Sais pas si c’est anarcho centré ou Mimo compatible
mimosa rouge a écrit:Je remarque aussi en suivant la chronologie (mais je doit vérifier quand même !) que fabbri devellope sa thése avant Andreu NIN le catalan de l'ISR qui va pour le compte de l'ISR fournir une analyse du fascisme plus complete que celle que l'IC a pu produire (se basant sur les rapport des communistes ultra gauche d'Italie peut etre ?).
Nin se serait donc aligné sur l'analyse de Fabbri (sur le point de la "contre révolution préventive" et la refutation du caractere "Italien" du fascisme) si les dates sont bonnes ! voir http://bataillesocialiste.wordpress.com ... -lisr-nin/
Edouard Jourdain, L'anarchisme, Paris, La Découverte, coll. « Repères », Janvier 2013, 125 p., ISBN : 978-2-7071-6909-9.
S’inscrivant dans la politique éditoriale de la collection « Repères » de la Découverte, L’anarchisme d’Édouard Jourdain répond à une ambition à la fois de synthèse des savoirs sur ce courant philosophico-politique dont on ne peut que mesurer la méconnaissance, sans pour autant clôturer la présentation du libertarisme au label « anarchiste ». Ce court ouvrage entend ainsi présenter à la fois les théories anarchistes et les penseurs qui les ont portées, dans leurs points de rencontres philosophiques autant que dans les différences qui les séparent, mais aussi l’anarchisme « réalisé », c’est-à-dire la place de l’anarchisme dans les mouvements sociaux historiques et contemporains, et les réalisations politiques d’inspiration anarchiste ou libertaire. L’ouvrage est organisé en trois grandes parties : la première présente l’émergence de la pensée anarchiste et ses grandes doctrines ; la seconde porte sur la place de l’action anarchiste dans l’histoire — l’histoire révolutionnaire plus particulièrement ; la troisième partie s’intéresse à l’actualité de l’anarchisme et de ses pratiques.
La première partie de l’ouvrage s’ouvre sur une présentation des pères de l’anarchisme et de leurs variances théoriques, Proudhon (1809-1865) en tête de cortège. L’auteur de la célèbre phrase « la propriété privée c’est le vol », développe une théorie générale de la critique de l’autorité et de l’aliénation qui en découle : aliénation de la raison par la religion, aliénation de la volonté par l’État, aliénation des corps par la propriété. La réponse proudhonienne repose sur un « socialisme du crédit », visant à transformer la propriété capitaliste en possession anarchiste : une modalité de propriété dans laquelle seul le travailleur peut posséder son outil de production, le social s’organisant sur le mode de l’autogestion associative. Pour Bakounine (1814-1876) en revanche, la libération de l’homme passe par une profession de foi athéiste, la religion lui apparaissant comme l’archétype sur lequel se fonde la domination. À la différence de Marx, cependant, le religieux chez Bakounine n’est pas uniquement le produit de rapports de domination économique, mais au contraire, c’est l’idéologie qui est le support de l’aliénation, trouvant dans le processus de reproduction sociale et économique une certaine autonomie. Le modèle de la dictature du prolétariat est ainsi contesté comme moyen pour atteindre la liberté par Bakounine : une dictature ne peut avoir d’autre fin que de durer et se reproduire. L’anarcho-communisme de Kropotkine (1842-1921) propose une voie médiane, prônant la communauté des biens de production mais aussi des biens de consommation, là où la théorie de Proudhon met la possession au centre du projet libertaire. Enfin, Jourdain présente Stirner (1806-1856), quatrième nom « classique » de l’anarchisme, se rapprochant d’un nihilisme vivement critiqué par Bakounine. Pour Stirner, il n’existe pas de « grandes causes » : famille, patrie, société etc. sont des fétiches empêchant l’expression individuelle, la liberté se différenciant de l’individualité et s’apparentant à une utopie quasi-romantique, puisque limitée en soi par celle des autres. Seule l’individualité serait l’idéal à atteindre.
En marge des « pères fondateurs » se dessinent des théories politiques que l’on peut rattacher à l’anarchisme, parmi lesquelles l’anarchisme romantique (sensibilité vitaliste et millénarisme, organisation autogérée sur l’unité de l’ « humanisphère », cellule de base de l’organisation sociale) ; l’anarchisme religieux, représenté par Tolstoï ; l’anarcho-capitalisme (abolition de l’État, les lois du marché pouvant s’y substituer) etc. Le socialisme libertaire, enfin, incarné par Fournière et Malon, refuse à la fois l’économie marxiste et l’économisme libéral, la propriété coopérative permettant le développement des individualités.
