Contre le système prostitutionnel: libertaire vs libéral

Contre le système prostitutionnel: libertaire vs libéral

Messagede Pïérô » 25 Juil 2010, 12:15

Un texte argumenté et qui me semble important dans ce débat qui oppose abolitionistes et pros-prostitution.

En attendant la mise en ligne du dossier sur ces questions d'Alternative Libertaire de cet été, http://www.alternativelibertaire.org/sp ... ubrique196, ce texte permet de participer à répondre à une polémique lancée sur l'Endehors abordée dans le topic d'annonce de sortie du mensuel : thttp://forum.anarchiste-revolutionnair ... 132#p55603. Ce texte vient de paraître ce mardi 20 juillet 2010 sur le site de REBELLYON info, http://rebellyon.info/Prostitution-libe ... le-ou.html


Prostitution : liberté sexuelle ou liberté de consommer du sexe ?

Article d’analyse de la prostitution, par Mélusine Ciredutemps

Depuis des siècles, la prostitution est l’un des piliers fondamentaux de la domination masculine. A présent, même si les personnes prostituées ne sont pas toutes des femmes, elles s’identifient rarement comme appartenant à une catégorie identitaire de genre masculin. Ce qui n’est pas le cas de la clientèle. La prostitution alimente le mythe d’un « besoin sexuel » supérieur chez les hommes et celui d’une vénalité « naturelle » chez les femmes qui ne consentiraient que dans le cadre d’un échange pour obtenir autre chose qu’un rapport sexuel.

Depuis des siècles, la prostitution est l’un des piliers fondamentaux de la domination masculine. A présent, même si les personnes prostituées ne sont pas toutes des femmes, elles s’identifient rarement comme appartenant à une catégorie identitaire de genre masculin. Ce qui n’est pas le cas de la clientèle. La prostitution alimente le mythe d’un « besoin sexuel » supérieur chez les hommes et celui d’une vénalité « naturelle » chez les femmes qui ne consentiraient que dans le cadre d’un échange pour obtenir autre chose qu’un rapport sexuel.

Selon les schémas du patriarcat, un homme se définit par lui-même, sa sexualité n’aura pas d’incidence majeure sur son identité, par contre une femme est définie par rapport aux hommes, et de sa sexualité découlera l’identité que la société lui attribuera. Cela se confirme, entre autre, par l’observation des habitudes langagières. Par exemple, l’usage quotidien et administratif imposant le qualificatif intrusif et infantilisant du terme « mademoiselle » aux femmes célibataires (ou supposées l’être) ainsi qu’aux petites filles induit l’idée selon laquelle l’intimité d’une humaine doit être étalée sur la place publique. De même, certaines administrations attribuent d’office à une femme mariée le nom de son époux même lorsqu’il apparaît clairement qu’elle ne l’a pas choisi, et feignent d’ignorer qu’un homme marié peut porter le nom de son épouse.

Sous l’Antiquité à Rome et en Grèce, la prostitution était encouragée pour préserver la famille patriarcale. Le système patriarcal construit, pour se pérenniser, des carcans identitaires auxquels les femmes doivent se conformer. Ils se divisent en deux grandes catégories : la femme « purifiée » qui appartient à un seul homme, est lavée de son « impureté originelle » en accédant au rôle sacralisé de « la mère qui enfante dans la douleur » (ex : la ménagère fidèle dont la sexualité est niée à l’image de la « vierge » marie), et celle qui est « impure », appartient à tous les hommes et sert de réceptacle aux « pulsions sexuelles » des dominants afin de préserver la « vertu » de l’autre femme (la prostituée qui n’existe qu’à travers une sexualité dont elle est dépossédée).

Objets sacralisé ou méprisé, on les oppose alors qu’elles sont les deux facettes de la même femme aliénable ou aliénée, jamais propriétaire d’elle même. Il existe de multiples formes de relations prostitutionnelles qui ne sont pas reconnues comme telles (ex : dépendance économique et "devoir conjugal" des "femmes au foyer"). La prostitution participe à leur maintien au travers des représentations qu’elle véhicule par sa simple existence. Elle encourage la volonté de toute puissance des individus qui préfèrent payer plutôt que prendre le risque de vivre des relations sexuelles égalitaires. « Mais ce qu’ils achètent, en un sens, c’est le pouvoir. Nous sommes censées nous conformer à leur bon plaisir. Ils nous dictent leur volonté et nous, nous devons leur plaire, obéir à leurs ordres. Même dans le cas des masochistes, qui aiment obéir, c’est encore sur leur ordre à eux que nous les commandons. La prostitution rabaisse non seulement les femmes, mais aussi le sexe... oui, elle rabaisse le sexe.[...] il y a dans la prostitution une indignité particulière, comme si le sexe était une chose sale et que les hommes ne pouvaient en jouir qu’avec quelqu’un de bas. Ça implique une espèce de mépris, de dédain, et une sorte de triomphe sur un autre être humain. » [1]

