islamophobie ?

Re: islamophobie ?

Messagede yoh » 11 Aoû 2012, 20:07

“ Islamophobie ” : une invention française
http://divergences.be/spip.php?article3159

Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed

“ Islamophobie ” : une invention française

dimanche 8 juillet 2012

Selon certains intellectuels médiatiques parisiens, “islamophobie” est un terme à bannir absolument du vocabulaire français. Un des principaux arguments mobilisés pour justifier ce bannissement symbolique réside dans l’affirmation selon laquelle le terme a été forgé par les “intégristes iraniens” dans les années 1970 soit pour disqualifier les femmes refusant de porter le tchador, soit pour empêcher toute forme de critique de la religion musulmane :

« Le mot “islamophobie” a une histoire, qu’il vaut mieux connaître avant de l’utiliser à la légère. Il a été utilisé en 1979, par les mollahs iraniens qui souhaitaient faire passer les femmes qui refusaient de porter le voile pour de “mauvaises musulmanes” en les accusant d’être “islamophobes”. […] En réalité, loin de désigner un quelconque racisme, le mot islamophobie est clairement pensé pour disqualifier ceux qui résistent aux intégristes : à commencer par les féministes et les musulmans libéraux. [1] »

« Forgé par les intégristes iraniens à la fin des années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme d’« islamophobie », calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme. [2] »

Pourtant, il n’existe pas de réel équivalent à “islamophobie” en persan. “islam harâssi” semble être le terme persan pour signifier “hostilité contre l’islam”, tandis que “eslam setizi” signifie “antagonisme à l’islam”. Mais il n’existe pas d’adjectif comme “islamophobe” : “eslam setiz” semble possible, mais il n’est pas très utilisé (merci à Farhad Khosrokhavar !).

Qu’en est-il de l’arabe ? Deux termes arabes sont utilisés et forment rarement un mot composé comme le terme “islamophobie” en français (mais ce genre de néologisme, en arabe comme en persan, est très rare). On a donc le “classique” عداءالاسلام (‘adâ’ al-islâm, “hostilité à l’islam”) et le terme un peu plus savant, رهابالاسلام (ruhâb al-islâm, “phobie de l’islam”), mais il semble que ce dernier mot ne soit apparu que dans les années 1990 (merci à Yves Gonzalez-Quijano !).

La difficulté à trouver des origines persanes ou arabes au terme “islamophobie” réside dans le fait que, loin d’être une invention “orientale”, il s’agit en fait d’une invention… française ! Ce billet vise à présenter et à contextualiser les premiers usages du terme d’islamophobie.

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Maurice Delafosse (1870-1926)

En effet, on doit l’invention du néologisme « islamophobie » et ses premiers usages à un groupe d’« administrateurs-ethnologues [3] » spécialisés dans les études de l’islam ouest-africain ou sénégalais : Alain Quellien, Maurice Delafosse [4]. et Paul Marty. Au début du XXe siècle, la connaissance de l’islam apparaît comme une nécessité pour les administrateurs coloniaux qui souhaitent préserver la domination impériale sur les populations musulmanes colonisées. La production d’un savoir à prétention scientifique est donc intrinsèquement liée au projet de domination coloniale. Cette volonté de savoir se traduit par la multiplication d’études ethnologiques, souvent denses et érudites, sur l’« islam noir ». Le lien entre savoir ethnologue et politique coloniale est incarné par deux éléments : i) la publication de la prestigieuse revue de la mission scientifique du Maroc, la Revue du monde musulman ; ii) la circulation de ses administrateurs-ethnologues entre l’espace administratif colonial et l’espace académique, notamment le passage, en tant qu’élève ou enseignant, dans des lieux de formations spécifiques tels que l’École coloniale et l’École spéciale des langues orientales [5]. Pour ces administrateurs, l’enjeu principal consiste à définir la « bonne » politique coloniale en vue de gagner la confiance et une certaine légitimité auprès des colonisés. Dans cette perspective, l’islamophobie est définie selon deux acceptions : une islamophobie de gouvernement et une islamophobie savante.

Dans un article de 1910 sur l’état de l’Islam en Afrique occidentale française, Delafosse dénonce la composante de l’administration coloniale affichant ouvertement son hostilité à l’encontre des musulmans et de la religion musulmane.

« Quoi qu’en disent ceux pour qui l’islamophobie est un principe d’administration indigène, la France n’a rien de plus à craindre des Musulmans en Afrique occidentale que des non-Musulmans. […] L’islamophobie n’a donc pas raison d’être dans l’Afrique occidentale, où l’islamophilie, dans le sens d’une préférence accordée aux Musulmans, créerait d’autre part un sentiment de méfiance parmi les populations non-musulmanes, qui se trouvent être les plus nombreuses. L’intérêt de la domination européenne, comme aussi l’intérêt bien entendu des indigènes, nous fait donc un devoir de désirer le maintien du statu quo et de garder une neutralité absolue vis-à-vis de tous les cultes. [6] »

L’islamophobie est ainsi définie comme un mode de gouvernement, un traitement différentiel fondé sur un critère religieux, dont la valeur est déconnectée de toutes considérations morales et déterminée au contraire par un politique de domination pragmatique. L’islamophobie s’oppose à l’« islamophilie », « préférence accordée aux musulmans », qui n’est pas forcément le mode de gouvernement le plus approprié en Afrique de l’Ouest parce qu’il déboucherait sur l’inimitié de la majorité des colonisés non-musulmans. L’islamophobie de gouvernement est par ailleurs associée à ce que Marty appelle « l’islamophobie ambiante [7] », qui n’est pas restreinte aux seuls cercles de l’administration coloniale.

Or, selon ces administrateurs-ethnologues, l’islamophobie ambiante s’appuie sur une islamophobie savante. Dans une recension du livre L’âme d’un peuple africain : les Bambara de l’abbé Henry (1910), Delafosse dénonce l’« islamophobie féroce [8] » de sa description des coutumes Bambara, mais c’est Quellien qui élabore la critique la plus systématique de l’islamophobie savante. Dans sa thèse de droit sur la « politique musulmane dans l’Afrique occidentale française », soutenue et publiée en 1910, il définit l’islamophobie comme un « préjugé contre l’Islam » :

« L’islamophobie — Il y a toujours eu, et il y a encore, un préjugé contre l’Islam répandu chez les peuples de civilisation occidentale et chrétienne. Pour d’aucuns, le musulman est l’ennemi naturel et irréconciliable du chrétien et de l’Européen, l’islamisme est la négation de la civilisation, et la barbarie, la mauvaise foi et la cruauté sont tout ce qu’on peut attendre de mieux des mohamétans. [9] »

Or, pour Quellien, il « semble que cette prévention contre l’Islam soit un peu exagérée, le musulman n’est pas l’ennemi né de l’Européen, mais il peut le devenir par suite de circonstances locales et notamment lorsqu’il résiste à la conquête à main armée [10] ». Pour démontrer que le musulman n’est pas l’ennemi de l’Européen, il s’appuie sur les témoignages des « explorateurs » Adolf Overweg et Heinrich Barth, membres d’une expédition scientifique britannique en Afrique (1849) [11], et de Louis-Gustave Binger, officier et administrateur colonial français en Côte d’Ivoire [12]., qui ont été « fort bien reçus dans les villes et chez les tribus mohamétanes [13]. » et n’ont « jamais [été] inquiétés à cause de leur religion ». Quellien considère que l’Islam a une « valeur morale incontestable » et qu’il « a partout élever le sens moral et l’intelligence des peuples qu’il a arrachés au fétichisme et à ses pratiques dégradantes ». Il s’inscrit donc en faux contre l’opinion de l’explorateur-géologue allemand Oskar Lenz qui considère que « l’Islam est l’ennemi de tout progrès et qu’il n’existe que par la force de sa propre inertie qui le laisse inattaquable [14]. » ou que « l’Islam veut dire stationnement et barbarie, tandis que le Christianisme représente la civilisation et le progrès [15] ».

Quellien entreprend ensuite de contredire les principaux « reproches » adressés à l’Islam (la « guerre sainte », l’esclavage, la polygamie, le fatalisme et le fanatisme) en mobilisant des arguments anti-essentialistes et historiques. Il va même jusqu’à affirmer que l’Islam « ne semble pas […] en opposition avec l’idée de la conquête des contrées musulmanes par les puissances européennes [16] » dans la mesure où, selon certains jurisconsultes musulmans, « quand un peuple musulman a résisté à l’invasion des chrétiens, autant et aussi longtemps que ses moyens de résistance le lui ont permis, il peut discontinuer la lutte et accepter la domination des conquérants si ceux-ci garantissent aux musulmans le libre exercice de leur religion et le respect de leurs femmes et de leurs filles ».

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Portrait de Sliman Ben Ibrahim par Étienne Dinet, 1904.

C’est dans une perspective analogue de critique de l’orientalisme que se situent les écrits d’Étienne Dinet (1861-1929) et de Sliman Ben Ibrahim (1870-1953). Dinet est un artiste peintre issu d’une famille catholique bourgeoise circulant entre la France et l’Algérie, et Ben Ibrahim un musulman d’Algérie religieux et érudit. Ils se sont rencontrés à l’occasion d’une rixe entre Dinet et des Juifs d’Algérie (Dinet a été « sauvé » par Ben Ibrahim [17]). Dinet se convertit à l’islam en 1913 et devient un « artiste militant ». Parallèlement à son activité de peintre (il est un des représentants de la peinture orientaliste algérienne [18]), il milite pendant la Première Guerre mondiale pour le rapatriement et l’enterrement des tirailleurs musulmans algériens en Algérie ainsi que pour la construction de la Grande Mosquée de Paris (inaugurée en 1926). Il se situe dans une optique analogue à celle des administrateurs-ethnologues sans pour autant faire partie de l’administration coloniale. Il souhaite vivement l’« union franco-musulmane » et l’égalité entre colons et colonisés dans le cadre de l’empire, afin d’éviter le séparatisme anti-colonialiste et le triomphe du communisme en territoire colonisé. Ce n’est qu’après l’échec des propositions du gouverneur général d’Algérie, Maurice Viollette, visant à accorder une représentation nationale et les droits politiques à une minorité de musulmans algériens, que Dinet désespère de la politique et se réfugie dans l’idée d’un pèlerinage à la Mecque.

