Gaz de schiste: débat à l'Assemblée 2011-03-29 17:09:00 |Ce mardi 29 mars avait lieu à l'Assemblée nationale un débat sur les conséquences environnementales de l'exploitation des huiles et gaz de schiste en France. Les députés y ont affiché une franche hostilité, à l'exception de François-Michel Gonnot (UMP).
Extraits.
Evoquant les techniques d'exploration, contraires au Grenelle de l'environnement (quantité d'eau utilisée, recours à des produits chimiques..., Yves Cochet (Gauche démocrate et républicaine) estime que les permis d'exploration devraient "être non seulement soumis à enquête publique mais ausi à débat" parlementaire. Il estime également que l'exploitation des gaz de schiste présente peu d'intérêt économique, compte tenu du "déclin rapide" des réserves.
Pour Serge Grouard (Union pour un Mouvement Populaire) , il faut se doter de textes rigoureux pour la phase d'exploration, à l'instar de ce qui existe pour l'exploitation. Le rapport de François-Michel Gonnot (UMP) et Philippe Martin (PS) est attendu le 8 juin prochain, rappelle-t-il. Il permettra aux parlementaires d'affiner leur opinion sur ce sujet. Il pointe également l'absence de transparence qui a prévalu dans l'attribution des permis de forer en mars 2010.
Pour Stéphane Demilly (Nouveau Centre), le gaz de schiste est une énergie fossile, qui ne présente pas d'intérêt pour aller "vers une économie décarbonée". Les acides et produits gélifiants restant après l'exploration, la quantité d'eau utilisée ont un impact non négligeable sur l'environnement. les incidences sur le paysages posent "la question de l'acceptabilité sociale pour les riverains". Il plaide pour le développement du biogaz, estimant "prometteuse" la dynamique créée par le nouveau cadre juridique (injection dans le réseau).
"Une grande inquiétude monte", énonce Christian Jacob (UMP), pointant des "risques environnementaux et sanitaires", tels des "territoires couverts de puits apparents, des nappes phréatiques et une eau potable contaminés"...
Attribution des permis: il ne s'agit pas que "de décisions administratives et de portée limitée", considère Jean-Paul Chanteguet (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche): "les politiques ne pouvaient pas ne pas savoir". La Charte de l'environnement en son article 7 mentionne un "droit à l'information" qui n'a pas été respecté. Revenant sur l'accident nucléaire de Fukishima-Daiichi, il plaide pour un "grand débat national" sur la stratégie énergétique française.
Martine Billard (Gauche démocrate et républicaine) déplore que "le moratoire ne concerne que les gaz de schiste et non les huiles de schiste". pour ces dernières, elle réclame l'annulation des autorisations déjà données en Seine-et-Marne".
Le débat est devenu "essentiellement politique", estime François-Michel Gonnot (UMP). S'adressant aux représentants du Parti socialiste: "cette mission, ne vous en déplaise, n'est pas là qua pour écouter les opposants". Il rappelle que "la technique de la fracturation hydraulique existe depuis 40 ans" et que cela fait "des décennies que l'on fore, que l'on explore, pour trouver du pétrole, notamment dans le Bassin parisien". Il souligne que "les permis attribués ne sont pas des permis d'exploitation". Il invite les parlementaires à examiner les enjeux avec "sérénité et responsabilité".
A son tour, Maxime Bono (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche), déplore l'attribution des permis "en catimini". Il dénonce "une logique d'appauvrissement" des ressources, qui retarde "l'adoption des technologies alternatives et de comportements économes en énergie". Il souligne que la société Toreador dispose "non pas de permis d'exploration mais de permis d'exploitation" et demande quelles suites seront données à son intention de "procéder à l'exploitation" des réserves de pétrole qu'elle découvertes.
Se réjouissant que "les écologistes ne soient pas isolés dans ce débat", Anny Poursinoff (Gauche démocrate et républicaine), indique que les "puits sont exploités entre 5 et 10 ans", alors qu'ils ont des conséquences environnementales fortes et durables. "Au risque nucléaire, allons-nous ajouter le risque d'empoisonner l'eau potable?"
