à la carte scolaire. On sait bien que les enseignant-e-s sont prompt-e-s à réclamer le redoublement pour les enfants des milieux populaires alors que les leurs ne redoublent guère.

Il faut en outre pour cela que les enseignants se départissent de leurs idéologie et de leurs valeurs de classes moyennes supérieures centrées sur la bienveillance et le bien-être des élèves. Le problème des élèves des milieux populaires n’est pas avant tout le mal-être scolaire lié à la pression pour intégrer les meilleures classes préparatoires, mais l’échec scolaire et les orientations contraintes dans des filières de relégation.

Lutter contre la reproduction des inégalités sociales.

Il est illusoire de penser que l’on va lutter dans le cadre de la forme scolaire en mettant en pratique une pédagogie alternative. La stratégie doit être autre. Il s’agit de subvertir la reproduction des inégalités dans la forme scolaire par des tactiques pédagogiques qui se situent dans les interstices de la forme scolaire.

Il appartient aux enseignants de développer cette micro-guerilla scolaire en élaborant un répertoire de tactiques qui peuvent être les suivantes :

- Déconstruire les stéréotypes de genre :

Le premier vecteur de l’intériorisation des rapports sociaux de domination s’effectue par les normes de genre. C’est pourquoi il s’agit sans doute en premier lieu de mettre en œuvre des tactiques de lutte contre cette reproduction.

Souvent les programmes de déconstruction des normes de genre se concentrent sur tout sauf la personne même de l’enseignant-e. Or peut-être qu’en tant qu’enseignant-e il est nécessaire de se demander dans quelle mesure dans notre personne même (vêtements, coiffures, hexis corporelle…) nous ne véhiculons pas également des stéréotypes de genre ?

Par conséquent, la déconstruction des normes de genre peut passer en premier lieu par l’attitude elle-même de l’enseignant-e qui peut se situer dans son attitude de genre par-delà le féminin et le masculin. L’enseignant peut donner à voir dans sa personne elle-même l’exemple d’une existence marquant une certaine indifférence aux normes de genre.

- « Vendre la mèche » :

« Vendre la mèche » (Bourdieu) consiste à expliciter les stratégies par lesquelles les dominants assurent leur domination. Dans une société de l’écrit, la maîtrise de la culture lettrée est une arme par laquelle les dominants exercent leur domination. Donner aux élèves des milieux populaires la maîtrise de cette culture, c’est leur donner des armes pour lutter à égalité contre leur situation de subalterne.

Sauf pour ceux dont l’environnement familial est connivent avec la culture scolaire et donc la culture lettrée, les codes de cette culture doivent être enseignés explicitement. Cela suppose que les enseignants effectuent un modelage (haut-parleur sur sa pensée) qui explicite l’activité cognitive invisible et permet un apprentissage vicariant des stratégies expertes.

Quels sont néanmoins les obstacles à un tel enseignement explicite ?

Les obstacles tiennent au fait que les enseignants sont socialement connivents avec ce système et n’ont donc pas une connaissance consciente des stratégies d’apprentissage qui permettent d’apprendre explicitement.

Cela tient au fait en outre qu’ils ont pu réussir à l’école en adoptant des stratégies scolaires qui étaient celles uniquement de bons élèves préoccupés par les notes, mais sans avoir développés des stratégies d’apprentissage véritablement expertes. Ils ont pu développer des apprentissages superficiels qui conduisent à oublier aussi rapidement ce que l’on a appris pour réussir l’examen.

« Vendre la mèche » requiert donc une formation qui s’effectue en particulier par l’étude des travaux de psychologie cognitive sur les stratégies d’apprentissage expertes.

- Diffuser des savoirs critiques :

Les savoirs critiques sont ceux qui expliquent la structure de la reproduction des rapports d’inégalités sociales : classisme, sexismes, racismes, validisme… La diffusion de ces contenus critique se heurtent à plusieurs obstacles. Quels sont-ils ?

- La vision enchantée de l’enfance que se font les enseignants qui refusent de parler de ces sujets avec les élèves.

- L’idéologie de l’école républicaine, qui met en avant des valeurs communes, croit parvenir ainsi à masquer aux élèves l’existence des inégalités sociales de classe. Aujourd’hui, le discours sur la laïcité et les religions joue largement cette fonction d’invisibilisation de la question sociale.

- Les enseignants ne maîtrisent pas ces savoirs critiques en sciences sociales et ne voient pas l’intérêt de les acquérir. De fait, les enseignements qui pourraient permettre de construire une conscience critique du monde contemporain se réduisent à des contenus aseptisés.

- Construire un rapport critique et émancipé aux savoirs :

L’enseignant doit favoriser chez ses élèves un rapport critique aux savoirs. Cela peut passer par une attitude socratique qui consiste à les interroger sur leurs propres évidences. Cela peut être de les encourager à demander - et rendre - raison de ce qu’ils apprennent. C’est les encourager à avoir le courage de prendre la parole devant le groupe classe pour défendre leurs idées.