Pour Dinet et Ben Ibrahim, l’islamophobie renvoie d’abord aux « orientalistes modernes [19] » ayant introduit des « innovations » dans la biographie du Prophète Mohammed. Ainsi, « l’étude des innovations (…) introduites dans l’histoire du Prophète nous a permis de constater que, parfois, elles étaient inspirées par une Islamophobie difficilement conciliable avec la science, et peu digne de notre époque ». Ils dénoncent leur « singulière ignorance des mœurs arabes » et tentent une histoire du Prophète en s’inspirant des écrits d’auteurs musulmans classiques (Ibn Hicham, Ibn Saâd, etc.) et d’un historien moderne, Ali Borhan’ed Dine El Halabi. Dinet et Ben Ibrahim émettent une critique interne à l’orientalisme : l’islamophobie est un préjugé incompatible avec la démarche scientifique. Par ailleurs, Dinet utilise le terme d’islamophobie comme synonyme d’arabophobie pour désigner et dénoncer certains acteurs politiques et colons d’Algérie :

« Si ce projet [Viollette] est repoussé, ce sera le triomphe des Arabophobes et du Militarisme devant le monde entier au moment du Centenaire [de la conquête d’Algérie en 1830], et un fossé creusé pour jamais entre Français et Musulmans malgré les protestations d’amour qu’on aura dictées aux Caïds en les couvrant de Légion d’Honneur des pieds jusqu’au turban. Si le projet est adopté ce seront des cris de fureur fanatique de la part de tous les politiciens vivant d’arabophobie et cherchant à soulever les Colons… contre leurs vrais intérêts [20]. »

« Je me demande ce que Violette pense du discours de Tardieu [contre le projet] à la Commission des réformes en faveur des indigènes pour le Centenaire ? Ici, les Islamophobes sont dans l’enthousiasme car c’est l’enterrement définitif. (…) Il ne se doute pas de la réclame qu’il vient de faire au Bolchévisme !… [21] »

À l’issue de leur pèlerinage, Dinet et Ben Ibrahim publie un récit de voyage où ils développent en conclusion les trois éléments qui les ont particulièrement frappés – « la vitalité de la foi musulmane, la puissance formidable de la foi musulmane et la persistance d’une hostilité plus ou moins déguisée de l’Europe contre l’Islam [22] » – cette dernière étant la définition proposée de l’islamophobie. Mais il précise ce qu’ils entendent par islamophobie de trois manières.

Tout d’abord, ils l’inscrivent dans une histoire longue remontant aux Croisades. Selon eux, « [m]alheureusement, l’Europe a des traditions politiques qui datent des Croisades ; elle ne les a pas abandonnées et, si elle est tentée de les oublier, les Islamophobes tels que [William E.] Gladstone [ancien Premier ministre britannique], [Lord] Cromer [consul britannique en Egypte], [Arthur J.] Balfour [ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères britannique], l’archevêque de Canterbury et les missionnaires de toutes confessions, etc., se dressent immédiatement pour l’y ramener [23]. ». Ensuite, l’islamophobie est entendue comme une idéologie de conquête qui devrait logiquement s’effacer à mesure que les résistances armées aux conquêtes coloniales sont brisées : « L’islamophobie ne pouvant plus rien rapporter devrait donc s’éteindre et disparaître. Si elle persistait, elle prouverait définitivement à toute l’Asie et à toute l’Afrique que l’Europe veut les asservir à un joug de plus en plus tyrannique. (…) Si, au contraire, l’Europe s’entendait cordialement avec l’Islam, la paix du monde serait assurée [24] ». L’alliance entre l’Europe et l’Islam serait ainsi une « barrière infranchissable » pour la « menace du péril jaune » et du péril communiste…

Dinet et Ben Ibrahim proposent enfin une typologie de l’islamophobie, en distinguant l’« islamophobie pseudo-scientifique [25] » et l’« islamophobie cléricale [26] ». Pour illustrer ces deux types d’islamophobie, ils ne donnent qu’un seul exemple : le livre L’islam de Samuel W. Zwemer, professeur d’histoire des religions à l’université de Princeton, dont la traduction des versets du Coran conduit le lecteur à croire que l’islam est une religion polythéiste… et qui contient un véritable appel à la guerre contre l’Islam [27]. Selon eux, « lorsqu’un savant étudie un sujet, il se passionne pour lui et il lui découvre toutes les beautés imaginables [28] » mais « [i]l n’est qu’une seule exception à cette règle, et c’est encore l’Islam qui en est victime. En effet, il existe aujourd’hui un groupe d’Orientalistes qui n’étudient la langue arabe et la religion musulmane que dans le but de les salir et de les dénigrer [29] ». Ces « savants oublieux des principes de la science impartiale [30] » ont « comblé de joie les missionnaires, qui, de leur côté, ont redoublé d’ardeur prosélyte ». Ils poursuivent ainsi leur critique des orientalistes entamée dans L’Orient vu par l’Occident [31], où ils prennent pour cible les ouvrages du jésuite belge arabisant Henri Lammens et Mohammed et la fin du monde de Paul Casanova, professeur au Collège de France.

Quand La vie de Mohammed est traduit en anglais en 1918, le terme islamophobie est traduit par l’expression « feelings inimical to Islam [32] » et ne migre pas à ce moment du français vers l’anglais. Il apparaît pour la première fois en anglais en 1924 dans une recension de L’Orient vu par l’Occident, mais l’auteur ne fait que citer Dinet et Ben Ibrahim et ne se réapproprie pas le terme [33]. Il réapparaît en anglais seulement en 1976 sous la plume d’un islamologue dominicain d’Égypte, Georges C. Anawati, qui lui donne une toute autre signification que celle Dinet et Ben Ibrahim. Selon lui, la tâche de l’orientaliste non-musulman est d’autant plus difficile qu’il serait « obligé, sous peine d’être accusé d’islamophobie, d’admirer le Coran en totalité et de se garder de sous-entendre la moindre critique sur la valeur du texte [34] ». L’orientaliste Anawati est un peu l’inventeur de l’idée, qui connaîtra un succès médiatique grandissant, de « chantage à l’islamophobie ».

http://islamophobie.hypotheses.org/author/islamophobie

25 mai 2012.

[1] Caroline Fourest & Fiammetta Venner, “Islamophobie ?”, ProChoix, N°26-27, 2003.

[2] Pascal Bruckner, “L’invention de l’« islamophobie »”, Libération, 23 novembre 2010.

[3] Hélène Grandhomme, « Connaissance de l’islam et pouvoir colonial. L’exemple de la France au Sénégal, 1936-1957 », French Colonial History, vol. 10, 2009, p. 171.

[4] Voir Jean-Loup Amselle et Emmanuelle Sibeud (dir.), Maurice Delafosse. Entre orientalisme et ethnographie : l’itinéraire d’un africaniste (1870-1926), Paris, Maisonneuve & Larose, 1998

[5] Delafosse (1870-1926) débute sa carrière dans l’administration coloniale en tant que commis des Affaires indigènes de 3e classe en Côte d’Ivoire puis, après avoir été consul au Libéria et enseigné à l’École spéciale des langues orientales et à l’École coloniale, est nommé responsable des Affaires civiles du gouvernement de l’Afrique occidentale française (AOF) à Dakar. Quellien est docteur en droit, élève breveté de l’École coloniale, diplômé de l’École spéciale des langues orientales vivantes et rédacteur au ministère des Colonies. Paul Marty (1882-1938) est né en Algérie et directeur des Affaires indigènes à Rabat de 1912 à 1921.

[6] Maurice Delafosse, « L’état actuel de l’Islam dans l’Afrique occidentale française », Revue du monde musulman, vol. XI, n°V, 1910, p. 57.

[7] Paul Marty, « L’islam en Guinée », Revue du monde musulman, vol. XXXVI, 1918-1919, p. 174 : « Il faut reconnaître pourtant que de 1908 à 1911, il y eut dans la région de Touba quelques motifs susceptibles d’éveiller véritablement les soucis de l’administration, et qui étaient plus objectifs que l’islamophobie ambiante. »

[8] Maurice Delafosse, « L’âme d’un peuple africain : les Bambara » (recension de J. Henry, L’âme d’un peuple africain : les Bambara ; leur vie psychique, éthique, sociale, religieuse, Münster, 1910), Revue des études ethnographiques et sociologiques, tome II, n°1-2, 1911, p. 10.

[9] Alain Quellien, La politique musulmane dans l’Afrique occidentale française, Paris, Émile Larose, 1910, p. 133. D’après une thèse de doctorat présentée à la faculté de droit de l’Université de Paris le 25 mai 1910.

[10] Ibid., p. 135.

[11] James von Richardson, Adolf Overweg, Heinrich Barth et Eduard Vogel, Die Entdeckungsreisen in Nord-und Mittel-Afrika, Leipzig, Carl B. Lorck, 1857 ; Heinrich Barth, Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849 à 1855, Paris, A. Bohné, 1860.

[12] Louis-Gustave Binger, Du Niger au Golfe de Guinée, Paris, 1891. Il est le grand père maternel de Roland Barthes.

[13] Alain Quellien, op. cit., p. 136

[14] Cité dans ibid., p. 137

[15] Oskar Lenz, Timbouctou : voyage au Maroc, au Sahara et au Soudan. Tome 1, Paris, Hachette, 1886, p. 460.

[16] Alain Quellien, op. cit., p. 154.

[17] Voir les biographies de Dinet : Fernand Arnaudiès, Étienne Dinet et El Hadj Sliman Ben Ibrahim, Alger, P. & G. Soubiron, 1933 ; Jeanne Dinet-Rollince (sa sœur), La vie de E. Dinet, Paris, Maisonneuve, 1938 ; Denise Brahimi, La vie et l’œuvre de Étienne Dinet, Paris, A.C.R, 1984 ; François Pouillon, Les deux vies d’Étienne Dinet, peintre en Islam : l’Algérie et l’héritage colonial, Paris, Balland, 1997.