Dès le Moyen Âge, l’Eglise est favorable à la prostitution. « « Supprimez les prostituées, disait saint Augustin, vous troublerez la société par le libertinage. » Et plus tard saint Thomas [...] déclare : « Retranchez les femmes publiques du sein de la société, la débauche la troublera par des désordres de tous genre. Les prostituées sont dans une cité ce qu’est le cloaque dans un palais : supprimez le cloaque, le palais deviendra un lieu malpropre et infect. » » [2]. « Et Mandeville dans un ouvrage qui fit du bruit : « Il est évident qu’il existe une nécessité de sacrifier une partie des femmes pour conserver l’autre et pour prévenir une saleté d’une nature plus repoussante. » » [3].

« A mon avis, la conviction que les femmes sont sales, que les organes génitaux sont sales, nous colle vraiment à la peau. Si je n’aime pas qu’un type me jouisse dessus, je croie que c’est pour ça. Parce que je me trouve sale. Je n’aime pas ça parce que j’ai l’impression que je suis sale... et qu’eux ne le sont pas. Peut-être qu’eux, ça les lave. Le fait qu’on se croie sale est très important. » [4]. Il est donc clair qu’en réalité, l’idéologie puritaine rejette la liberté sexuelle et non la prostitution car cette dernière lui sert d’exutoire. Les puritain-e-s ont intérêt à entretenir la confusion entre les deux pour occulter l’existence potentielle ou vécue d’une jouissance inaliénable.

On peut constater que l’Eglise a réussi son entreprise de conditionnement mental durable et profond car la prostitution remplit toujours son rôle de force de répression contre la libération des personnes dominées en imposant l’image d’une vénalité « naturelle » et le sentiment de culpabilité dans leur sexualité. « L’une des pires choses, c’est de faire semblant. Il fallait mimer l’orgasme. Les hommes l’attendent parce que c’est la preuve de leur virilité.C’est une des pires choses. Ça, c’est vraiment se conduire en putain, cette malhonnêteté. » [5]

Au contraire, la véritable liberté sexuelle fait du désir et de la jouissance de chaque personne une fin en soi et exclut les « non-dits », la simulation ainsi que les rapports de domination. Les « travailleu-se-r-s du sexe » qui réclament la règlementarisation de la prostitution déclarent souvent ne pas vendre leur corps mais un « service sexuel ». Ce « service » se traduit quoi qu’il en soit par une mise à disposition du corps. Une sorte de location, comme si le corps d’une personne était un objet... un objet extérieur à elle-même. Et c’est à ce rapport de chosification et de division avec leur propre corps que les personnes prostituées sont contraintes de se soumettre pour satisfaire les exigences de leur clientèle. Cette vision réductrice du corps devenu objet est banalisée car profondément intégrée dans les mentalités. Ils influencent les prises de position des réglementaristes et des légitimistes qui accusent les abolitionnistes de puritanisme. Il est pourtant le fruit du conditionnement mental puritain qui consiste à vouloir séparer ce qui est supposé être « le corps » de ce qui est supposé être « l’esprit » en les plaçant dans un rapport hiérarchique. Puisque le corps est jugé « inférieur », il peut alors servir d’ustensile, d’outil de travail.

Cette division hiérarchique sert aussi de support à l’exploitation capitaliste en général, qu’elle se traduise par le salariat où par n’importe quel autre forme de rapport marchand. Cependant, dans la prostitution ce ne sont pas seulement certaines parties du corps qui sont utilisées, mais le corps tout entier selon les envies du client qui, comme dans tous commerce est « roi ». « Le pire, dans la prostitution, c’est qu’on est obligé de vendre, non seulement son sexe, mais aussi son humanité. C’est ça le pire : ce qu’on vend, c’est sa dignité humaine. » [6]

Le mot « travail » vient du latin « tripalium » qui désignait un instrument de torture. Et jusqu’à maintenant, il a gardé son sens premier : la souffrance, la pénibilité, le tourment. Il inclut un sens sacrificielle et appartient à la morale religieuse : « Tu travailleras désormais à la sueur de ton front [...] » (La Genèse). D’ailleurs, le « Qui ne travaille pas ne mange pas. » de St Paul fait écho à la morale capitaliste et à ses conséquences désastreuses. Pour vivre (ou survivre) il faudrait se soumettre à l’obligation de sacrifier son temps et son corps, gâcher une partie plus ou moins importante de sa vie et de sa santé dans la souffrance.