Quels sont les obstacles à un rapport critique aux savoirs ?

C’est tout d’abord le manque de rapport critique que les enseignants entretiennent eux-mêmes aux savoirs. Un rapport critique n’est pas un relativisme, c’est une capacité à problématiser les savoirs et à faire preuve de discernement.

Beaucoup n’ont pas développé eux-mêmes durant leurs études un rapport émancipé aux savoirs : être capable de formuler des questions à un enseignant, de formuler des objections, de produire de nouvelles idées à partir de ce qu’à dit l’enseignant et de les confronter au jugement du groupe classe et de l’enseignant…

Beaucoup d’enseignants ont eux-mêmes passé leur scolarité à réussir aux examens en se demandant seulement ce qu’il fallait restituer et ce que l’enseignant attendait.

Nombre d’enseignants s’abritent derrière le manque de temps par peur d’affronter la parole des élèves : leurs questions et leurs objections. L’après janvier 2014 l’a bien montré lorsque nombre d’enseignants ont avoué qu’ils n’étaient pas en capacité de discuter de la liberté d’expression et de répondre à des objections sur Dieudonné.

Enfin, l’enseignant peut se heurter à la difficulté de posséder le savoir-faire pour organiser une discussion critique avec ses élèves où ils les laissent s’exprimer et leur apporte des ressources également pour prolonger leurs réflexions limitées souvent par un manque de connaissances et de capacité à construire des distinctions.

- Aller au-delà de la forme scolaire :

Le discours de l’enseignant peut se projeter au-delà de la forme scolaire.

Un discours enseignant qui se projette au-delà de la forme scolaire met en lumière comment l’apprenant autonome est celui qui est capable de développer des buts d’apprentissage personnels. C’est celui qui va au-delà du cours pour l’approfondir par des recherches personnelles, en particulier des lectures. Ces lectures personnelles sont essentielles pour que les élèves issus de milieux populaires compensent la pédagogisation du temps de loisir qu’effectuent les familles de milieux supérieurs.

Mais là encore, un certain nombre d’enseignants n’encourage pas un tel rapport au savoir parce qu’eux même n’en ont pas eu besoin pour réussir dans la mesure où leur milieu familial effectuait à leur place ce travail de pédagogisation du temps de loisir.

Un discours qui va au-delà de la forme scolaire est un discours qui laisse entrevoir qu’il existe un autre rapport au monde que le rapport verbal de l’univers scolastique. Il donne à voir l’existence de luttes sociales et la possibilité lorsque l’on est dominé de pouvoir s’inscrire dans des luttes collectives pour l’émancipation.

Néanmoins, cette perspective n’est pas présente dans le discours de nombre d’enseignants parce qu’ils seraient bien en peine de prôner ce qu’ils ne font pas eux-mêmes à savoir s’engager dans des collectifs de lutte et des conflits sociaux contre les inégalités sociales.

Conclusion :

Pour l’enseignant-e conscient-e, l’école n’est pas là pour fournir un emploi aux élèves : elle n’en a pas de toute façon les moyens. Elle peut être utilisée comme une occasion de leur fournir des armes qu’ils puissent utiliser pour leur émancipation contre les rapports de domination. Subvertir l’ordre scolaire, c’est mettre à profit cette occasion pour enrayer la machine à reproduire l’inégalité sociale.

http://www.questionsdeclasses.org/?Appe ... e-scolaire
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede Merricat » 09 Mai 2016, 19:57

Quels sont néanmoins les obstacles à un tel enseignement explicite ?

Les obstacles tiennent au fait que les enseignants sont socialement connivents avec ce système et n’ont donc pas une connaissance consciente des stratégies d’apprentissage qui permettent d’apprendre explicitement.

Cela tient au fait en outre qu’ils ont pu réussir à l’école en adoptant des stratégies scolaires qui étaient celles uniquement de bons élèves préoccupés par les notes, mais sans avoir développés des stratégies d’apprentissage véritablement expertes. Ils ont pu développer des apprentissages superficiels qui conduisent à oublier aussi rapidement ce que l’on a appris pour réussir l’examen.

« Vendre la mèche » requiert donc une formation qui s’effectue en particulier par l’étude des travaux de psychologie cognitive sur les stratégies d’apprentissage expertes.

Je me permets de reprendre un point du texte précédent que je trouve sinon, dans l'ensemble, très intéressant.

Les travaux en psychologie cognitive sont effectués par des personnes qui ne sont peut-être pas plus conscientes des enjeux d'un apprentissage adapté aux enfants des classes populaires que les pédagogues. Je pense que le fait d'enseigner implique aussi de problématiser un rapport au monde du point de vue des enfants, or il est bien possible d'ignorer le point de vue des enfants des classes populaires, ce qui signifie que le groupe d'enfants considérés (classes populaires ou classes supérieures) est en définitive une affaire de problématisation et de conscience des inégalités. Ce que le texte me paraît bien affirmer par ailleurs.