[18] Une de ses peintures est même reproduite dans le célèbre Gabriel Hanoteaux (dir.), Histoire des colonies françaises. Tome 2 : Algérie, Paris, Plon, 1929, p. 384.

[19] Étienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim, La vie de Mohammed, Prophète d’Allah, Paris, L’édition d’Art H. Piazza, 1918, p. vii.

[20] Lettre de Dinet à sa sœur, 7 janvier 1929, citée dans Jeanne Dinet-Rollince, op. cit., p. 196.

[21] Lettre de Dinet à sa sœur, 8 mars 1929, citée dans ibid., p. 197.

[22] Nacir Ed Din Etienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim Baâmer, Le pèlerinage à la maison sacrée d’Allah, Paris, Hachette, 1930, p. 167.

[23] Ibid., p. 173

[24] Ibid., p. 174-175.

[25] Ibid., p. 176.

[26] Ibid., p. 183.

[27] Samuel M. Zwemer, L’Islam, son passé, son présent et son avenir, Paris, Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants, 1922 [1907], p. 295 : « Il faut conduire l’offensive avec tact et sagesse, mais il faut la pousser vigoureusement. Il faut que de l’Est à l’Ouest, et du Nord au Midi, l’Église mobilise toutes ses forces et les enrôle sous la bannière de son chef… Les champs sanglants de l’Afrique et de l’Asie attendent de nouveaux martyrs ! ».

[28] Nacir Ed Din Etienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim Baâmer, Le pèlerinage…, op. cit., p. 173.

[29] Ibid., p. 174.

[30] Ibid., p. 183.

[31] Étienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim, L’Orient vu de l’Occident, essai critique, Paris, H. Piazza, 1925.

[32] Étienne Dinet et Sliman Ben Ibrahim, The Life of Mohammed, The Prophet of Allah, Paris, Paris Book Club, 1918.

[33] Stanley A.Cook, « Chronicle. The history of religions », Journal of Theological Studies, n°25, 1924, p. 101-109.

[34] Georges C. Anawati, « Dialogue with Gustave E. von Grynebaum », International Journal of Middle East Studies, vol. 7, n°1, 1976, p. 124.
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Re: islamophobie ?

Messagede Denise » 14 Aoû 2012, 12:19

voici un article qui met devant leurs contradictions les gens qui affirment qu'on peut etre voilé et feministe. ça fait aussi reflechir sur les dérive du féminisme qui prone la ségrégation et les espace interdits aux hommes, penchant feminin du machisme. et oui l'islamo gauchisme fait, comme souvent le gauchisme, le jeu de l'extreme droite. ici on voit bien que de ne pas dénoncer l'islam en tant que dogme fait le jeu des islamistes radicaux.

DEUXIÈME SEXE – Une ville réservée aux femmes en Arabie saoudite

Elles ne sont toujours pas autorisées à voter ou à conduire, mais les Saoudiennes auront bientôt une ville à elles. Les autorités de la très conservatrice monarchie du Golfe ont validé le projet de construction d'une cité industrielle entièrement réservée au deuxième sexe à Hofuf, dans l'est du pays. Le complexe, qui doit ouvrir l'an prochain, permettra aux travailleuses de créer leur entreprise et d'employer leurs compatriotes sans attenter à la sacro-sainte ségrégation spatiale imposée aux deux sexes dans le royaume.

Discriminer pour mieux émanciper ? L'équation pourrait s'avérer payante selon le président de l'Autorité saoudienne de la propriété industrielle (Modon) qui chapeaute le projet. Cité par le Guardian, le responsable se dit "certain que les femmes peuvent faire la preuve de leur efficacité dans bien des domaines et choisir les industries qui conviennent le mieux à leurs intérêts, à leur nature et à leurs capacités".

Près de cinq mille emplois dans le textile, la pharmacie et l'agro-alimentaire doivent être créés sur le site, qui comptera des bureaux ainsi que des lignes de production. Proche des quartiers résidentiels, l'implantation de Hofuf "facilitera également le déplacement des femmes de chez elles à leur lieu de travail", selon Modon.

Le projet, à l'initiative d'entrepreneuses saoudiennes, vise essentiellement à trouver des débouchés aux jeunes diplômées. "La nouvelle cité industrielle sera dotée d'une centre de formation pour aider les femmes à développer leurs talents et les former au travail en usine", explique la businesswoman Hussa Al-Aun au quotidien économique Al Eqtisadiah.

Victimes d'une des sociétés les plus coercitives au monde, les Saoudiennes accèdent difficilement au marché de l'emploi. Elles peuvent travailler comme caissière dans les supermarchés ou au guichet (non mixte) des banques, et depuis peu dans les magasins de lingerie. Un décret royal, entré en vigueur en juillet, leur a également ouvert les portes des boutiques de cosmétiques. Mais les instances religieuses s'efforcent de freiner ces quelques avancées.

Un avis émanant du comité de l'Iftâ', qui dépend du haut comité des oulémas, rappelait en novembre 2010 aux femmes, et particulièrement aux caissières, qu'il n'était "pas permis de travailler dans des endroits où elles peuvent se trouver avec des hommes" et qu'elles "doivent rechercher des emplois où elles ne peuvent pas être attirées par les hommes ni les attirer".

Plus récemment, la présence d'athlètes saoudiennes à Londre a suscité l'ire des conservateurs qui ont accusé sur Twitter le président du comité olympique saoudien d'"offrir des Saoudiennes aux olympiades". Aux Jeux de Pékin, en 2008, le royaume wahabite avait été l'un des trois derniers pays au monde, avec le Qatar voisin et le sultanat de Bruneï, à dépêcher dans la capitale chinoise une délégation exclusivement masculine.

Décidé à réformer et à moderniser la société, le roi Abdallah a néanmoins promis à ses sujettes l'accès aux urnes en 2015. "Parce que nous refusons la marginalisation du rôle de la femme dans la société saoudienne dans tous les domaines, conformément à la charia, et après des consultations avec de nombreux savants (religieux)", elles pourront enfin voter et même prétendre à la députation.


http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/ ... -saoudite/

une ville reservée aux femmes, quel reve pour certaines "feministes" qui affirment que porter le voile est un choix et une liberté.
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Re: islamophobie ?

Messagede Pïérô » 14 Aoû 2012, 12:28

C'est complètement limite cette argumentation, en raccourcis pitoyables, comme l'exemple donné, car je ne vois pas en quoi cet exemple appuierait ce que tente de dire Denise. Je pense que Denise fait aussi alusion aux espaces non mixtes de discussions. Bref, non seulement çà fleurterait avec l'argumentation de Riposte laïque, mais il y a un fond antiféministe évident.
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Re: islamophobie ?

Messagede Kzimir » 14 Aoû 2012, 12:51

Tiens, Denise se réveille et décide d'illustrer ce que je disais plus haut :
Les arguments des anarcho-islamophobes partent de ce dont on avait déjà parlé sur ici : Une vision idéaliste et figée de la religion comme objet existant en dehors de toute situation sociale et de tout contexte historique. L'Islam, comme le catholicisme, cessent d'être des appareils idéologiques au service de tel ou tel groupe social pour devenir des idéologies définies de tout temps par un corpus théorique fini, des constructions au dessus des classes, des modes de production, des contradictions sociales, etc. C'est d'ailleurs une vision que partagent aussi bien les islamophobes forcenés que les différentes mouvances fondamentalistes. L'existence de nazis musulmans prouverait ainsi une compatibilité naturelle entre "l'Islam" (je mets les guillemets parce que c'est une sorte d'Islam éternel, un peu comme la France éternelle) et le nazisme.
Il se trouve qu'il n'existe pas d'Islam éternel, pas plus qu'il n'existe d'idéologie trans-historique détachée des conditions de vie réelles. Il n'existe qu'une pluralité de situations sociales réelles qui produisent leur justification idéologique. La question religieuse doit être traitée sur cette base.
Si l'on veut analyser la situation des musulmans en France, on ne peut se baser sur un texte qui date de 1500 ans, pas plus qu'on ne peut se baser sur un choix politique fait par une partie des élites musulmanes du Moyen-Orient il y a soixante ans, pas plus qu'on ne peut se baser sur le fonctionnement d'un régime fondamentaliste dans un pays dont la situation religieuse, économique, et géopolitique est incomparable avec celle de la France. Si l'on veut analyser la situation des musulmans en France et le phénomène islamophobe, on doit se baser sur la réalité de la pratique des musulmans de France et sur leur place dans le système de classe français.


Mais c'est sur, plutôt que de se demander le rôle social de l'islamophobie aujourd'hui en France, c'est plus facile de hurler avec les loups réactionnaires. En feignant d'identifier les logiques en jeu derrière l'Islam de France à celles qui téléguident l'Islam saoudien, Denise montre bien un refus de se baser sur le réel pour ses "analyses" : tout est pareil, le contexte, les logiques de classe, la géopolitique, ça sert à rien, tout ce qui compte c'est les idéologies et comment elles se définissent. D'ailleurs entre un prolo français musulman et un émir saoudien enrichi au pétrodollar, il n'y a aucune différence. Le fait que l'un soit attaqué par les réactionnaires (toujours impatients de diviser la classe ouvrière) sous prétexte de sa religion, et que les autres assoient une domination féodale sur leur peuple est accessoire. On revient deux siècles en arrière dans l'analyse.
De là à s'imaginer que les islamistes vont prendre le pouvoir en France comme ils l'ont fait en Iran il n'y a qu'un pas, franchi allègrement par les Riposte Laïque et les chroniqueurs au Figaro. Je pense qu'on tient donc ici la prochaine évolution de Denise et de ses petits camarades : leur transformation en Doriot de l'islamophobie.
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Re: islamophobie ?

Messagede Nyark nyark » 14 Aoû 2012, 13:32

+1 Kzimir : rien à rajouter.
La religion est la forme la plus achevée du mépris (Raoul Vaneigem)
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Re: islamophobie ?