Avec le développement de la bourgeoisie, le sens de ce mot s’est élargi à celle d’activité marchande, l’inscrivant ainsi dans la dimension de l’échange qui induit la compétition entre les individus et leurs inégalités économiques et sociales. L’idéologie du travail s’impose et emprisonne les personnes dans cette obligation du « don – contre don » qui sert de justification « indiscutable » à la domination et à l’exploitation. Par conséquent, il n’est pas étonnant que le travail soit une valeur d’extrême droite. A l’entrée du camps de concentration d’Auschwitz il était écrit « Le travail rend libre » et la devise du Maréchal Pétain était « Travail, Famille, Patrie ».

Pour que le travail soit aboli, il faudrait que les activités utiles soient distribuées et exercées dans une dynamique de partage et de gratuité qui prenne en compte les besoins et les désirs de chaque personne, et non dans un maintien des rapports marchands qui, eux, sont basés sur une logique d’échange.

D’autre part, par le biais de la pornographie commerciale dite « professionnelle », de la publicité sexiste et des différentes formes de prostitutions, le capitalisme a intérêt à faire passer la consommation de sexe pour de la liberté sexuelle. Elene Vis, fondatrice de « l’école du sexe » au Pays-Bas déclare à ses élèves « Vous pouvez parler de techniques de vente. Vous devez vous vendre et peu importe qu’il s’agisse de votre propre corps ou d’aspirateurs. Le principe est le même ». Vouloir qu’un acte sexuel puisse être un « service » rendu dans le cadre d’un échange revient à vouloir défendre l’idée selon laquelle les personnes dominées doivent « naturellement » s’abstenir de rechercher le plaisir pour elles-mêmes. C’est vouloir que la sexualité soit un produit qui se vend plutôt qu’un plaisir qui se partage. La prostitution, c’est l’aliénation de la sexualité au capitalisme !

Vouloir la création d’un statut professionnel de "travailleu-se-r-s du sexe" c’est reconnaître une utilité sociale à la prostitution, c’est adhérer à la morale puritaine, à la marchandisation et au patriarcat. La prostitution ne représente aucun danger pour le système. Au contraire, elle est à son service et le sert avec une efficacité redoutable lorsqu’elle se revendique « librement choisie ».

La loi Sarkozy contre le « racolage passif » criminalise les personnes prostituées les plus vulnérables. L’écrasante majorité d’entre elles n’ont pas choisi de se prostituer parce qu’elles en éprouvaient le désir, mais pour survivre en espérant que cette situation sera temporaire. Pourtant ce n’est pas à elles que les médias capitalistes et machistes ont donné la parole au moment de la promulgation de cette loi, mais à des commerciales du sexe ultra minoritaires qui s’inscrivent dans une démarche règlementariste et/ou légitimiste et non pas révolutionnaire, revendiquant le titre de « travailleu-se-r-s du sexe ». Leur argument central est que la prostitution serait majoritairement un « choix professionnel », et que son existence serait une nécessité.

C’est ce que pensent également les anti-féministes (comme par exemple Eric Zémmour), dont celles et ceux qui, comme Elizabeth Badinter, affichent une étiquette de « féministe ». Le discours de Christine Boutin et Chantal Brunel (députée UMP de Seine-et-Marne) est plus hypocrite encore, car tout en admettant que la prostitution est une violence faite aux femmes, elles préconisent la réouverture des maisons closes.

On entend souvent « Si elles déclarent que c’est un choix, où est le problème ? ». D’une part elles sont ultra-minoritaires à déclarer que « c’est un choix » même si elles s’expriment au nom de toutes. D’autre part, qu’entendons-nous par « c’est un choix » ? Dans le cas d’un objet, « l’essence – c’est à dire l’ensemble des recettes et des qualités qui permettent de le produire et de le définir – précède l’existence » (J-P Sartre). Le concept « table » précède et conditionne la fabrication de tables. A l’inverse, pour les humain-e-s, l’existence précède l’essence car aucune divinité n’est à l’origine de notre « création ». « Il n’y a donc pas de nature humaine puisqu’il n’y a pas de dieu pour la concevoir » (J-P Sartre). Nous existons d’abord, nous nous définissons ensuite par l’ensemble de nos actes. Chaque personne est donc responsable de ce qu’elle est, car elle n’est pas l’oppression qu’elle subit ni l’un de ses actes isolé des autres. Elle est ce qu’elle choisi de faire et de dire dans les limites de la marge de manœuvre dont elle dispose qui dépend du contexte dans lequel elle se trouve. Elle est son propre projet, le fruit de ses choix, de ses choix uniquement, et l’injustice dont elle est la cible ne la définit absolument pas. Être conscient-e-s nous oblige en permanence à faire des choix car nous n’avons pas d’instinct pour nous dicter notre conduite.