Richard Mallié (Union pour un Mouvement Populaire) estime que "ces gaz suscitent plus que des interrogations" notamment auprès des "populations concernées qui s'interrogent plus que légitimement" sur l'impact environnemental. Il demande "la suspension immédiate des permis d'exploration".
"Quels que soient les bancs de notre hémicycle, chacun convient que l'exemple de l'Amérique du Nord est criant, estime Germinal Peiro (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Personne ne peut nier l'impact sur l'environnement et sur les nappes phréatiques". Il regrette la disparition de "l'esprit du Grenelle" avec l'attribution de permis sans consultation de la population. Et estime que "l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste doivent être interdites sur le territoire natuionale".
Pour Pierre Morel-A-L'Huissier (UMP), le dossier de classement au patrimoine mondial de l'humanité à l'Unesco (de l'espace Causse Cévennes) risque d'être durablement compromis si décision était prise d'exploiter les gaz de schiste dans ce département. Il suggère "l'abrogation de ces arrêtés" autorisant l'exploration sur les sites concernés, les délais de recours étant épuisés.
Observant que les gaz de schiste représentent deux fois les réserves de gaz naturel conventionnels, Geneviève Gaillard (Socialiste, radical, citoyen et divers gauche) y dénonce la "voie sans issue de l'énergie fossile". les gaz de schiste, affirme-t-elle, "c'est l'énergie du désespoir, l'énergie fossile, c'est l'énergie des dinosaures". Elle plaide pour un modèle alternatif et "durable".
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Réponses de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.
NKM fait part d'un débat "sensible", évoquant la motion signée par 80 députés, les courriers "nombreux" reçus par son ministère, les manifestations, "une cinquantaine de délibérations et d'arrêtés d'annulation adoptés par des communes" qui lui ont été transmis, autant de témoignages d'une forte mobilisation de la population et des élus.
Mais d'autres questions doivent être soulevées, telle l'indépendance énergétique. "Nous avons acheté à l'étranger plus de 45 milliards d'euros d'hydrocarbures l'an dernier".
S'agissant des techniques d'exploration, "nous n'avons pas l'assurance à ce stade que les nouvelles techniques" présenteront moins de risques et "cela fait partie des questions que nous posons aux industriels".
Les questions posées au débat sont celles d'une exploitation respectueuse de l'environnement. Si on ne peut pas "faire autrement qu'une exploitation à l'américaine, c'est-à-dire une exploitation propre et sûre (...), alors nous ne le ferons pas".
Elle a également souligné que la délivrance des permis se faisait de manière "transparente" et encadrée. Ceux-ci sont publiés au Journal officiel.
Sur les autorisations administratives: "s'agissant des gaz de schiste, trois permis de recherche ont été attribués au 1er mars 2010 (...). Il y a également en France une dizaine de permis concernant les gaz de houille", permis qui sont "en sommeil", ainsi que les permis concernant les huiles de schistes. Aucune autorisation d'exploitation ne sera délivrée avant la remise des rapports demandés au Parlement et au Conseil général des CGIET et au CGEDD*. Le Code minier doit également être revu.
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A savoir:
Plusieurs députés socialistes ont déposé une proposition de loi visant à annuler les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux et tendant à assurer la transparence dans la délivrance de ces permis de recherche et de concessions d’hydrocarbures liquides et gazeux. Elle devrait être examinée le 12 mai.
Préalablement au débat, l'Amicale des foreurs et des métiers du pétrole avait adressé une lettre ouverte aux députés "pour lutter contre la désinformation actuelle sur ces sources d'énergie et sur leur technique d'extraction, dite de "fracturation hydraulique", qui est visiblement totalement méconnue en France".
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* Le gouvernement a confié au Conseil Général de l’Industrie, de l’Énergie et des Technologies (CGIET) et au Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) la mission de l’éclairer "sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère (gaz et huiles de schiste). Un rapport d’étape doit être remis pour le 15 avril 2011 et le rapport final pour le 31 mai 2011".