Messagede Massinissa » 17 Aoû 2012, 14:33

Denise a écrit:voici un article qui met devant leurs contradictions les gens qui affirment qu'on peut etre voilé et feministe. ça fait aussi reflechir sur les dérive du féminisme qui prone la ségrégation et les espace interdits aux hommes, penchant feminin du machisme. et oui l'islamo gauchisme fait, comme souvent le gauchisme, le jeu de l'extreme droite. ici on voit bien que de ne pas dénoncer l'islam en tant que dogme fait le jeu des islamistes radicaux.

DEUXIÈME SEXE – Une ville réservée aux femmes en Arabie saoudite

Elles ne sont toujours pas autorisées à voter ou à conduire, mais les Saoudiennes auront bientôt une ville à elles. Les autorités de la très conservatrice monarchie du Golfe ont validé le projet de construction d'une cité industrielle entièrement réservée au deuxième sexe à Hofuf, dans l'est du pays. Le complexe, qui doit ouvrir l'an prochain, permettra aux travailleuses de créer leur entreprise et d'employer leurs compatriotes sans attenter à la sacro-sainte ségrégation spatiale imposée aux deux sexes dans le royaume.

Discriminer pour mieux émanciper ? L'équation pourrait s'avérer payante selon le président de l'Autorité saoudienne de la propriété industrielle (Modon) qui chapeaute le projet. Cité par le Guardian, le responsable se dit "certain que les femmes peuvent faire la preuve de leur efficacité dans bien des domaines et choisir les industries qui conviennent le mieux à leurs intérêts, à leur nature et à leurs capacités".

Près de cinq mille emplois dans le textile, la pharmacie et l'agro-alimentaire doivent être créés sur le site, qui comptera des bureaux ainsi que des lignes de production. Proche des quartiers résidentiels, l'implantation de Hofuf "facilitera également le déplacement des femmes de chez elles à leur lieu de travail", selon Modon.

Le projet, à l'initiative d'entrepreneuses saoudiennes, vise essentiellement à trouver des débouchés aux jeunes diplômées. "La nouvelle cité industrielle sera dotée d'une centre de formation pour aider les femmes à développer leurs talents et les former au travail en usine", explique la businesswoman Hussa Al-Aun au quotidien économique Al Eqtisadiah.

Victimes d'une des sociétés les plus coercitives au monde, les Saoudiennes accèdent difficilement au marché de l'emploi. Elles peuvent travailler comme caissière dans les supermarchés ou au guichet (non mixte) des banques, et depuis peu dans les magasins de lingerie. Un décret royal, entré en vigueur en juillet, leur a également ouvert les portes des boutiques de cosmétiques. Mais les instances religieuses s'efforcent de freiner ces quelques avancées.

Un avis émanant du comité de l'Iftâ', qui dépend du haut comité des oulémas, rappelait en novembre 2010 aux femmes, et particulièrement aux caissières, qu'il n'était "pas permis de travailler dans des endroits où elles peuvent se trouver avec des hommes" et qu'elles "doivent rechercher des emplois où elles ne peuvent pas être attirées par les hommes ni les attirer".

Plus récemment, la présence d'athlètes saoudiennes à Londre a suscité l'ire des conservateurs qui ont accusé sur Twitter le président du comité olympique saoudien d'"offrir des Saoudiennes aux olympiades". Aux Jeux de Pékin, en 2008, le royaume wahabite avait été l'un des trois derniers pays au monde, avec le Qatar voisin et le sultanat de Bruneï, à dépêcher dans la capitale chinoise une délégation exclusivement masculine.

Décidé à réformer et à moderniser la société, le roi Abdallah a néanmoins promis à ses sujettes l'accès aux urnes en 2015. "Parce que nous refusons la marginalisation du rôle de la femme dans la société saoudienne dans tous les domaines, conformément à la charia, et après des consultations avec de nombreux savants (religieux)", elles pourront enfin voter et même prétendre à la députation.


http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2012/ ... -saoudite/

une ville reservée aux femmes, quel reve pour certaines "feministes" qui affirment que porter le voile est un choix et une liberté.



tu prends l'exemple le plus extreme l'arabie saoudite le berceau de l'islam ou il y a le pelerinage à la Mecque, mauvais exemple
de plus le voile n'a rien à voir avec la charia tu fais des amalgames à la con pour discrediter une fois de plus l'islam, comme dit Pierot ça ressemble à du Riposte Laique........................ toi tu resume comme ça islam = voile = charia = integriste si c'est pas des amalgames c'est quoi une reduction de la pensee !!!
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Re: islamophobie ?

Messagede Denise » 22 Aoû 2012, 17:16

je ne crois pas, je ne fait pas d'amalgame, je prend exprès l'exemple le plus extrème car il permet de mettre a nu les contradictions de certains. Il existe des personnes qui instrumentalisent le féminisme pour justifier le port du voile. j'en ai entendu. donc je me moque un peu ce ces personnes en leur opposant cette ségrégation qui, cette fois ci n'est pas du tout désirée. Le dogme ammène à ce genre d'extrémités, mais pas systématiquement évidemment. donc un peu de provocation n'est pas du racisme, sinon ça serait un peu trop facile et on vivrait dans un monde binaire. je fais suivre ce texte visible ici et qui est d'un lucidité éclairante.



Messagede MélusineCiredutemps
Le terme "islamophobie" comporte des ambiguïtés qui complexifient la lutte contre le racisme et l'intégrisme religieux. Son emploi peut servir à faire l'impasse sur le racisme à l'égard des Arabes qui ne sont pas croyant-e-s, tout en instaurant un amalgame systématique et stigmatisant entre les Arabes et les musulman-e-s, et dans la foulée entraver le droit au blasphème, ainsi que toute critiques contre les dogmes religieux d'abord musulmans, puis logiquement et par extension, chrétiens et juifs. En quelque sorte, c'est là le programme des groupes d'extrêmes droites qui instrumentalisent leur adhésion mensongère à la laïcité comme "Riposte Laïque" qui n'est pas laïque du tout, bien au contraire.
Des gens qui sont en apparence ennemis défendent en réalité les mêmes intérêts : les intégristes religieux, les anti-féministes, les obscurantistes (croyant-e-s ou athées avec leur rhétoriques "anti-sciences"), les conspirationnistes, les racistes, bref, toutes les sortes d'essentialistes, autrement-dit, d'adeptes des extrêmes droites (de quelque inspiration culturelle et/ou cultuelle soient-illes). Les confusions actuelles (qui profitent notamment à "égalité et réconciliation" d'Alain Soral) qui tendent à nous faire oublier la lutte des classes et le combat contre le racisme et le sexisme, par l'intrusion sur la scène politique des délires du type "choc des civilisations" et "défense de la diversité", arrangent bien les dominant-e-s et les extrêmes droites. Pendant que certain-e-s instrumentalisent une illusion d'anti-racisme (en réalité ils défendent leurs valeurs identitaires) afin de faire de la propagande anti-féministes, d'autres font l'inverse, ce qui n'est pas mieux... Parfois, on pourrait avoir l'impression qu'on est cerné-e-s par toutes les sortes de fachos que l'absurdité humaine a engendré... et que l'écrasante majorité s'en fout royalement ! Par lâcheté, par superficialité, par une "innocente ignorance" peut-être... en tout cas c'est assez désespérant et il faut s'accrocher avec beaucoup de poigne à nos valeurs pour ne pas sombrer dans la misanthropie.
Au delà de ce sombre constat, il me semble que certains repères peuvent aider à garder le cap : se reposer certaines questions philosophiques, toutes simples, comme :
- L'important, pour savoir de quel côté je suis et de quel côté est mon interlocuteurice ou l'orateur-e que je suis en train d'écouter, est-ce de savoir "en quoi je dois croire" ou plutôt "qu'est-ce que je veux" ? Et si c'est la 2ème réponse que j'adopte : "qu'est-ce que veux cellui que je suis en train d'écouter ?"
- La différence entre un être et une choses : "Puis-je cautionner qu'un être soit traité comme une chose, au nom de telle ou telle idéologie/croyance/intérêt,etc... ou par simple cynisme ?"
- En terme d'appartenance idéologique : "est-ce qu'une personne est ce qu'elle fait ou est-ce qu'elle est ce qu'elle dit penser?" Marine Lepen est-elle sincère lorsqu'elle dit ne pas être raciste et vouloir défendre la laïcité ?... A mon avis non, vous vous en doutez...
Lorsque nous (le CLAS) avions organisé la campagne de soutien à RAWA, nous avions invité l'UJFP à se joindre à nous, voulant nous montrer "non sectaires" et persuadé-e-s que nous étions, que ces braves gens seraient de notre côté, car on les croyait progressistes.... L'UJFP nous a répondu très clairement que non... car soutenir les féministes Afghanes, c'est, selon l'UJFP faire acte d'islamophobie et porter atteinte à la "vraie" résistance... (celle qui est menée par les grosses couilles violeurs et prostitueurs, intégristes religieux seigneurs de guerre et mafieux qui s'entendent très bien avec l'occupation impérialiste pour ce qui est du business et des arrangements politicards pseudo démocratiques...). Alors, les jolis blablas, soit-disant "gauchistes" de l'UJFP.... ne valent rien d'autre que des blablas bien-pensants pour des gens qui se fabriquent leur petite bonne conscience mesquine et mondaine. Je ne doute pas pour autant que des personnes sincères tombent dans le panneau... c'est là une des nuisances dont sont capables les beaux parleurs dépourvus d'éthique comme les leaders de l'UJFP.
Il y a des personnes qui croient à autre chose que moi, mais qui sont parmi mes alliées car elles veulent la même chose que moi : que plus jamais aucun être ne soit traité comme une chose. Et ça se révèle le plus clairement dans les situations complexes, douloureuses et graves où il faut avoir le courage de prendre le risque de se positionner. Comme ça se révèle aussi dans la cohérence ou l'incohérence entre les actes et la façon dont ils sont posés, dans la durée (ex : certaines orgas ayant participé au soutien à RAWA ont, en toute connaissance de cause, fait alliance avec L'UJFP à peine un an après, au nom d'un pseudo antifascisme de façade... auquel s'est joint le PS quelques mois plus tard...).
Et il y a aussi des individus qui croient en la même chose que moi mais veulent le contraire, et même si nous partageons certaines croyances, ce sont des ennemi-e-s !
Mais, malgré le respect et la sympathie que je peux avoir pour les quelques croyant-e-s progressistes que j'ai rencontré personnellement, je refuse de renoncer au nécessaire combat contre les dogmes essentialistes, anthropocentristes et chosifiants des religions monothéistes et transcendantalistes. Et si mes quelques ami-e-s croyant-e-s sont réellement progressistes illes ne viendront pas me le reprocher.
Certain-e-s font, consciemment ou inconsciemment, le jeu binaire de riposte "laïque" en interdisant/diabolisant toute critique de l'islam politique, radical et intégristes... Et par la même établissent une hiérarchie entre les religions... comme le fait riposte "laïque".
Il y a actuellement en france une minorité d'intégristes religieu-ses-x chrétien-ne-s, jui-ve-f-s et musulman-ne-s. La majorité des croyant-e-s de chacune de ces religions ne sont pas des intégristes. Pas plus dans l'Islam que dans les deux autres. Mais illes ont beau être minoritaires, les intégristes de l'Islam, comme celleux des autres religions, pompent l'aire de tout le monde, à commencer par celui de la majorité des musulman-e-s qui veulent juste vivre en paix sans récolter la haine semée et cultivée par les autres.
Nous sommes cerné-e-s par les extrêmes droites. Elles sont des deux côtés de cet échiquier absurde, selon leurs tendances plutôt raciste anti-arabe ou raciste "anti-sioniste" (en réalité antisémite).
Les deux sont racistes, les deux sont sexistes. Les deux sont identitaires et essentialistes. Les deux sont obscurantistes. En tant qu'anarchiste on est censé-e être capable de penser, se positionner et agir de façon autonome par rapport aux partis et tendances politiques, même les moins éloignés de nos valeurs. On est pas censé-e tomber dans le piège d'un choix binaire à faire entre une tendance d'extrême droite et une autre. On est pas censé-e-s se sentir obligé-e de prendre partie dans une pseudo guerre que font semblant de se livrer la merde et le vomi !
A bat Le Pen, Soral, les Identitaires, Dieudonné, Riposte "laïque", Tariq Ramadan, le PIR, la Ligue de "Défense" Juive, le Ezbollah, le Hamas, le Betar, SOS "Tous Petits", de Villier, etc... A bat TOUS les fascistes !