La responsabilité que la condition humaine nous confère peut être angoissante, mais elle est aussi le signe de nos libertés potentielles. La plupart des choix sont des choix par dépit, des choix stratégiques de survie ou d’auto-destruction matérielle et/ou psychique, plus rarement, nous estimons avoir l’opportunité de choisir par désir. Tout acte humain est donc le résultat d’un choix, mais ce choix est la plupart du temps un consentement sans désir. Au sein des armées, il y a des individus qui y sont entrés volontairement, parce qu’ils adhèrent à l’idéologie militariste. Il y a aussi des personnes qui y sont entrées volontairement, mais sans désir ni conviction, parce qu’elles ne voyaient pas d’autre moyen pour survivre. Et il y en a aussi qui sont enrôlées de force, parmi elles certaines font le choix de tenter une évasion et d’autres se suicident.

On ne peut pas défendre la liberté sexuelle en se satisfaisant de la notion de consentement (qui d’ailleurs convient parfaitement à la justice étatique dans de nombreux cas de viols). Il est très fréquent qu’une personne consente à avoir une relation sexuelle, non pas parce qu’elle en éprouve le désir mais parce qu’elle pense qu’elle le doit, ou estime ne pas pouvoir s’y soustraire sans prendre de risques qu’elle ne pourrait supporter. Une passe, c’est un viol tarifé !

L’expression « liberté de choix » avancée dans les discours réglementaristes sonne creux... Au travers de son utilisation, il apparaît une confusion entre la définition de la liberté dans la doctrine libéraliste et la définition de la liberté d’un point de vue anarchiste. Pourtant, d’un côté on s’inscrit dans un système de compétitions et de performances qui répartie les possibilités d’exercer le libre arbitre de manière inégale. De l’autre côté on estime que la véritable liberté, celle pour laquelle on se bat, ne peut s’accomplir que dans l’égalité économique et sociale inconditionnelle. Il est évident que ces deux définitions s’opposent même si les « travailleu-se-r-s du sexe » déclarent choisir leur clientèle et prétendent aimer « le sexe ».

Mais il y a aussi des personnes prostituées qui choisissent de demander de l’aide aux services sociaux et aux associations abolitionnistes pour trouver la force et les moyens de quitter la prostitution. Je suppose qu’elles ont leurs raisons... leurs situations sont compliquées et elles sont très nombreuses aux regard des moyens dont disposent ces services sociaux et ces associations. En faisant l’apologie de la prostitution, les « travailleu-se-r-s de sexe » font un choix idéologique et politique ultra-libéraliste et non libertaire, de la propagande par l’acte contre la liberté sexuelle. « Une liberté qui ne s’emploie qu’à nier la liberté doit être niée », Simone de Beauvoir. Adhérer à leurs discours n’est pas compatible avec une quelconque solidarité a l’égard de l’écrasante majorité des personnes prostituées.

C’est facile de se proclamer « de gauche », voir « libertaire » comme le font certains individus favorables à la prostitution. Certains groupuscules et partis d’extrême droite se prétendent bien anti-racistes et/ou féministes, eux aussi... C’est un moyen très efficace pour brouiller les pistes que de se vautrer, avec une bonne rhétorique, dans la malhonnêteté intellectuelle avec ou sans paillettes. Pour l’auditoire, il peut apparaître plus confortable de se blottir dans le voile rassurant d’une négation bien ficelée. Il y a bon nombre de lâches et de crédules avides de clichés nourrissant leurs fantasmes de domination pour croire à des déclarations proférées par des personnes qui s’autoproclament représentatives parce qu’elles parlent beaucoup plus fort que les autres. Par contre c’est très compliqué, pour le plus grand nombre des personnes prostituées de faire entendre leur véritable point de vue. Non seulement parce que les médias ne leur donnent que très rarement la parole, mais aussi parce que dans la prostitution le mensonge et la simulation sont obligatoires, vis à vis de la clientèle avérées ou potentielles, des « collègues », et des proxénètes, c’est une question de survie.

Alors, entre l’écrasante majorité des personnes prostituées qui ne disposent pas de la marge de manœuvre nécessaire pour s’exprimer librement, et les « travailleu-se-r-s du sexe » qui utilisent les médias pour vanter les mérites de la servitude sexuelle volontaire, il y a effectivement une différence fondamentale.

Il est aberrant de croire que quiconque a la capacité de parler à la place, ou au nom de l’ensemble des personnes prostituées. Cela reviendrait à croire qu’elles ont toutes le même point de vue. C’est nier une grande part de ce qui fait leur condition humaine, à savoir leurs subjectivité. Parmi les personnes sans-papiers, il y en a qui se battent pour la régularisation de tout le monde et pour la liberté de circulation inconditionnelle. Il y a aussi des sans-papiers qui défendent la régularisation au cas par cas, et même des personnes régularisées qui exploitent des nouve-lles-aux sans-papiers. De nombreuses personnes sans-papiers sont isolées et épuisées par tout ce qu’elles supportent et estiment ne pas avoir la force de se battre dans une dimension collective. Il y a des femmes victimes de violences conjugales qui se révoltent, s’organisent et/ou vont chercher de l’aide pour échapper à leurs oppresseurs. D’autres croient avoir mérité les coups qu’elles ont reçu. Et certaines pensent que lorsque cela arrive à la voisine, cette dernière « l’a bien cherché ». Je pourrais multiplier les exemples d’exploitation, d’oppressions, d’aliénations et de stigmatisations, on retrouve partout la même diversité d’opinions.