La deuxième partie de l’ouvrage présente les implications historiques de l’anarchisme, qui trouve un terreau fécond dans l’agitation révolutionnaire européenne à la fin du XIXe siècle, en tête de laquelle l’expérience de la Commune de Paris dès le mois de mars 1871. De nombreux proudhoniens, tels que Courbet et Vallès, mais aussi de « nouveaux » anarchistes comme Louise Michel ou Élysée Reclus, s’investissent dans le mouvement révolutionnaire et contribuent à faire de la Commune une référence historique pour les libertaires. Outre les mouvements portés par Malatesta en Italie ou Makhno en Russie au moment de la prise de pouvoir par les soviets, on retiendra comme grand moment de l’expérience anarchiste les trois années de guerre civile en Espagne (1936-1939) qui voient la réalisation d’un période de « règne » libertaire. Menée par Buenaventura Durruti, l’autogestion de certaines zones sous formes de collectivités (notamment en Catalogne, au Levant et en Aragon) s’organise autour de trois grandes directions : les statistiques pour organiser l’économie, l’innovation technique pour rendre l’économie plus efficace et le développement de l’accès à la culture par la création d’écoles. Parmi les expériences vraiment marquantes de l’anarchisme espagnol, on notera plus particulièrement la séparation de la monnaie en deux catégories : la monnaie de consommation et la monnaie de production, basée sur l’échange et qui ne peut faire l’objet d’aucune spéculation. Le mouvement anarchiste espagnol s’inscrit dans « une guerre civile dans la guerre civile », puisqu’il est combattu à la fois par les franquistes mais aussi les communistes et les socialistes français, aboutissant in fine à la fuite de ses dirigeants lors de la victoire franquiste.
Le courant libertaire mobilise plusieurs voies d’expression : syndicalisme révolutionnaire et anarcho-syndicalisme, utilisant tantôt la grève comme moyen d’instaurer l’autogestion, tantôt le sabotage, allant parfois jusqu’au terrorisme : le point d’acmé est atteint le 24 juin 1894 quand le président Sadi Carnot est assassiné par l’anarchiste italien Caserio. Les attentats anarchistes servent alors d’argument à l’État français qui fait voter dès 1893 les « lois scélérates » prodiguant aux forces de l’ordre de nouveaux outils pour la répression des organisations libertaires1. La contestation anarchiste a également dans sa ligne de mire la lutte contre les empires en général (soutien aux soulèvements contre l’empire austro-hongrois en Bosnie-Herzégovine, contre l’empire Ottoman en Macédoine etc.) et contre les empires coloniaux en particulier. Le projet libertaire pose enfin sa marque dans une lutte culturelle contre l’idéologie dominante, imprégnant le mouvement de mai 68 où l’on réclame davantage d’autonomie pour le salarié comme pour l’étudiant. Ainsi, si ces mouvements ne sont pas à proprement parler anarchistes, ils sont, pour l’auteur, portés « en filigrane (…) par un certain souffle libertaire » (p. 78).
La dernière partie de l’ouvrage se penche sur l’actualité des mouvements anarchistes et sur leurs « dialogues », notamment avec le libéralisme. Si libéralisme et anarchisme partagent une même défiance à l’égard de l’État et une défense irréductible des libertés individuelles, le débat Chomsky/Foucault révèle une dissension anthropologique profonde entre les deux théories. Pour le libéralisme hobbesien, c’est la nature de l’homme d’être un loup pour l’homme et cela justifie la nécessité d’un contrat social ; à l’inverse, l’anarchisme considère que la liberté individuelle n’est pas innée et atomique, mais le produit de la liberté de tous permettant l’égalité. L’ouvrage ouvre ensuite la présentation de l’anarchisme aux « sensibilités libertaires », c’est-à-dire des personnalités ou des mouvements emprunts des idéaux libertaires sans véritablement s’en revendiquer. Citons « les non-conformistes des années 30 », mouvement né en réaction au crash boursier de 1929 et réclamant l’abolition de l’État et des classes sociales, ou encore les figures de George Orwell, Albert Camus, Jacques Ellul ou encore Cornélius Castoriadis2 appelant de ses vœux l’abolition du capitalisme d’État dans le cas de Castoriadis, ou encore de la technique en tant qu’outil d’aliénation dans les sociétés de consommation pour Ellul. Parmi les propositions de réalisation locales d’inspiration anarchiste, on trouve le municipalisme libertaire (recentrement de la vie sociale et politique à l’échelle locale de la commune pour aboutir à la propriété municipalisée) ou encore les zones autonomes temporaires (TAZ), où la cartographie du Web permet d’imaginer la création d’ « espaces libres autonomes », temporaires, locaux mais ouvrant à l’expérience de l’autonomie.