Collectif Libertaire Anti-Sexiste : http://coll.lib.antisexiste.free.fr/
Vizcacha Rebelde/Damn'Dynamite : http://damn.dynamite.free.fr/


cf: http://forum.anarchiste.free.fr/viewtop ... &start=140
faites pas attention auux trolls, ce sont des amis a vous.
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Re: islamophobie ?

Messagede Pïérô » 22 Aoû 2012, 18:39

C'était déjà au dessus, à la page d'avant : viewtopic.php?f=70&t=5730&start=60#p70267
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Re: islamophobie ?

Messagede Denise » 22 Aoû 2012, 20:52

et bien je m'en excuse autant pour moi. mais le texte étant bon je ne pense pas que ça soit super grave.
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Re: islamophobie ?

Messagede yoh » 22 Aoû 2012, 22:41

MélusineCiredutemps a écrit:Certain-e-s font, consciemment ou inconsciemment, le jeu binaire de riposte "laïque" en interdisant/diabolisant toute critique de l'islam politique, radical et intégristes... Et par la même établissent une hiérarchie entre les religions... comme le fait riposte "laïque".

Pas d'accord. Je ne diabolise pas ni interdit toute critique de "l'islam politique", mais je (me) dis que c'est pas très prudent de le critiquer dans la conjoncture actuelle, vu que c'est un des sports favoris des médias dominants. Et comme on sait que les amalgames sont trop vite et trop souvent fait je (me) dis qu'il vaudrait mieux s'abstenir de se faire (encore une fois) les ventriloques des bourgeois. Comme si le "musulman" (comprendre aussi "bronzé") n'était déjà pas LA victime expiatoire, le bouc émissaire potentiels...

Est-ce que tu aurais eut le même raisonnement à propos du "judaisme politique" sous Pétain ?
Nous sommes plus sous Pétain, Drancy n'est plus un camp de transit, etc. mais avec le "climat xénophobe ambiant" je (me) dis qu'enfoncer encore l'Islam c'est pas très responsable, les conséquences nuisibles déjà là (stigmatisations, agressions, lynchages....) et futures ne sont guère pesées.

Si la machine à expulser massivement ou exterminer du "bronzé" au prétexte qu'il serait ou pas musulman s'enclenche, vous aurez beau vous dire "merde ! je me suis trompé! j'aurais dû..." ce sera trop tard, vous vous rendrez alors seulement compte que cela n'était pas prioritaire comme critique, combat.

Sinon ben non je hiérarchise pas les religions. Qu'elles soient transcendantes ou immanentes c'est la même "chose" pour moi (c'est pas le débat mais bon). Entre peste ou choléra, ou merde ou vomi comme tu dis...
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Re: islamophobie ?

Messagede Kzimir » 23 Aoû 2012, 10:43

Je rajouterais par rapport à yoh, même si je ne sais pas trop comment le formuler, que le milieu d'ou vient la critique à son importance également. Une critique de l'islam venant d'un groupe politique implanté dans les quartiers populaires et parmi les travailleurs d'origine immigrée n'aura pas le même sens que la même position tenue par un groupe d'extrême gauche composé principalement de travailleurs intellectuels blancs de culture judéo-chrétienne. Et peut être encore plus important, il y a les destinataires de cette critique, parce que dire aux mêmes travailleurs intellectuels blancs de culture judéo-chrétienne (coeur de cible de l'extrême gauche aujourd'hui) que l'Islam c'est mal, c'est pas la même chose que le dire au prolétariat des quartiers populaires.

Sur le texte, je pense qu'il y a plusieurs trucs à dire :
- D'abord sur l'amalgame arabes / musulmans, en effet, il ne faut pas confondre les deux, le problème vient du fait qu'en France très peu de racistes se revendiquent anti-arabes (même le FN met en avant ses cautions immigrées à l'occasion), et qu'ils utilisent l'Islam comme prétêxte à une division raciste de la population. De fait, une majorité du discours anti-Islam en France et en réalité un discours anti-arabe non assumé. On le voit avec Riposte Laïque, avec le Front National, etc. De plus, l'affirmation musulmane est de plus en plus reprise comme une auto-affirmation identitaire, et non seulement religieuse, dans les quartiers populaires, ce qui complique encore les choses.
- Sur le truc de l'UJFP et de RAWA, je pense qu'en effet l'UJFP a déconné par rapport à ça, notamment parce que RAWA se positionne comme révolutionnaire et anti-impérialiste de manière extrêmement claire. Si on peut comprendre la peur de l'UJFP qu'un tel discours anti-intégriste soit instrumentalisé (ça a déjà été le cas), je pense qu'ils ne connaissaient pas suffisamment RAWA pour savoir qu'ici le risque était faible.
- Sur la fin, le texte met à égalité chaque religion, mais ici, encore une fois, on ne peut pas se déconnecter du contexte. Non, en France, les religions ne sont pas toutes égales. En disant ça je ne cherche pas à dire que celle-ci serait mieux que celle-là, mais que derrière celle-ci il y a des logiques sociales différentes que derrière celle-là.
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Re: islamophobie ?

Messagede niouze » 23 Aoû 2012, 11:23

j'ai pas vraiment tout lu(disont que jai lu en diagonal) donc je sais pas si sa a été dit ; mais a mon sens c'est pas au croyant de quelques religions que ce soit qu'ils faut s'en prendre mais a leur précheur (pretre, imam, rabbin, pape, ayatolah, dalai lhama , ou grand gourou) car c'est bien eux qui tire profit de ses conneries !
le gars uqi fait son ramadan, son caremes,son yam kippour (désoler pour l'orthographe) sa priere ou autre ne m'a jamais dérangé tant qu'il le fait dans sa sphere privée et ne cherche pas a "convertir"
a mon sens c'est aussi sa etre anar laisser chacun croire en ses conneries tant que celle ci reste individuel et n'interfere pas avec la vie social
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Re: islamophobie ?

Messagede DjurDjura » 23 Aoû 2012, 12:32

yoh a écrit:
MélusineCiredutemps a écrit:Certain-e-s font, consciemment ou inconsciemment, le jeu binaire de riposte "laïque" en interdisant/diabolisant toute critique de l'islam politique, radical et intégristes... Et par la même établissent une hiérarchie entre les religions... comme le fait riposte "laïque".

Pas d'accord. Je ne diabolise pas ni interdit toute critique de "l'islam politique", mais je (me) dis que c'est pas très prudent de le critiquer dans la conjoncture actuelle, vu que c'est un des sports favoris des médias dominants. Et comme on sait que les amalgames sont trop vite et trop souvent fait je (me) dis qu'il vaudrait mieux s'abstenir de se faire (encore une fois) les ventriloques des bourgeois. Comme si le "musulman" (comprendre aussi "bronzé") n'était déjà pas LA victime expiatoire, le bouc émissaire potentiels...

Est-ce que tu aurais eut le même raisonnement à propos du "judaisme politique" sous Pétain ?
Nous sommes plus sous Pétain, Drancy n'est plus un camp de transit, etc. mais avec le "climat xénophobe ambiant" je (me) dis qu'enfoncer encore l'Islam c'est pas très responsable, les conséquences nuisibles déjà là (stigmatisations, agressions, lynchages....) et futures ne sont guère pesées.

Si la machine à expulser massivement ou exterminer du "bronzé" au prétexte qu'il serait ou pas musulman s'enclenche, vous aurez beau vous dire "merde ! je me suis trompé! j'aurais dû..." ce sera trop tard, vous vous rendrez alors seulement compte que cela n'était pas prioritaire comme critique, combat.