Quand on a la chance de pouvoir s’exprimer librement, il est plus honnête d’admettre sa propre subjectivité et de l’assumer. Ma subjectivité, quant à elle est influencée par l’idéologie à laquelle j’adhère. Et elle me conduit à choisir mon « camp », du côté des personnes prostituées, et non de celui des « travailleu-se-r-s du sexe ».

L’Etat français se prétend abolitionniste alors que sa politique est un mélange de règlementation (prélèvement d’impôts sur les revenus des personnes prostituées, reconnues par le Trésor Public comme « Travailleurs indépendants », ce qui les condamne à une rentabilité accrue, participe à leurs fréquents endettements et fait de l’Etat le premier proxénète de France) et de prohibition (lois contre le « racolage passif »). La confusion entre abolitionnisme et prohibitionnisme est récurrente dans les discours des réglementaristes. Le prohibitionnisme, comme le réglementarisme découlent logiquement de tout système étatique et/ou capitaliste. Alors que l’abolitionnisme est la position la plus cohérente avec les valeurs fondamentale du communisme libertaire révolutionnaire.

Un des arguments du réglementarisme est basé sur la croyance en une amélioration de la situation sociale et sanitaire des personnes prostituées. En réalité, il leur impose un contrôle médical accompagné d’une inscription sur les registres policiers. Il fait le jeu des proxénètes qui bénéficient d’une forte complicité de la part de la police. Et les personnes prostituées préfèrent majoritairement la clandestinité à ce fichage qui scelle leur ancrage dans la prostitution.

Dans le cadre d’une réglementarisation complète de la prostitution, il serait logique que le Pôle Emploi tente d’imposer aux chomeu-se-r-s en fin de droit des postes de « travailleu-se-r-s du sexe » dans les maisons « ouvertes » de C. Brunel. Les politiques réglementaristes et prohibitionnistes sont présentées comme opposées, pourtant leurs effets se ressemblent... Une des revendications des associations de « travailleu-se-r-s du sexe » est la légitimation de la prostitution. L’association parisienne « LesPutes » par exemple, proposent la création d’écoles européennes qui formeraient des « expert-e-s », c’est-à-dire des personnes dont les compétences sexuelles seraient supérieures à celles des autres. Ceci ne pourrait que renforcer la présence, déjà envahissante, des notions de performance, de compétition et de concurrence dans la sexualité, ce qui correspond, là encore, à une conception de la liberté sexuelle ultra-libéraliste et non libertaire.

Quelques "travailleu-se-r-s du sexe" regroupé-e-s dans ces associations règlementaristes et légitimistes s’insurgent contre ce qu’elles nomment une « victimisation » de la part des abolitionnistes. Cependant, elles victimisent volontiers leur clientèle, notamment avec des slogans comme « Touche pas à mon client ». Le statut de victime n’est pas une identité dégradante mais le résultat d’une situation injuste, et sa prise de conscience est nécessaire à la révolte et au désir de libération. Se reconnaître et être reconnu-e comme victime est la première étape d’un processus qui va permettre à la personne de se reconstruire et de se libérer du sentiment de culpabilité induit par les humiliations. C’est aussi pour cela qu’il est important de s’opposer à la véritable victimisation, celle des coupables que sont les prostitueurs, clientèle et proxénètes en tête. Car en victimisant les coupables on culpabilise les victimes et on tombe dans une sorte de négationnisme. Très à la mode en ce moment, le rejet de la notion de victime résulte d’un narcissisme fondé sur l’admiration de l’image du dominant. Et de fait, ce rejet est totalement anti-subversif. En effet, s’il n’y a pas de victime, alors c’est qu’il n’y a pas d’injustice et aucune raison de combattre, ni même de critiquer ce « merveilleux » système. Les pro-prostitution, « travailleu-se-r-s du sexe » ou pas, nient la sordide réalité du vécu concret de l’écrasante majorité des personnes prostituées, de la traite de centaines de milliers d’ humain-e-s dont certain-e-s sont des enfants et des profits financiers qu’elle génère pour les proxénètes.

Lorsque le capitalisme, le puritanisme et le patriarcat auront été abolis, la prostitution sous toutes ses formes aura disparu !

Alors battons nous pour de meilleurs droits pour tou-te-s, des droits inconditionnels et non soumis au statut de « travailleu-se-r du sexe » (ni même de travailleuse-r de quelque domaine que ce soit). Pour l’égalité économique et sociale !