Je ne vois pas alors en quoi il serait plutôt question ici de savoir/ignorance à propos de stratégies d'apprentissage expertes pour l'heure manquante, comme si les enfants des classes supérieures ne bénéficiaient pas d'un enseignement susceptible d'en mener un certain nombre à des stratégies d'apprentissage expertes (de leur propre domination). En fait il est surtout question de définir de quoi les stratégies d'apprentissage sont "expertes"...

De la lutte contre les inégalités ? Dans ce cas oui, je suis d'accord, les enfants et les enseignants issus des classes supérieures ne sont pas au fait des stratégies d'apprentissage expertes, parce qu'expertes ici est défini du point de vue des classes populaires (expertes pour mener les luttes sociales). En revanche il me paraît dangereux de faire comme si les travaux scientifiques (en psychologie cognitive comme dans d'autres domaines) définissaient nécessairement leurs enjeux à partir d'une perspective de lutte contre les inégalités, ce qui effectivement réduirait ces luttes à un simple problème d'ignorance/information.

Il existe des travaux qui tiennent compte des inégalités et s'inscrivent dans une perspective de luttes sociales. Mais cela est vrai je présume dans toutes les disciplines, aussi bien en psychologie cognitive qu'en pédagogie. D'autant plus que le fait d'accéder à la recherche (et à la publication/reconnaissance) en psychologie cognitive ne me semble pas plus accessible que le fait de devenir enseignant dans les premier ou second degrés. Donc la question de savoir d'où l'on pense (en appartenant à quelle classe ?) garde encore toute son importance concernant les travaux de psychologie cognitive. On ne fait que déplacer le problème.
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 14 Juin 2016, 00:02

Vers une pédagogie de lutte de classes

Il est nécessaire aujourd’hui de s’atteler au renouvellement d’une pédagogie de lutte de classes.

Le constat de la reproduction des inégalités sociales

L’école française, ce n’est qu’un constat trop bien établi par la sociologie, et même admis par les dominants, reproduit les inégalités sociales. Elle est un lieu de trie et de sélection sociale. Cela plus encore que dans la plupart des pays capitalistes avancés, appelés également pays développés.

Néanmoins, les solutions pédagogiques progressistes historiques sont en panne pour plusieurs raisons qu’il est nécessaire d’exposer.

La première tient à la contrainte qu’exerce la forme scolaire. De ce fait, il est très difficile de mettre en place des pédagogies alternatives dans le cadre de la forme scolaire telle qu’elle existe dans l’école publique. Ceux qui le font se trouvent marginalisés ou cherchent des niches spécialisées ou essaient de se regrouper dans des établissements précis.

Mais mettre en oeuvre des alternatives en dehors de l’école publique conduit à se couper des élèves de milieux populaires.

Il s’avère donc nécessaire d’essayer de penser des pratiques pédagogiques de résistance applicables par tout enseignant conscient dans le cadre de la forme scolaire telle qu’elle existe même s’il est par exemple isolé dans son établissement. Cette situation d’isolement est la réalité de beaucoup d’enseignants.

On pourrait certes avancer qu’il n’est pas question de ce soucier des apprentissages académiques bourgeois. Mais on se heurte dans ce cas à au moins deux objections. La première c’est que l’on ne fait que continuer à reproduire les inégalités sociales : les enfants de milieux populaires ne possèdent pas alors les moyens de contester des apprentissages qu’ils ne maîtrisent pas. Ceux qui en contestent l’intérêt sont d’ailleurs souvent des personnes qui les maîtrisent eux-mêmes. En outre, un discours de ce type est peu audible pour la majorité de la population, à commencer par les familles de milieux populaires.

L’état actuel de la recherche scientifique

Il faut dans les débats pédagogiques distinguer les connaissances scientifiques actuelles et les finalités politiques de l’éducation.

Il existe des débats au sein de la communauté scientifique. Mais l’éducation nouvelle s’était appuyée en son temps sur l’état de la recherche scientifique. Il est intéressant de savoir aujourd’hui que disent les recherches scientifiques en sociologie et en psychologie.

La sociologie des inégalités sociales met en lumière que les pédagogies traditionnelles, mais également les pédagogies qui mettent l’élève en recherche (par exemple d’inspiration socio-constructivistes), tendent à reproduire les inégalités sociales. Cela s’explique par le fait qu’elles laissent une place à des implicites qui supposent chez les élèves des compétences qui ont déjà été construites dans les familles. De ce fait des sociologues, comme Jean-Yves Rochex, qui ont travaillé sur les inégalités sociales, soulignent l’importance d’enseigner explicitement. Ce constat est repris par exemple par Jacques Bernardin dans un ouvrage de synthèse : Le rapport à l’école des élèves de milieux populaires.
(Voir par exemple, Jean-Yves Rochex, L’enseignement explicite, une chance pour la pédagogie
- URL : http://www.cndp.fr/crdp-nancy-metz/54/s ... e.html?L=0).