Sinon ben non je hiérarchise pas les religions. Qu'elles soient transcendantes ou immanentes c'est la même "chose" pour moi (c'est pas le débat mais bon). Entre peste ou choléra, ou merde ou vomi comme tu dis...


d'autant plus que les bronzes comme tu dis ils ne sont pas tous sans papiers beaucoup sçnt nés en France et sont Français, dans ce cas il ne peut y avoir expulsiions c'est ce gros détail qui gene l'extreme droite et compagnie !!!
En s'attaquant à l'islam ils s'attaquent en douce aux étrangers de preférences d'afrique du nord on connait le manege du péril musulman, bande de tarés que vous etes. Les intégristes ne representent qu'une partie infime de la majorité des musulmans en France tout ca n'est qu'un pretexte au racisme anti arabe c'est clair pour moi;

Au moment de l'Aid el Khebir vous nous faite toute une polémyque sur l'abattage du mouton dans la baignoire mais sacherz une chose ces pratiques sont carricaturales meme en Algérie on n'abbat plus le mouton dans toutes les familles, on achete les morceaux
"A mes frères ! à l'Algérie entière !
Des montagnes du DjurDjura jusqu'au fin fond du désert, montrons notre courroux..."
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Re: islamophobie ?

Messagede anouchka » 23 Aoû 2012, 23:43

pour ma part je suis convaincue que la lutte antireligieuse n'est qu'un prétexte, la vraie cible ce sont "les arabes". quand j'étais gosse la haine des "arabes" était aussi vivace, mais la religion était rarement évoquée, la mode était plutôt à les réputer "tous voleurs feignants et voleurs" (on disait "un travail d'arabe"...)

vous remarquerez que la plupart (toutes?) des caricatures cherchant à démontrer le "danger islamique" ne montrent que des arabes (alors qu'on sait très bien que nombre d'africains asiatiques et occidentaux sont également musulmans).
(j'ai édité car je disais "la plupart" mais aucun exemple de caricature montrant autre chose qu'un arabe pour parler du "péril musulman" ne me vient à l'esprit, si quelqu'un a un contre exemple? :gratte: )

mes ami(e)s tunisien(ne)s marocain(e)s algérien(ne)s athées m'ont tous confirmé qu'ils elles étaient fréquemment victimes de propos et discriminations racistes.

rappelez-vous la loi sur le voile à l'école. peu après application de la loi, il ne restait qu'une centaine d'irréductibles, quasi toutes localisées en alsace lorraine. et les journalistes de s'étonner en choeur, mais pourquoi en alsace lorraine? "y aurait-il des communautés particulièrement intégristes dans ces régions?"
il paraît qu'on avait coupé au montage les explications de ces irréductibles: "pourquoi nous fait-on enlever, au nom de la laicité, un signe religieux, pour nous faire entrer dans une salle de classe où trône un crucifix, où des profs sont payés par l'état pour enseigner la religion catholique, protestante, juive?"

les médias nous saoulent beaucoup moins avec le concordat qu'avec le "péril musulman"!

la laïcité, ce thème éminemment ancré à gauche, est utilisée comme paravent par le pouvoir en place pour lutter contre une prétendue islamisation de la France. L'instrumentalisation de cette notion pour faire passer des discours racistes est d'autant plus évidente qu'on parle du voile islamique tout en oubliant de parler du concordat toujours en vigueur en Alsace et en Moselle (les clergés catholique, luthérien, réformé et juif y sont rémunérés par l'Etat).

http://www.c-g-a.org/public/modules/news/article.php?storyid=258
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Re: islamophobie ?

Messagede bipbip » 07 Sep 2012, 00:58

Des éléments au débat

La lepénisation des esprits

Du 21 avril 2002 au 22 avril 2012 : retour sur une histoire qui ne finit jamais

par Pierre Tevanian, Sylvie Tissot

23 avril 2012

Près de sept millions de suffrages pour Marine Le Pen, plus encore pour un Sarkozy qui n’a fait depuis cinq ans qu’attiser la haine des musulmans et des immigrés, et pas un membre du Parti socialiste, sur les plateaux de télévisions, pour prononcer le mot « racisme ». Pas un mot de condamnation morale, pas un slogan antiraciste de base, tous reprennent en revanche, en choeur avec les sarkozystes, la thématique du « vote de protestation » et des « Français qui souffrent ». Les sondeurs présents sur les plateaux ont beau venir leur rappeler que la motivation numéro un du vote Le Pen est l’hostilité à l’encontre des immigrés, et que les électeurs eux-mêmes la mettent en avant, on continue de « tendre la main » à ces Français qui souffrent, en leur promettant des « solutions à leurs problèmes » - la palme en la matière revenant, en cette soirée du 22 avril 2012, à Ségolène Royal. À mots très, très couverts, le message n’en est pas moins clair : nous n’avons rien à reprocher à votre vote, nous comprenons parfaitement que la présence d’immigrés vous fasse souffrir, et nous sommes prêts à éradiquer ce fléau qui vous cause tant de douleurs... C’est en somme, portés à un point où ils l’avaient rarement été, toute la complaisance des partis de gouvernement à l’encontre du Front National, et tout le mépris de ces partis pour les immigrés, les étrangers ou les non-blancs, qui se sont exhibés, ce soir, en un honteux spectacle. Une attitude qui a déjà fait ses preuves, depuis trente ans, en termes de lepénisation des esprits. Le texte qui suit revient sur ces trente années, et sur cette notion de lepénisation qui, pour analyser la vie politique française, n’a hélas pas fini de servir.

La présence de Jean-Marie Le Pen au second tour à l’élection présidentielle en 2002, l’existence d’une profonde discrimination selon l’origine réelle ou supposée, les profanations de lieux religieux (synagogues, mosquées, cimetières) : tous ces phénomènes et bien d’autres témoignent de la persistance d’un profond racisme en France. Depuis longtemps, philosophes, historiens, sociologues, mais aussi militants anti-racistes se sont efforcés d’expliquer ce phénomène, et depuis 2002 une explication semble s’être s’imposée : le racisme se nourrit des effets de la crise économique - chômage, précarité, détérioration des liens sociaux et des conditions de vie dans les quartiers populaires. Une explication insuffisante, voire pernicieuse, que le concept de "lepénisation" permet de contester.

Cette explication, que semble étayer le fort taux de vote pour le candidat du Front national parmi les ouvriers, présente un intérêt certain : plutôt que de renvoyer à des processus psychologiques, voire à une nature humaine invariablement méfiante par rapport à l’étranger, elle souligne l’impact de processus sociaux et économiques. Le racisme est ainsi appréhendé comme une production sociale. Pourtant, en le ramenant à un simple comportement de protestation, ce schéma ne prend pas en compte les opinions racistes comme des phénomènes autonomes, non réductibles à l’expression d’une colère sociale. Il tend également à passer sous silence les conséquences concrètes du racisme pour les populations qui le subissent. Enfin, il repose sur un certain nombre de présupposés qu’Annie Collovald s’est récemment attachée à réfuter.

Dans ce livre important, Le « populisme du FN », un dangereux contresens, l’auteure montre, à l’aide de données électorales précises, le caractère erroné des analyses qui voient dans les classes populaires les principaux soutiens du Front national. Intégrer l’abstention et la non inscription sur les listes électorales, beaucoup plus importantes chez les classes populaires, permet de donner une plus juste mesure du pourcentage d’électeurs FN au sein de cette population. Les commerçants et professions indépendantes apparaissent alors comme les premiers soutiens du parti d’extrême droite. Dans son livre, Annie Collovald retrace la genèse de ce sens devenu commun chez les spécialistes du commentaire politique, et surtout, elle invite à s’interroger sur ses effets sociaux. Avec cette analyse, en effet, s’impose « la figure fantasmatique d’un peuple menaçant pour la stabilité de la démocratie », « délégitimant tous ceux pour qui le “peuple“ est une cause à défendre au profit de la légitimation de ceux qui pour qui le “peuple“ est un problème à résoudre » [1]. Le peuple porterait ainsi une responsabilité, compréhensible mais écrasante, dans la persistance du racisme en France.

Centrant l’explication de la crise de la démocratie et de la représentation politique sur les classes populaires, cette analyse a aussi pour effet d’exonérer les élites politiques et médiatiques de toute responsabilité. Or c’est précisément le rôle joué par la classe politique et les médias dans la montée du Front national que nous voudrions souligner, ouvrant ainsi à une autre approche du racisme. Le racisme, comme nous avons voulu l’expliquer dans notre Dictionnaire de la lepénisation des esprits [2], n’est pas, ou pas spécialement, une caractéristique de la « France d’en bas » ; il est même, à beaucoup d’égards, une production de la « France d’en haut », et le résultat de la réappropriation dans ses discours de grilles d’analyse, d’arguments, de schémas de pensée d’extrême droite. À quelle réalité renvoie ce que le ministre socialiste Robert Badinter avait, le premier, qualifié de « lepénisation des esprits » ? Quelle forme a t-elle prise et jusqu’où s’est-elle étendue ?

Cette histoire n’est pas linéaire, mais deux épisodes marquants s’en dégagent : la politisation, à partir de la fin des années 1980, de la question de l’immigration et la focalisation des débats politiques autour du « problème de l’immigration » ; la montée en force, dans la seconde moitié des années 1990, des discours sécuritaires centrés sur les jeunes des classes populaires.


Le "problème de l’immigration"

Longtemps confinée au sein de l’administration [3], la question de l’immigration a fait l’objet, à partir de la fin des années 1970, d’une politisation croissante. Investie par les associations, les médias, la classe politique, elle est devenue un des objets de clivages politiques et de débats publics. Mais, loin d’être posée de façon « neutre », cette question a été problématisée d’une certaine manière. Alors que les mouvements et les associations de gauche et d’extrême gauche engagés dans cette cause voyaient leur influence décliner, l’analyse a été recadrée à la fin des années 1980 sur les problèmes que poseraient les immigrés (et non plus ceux qu’ils subissent), que ce soit à la France, à la situation de l’emploi, aux déficits publics ou encore au niveau de délinquance [4].