Pour la suppression des lois qui taxent, criminalisent et empêchent les personnes prostituées de s’échapper de la prostitution !

Pour l’annulation totale des dettes qu’elles ont contractées ! Pour une augmentation conséquente des montants de minimas sociaux, assortie de la suppression de l’obligation qui incombe aux bénéficiaires de « s’inserrer professionnellement » !

Pour une augmentation conséquente des moyens attribués aux associations et services sociaux abolitionnistes afin de pouvoir proposer à toutes les personnes prostituées un accompagnement social et un accès à des soins adaptés.

Régularisaton durable et sans condition de tou-te-s les sans-papier ! Pour une véritable liberté de circulation et d’installation et l’accès aux même droits pour tou-te-s !

Pour une éducation sexuelle fondée sur la valeur inaliénable de la sexualité de chaque personne !

Mélusine Ciredutemps


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Pour approfondir la réflexion :

. L’excellent roman autobiographique de Jeanne Cordelier "La Dérobade" (Phébus), qui raconte les quatre années de sa vie durant lesquelles elle était prostituée.

. "Anarchisme, féminisme, contre le système prostitutionnel" Hélène Hernandez et Elisabeth Claude (Editions du Monde Libertaire).

. "Femmes Libres" de Mary Nash (La pensée sauvage) qui met en lumière l’organisation féministe et anarchiste espagnole « Mujeres Libres » de 1936 à 1939.

. "Planète sexe" de Franck Michel à propos du tourisme sexuel et de ses liens avec les autres formes de prostitution (Editions Homnisphères).

. L’article de Mona Chollet " Prostitution : les pièges du pragmatisme", sur « périphérie.org » (malgré un désaccord concernant le rapport prostitutionnel dans le mariage à l’époque où Simone de Beauvoir a écrit Le Deuxième Sexe).

. Le téléfilm en deux parties du réalisateur David Yates : "Sexe trafic".

P.-S.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede RickRoll » 25 Juil 2010, 15:11

Je n'ai même pas envie de débattre de ça, car les personnes que j'ai entendues défendre le système prostitutionnel utilisent systématiquement des arguments capitalistes, libéraux, et mettent sur le même plan le viol, les abus sexuels rémunérés et le travail en entreprise.

J'attends impatiemment que des militant-es pour cette exploitation sexuelle viennent débattre avec d'autres arguments que leurs sempiternelle "liberté de se faire exploiter", digne des pires idéologues libéraux-capitalistes.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Rocky_Balboa » 26 Juil 2010, 13:38

En même temps, attention de ne pas tomber dans le déni : parmi les personnes qui sont favorables à la légalisation de la prostitution, il n'y a pas que Alain Madelin et Christine Boutin, ou le patronat de l'industrie du sexe. Il y aussi quelques prostitué-e-s pas forcément manipulé-e-s (on les retrouve dans le STRASS), des cinéastes gentiment naïfs comme Jean-Michel Carré et des gens comme Virginie Despentes qui, par dégoût du victimisme, réduisent leur champ de vision à la défense intransigeante de la "liberté individuelle".

Le problème est qu'ils et elles ne sont nullement représentatifs de l'immense majorité des prostitué-e-s. L''ouverture du marché de la prostitution, pour laquelle ils militent, ne profiterait qu'à un happy few (disposant des moyens financiers et psychologiques de s'en sortir ou de se reconvertir dans autre chose quand ce "métier" ne leur conviendra plus). Pour toutes et tous les autres, cela signifierait une aggravation de la violence de l'exploitation.

Sans parler des conséquences désastreuses sur l'évolution des mentalités dans la société. La prostitution organisée, il faut tout de même rappeler que c'est le triomphe de l'ordre moral judéo-chrétien (ce n'est pas pour rien que Christine Boutin y est favorable), la respectabilité pour les proxos devenus, comme en Suisse et en Allemagne, "chefs d'entreprise", et surtout la légitimation du regard machiste et possessif des hommes sur les femmes...

L'abolition de la LSI de 2003 reste une revendication centrale pour l'amélioration du sort des prostituées. Et l'abolition de la prostitution en général reste le seul objectif sensé pour des libertaires et des anticapitalistes.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede raspoutine » 27 Juil 2010, 00:12

Rocky_Balboa a écrit:Il y aussi quelques prostitué-e-s pas forcément manipulé-e-s (on les retrouve dans le STRASS), des cinéastes gentiment naïfs comme Jean-Michel Carré et des gens comme Virginie Despentes qui, par dégoût du victimisme, réduisent leur champ de vision à la défense intransigeante de la "liberté individuelle".