Les travaux en psychologie cognitive, qui sont différents par leur méthodes rejoignent les constats sociologiques, mais en soulignant d’autres aspects :
- l’importance de l’automatisation des compétences de bas niveau (ce qui suppose la répétition). En particulier, certains types de mémoire – comme la mémoire procédurale et lexicale – suppose de répéter pour retenir.
- l’importance d’éviter la surcharge cognitive (ce qui suppose de passer par des situations simples et non des situations complexes).

On pourrait certes mettre en avant des accointances ou des intérêts idéologiques dans ces résultats scientifiques. Mais il faut admettre que les psychologues et les sociologues n’utilisent pas les mêmes méthodes. En outre, les travaux en psychologie cognitive des apprentissages dans le cadre scolaire sont corroborés par des travaux en psychologie de l’expertise qui n’ont pourtant pas de relations de proximité. Les experts, c’est à dire les personnes qui ont un haut niveau de compétence dans un domaine, se distinguent des novices par l’importance des connaissances structurées qu’ils possèdent. Les compétences acquises dans un domaine ne sont que rarement transférables dans un autre domaine.

Les illusions d’un retour aux pédagogies traditionnelles

Néanmoins, il serait erroné de considérer que ces recherches scientifiques induisent l’idée qu’il faudrait revaloriser les pédagogies traditionnelles. C’est l’erreur dans laquelle tombent certains auteurs : le philosophe anarchiste Norman Baillargeon commet parfois cette erreur.

Les travaux de Bourdieu et Passeron avaient montré en leur temps comment la pédagogie traditionnelle était peu explicite pour les élèves des milieux populaires et reproduisait également les inégalités sociales.

Le retour aux pédagogies traditionnelles n’est pas possible car comme l’ont montré les sociologues de l’équipe ESCOL, concernant les supports pédagogiques, les attentes en termes de connaissances ont changé. On demande aux élèves d’aujourd’hui d’être capables de comprendre des connaissances plus conceptuelles et non pas seulement de restituer des connaissances factuelles.

Le courant canadien de la pédagogie explicite (Steve Bissonnette et Clermont Gauthier) s’appuie, outre des travaux très étayés sur l’effet maître et les pratiques pédagogiques efficaces, sur les connaissances en psychologie cognitive, par exemple en matière de présentation structurée et d’apprentissage vicariant. Ils en tirent également l’importance de travailler sur des tâches simples.

Cependant, même si on estime que les élèves face à des situations problèmes complexes risquent d’être en échec, on ne peut pas faire l’impasse de vérifier si en définitif ils sont capables de transférer leurs connaissances sur des situations complexes. C’est en effet une finalité de l’enseignement qu’un élève soit capable de transférer ce qu’il a appris dans la réalité.

Un autre point faible de la démarche proposée par la pédagogie explicite canadienne réside dans le fait qu’elle ne prend pas assez en compte les différents types de mémoires mis enjeu dans les apprentissages : lexicale, procédurale et sémantique. Les travaux d’Alain Lieury sur la mémoire sémantique montrent qu’elle est la plus corrélée à la réussite scolaire, mais ils montrent également que la mémoire sémantique ne repose pas sur l’automatisation, mais la compréhension du sens.

Si on regarde les travaux issus de la psychologie cognitive, il est possible de considérer que les pédagogies efficaces pourraient relever selon les disciplines enseignées de la « pédagogie explicite » (Gauthier et Bissonnette) ou de « l’apprentissage stratégique » (Tardif). La première privilégie l’automatisation, la seconde le travail sur des situations-complexes. Les deux néanmoins présupposent une présentation structurée avec un enseignement explicite des stratégies d’apprentissage par le modelage (ou apprentissage vicariant).

Au-delà des apprentissages, se trouve posée la question d’être un citoyen ou une citoyenne capable d’exprimer un discours critique et d’agir collectivement contre l’injustice sociale. Il s’agit là d’une question complexe dans la mesure où il est difficile de savoir comment se forme l’esprit critique.

Néanmoins, ce que l’on peut dire, c’est que l’esprit critique est lié à un haut niveau de connaissances. Sans une certaine maîtrise des chiffres pour lire des tableaux, sans des connaissances en sciences sociales, il est difficile de faire preuve d’esprit critique quant à l’actualité. Il est possible d’ajouter que les travaux d’Alain Lieury mettent en lumière que les connaissances et les inférences sont à travailler ensemble. En effet, si l’esprit critique est lié au niveau de mémoire sémantique du sujet, cela suppose que soit travaillé en même temps l’acquisition des connaissances, leur structuration par le sujet et la réalisation d’inférences.