Outre les médias, cette évolution doit beaucoup à un certain nombre de déclarations politiques prenant pour cible les immigrés. Si des personnalités de gauche (comme le Président François Mitterrand ou le Premier Ministre Michel Rocard [5]) ont pu participer à la désignation des immigrés comme menace, la lepénisation des esprits est d’abord le fait de la droite. Jusqu’au début des années 1990, le Parti socialiste cherche à éviter la question de l’immigration, ou alors met l’accent sur le premier volet du diptyque sur lequel va reposer la politique d’immigration en France, quels que soient les gouvernements successifs : l’« intégration » des immigrés ayant vocation à rester sur le territoire français et l’éloignement des irréguliers. Au Parti communiste, les amalgames entretenus entre drogue, délinquance et immigration sont régulièrement repris par certains maires (notamment ceux de Vitry et de Montigny-lès-Cormeilles). La direction nationale, qui initialement leur apporte son soutien, évolue toutefois, à partir de la fin des années 1980, vers d’autres positions sur la question de l’immigration, soulignant la négation des droits de l’homme et l’exploitation économique des sans papiers.

C’est donc avant tout à droite, et depuis la décision de fermer les frontières en 1974, que se développent les discours les plus répressifs à l’encontre de l’immigration, d’abord en vue d’encourager les retours d’immigrés installés en France, ensuite, devant l’échec de cette politique, pour lutter contre les arrivées régulières et irrégulières. En 1986, le ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, s’illustre en procédant à l’expulsion collective de « 101 Maliens ». Des pratiques et un discours répressifs s’imposent, toujours plus médiatisés et progressivement banalisés en dépit des protestations qui peuvent s’exprimer.

L’orientation répressive se renforce au fur et à mesure que l’échec de la politique économique libérale « dure » menée par le gouvernement Chirac en 1986 apparaît patent. La question de l’immigration va devenir, après 1988, un vrai cheval de bataille. Un angle d’attaque privilégié est ainsi trouvé pour attaquer la gestion de la gauche. Mais l’objectif consiste aussi, en multipliant les déclarations de « fermeté » à l’encontre des immigrés, à récupérer les voix du Front national, dans les années où ce parti se développe considérablement, jusqu’à conquérir plusieurs sièges à l’Assemblée nationale et dans les conseils régionaux, ainsi que quelques mairies.

Au sein du discours qui se développe ainsi, deux idées, directement issues de la rhétorique d’extrême droite, reviennent sans cesse, pour gagner un caractère d’évidence de plus en plus partagée. La thématique de la menace va d’abord s’incarner dans la dénonciation d’une « invasion ».


Invasion

« Nous sommes victimes d’une invasion apparemment pacifique mais qui, évidemment, nous menace mortellement dans notre identité et notre sécurité », Jean-Marie Le Pen
« Le type de problèmes auxquels nous allons être confrontés n’est plus l’immigration, mais l’invasion », Valérie Giscard d’Estaing, UDF

« Intrusion, occupation, invasion. Les trois mots sont exacts. Pour invasion, je suis reparti consulter le dictionnaire qui donne deux définitions : action de pénétrer et de se répandre dangereusement. Et il n’est pas innocent de le comprendre. Un million de clandestins, c’est l’effectif de cent divisions, non armées certes, mais qui pèsent lourdement sur les conditions de notre existence et de notre identité nationale », Michel Poniatowski, UDF

« Ce qui était une immigration de renfort démographique devient une immigration de substitution de peuplement », Jean-Louis Debré, RPR

« Je suis maire d’une commune dans laquelle se trouvent des écoles où il y a 60
de non francophones. Je le dis calmement avec sérénité. Cela pose des problèmes aux élus locaux et cela posera dans l’avenir aux Français des problèmes considérables (...) Dans les Bouches-du-Rhône, si l’évolution actuelle se poursuit, s’il n’y a pas de diminution de la communauté étrangère, dans quelques années (probablement avant la fin du siècle), il y aura plus d’étrangers que de Français de souche », François Léotard, UDF

« Osons avancer une hypothèse : si 10% des 500 millions de jeunes Africains que l’Afrique comptera en 2025 venaient tenter leur chance en Europe chaque année, ce sont entre 30 et 50 millions de jeunes Africains qui arriveraient, soit la population d’un pays comme l’Espagne, c’est dire l’ampleur du problème que nous avons à gérer », Daniel Colin, RPR

« Les nations existent. Chacun défend son existence légitimement », Jean-Pierre Chevènement, MDC [6]

Ce vieux thème de l’extrême droite française, très prisé par Jean-Marie Le Pen, a été repris explicitement par la droite parlementaire au début des années 1980. « Il faut arrêter cette invasion », pouvait-on lire en 1983 dans un trac de Roger Chinaud et Jean-Pierre Bloch (UDF) en faveur du candidat Alain Juppé (RPR). Il est revenu en force au début des années 1990 et l’on a pu entendre le député RPR Jacques Myard prophétiser « la guerre civile » si rien n’était fait pour contenir les « hordes qui déferlent sous la pression démographique du Sud ». Ce discours fait apparaître les immigrés, non plus seulement comme des parasites ou comme un « problème » à régler, mais aussi comme des agresseurs, justifiant ainsi la violence qui leur est faite en la faisant passer pour un acte de légitime défense. Basé sur des analyses erronées (et maintes fois réfutées, notamment sur le lien entre immigration et chômage, immigration et déficits de la sécurité sociale, immigration et délinquance [7]), ce discours occulte en outre l’histoire d’une autre « migration », celle des colonisateurs français dans les pays du Maghreb et de l’Afrique noire, des violences qu’ils ont perpétrées et de la déstructuration de ces sociétés qui est aussi un des facteurs des migrations actuelles.

Ce discours sur l’invasion a été d’autant plus efficace qu’il est venu se greffer - deuxième thématique sur laquelle nous voudrions insister ici - sur une certaine conception de la nation française. L’immigration ne peut en effet être présentée comme un danger pour la France que parce que celle-ci est conçue comme une entité basée sur une « identité » homogène et immuable à travers des siècles. Cette nation, garantie par l’existence d’un socle de populations « de souche », héritière de valeurs communes, ne pourrait par conséquent se perpétuer qu’en limitant l’arrivant de corps « étrangers ». Cette conception nationaliste, construite sur un modèle « organiciste », nie l’histoire déjà longue de l’immigration en France, mais aussi les conditions sociales et économiques de l’intégration des immigrés. Cette vision se traduit surtout par une série de déclarations sur le « seuil de tolérance » et d’appels répétés à la mise en œuvre de « quotas ».


Seuil de tolérance

« C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité ; sinon la France ne serait plus la France. (...) Vous croyez que le corps français peut absorber dix millions de musulmans, qui demain seront vingt millions et après-demain quarante ? (...) Mon village ne s’appellerait plus Colombey-les-deux-Eglises, mais Colombey les deux Mosquées ! », Charles de Gaulle

« Il y a une overdose d’immigration », Jacques Chirac, RPR

« Le seuil de tolérance est franchi », Alain Juppé, RPR

« Le seuil de tolérance est dépassé depuis les années 1970 », François Mitterrand

« L’immigration est absorbable à petites doses », Jean-Pierre Chevènement [8]


L’insécurité et les nouvelles classes dangereuses

La manière de parler de l’immigration connaît certes, durant cette période, un changement positif : sans doute en raison de la légitimité acquise par les luttes de sans-papiers, la désignation du « clandestin » comme figure de la menace est devenue moins efficace, et donc moins mobilisée. Mais le contre-feu raciste ne tarde pas à se mettre en place : la « question de l’immigration » laisse la place à celle de l’« insécurité », et à la thématique de l’invasion venue de l’extérieur se substituent la mise en garde contre « la délinquance, l’insécurité et l’incivilité », l’incrimination de mineurs « de plus en plus jeunes et de plus en plus violents », la désignation de « zones de non droit où la police ne va plus » et l’invocation d’une « crise de l’autorité, des repères et des valeurs ». De cette situation, « l’angélisme et le laxisme » seraient responsables, comme on nous l’a continuellement répété à partir de 1997.

Cette analyse se généralise dès le début des années 1990. La politique de la ville mise en œuvre par la gauche sur les quartiers dits sensibles, axée sur la « participation » des habitants et la « restauration du lien social », fait alors l’objet de critiques virulentes. Gérard Larcher explique par exemple dans un rapport parlementaire que cette politique, trop sociale à son goût, occulte la responsabilité des habitants et notamment des jeunes dans les problèmes de ces quartiers.

Mais c’est, il faut bien l’admettre, le retour de la gauche au pouvoir au printemps 1997 qui marque le tournant décisif puisque cette dernière opère un spectaculaire ralliement de la gauche gouvernementale à l’idéologie dite sécuritaire. Le Parti socialiste remporte en effet les élections de juillet 2007 sur la base d’un programme énonçant « trois priorités : l’emploi, la santé et l’éducation », et quelques semaines plus tard, dans son discours d’orientation générale, le premier ministre Lionel Jospin annonce finalement « deux priorités : l’emploi et la sécurité ».

Il y a donc eu un choix politique délibéré : rien, ni dans les sondages ni dans le champ politique, ne pousse alors la gauche à adopter une telle politique. La droite vient de subir une cinglante défaite électorale, le Front national connaît une crise profonde en raison de la scission entre le FN et le MNR, et la délinquance n’arrive qu’au cinquième rang des « préoccupations des Français », derrière le chômage, la pauvreté, la maladie et les accidents de la route. Elle ne deviendra la première préoccupation qu’après plusieurs années d’une intense campagne médiatique et politique [9].