cela pose probleme, car qu'elle sont les prostituées dont tu parle ?
celle qui se sont affranchis du mac(et pas toutes) !
clara morgan peut dire que l X c'est fun ! elle a tourner pendant longtemps qu'avec son mec, et choisis et son mec, et les pratiques !
et l'on peut pas faire d'objection, toi t'as pas fait de x !
et comme elle est libre, elle a plus de possibilité pour s'exprimer ! d'ailleurs les putes et les stars du x, qui ferait du bruit pour dire que c'est une horreur, comment elles pourais continuer a le faire apres ?
Moi qui taffe dans l'hotelerie, quant tu parle avec les collègues ils adorent tous servir le client ! en fait quand tu les vannes, et que tu gratte ils aime pas du tout ! ils aime le bourliche !
d'ailleurs, je trouve une énorme contradiction(un peu ce que disait rickroll plus haut) que ce type de discours sur la prostitution est le plus souvent tenu par des gens qui souvent qui s'affiche comme maximaliste et n'ont de cesse de dénoncer le réformisme ! bein alors ! ils sont pas pour l'abolition de l'argent totalement ?
les forums : c'est vraiment de la merde !
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Pïérô » 29 Juil 2010, 13:42

Je poste ici, en attendant une éventuelle mise en ligne sur ce site anarcho-individualiste, la réponse d'une camarade, qui n'a pas envie de prendre la peine de s'inscrire sur l'En Dehors :

Ce qui me parait incompréhensible, c'est que des anarchistes, et qui plus est des anarchistes individualistes, puissent voir dans la prostitution une dimension de la libération sexuelle.
En effet, le fondement de l'opposition au mariage chez les anarchistes, et leur défense de l'amour libre, repose sur le refus de la transformation des relations amoureuses et sexuelles en échange économico-sexuel. Si le mariage est refusé dans nombre de textes anarchiste, c'est qu'il est perçu comme une forme de prostitution.
Ainsi E.Armand dans ses textes ne défend pas à ma connaissance la prostitution.

Je me permet à ce propos de citer un extrait de texte de Madeleine Vernet sur l'Amour libre publié en 1907 dans L'Anarchie:

"Donc, le mariage, l’amour, le désir, sont trois choses distinctes :
- Le mariage, c’est la chaîne qui retient l’homme et la femme prisonniers l’un de l’autre.
- L’amour, c’est la communion intégrale des deux.
- Le désir, c’est le caprice de deux sensualités.

Je laisse le mariage, dont je suis l’adversaire, pour en revenir à la question de l’amour libre.

J’ai dit que l’amour doit être absolument libre, aussi bien pour la femme que pour l’homme. Et j’ajoute encore : l’amour ne peut véritablement exister qu’à la condition d’être libre. Sans la liberté absolue, l’amour devient de la prostitution, de quelque nom qu’on le revêt.

Le fait de vendre son corps à un prix plus ou moins élevé, à une nombreuse clientèle, ne constitue pas seulement la prostitution. La prostitution n’est pas seulement l’apanage de la femme, l’homme aussi se prostitue. Il se prostitue quand, dans le but d’un intérêt quelconque, il donne des caresses sans en éprouver le désir.

Non seulement le mariage légal est une prostitution lorsqu’il est une spéculation de l’un des époux sur l’autre, mais il est toujours une prostitution puisque la vierge ignore ce qu’elle fait en se mariant.
Quant au devoir conjugal, ce n’est ni plus ni moins encore que de la prostitution ;
Prostitution, la soumission au mari ; prostitution, la résignation et la passivité.
Prostitution encore que l’union libre, quand elle passe de l’amour à l’habitude.
Prostitution enfin, tout ce qui rapproche les sexes en dehors du désir et de l’amour."
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede chaperon rouge » 16 Aoû 2010, 23:40

Un événement tenu au Saguenay cette semaine:

Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle

En mémoire de Nadia Caron (1983-2005)
2010-08-16 14:36 - Message public

- / LBR.ca / - Nous souhaitons commémorer le cinquième anniversaire du décès de Nadia Caron, une jeune femme de 22 ans ayant perdu la vie des suites de la prostitution. Du même coup, nous voulons dénoncer l’exploitation sexuelle des femmes et des jeunes!!

CE QUE NOUS FERONS : Le 18 août 2010 se tiendra une action de commémoration de 9h à 15h sur la zone portuaire de Chicoutimi (aux coins du boulevard Saguenay et de la rue Lafontaine). Nous invitons les personnes qui désirent appuyer l’action à venir déposer des fleurs, un lampion (des lampions seront disponibles sur place) ou un petit mot qu’elles auront rédigé sur une œuvre commémorative qui sera installée à cet endroit. De ce même lieu s’entamera à 15h une courte marche qui nous mènera un peu plus loin sur la zone portuaire, où nous planterons un arbre en mémoire de Nadia Caron, mais aussi pour toutes les autres femmes qui ont perdu la vie des suites de la prostitution.