À l’issue de la lecture de cet ouvrage, le lecteur a le sentiment d’avoir ouvert un pan d’histoire politique relativement méconnu, ou, en tout cas, souvent rangé du côté du minoritaire. Au contraire, la variété des propositions des courants anarchistes et sa pérennité dans des champs divers révèlent la vitalité d’une pensée à la fois originale, mais corrélée aux mêmes questionnements que son contemporain marxiste : comment lutter contre l’aliénation ? Devant tant de variances, la question se pose finalement de savoir ce qui définit l’anarchisme et si la catégorie est réellement homogène ; mais au-delà de l’abolition de l’État ou des classes sociales, qui sont finalement historiquement et géographiquement définis, le socle de la pensée libertaire semble reposer sur deux postulats complémentaires. Le premier, l’idée que la société, avant l’économie, avant la politique, doit être autonome ; le second, que la liberté de l’homme ne découle pas de sa nature, mais s’acquiert, précisément, par l’autonomie.
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Notes
1 Les « lois scélérates », adoptées en décembre 1893, permettent à la police de perquisitionner les locaux de la presse sur simple « délit d’apologie de faits qualifiés de crime » (p. 72), définissent le délit d’association de malfaiteurs, interdisent la propagande anarchiste et antimilitariste.
2 Castoriadis a récemment fait l’objet d’un numéro de la collection « Repères » par Jean-Louis Prat ; voir le compte rendu de François Thoreau : http://lectures.revues.org/10082.
- Synthèse faite par Célia Poulet
http://lectures.revues.org/10613
http://alternativelibertaire.org/?Maitr ... chistes-la"Maitron des anarchistes" : la souscription
La collection du "Maitron", célèbre dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, bientôt quinquagénaire, propose un nouveau volume consacré aux anarchistes. Son fondateur, Jean Maitron fut le premier historien en France du mouvement libertaire, et il fit entrer l’histoire de l’anarchisme à l’Université.
Fruit d’un travail collectif initié par Claude Pennetier (chercheur au CNRS, directeur du "Maitron") et Hugues Lenoir (FA et CNT), puis orchestré par Marianne Enckell (CIRA de Lausanne), Rolf Dupuy (CIRA de Lausanne), Anthony Lorry (Cedias-Musée social), Anne Steiner (université de Nanterre) et Guillaume Davranche (Alternative libertaire), ce dictionnaire de 528 pages a pour ambition de célébrer un siècle et demi de lutte en redonnant leur place aux principaux acteurs du mouvement libertaire : les militantes et les militants http://chrhc.revues.org/2160.
Cinq cents biographies, dont soixante sont illustrées, ont été retenues pour le dictionnaire papier, avec le souci de respecter la diversité du mouvement libertaire.
Ces vies exigeantes, intenses, "joyeuses" disait Léo Ferré, parfois tragiques, témoignent des différentes périodes, milieux et formes de l’engagement libertaire : les anarchistes les plus célèbres (Proudhon, Louise Michel) y côtoient des parcours plus modestes ; artistes et chanteurs (Pissarro, Ferré, Brassens, Cross) se mêlent aux théoriciens (Jean Grave, Sébastien Faure) ; illégalistes et propagandistes par le fait (Bonnot, Ravachol) cohabitent avec les figures fondatrices du syndicalisme révolutionnaire (Fernand Pelloutier, Pierre Monatte).
L’équipe des rédacteurs a souhaité dépasser les frontières hexagonales en intégrant les biographies de militants suisses, belges, québécois, de ceux partis pour les États-Unis ou de militants dont l’impact ou le rôle en France furent très importants (Bakounine, Max Nettlau).
À ce dictionnaire papier s’ajoutent plus de 2.500 biographies consultables sur le site Maitron-en-ligne http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/, auquel les acheteurs et souscripteurs auront accès.