La récupération entrepreneuriale des pédagogies nouvelles

Il est également nécessaire de constater que les pédagogies nouvelles suscitent un intérêt particulier du côté du management néo-libéral qui y voit des instruments adéquats pour former leurs futurs cadres : compétences transversales sociales, coopération, projets, autonomie….

Cela tient sans doute à plusieurs raisons. La première, c’est que ces pédagogies n’ont pas été nécessairement pensées pour lutter contre les inégalités sociales, mais pour permettre par exemple à des enfants de milieux favorisés d’être plus épanouis.

Certaines pédagogies, comme celle de Celestin Freinet par exemple, ont néanmoins bien été pensées avec une visée de transformation sociales prolétarienne. Cela peut être souligné par exemple par le fait que Celestin Freinet, en lien avec une tradition marxiste et syndicaliste, met en avant le travail et non le jeu dans sa pédagogie. Il s’agit de remettre en question la division entre travailleur intellectuel et manuel.

La pédagogie Freinet favorise des compétences qui sont celles qui sont désirables dans une société communiste libertaire où les travailleurs autogèrent la production. De même, ces compétences de coopération sont par exemple celles de militants syndicalistes qui s’organisent dans un syndicat.

Ces compétences sont essentielles, mais elles ne sont pas suffisantes pour lutter dans une société capitaliste.

Faire émerger des capacités de contestation sociale

En mettant l’accent dans la pédagogie, exclusivement, sur la coopération, on oublie l’existence des rapports sociaux de classe et l’existence de la lutte des classes.

Il est nécessaire également de préparer les élèves de milieux populaires à la lutte des classes. Cela signifie qu’une pédagogie de lutte de classe est une pédagogie qui prépare à la résistance, au conflit social ou encore à la désobéissance face à l’injustice.

De manière générale, ce sont des capacités qui sont essentielles à la vie démocratique. Nombre de philosophes politiques contemporains ont souligné qu’il ne peut y avoir de démocratie sans expression du conflit social – dans des manifestations et des grèves -. La désobéissance civile est devenu également un type d’acte qui concourt à la constitution des démocraties.

Ces capacités de résistance sont d’abord des capacités de résistance cognitives. Il est possible de se méfier d’un activisme pédagogique superficiel. Il vaut sans doute mieux un enseignant qui entraîne des élèves à faire des objections critiques argumentées à son exposé magistral qu’un enseignant qui met des élèves en activité alors que ceux-ci s’affairent sans rien comprendre cognitivement aux finalités de l’activité.

Renouveler la pédagogie de contestation sociale

C’est un travers des pédagogies alternatives de se situer dans l’idéal. L’idéalisme qui les touche est de deux ordres. Le premier consiste à inventer des pratiques pédagogiques qui ne tiennent pas compte de l’existence des rapports sociaux : cela les rend très vulnérables à la récupération par le capitalisme néolibéral. Le second tient au fait qu’elles font abstraction des contraintes de la forme scolaire auxquels sont soumis les enseignants : programmes, horaires, niveaux de classe…

Il est nécessaire également de se départir d’un discours qui mêle sans arguments valables données scientifiques et positions politiques. Il faut distinguer les pratiques pédagogiques efficaces en matière d’apprentissages et les finalités émancipatrices, pour ensuite les articuler. Sinon, le risque c’est que les militants progressistes favorisent la reproduction des inégalités sociales, les compétences néolibérales tout en se coupant d’un discours argumentable scientifiquement.

Néanmoins, si le discours scientifique peut avoir sa place en matière pédagogique, la pédagogie est indissociable d’une réflexion sur les finalités de l’éducation. Néanmoins, ces finalités ne doivent pas être posées de manière idéales, mais en tenant compte de l’état des rapports sociaux de classes.

Il est donc certainement nécessaire de mettre en œuvre l’expérimentation de nouvelles pratiques qui partent des enseignants et des classes en tenant compte :
- des contraintes de la forme scolaire
- de l’état de la recherche scientifique actuelle concernant la sociologie des inégalités sociales et la psychologie des apprentissages
- de l’état des rapports sociaux de classe
- de la nécessite de préparer les élèves de milieux populaires à la lutte des classes sociales.

Ce travail peut être menés par exemple dans des collectifs militants et syndicaux.

Il est sans doute nécessaire de sortir des positions figés, des dogmes pédagogiques et de faire preuve d’une inventivité iconoclaste sans craindre de rompre avec les lignes de fractures pré-établies.

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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 27 Juil 2016, 14:44

Lutte des places et lutte des classes à l’école

L’école se présente officiellement comme un espace de compétition scolaire méritocratique où s’effectue une lutte des places. Mais au-delà de la lutte des places, l’école se présente comme un espace où s’exerce de la lutte des classes au travers des mécanismes de reproduction sociale.

