Plusieurs milliers de personnes réunies contre les gaz de schistes en Ardèche
LEMONDE.FR avec AFP | 26.02.11 | 18h20 • Mis à jour le 26.02.11 | 18h21
Plusieurs milliers de personnes, dont José Bové, ont convergé samedi 26 février en Ardèche pour le premier rassemblement national contre l'exploitation du gaz de schiste. Derrière le slogan "No gazaran", entre 10 000 (selon la préfecture) et 20 000 personnes (d'après les organisateurs) ont fait, le temps d'un après-midi, du petit bourg de Villeneuve-sur-Berg l'épicentre de l'opposition croissante à l'exploitation de ce gaz emprisonné à 3 000 mètres sous terre.
A pied, à vélo, en poussette, en voiture ou en autocar, une foule bigarrée et bon enfant, venue de tout l'Hexagone, s'est rassemblée sur une aire de repos au bord de la route nationale, interdite à la circulation, pour dire "Stop au gaz de schiste". En contrebas, la plaine de Mirabel, des fermes, des vignes, des cultures, un camping. Au loin, les montagnes si chères à Jean Ferrat. Ici, "ils risquent de forer deux puits" et d'ériger une torchère, pour brûler les gaz, explique Guillaume Vermorel, spéléologue et l'un des initiateurs du rassemblement.
"Ils"? Les industriels Schuepbach Energy et GDF-Suez qui ont obtenu un permis pour explorer 930 km2 autour de Villeneuve. Deux autres permis, dits de Nant (Aveyron) et Montélimar (Drôme), ont été accordés en mars 2010 par les services de l'ancien ministre de l'environnement, Jean-Louis Borloo. Devant la fronde grandissante des élus locaux et régionaux, des riverains et des écologistes, Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé début février la suspension des travaux d'exploration dans l'attente des conclusions d'une mission d'évaluation des enjeux environnementaux, en juin.
INQUIÉTUDES AUTOUR DES NAPPES PHRÉATIQUES
Principales inquiétudes des opposants : la pollution des nappes phréatiques et les dégâts sur les activités rurales et touristiques. Pour extraire ce gaz, il faut effectivement forer des puits tous les 200 mètres et y injecter des millions de m3 d'eau additionnée de sable et de produits chimiques afin de libérer les particules gazeuses. Même "la collectivité n'a rien à y gagner, sauf qu'elle devra entretenir les routes abîmées par les camions", insiste M. Vermorel.
Pour José Bové, député européen Europe Ecologie, fer de lance de la contestation et présent au rassemblement, l'exploitation de ces gisements pose la question du "gaspillage énergétique". "Il est temps de se demander comment on rend l'énergie plus efficace, renouvelable et non destructrice de l'environnement", plaide l'ancien du Larzac. A ses yeux, il n'y a qu'une issue à la mobilisation, née en quelques semaines seulement "du mépris des citoyens et des élus" par le gouvernement et des entreprises qui "jouent aux apprentis sorciers": l'abrogation des permis.
Pour appuyer leur combat, les différents collectifs départementaux se sont par ailleurs constitués samedi matin à Valence en coordination nationale. Dans la foule, barbe blanche et cheveux longs, Alain Gibert, maire écologiste de Rocles, estime qu'"il se passe la même chose qu'avec les OGM : les populations ne sont pas consultées". Et les maires non plus. Alors, dans sa commune ardéchoise de 240 habitants, il a pris, comme contre les OGM, un arrêté pour interdire l'exploitation de ce gaz. A ce jour, la préfecture ne l'a toujours pas contesté. Et la culture des OGM est interdite en France.
webdito de la commission écologie d'Alternative Libertaire sur le sujet :
Mondialisation capitaliste
Ruée vers le gaz de schiste
Pour calmer les inquiétudes légitimes des populations, des associations, des collectifs, des syndicats paysans et sous la pression des élu-e-s des régions concernées, la ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé le 4 Février qu’elle lançait avec Eric Besson une mission interministérielle pour déterminer les impacts économiques, sociaux et environnementaux de l’exploitation des gisements de gaz de schiste.
Jean-Louis Borloo, loin des prétentions affichées lors de son Grenelle de l’environnement, avait accordé en 2010 trois permis d’exploration de gisements de gaz de schiste en Aveyron, dans la Drôme et l’Ardèche. Le site Internet d’information Médiapart a relevé l’existence d’un permis attribué dès 2006 qui a donné lieu en 2007 à des forages d’exploration en Haute-Garonne et en Ariège selon la technique très controversée de la fracturation hydraulique, méthode réservée habituellement à l’exploitation. De même, l’entreprise canadienne Vermillon, premier producteur de pétrole sur le sol français, a réalisé l’an passé deux opérations de fracturation hydraulique sur sa concession de Champotran en Seine-et-Marne. Elle cherche à extraire, à partir d’anciens puits forés dans les années 80, de l’huile de schiste, forme non conventionnelle du pétrole.