Le ralliement de la gauche gouvernementale aux dogmes sécuritaires est officialisé au colloque de Villepinte en octobre 1997 : Lionel Jospin et son ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement y déclarent que « la sécurité est une valeur de gauche », en l’inscrivant dans la filiation du « droit à la sûreté » de la Déclaration des Droits de l’Homme. Cette évolution sera légitimée par une série de tribunes, rapports et expertises fortement médiatisées : rapport sur les mineurs délinquants des députés socialistes Christine Lazerges et Jean-Pierre Balduyck publié en avril 1998 (et proposant d’instaurer un couvre-feu et de « responsabiliser les parents de délinquants » par la suppression des allocations familiales) ; manifeste lancé en septembre 1998 par neuf intellectuels, intitulé « Républicains n’ayant plus peur ! » appelant à refonder la République en « restaurant l’autorité » et en instaurant la « tolérance zéro des petites infractions » pour les mineurs des « quartiers sensibles » ; publication en 1999 d’un Que sais-je ? sur les Violences et insécurités urbaines écrit par un ancien militant d’extrême droite (Xavier Raufer) et un entrepreneur en sécurité (Alain Bauer), qui expliquent qu’« au-delà de toutes les théories d’inspiration sociologique, l’origine la plus certaine du crime, c’est le criminel lui-même ».

Plusieurs livres ont déjà mis en cause la pertinence du diagnostic avancé par le gouvernement Jospin pour justifier le virage sécuritaire [10]. On insistera ici sur ses conséquences. Car ce tournant sécuritaire ne se limite pas à des discours : il s’est traduit concrètement par une législation de plus en plus répressive, et une légitimation accrue des abus policiers [11]. La loi sur la sécurité quotidienne, votée à la quasi unanimité en 2001, crée par exemple un nouveau délit, la « fraude habituelle » : les personnes interpellées dix fois pour fraude dans les transports en commun sont désormais passibles de six mois de prison et de 7500 euros d’amendes. Une autre loi votée au même moment autorise les forces de police à déloger les jeunes qui se regroupent dans les halls d’immeuble, même si aucun délit n’a été commis.

Ce tournant sécuritaire participe de la lepénisation des esprits dans la mesure où il entretient et attise la stigmatisation des classes populaires, et plus particulièrement de la jeunesse immigrée ou issue de l’immigration, dont la présence et les comportements sont présentés comme la cause des problèmes. Et si la menace ne semble plus provenir de l’extérieur du pays, le discours sécuritaire souligne toutefois de manière quasi-systématique l’origine « étrangère » de ces populations, en la présentant comme un élément crucial des problèmes sociaux. Le rapport Bénisiti, rédigé par un député de droite en 2004, constitue l’aboutissement de ce processus : consacré aux problèmes de délinquance, il met en cause le bilinguisme des enfants issus de l’immigration et appelle à stopper l’apprentissage de tout « patois » au sein de ces familles.

La volonté exprimée par Sarkozy en novembre 2005 d’expulser les émeutiers étrangers hors de France procède d’une même grille de lecture : il véhicule sournoisement l’idée que les « agitateurs » sont forcément des étrangers et consacre un fonctionnement républicain qui, loin de l’indifférence aux origines dont se prévaut la République, ne cesse de produire et d’institutionnaliser des catégories ethnicisées et essentialisées. Des « sauvageons » dont parlait le ministre de l’intérieur Jean-Pierre Chevènement aux « racailles » évoqués par son homologue du gouvernement Raffarin, on retrouve ce double processus de stigmatisation caractéristique des nouvelles classes dangereuses : l’insistance sur la délinquance et la focalisation sur les origines étrangères.

La montée en force des grilles de lecture sécuritaires a ainsi directement conforté l’analyse de Jean-Marie Le Pen selon laquelle les problèmes sociaux renverraient aux comportements déviants d’une population étrangère mal intégrée. Cette lepénisation des esprits, qui a rendu possible la présence du leader du Front national au second tour des élections présidentielles de 2002 sans même qu’il ait besoin de faire campagne, a eu des effets redoutables pour la gauche. L’hégémonie de l’approche raciste et culturaliste des problèmes sociaux s’opère aux dépens des grilles d’analyse sociales portées par la gauche depuis le dix-neuvième siècle : l’idée que les déviances sociales ne relèvent pas simplement de comportements individuels à réprimer mais renvoient à des causes socio-économiques, sur lesquelles seule une action collective peut jouer peut jouer.

Et de fait, dès la fin des années 1980, il est devenu quasiment impossible au sein de la classe politique française d’aborder l’immigration sans partir du constat d’un problème posé par l’immigration à la France. C’est donc d’un même mouvement son identité sociale et son identité anti-raciste qu’abandonne le Parti socialiste : tout se passe comment si les dirigeants de ce parti avaient renoncé à voir dans les immigrés et leurs descendants des alliés ou des victimes à défendre pour les présenter avant tout comme des fauteurs de troubles. En dépit de la création par la ministre Martine Aubry de l’éphémère Groupe d’études et de lutte contre les discriminations, ce combat ne sera jamais une priorité politique, alors même que plusieurs études témoignent d’une discrimination massive, que ce soit dans l’emploi ou dans le logement, ou encore face à la police [12].


Le « péril islamiste »

Depuis lors, on observe une certaine continuité. Au sauvageon incriminé par Jean-Pierre Chevènement fait écho la racaille dénoncée par Nicolas Sarkozy. Mais une différence de taille sépare les deux discours : là où le ministre de Jospin organisait tout son propos autour d’une opposition entre « la République » porteuse de droit et d’égalité et les jeunes délinquants en perte de repères, c’est sa propre personne que Nicolas Sarkozy présente comme recours face à la « racaille ». À cet égard, ce ne sont plus seulement des relents racistes que l’on entend mais une valorisation de la figure individuelle du chef guerrier et viril (comme le sous-entend d’ailleurs la figure phallique du karcher dans la célèbre saillie du candidat Sarkozy). Une figure caractéristique du lepénisme comme de tous les fascismes.

Ces figures plus ou moins fantasmées autour desquelles s’est organisé le débat public – au détriment par exemple du chômeur ou de l’ouvrier – n’ont cessé d’évoluer, en se focalisant notamment sur l’Islam et sur deux figures-repoussoir : le barbu et la voilée [13]. La conception culturaliste et à relents racistes d’un « choc des civilisations » fait ici sentir son influence, renforcée après le 11 septembre et la campagne bushienne contre l’Irak. Théorisée initialement par Samuel Huntington, cette thèse s’incarne aujourd’hui dans une doxa largement reprise en France, opposant un Islam par essence dangereux, violent et obscurantiste à un Occident incarnant les valeurs de laïcité, de liberté et d’égalité.

Cette focalisation récente sur les populations maghrébines, d’origine maghrébine ou plus largement associées au « monde musulman » nous incite à nous interroger, au-delà de l’influence de l’extrême droite française, sur le rôle que joue, dans la persistance du racisme, l’imaginaire et l’idéologie coloniale – une idéologie qui a irrigué l’ensemble de la classe politique et de la société française [14].



P.-S.
Initialement paru dans la revue La Pensée en mai 2006, ce texte est repris dans le recueil Les mots sont importants, http://lmsi.net/Pourquoi-les-mots-sont-importants, de Pierre Tevanian et Sylvie Tissot, publié en 2010 aux Éditions Libertlia.


Notes

[1] Annie Collovald, Le « populisme du FN », un dangereux contresens, Broissieux, Le Croquant, 2004, p 18. Sur la haine du peuple que manifeste l’incrimination de « l’individu démocratique » tout puissant, voir aussi Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005.

[2] Pierre Tevanian et Sylvie Tissot, Dictionnaire de la lepénisation des esprits, Paris, Esprit frappeur, 2002

[3] Sur le traitement de l’immigration dans la période 1945-1975, voir Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France, Paris, Grasset, 2005

[4] Pour une analyse de cette évolution dans la presse, voir Simone Bonnafous, L’immigration prise aux mots, Paris, Kimé, 1991

[5] Le premier ayant déclaré en 1989 que le seuil de tolérance était atteint, tandis que le second estime, en 1990, que la France ne peut accueillir « toute la misère du monde ».

[6] J.-M. Le Pen, Présent, 30-31/09/1991 et 02/10/1991 cité dans M. Souchard, S. Wahnich et alii, Le Pen, les mots, Paris, Le Monde éditions, 1998 ; V. Giscard d’Estaing, Le Figaro Magazine, 21/09/ 1991 ; M. Poniatowski, cité dans l’Evénement du Jeudi, 31/10/1991 ; J.L.D Debré, Le Figaro, 97/11/1996 ; F. Léotard, France Inter, 03/10/1983, cité par M. Chemillier-Gendreau dans L’injustifiable, Bayard-Edition, 1998 ; D. Colin, Assemblée nationale, 17/12/1996, Journal Officiel, p. 8449 ; J.P. Chevènement, Le Monde, 26/02/1997.

[7] Voir sur ces points les articles « Avantages sociaux », « Chômage », « Délinquance », « Misère du monde », du Dictionnaire de la lepénisation des esprits, op.cit.

[8] Ch. De Gaulle, cité par A. Peyrefitte dans C’était de Gaulle, De Fallois, 1994 ; J. Chirac, 22/02/1991 et 21/06/1991 ; A. Juppé, La voix des Français, février 1991 ; F. Mitterrand, Antenne 2, 10/12/1989 ; Jean-Pierre Chevènement, Le Monde, 26/02/1997

[9] Cf. Pierre Tevanian, Le ministère de la peur. Réflexions sur le nouvel ordre sécuritaire, L’Esprit frappeur, 2003.

[10] Laurent Mucchielli, Violences et insécurité : fantasmes et réalités dans le débat français, La Découverte, 2002.

[11] Voir la chronologie de ces lois sur le site LMSI : « De Chevènement à Sarkozy : généalogie du nouvel ordre sécuritaire (1997-2004) ». Voir aussi Laurent Bonelli, La France a peur, La découverte, 2007.

[12] Cf. Pierre Tevanian, « Une discrimination systémique. Quelques données chiffrée sur le racisme et son impunité ».

[13] Sur ces figures voir Nacira Guenif-Souilamas et Eric Massé, Les féministes et le garçon arabe, Editions de l’aube, 2004, et Pierre Tevanian, Le voile médiatique, Raisons, d’agir, 2005, et La république du mépris, La Découverte, 2007

[14] Cf. Pierre Tevanian, La République du mépris, La découverte, 2007.

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