Le rapport aux enseignants à la lutte des classes

Bien souvent issus des classes moyennes, les enseignantes ont vécu le système sous l’angle de la lutte des places. Lorsqu’elles ont un regard critique sur l’institution scolaire, c’est du fait du stress que produit cette lutte des places.

La notion de lutte des places tend à s’opposer à celle de lutte des classes. Elle est en adéquation avec une conception de la société réduite à une vaste classe moyenne. Elle est en adéquation avec la théorie économique libérale qui analyse la société comme un espace d’individus qui sont en concurrence les uns avec les autres.

Les enseignantes issues des classes moyennes, lorsqu’elles sont conscientes de l’existence de la reproduction sociale, sont très mal à l’aise pour en parler avec leurs élèves. Elles ne sentent pas légitimes pour leur parler d’une reproduction dont elles ont bénéficié et dont leurs propres enfants bénéficient.

Elles se sentent mal à l’aise pour analyser l’écart entre les familles populaires et l’école. Elles en méconnaissent les réalités. Elles ont l’impression de se situer dans une position condescendante vis-à-vis de “ces familles là” et de ces “enfants là”. Le “là” exprime bien l’extériorité et la distance entre les enseignantes et les élèves de milieux populaires.

L’attitude de ces enseignantes contribue à reproduire l’invisibilité des mécanismes sociaux de reproduction sociale.

L’espace des possibles pédagogiques

Il est possible d’analyser la manière dont se distribuent plusieurs variables - individu/collectif, lutte/coopération - dans l’espace des possibles pédagogiques

- L’individualisation des parcours : prônée par le monde libéral, l’individualisation repose sur une analyse des parcours scolaires en termes de stratégie individuelle. Il s’agit d’individualiser les parcours comme on individualise les carrières. Les élèves doivent se comporter en homo oeconomicus scolaire: il s’agit d’apprendre à optimiser ses ressources.

- La coopération : La coopération dans les pratiques pédagogiques est ambivalente. Elle est prônée par deux courants différents. Elle peut être mise en avant dans la pédagogie Freinet de manière à augmenter la puissance d’agir des dominés. Mais on la retrouve également pronée par la pédagogie entrepreneuriale. Il s’agit de développer les capacités de coopération de manière à accaparer une plus grande force collective des travailleurs.

- La lutte des classes : Elle passe selon Paulo Freire par la conscientisation. Il s’agit de permettre aux opprimés d’acquérir la “science de leur malheur” (Pelloutier) et des armes pour combattre. Une pédagogie de lutte des classes développe des capacités de critique sociale. Elle développe des capacités au dissensus: insoumission à l’autorité injuste, résistance aux mécanismes de conformisme aux normes dominantes…

Les pratiques pédagogiques dans l’espace des possibles

L’école a en particulier pour fonction politique de trier et de sélectionner les élèves en particulier afin de dégager une élite sociale. Selon les époques, les élites accordent une préférence à tel ou tel système d’enseignement. Les élites traditionnelles valorisent la rigueur et la discipline. On retrouve par exemple ces qualités dans l’élite militaire. Les nouvelles élites économiques valorisent la créativité et les capacités de négociation. Elles attendent du système d’enseignement qu’elles dotent leurs enfants des compétences des cadres supérieurs.

La pédagogie traditionnelle : La pédagogie traditionnelle repose sur une autorité verticale et l’instauration d’une discipline basée sur la contrainte. Elle correspond aux attentes d’une société basée sur l’Etat administratif bureaucratique et une organisation du travail tayloriste. Elle rencontre également les attentes des franges conservatrices de la société, qui y voient le moyen d’inculquer le respect de l’ordre social, à commencer par l’ordre social des sexes.

La pédagogie entrepreneuriale : Elle correspond aux attentes de l’organisation du nouveau management: à la fois en entreprise et dans le management public. L’ordre social n’est pas imposé directement par l’action d’une contrainte physique, mais par un dispositif pédagogique et/ou technologique. Les élèves sont laissés en autonomie et l’enseignant est en retrait. Son rôle est de concevoir un dispositif pédagogique qui contraint de manière invisible l’élève à se comporter de telle ou telle manière pour acquérir des compétences: coopération, créativité, empathie… Cette manière de maintenir l’ordre social correspond à la société de contrôle.

La pédagogie critique : Il s’agit d’une pédagogie qui vise à lutter contre la reproduction des inégalités sociales de classe et de sexe. Elle entraîne les élèves à la critique sociale. Elle lutte contre les mécanismes d’intériorisation de la soumission à l’autorité injuste et le conformisme aux normes de domination sociale. Elle développe un répertoire de tactiques de résistance dans les interstices de la forme scolaire afin de saboter l’ordre de la reproduction scolaire: inégalités sociales de classe, de sexe, soumission au pouvoir hiérarchique.