• Les Anarchistes. Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone de Marianne Enckell, Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Hugues Lenoir, Anthony Lorry, Claude Pennetier et Anne Steiner. Avec une quarantaine d’auteurs. Éditions de l’Atelier, sortie prévue en mai 2014.
http://alternativelibertaire.org/?Lire- ... z-Eclats-dLire : Freddy Gomez « Éclats d’anarchie »
Une écriture précise, une narration instructive, des analyses souvent pertinentes : ce sont les Mémoires de Freddy Gomez, discret animateur de la revue A Contretemps.
Depuis 2001, cet exigeant bulletin de « critique bibliographique » – désormais exclusivement sur le web – s’est distingué par son goût pour une histoire démythifiée du mouvement libertaire. Se situant dans la même veine, les quelque 500 pages de ces Éclats d’anarchie, sous-titrés « Passage de mémoire », ne déçoivent pas les attentes.
L’enfance de Freddy Gomez, c’est le milieu de l’Exil espagnol, dans le Paris des années 1950-1960 : une vie chiche, l’entraide, les rendez-vous dominicaux au siège de la CNT, rue Sainte-Marthe, le cérémonial des meetings en rouge et noir, la camaraderie mais aussi les dissensions entre vaincus du franquisme, les yeux rivés sur une Espagne désormais hors d’atteinte.
C’est ensuite le lycée Michelet de Vanves, temple de l’ennui et de l’autorité en blouse grise, dont les instances sont littéralement balayées par la déferlante de Mai 68. S’ensuit, pour une partie de sa génération, le feu d’artifice d’un gauchisme effréné. Gomez, lui n’y trempe qu’un pied vite retiré. La vieille culture anarcho-syndicaliste de ses parents, très prosaïque, semble le préserver des emballements existentiels et spontanéistes qui caractérisent l’époque.
En fait, Freddy Gomez est un militant circonspect, de ceux qui épaulent le mouvement libertaire du dehors, mais évitent de s’y engager pleinement. Cette position aurait pu le faire glisser vers le rôle du commentateur « indépendant », autosatisfait ou donneur de leçons comme on en connaît trop. Il n’en est rien. Dans son livre, il évite les jugements à l’emporte-pièce, il choisit ses mots, il nuance, s’efforçant d’examiner le passé de façon la fois humaine et lucide.
Il livre ainsi des commentaires sévères sur l’action du Mouvement ibérique de libération (MIL) à la fin du franquisme, et une analyse quelque peu mélancolique de la reconstruction éclair de la CNT espagnole, puis de son irrésistible « déconstruction » entre 1975 et 1978. A l’époque, Gomez vit entre la France et l’Espagne, et participe à la revue Frente Libertario, émanation d’une tendance de l’Exil qui cherche à réaliser la jonction entre l’anarcho-syndicalisme historique et les nouvelles formes de contestation ouvrière et sociétale dans la péninsule.
C’est à cette époque qu’il réalise une série d’entretiens avec des témoins capitaux de la Révolution espagnole – Diego Abad de Santillán, Felix Carrasquer, Juan García Oliver, José Peirats, entre autres.
Après sa période espagnole, Freddy Gomez « reprend le collier » et, dans les années 1980, devient un militant en vue de la CGT-Correcteurs, syndicat « pas comme les autres » qui, incrusté dans ce bastion stalinien qu’est la fédération du Livre, maintient son référent syndicaliste révolutionnaire. C’est une époque où la révolution technologique dans la presse bouleverse tous les repères d’un monde ouvrier sommé de s’adapter ou de disparaître. Gomez décrypte les stratégies dissonantes qui cohabitèrent, à ce sujet au sein de la fédération du Livre.
Ces mémoires s’achèvent sur des souvenirs plus récents, liés à l’aventure de la revue A Contretemps à partir de 2001, et sur des considérations plus générales – sur la question de la violence, sur le syndicalisme... Il consacre également quelques pages amères à la vogue postmoderniste des années 1970 qui, lovée dans la contre-révolution libérale, a œuvré à désarmer la pensée révolutionnaire.
Guillaume Davranche (AL Montreuil)
• Freddy Gomez, Éclats d’anarchie – Passage de mémoire, conversations avec Guillaume Goutte, éd. Rue des cascades, 2015, 496 pages, 18 euros.
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