On ne peut que condamner l’absence totale d’information et de concertation avec les habitant-e-s lors de l’octroi de ces permis ’’d’exploration’’ qui portent sur des surfaces de plusieurs km², parfois situées dans des zones protégées. Face à cette situation, les habitant-e-s et élu-e-s commencent à s’organiser et des collectifs se forment entre autres en Picardie, dans le Larzac, dans l’Hérault, le Gard, demandant l’annulation des projets d’exploration et a fortiori d’exploitation. La contestation est déjà forte, et l’Association des Régions de France a relayé les inquiétudes citoyennes, en demandant l’abrogation des permis autorisés vue l’absence d’information sur l’impact sanitaire et environnemental de l’exploitation des gaz de schiste.
Qu’est ce que la méthode de fracturation hydraulique ?
Le gaz et l’huile de schiste (hydrocarbures non-conventionnels), sont respectivement une forme de gaz naturel et de pétrole, mais au lieu d’être contenus dans des poches géologiques comme les hydrocarbures dits conventionnels, ils se trouvent disséminés dans la roche (le schiste). Pour faire remonter le gaz de schiste, on réalise un forage vertical de deux ou trois kilomètres puis à l’horizontale, grâce auquel on provoque dans les sous-sols des microséismes par explosion puis injection d’eau sous haute pression mélangée à un cocktail de centaines de produits chimiques (biocides, lubrifiants, détergents, de compositions souvent tenues secrètes). Cette technique, développée par le géant américain de l’armement Halliburton, nécessite d’énormes quantités d’eau, d’énergie (les machines marchent au diesel), de produits chimiques, implique l’allée-retour de milliers de camions, et est au final bien plus émettrice de gaz à effet de serre que l’extraction de gaz et pétrole conventionnel.
L’exemple américain, où 450 000 puits sont déjà en activité, démontre tristement les impacts dramatiques de l’exploitation du gaz de schiste. Des sels dissous venant des sols peuvent se mélanger à l’eau (métaux lourds, arsenic, sulfates, carbonates et éventuels radio-nucléides : radon, uranium) et atteindre les nappes phréatiques qui se retrouvent polluées par des eaux empoisonnées et sursalées. Ces eaux se diffusent ensuite dans les sols, les rendant impropres à l’agriculture, et se retrouvent parfois dans le circuit d’eau potable, empoisonnant la population. De même, le rejet de gaz cancérigènes, neurotoxiques, ou généralement polluants, se traduit par une augmentation des maladies respiratoires, des cancers, et des pluies acides dans les régions concernées.
Le gaz de schiste joue un rôle important dans l’approvisionnement en gaz naturel des États-Unis depuis le début du XXIe siècle, quand la flambée des prix des hydrocarbures a rendu ce type d’extraction rentable. Face à la menace d’une pénurie de ressources en gaz naturel, la possibilité d’exploiter le gaz de schiste a multiplié par deux la richesse du sous-sol mondial en hydrocarbures, et suscite la convoitise des gouvernements et des multinationales. L’augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar, et l’Iran de décider des augmentations de prix.
Le Conseil européen, de plus en plus inquiet du peu de diversité géographique de l’approvisionnement en gaz naturel de la région (75 % du gaz importé provient seulement de 3 pays : Norvège, Russie, Algérie), et probablement préoccupé par la situation politique en Afrique du Nord et Moyen Orient qui renchérit le prix des hydrocarbures, a proposé le 4 Février l’exploration de gisements de gaz de schiste comme une solution, au grand dam des organisations environnementales qui préfèreraient voir l’Europe adopter des mesures contraignantes sur l’efficacité énergétique et les économies d’énergie.
Révoltez-vous !
D’une manière générale, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels est un moyen pour les multinationales de l’énergie de repousser de 150 années la durée de vie des énergies fossiles afin de consolider et d’accroître leurs profits avec la bénédiction de gouvernements soumis à leurs intérêts privés. Cette question souligne le caractère à la fois mortifère et criminel du capitalisme. Gouvernants et capitalistes agissent ainsi car ils sont dans la toute puissance. Les nuisances et les souffrances qu’elles occasionnent, ils ne les ignorent pas, mais pour eux il s’agit de quelque chose de secondaire. En effet, elles affecteront les populations, mais pas leurs dirigeants qui trouveront toujours les moyens de se mettre à l’abri.
Sans une vigilance constante, sans la mobilisation des populations, les gouvernements satisferont l’avidité des grands groupes, au besoin en surfant sur la mode écolo… Ainsi en plein délire de « green washing » l’administration Obama estime que l’intensification de l’exploitation du gaz de schiste permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Interrogé au sujet de la polémique causée par l’exploitation possible en France de ce gaz, le pdg de Total s’est dit « agacé ». « S’il faut demander l’autorisation pour avoir le droit un jour de demander l’autorisation, on va commencer à tomber dans la paperassie inutile » a dit Christophe de la Margerie pour justifier le fait que les licences étaient accordées sans enquêtes publiques.
Cynisme, culte du secret, manipulation de l’opinion, arrogance, tout semble permis à ceux qui pensent pouvoir continuer encore longtemps à abuser de leur pouvoir. C’est bien cela qu’il s’agit de balayer pour vivre libres, égales-ux et stopper la destruction de la vie par le capitalisme. Alors faisons le nécessaire pour que la colère monte et que le gaz de schiste explose à la tronche de ceux qui se croient pour encore longtemps les maîtres du monde.
La commission écologie d’AL, le 26 février 2010
http://www.alternativelibertaire.org/