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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 28 Juil 2016, 15:23

Quelques courants de la pédagogie critique

par Irène Pereira

Cet article vise à présenter succinctement quelques courants de la pédagogie critique. Il existe tellement de littérature sur le sujet et de sous-courants qu’il est impossible de tout présenter.

La pédagogie du questionnement (Paulo Freire)

Paulo Freire a mis en avant l’importance d’une pédagogie du questionnement donnant lieu à ce que les anglo-saxons appelle le Critical asking. Les étudiants sont invités à se questionner de manière critique sur ce qu’il leur est enseigné.

Dans la lignée de Paulo Freire, cette pédagogie du questionnement donne lieu à une pédagogie du problem-posing. Cette méthode est plutôt orientée vers une praxis de transformation sociale. Il s’agit de s’interroger de manière critique sur une situation dans un premier temps, afin ensuite d’envisager des alternatives et donc la manière de transformer la réalité.

Le questionnement critique peut porter, dans certains courants de la pédagogie critique (d’inspiration marxiste, féministe ou postcolonial) sur les curricula eux-mêmes. Les étudiants sont invités à s’interroger sur la manière dont ce qui est enseigné véhicule implicitement une vision qui est celle des dominants.

La pédagogie de la résistance (Henry Giroux)

Henry Giroux insiste sur le fait que la pédagogie doit développer chez les étudiants des capacités de résistance au système dominant.

Il écrit ainsi : « En résumé, la théorie de la résistance attire l’attention sur la nécessité que les éducateurs radicaux dévoilent les intérêts idéologiques contenus dans les différents systèmes de message de l’école, particulièrement ceux contenus dans les curricula, les systèmes d’instruction et les modes d’évaluation. Ce qui est le plus important, c’est que la théorie de la résistance renforce la capacité des éducateurs radicaux de déchiffrer comment les formes de production culturelle des groupes subalternes peuvent être analysés pour révéler leurs limites, mais également leurs possibilité pour permettre une pensée critique, une analyse discursive et un apprentissage à travers la pratique collective ».

Une pédagogie de l’empowerment (Ira Shor)

Ira Shor a travaillé étroitement avec Paulo Freire. Il a en particulier réalisé un ouvrage d’entretiens avec lui.

Il met en avant le fait que la pédagogie critique doit viser l’empowerment des apprenants orienté vers le changement social. C’est lui en particulier qui introduit la pédagogie du problem-posing au sein des classes de cours.

Ira Shor s’intéresse également particulièrement à la manière dont il est possible de former les apprenants à une littératie critique. Il ne s’agit pas seulement de comprendre ce que l’on lit, mais d’être capable de produire une analyse critique des textes.

Une pédagogie de l’engagement (Bell Hooks) : la pédagogie critique féministe

Influencée également par Paulo Freire, La black féministe Bell Hooks développe une pédagogie critique qu’elle intitule pédagogie de l’engagement. Mais dans une perspective féministe, elle s’intéresse à des dimensions peu prises en compte selon elle par la tradition rationaliste masculine : l’affectivité et le bien-être dans la relation éducative. Elle va ainsi rechercher par exemple des références dans le bouddhisme.

De manière générale, cette prise en compte des dimensions davantage liée à la sensibilité se trouve présente également dans la pédagogie feminist du « care ».

Ecopedagogy, Queer pedagogy, Digital Critical Pedagogy, Indigenous critical pedagogy, Pedagogia socio-critica…

Il existe beaucoup trop de sous-courants de la pédagogie critique pour pouvoir tous les décrire ou mêmes les citer...

Pour une pédagogie critique de lutte des classes (McLaren)

Peter McLaren entend contre les tendances postmodernes et post-structuralistes de la pédagogie critique, dans la continuité par exemple de Michel Foucault, inscrire la pédagogie critique dans le marxisme. En effet, il considère que si la pédagogie critique abandonne une lecture de la société en termes de lutte des classes, elle ne peut que retomber dans les travers des politiques réformistes multiculturalistes.

Une critique de la pédagogie critique (Baillargeon)

S’appuyant sur la tradition rationaliste des Lumières, Norman Baillargeon fustige ce qu’il considère être certains excès de la pédagogie critique. En effet, en affirmant que les contenus enseignés sont idéologiques, la pédagogie critique peut conduire à affirmer que la culture générale classique et les contenus disciplinaires ne sont que de pures idéologies oppressives.

Sa critique rationaliste conduit également à s’interroger sur l’orientation présente dans les pédagogies féministes et décoloniales visant la valorisation du sentiment (le « care ») contre la raison, des savoirs indigènes contre la science moderne.

Baillargeon considère qu’une éducation émancipatrice doit développer la rationalité des élèves. En cela, il se rattache davantage au courant du Critical thinking et de la philosophie analytique de l’éducation qu’au post-structuralisme et post-marxisme de la pédagogie critique.


Bibliographie en ligne :

Paulo Freire :


Pedagogia da autonomia (1997) [port] – URL : pedagogiadaautonomia-paulofreire.pdf
(Version Espagnol : Pedagogia de la autonomia (1997) [Esp] – URL : http://www.buenosaires.gob.ar/areas/sal ... freire.pdf )

El Grito manso (2003). URL : https://tecnoeducativas.files.wordpress ... os-cap.pdf

Hacia une pedagogia de la pregunta – URL : http://nuestraescuela.educacion.gov.ar/ ... poyo03.pdf

(Com Antonio Faundez) Por uma pedagogia da pregunta [port]- http://www.dhnet.org.br/direitos/milita ... rgunta.pdf
(Version en Espagnol : Freire%20&%20Faudez%20-%20Por%20una%20pedagogia%20de%20la%20pregunta.pdf )

(Con Ira Shor) : Medo e Ousadia (1987) – URL : http://forumeja.org.br/files/MedoeOusadia.pdf

Pedagogia da indignaçao (2000)- URL : http://www.dhnet.org.br/direitos/milita ... gnacao.pdf

Henry Giroux :

Livre : Theory and Resistance in Education : A pedagogy for the opposition

Livre : Teachers as Intellectuals : Toward a Critical Pedagogy of Learning

Site Internet d’Henry Giroux- URL : http://www.henryagiroux.com/

« Theorias de la reproduccion y la resistancia en la nueva sociologia de la educacion » (1983) – URL : http://www.pedagogica.edu.co/storage/rc ... 07pole.pdf

« A critical pedagogy manifesto » (2015) – URL : http://www.truth-out.org/opinion/item/1 ... -manifesto

Ira Shor :

Livre : Empowering Education : Critical teaching for social change

Livre : Freire for the Classroom : A sourcebook for liberatory Teaching

bell hooks :

Teaching Critical thinking – URL :https://pedsub.files.wordpress.com/2013/04/hooks-2010-engaged-pedagogy.pdf

« Engaged pedagogy » – URL : http://www.csub.edu/ mault/hooks1.pdf

Peter McLaren :

« Critical Pedagogy and Class struggle in the Age of Neoliberal Globalisation » (2005) – URL :
http://www.inclusivedemocracy.org/journ ... claren.htm

Autres :

Kilderry Anna, « Critical Pedagogy : A Useful Framework for Thinking about Early Childwood Curriculum », Australian Jounal of Early Childwood, 2004.

Revue : Radical Pedagoy - http://www.radicalpedagogy.org/radicalp ... urnal.html

Mathématiques : Radical Math- URL : http://www.radicalmath.org/main.php?id= ... usticeMath

Carnet Quebecois de pédagogie critique – URL : http://pedagogiecritique.blogspot.fr/

Normand Baillargeon, Cours d’auto-défense intellectuelle - URL : http://olivier.hammam.free.fr/imports/a ... tuelle.pdf


http://www.questionsdeclasses.org/?Quel ... e-critique
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Re: Pédagogie et Révolution

Messagede bipbip » 01 Aoû 2016, 14:47

Autour de Paulo Freire

Paulo Freire : une conscience sociale critique en pédagogie
Paulo Freire est principalement connu pour son ouvrage Pédagogie des opprimés, publié pour la première fois en France en 1974. Le pédagogue brésilien reste ainsi associé à une méthode d’alphabétisation des adultes. Mais entre en 1989 et 1991, il devient secrétaire de l’éducation de la ville de Sao Paulo, administré alors par le Parti des travailleurs. Son dernier ouvrage, Pédagogie de l’autonomie, publié en 1997, traite du rôle de l’éducateur en général, et plus particulièrement de l’enseignant dans le cadre du système scolaire et universitaire (1).
... http://www.questionsdeclasses.org/?Paul ... -pedagogie


Sur la pédagogie critique (deux conférences de Paulo Freire)
Ces deux conférences ont été données par Paulo Freire, en espagnol, en 1996 à l’Université de Comahue (Argentine). Il décède l’année suivante à l’âge de 76 ans.
Dans « Pratique de la pédagogie critique », Paulo Freire développe son analyse des finalités de l’éducation. Il met en avant la puissance de l’espoir qui doit animer l’éducateur et l’éducatrice face aux dangers qui menacent le monde. Il analyse les causes politiques de la situation à laquelle doit se confronter le monde éducatif actuel. Face au fatalisme, Paulo Freire appelle à la construction d’une pédagogie critique.
Dans la deuxième conférence, « Eléments sur la situation éducative », il rentre plus précisément dans la pratique quotidienne de l’enseignant-e : l’espace, le temps, les curricula… et met en valeur les qualités que doivent posséder selon lui les professeur-e-s.
... http://www.questionsdeclasses.org/?Sur- ... ulo-Freire
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