QUI SOMMES-NOUS : Nous sommes un groupe de femmes, féministes abolitionnistes, qui avons la ferme conviction qu’un monde sans prostitution et sans exploitation sexuelle est possible. Nous sommes profondément touchées, en tant que femme, par ce qui est arrivé à Nadia Caron mais aussi par le sort de toutes les femmes qui subissent les conséquences de l’exploitation sexuelle. Pour cette raison, avec l’appui de la mère de Nadia Caron, le « Collectif du 18 août » a été formé. Ce regroupement organise une Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle qui nous l’espérons, se reconduira à chaque année en mémoire de Nadia Caron et contribuera à faire connaître la position abolitionniste.

OÙ : À l'angle du Boulevard Saguenay et de la rue Lafontaine à Chicoutimi

QUAND : De 9 à 15h, le 18 août 2010

DÉROULEMENT : (entre 9h et 15h, des personnes seront sur place pour répondre aux questions et donner de l’information)

9h : Début de l’action, distribution d’information aux passant-e-s
10h : Point de presse
12h : Présentation et mise en vente du chandail à l’effigie de la Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle
15h : Rassemblement et départ de la marche vers le lieu où nous planterons symboliquement un arbre en mémoire de Nadia Caron et des autres victimes de la prostitution
16h : Fin des activités

L'EXPLOITATION SEXUELLE, C'EST QUOI?

L’exploitation sexuelle consiste à tirer injustement avantage d’une personne au plan sexuel. Cela peut se faire via la prostitution par exemple ou les services de massages érotiques, où les femmes reçoivent une rétribution monétaire en échange de services sexuels. L’exploitation sexuelle peut également être effectuée via un échange de services, où les femmes se font offrir des biens comme des aliments, de la drogue, un logis ou un transport en échange de services sexuels. Cette dernière forme d’exploitation est d’ailleurs particulièrement répandue au Saguenay Lac-St-Jean.


SAVIEZ-VOUS QUE?

* Environ 4 millions de femmes et d’enfants sont victimes chaque année de la traite mondiale aux fins de prostitution (Poulin, 2004);
* Plus de 80 % des personnes recrutées dans la prostitution sont mineures ;
* Au Canada, les femmes ayant un vécu de prostitution ont un taux de mortalité quarante fois supérieur à la moyenne nationale ;
* Plus de 9 femmes prostituées sur 10 dépendent d’un proxénète (Poulin, 2000) ; Le proxénète touche de 75 à 90% de l’argent empoché par « ses protégées ». (Coquart et Huet, 2000).

Il est impossible de rester neutre devant l’exploitation sexuelle, l’expansion de l’industrie du sexe et sa banalisation
CE QUE NOUS DEMANDONS :

AU PLAN MUNICIPAL : Que Ville Saguenay cesse d’émettre des permis aux établissements d’exploitation sexuelle et retire ceux déjà existants

AU PLAN PROVINCIAL : Que le gouvernement offre des cours d’éducation sexuelle aux étudiant-e-s du secondaire dans une perspective égalitaire entre hommes et femmes

AU PLAN FÉDÉRAL : Que le gouvernement criminalise les clients et les proxénètes plutôt que les femmes exploitées sexuellement

Parce que le corps et la sexualité des femmes n'est pas une marchandise,
Disons NON à l'exploitation sexuelle!

Une action organisée par le Collectif du 18 août

Et appuyée par : Le Collectif Rebelles Saguenay et le Collectif Emma Goldman
GUERRE À LA GUERRE, À BAS TOUTES LES ARMÉES
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede fabou » 26 Aoû 2010, 18:51

PROSTI TUEES !

--> Lobbys religieux, charity-business, errances idéologiques, bonne conscience, politiquement correct, mensonges, manipulation… Abolitionnisme : pour en finir avec ce système

Alternative Libertaire a choisi de faire dans son numéro de juillet-aout 2010 un dossier sur la prostitution avec pour titre « Proxénètes, Clients, PROSTI TUEURS, pour en finir avec ce système ». (1)
Ils expliquent que leur volonté d’écrire ce dossier est venue de leur rencontre avec des féministes qu’ils appellent ‘pro-prostitution’ ainsi que de groupes qu’ils nomment règlementaristes. Des militantes du STRASS ayant fait partie du collectif féministe en question, nous croyons comprendre que c’est de nous entre autres qu’il s’agit à travers ces mots. L’éditorial du dossier est en fait plus précis, parmi les exemples de ce qu’AL appelle ‘l’offensive règlementariste’ ils citent : « création d’un syndicat de prostitué-e-s – le Strass –, pétition demandant la mise en place de services sexuels pour les personnes handicapées, articles dans des grands quotidiens appelant à la constitution de maisons de prostituées autogérées… »

Ni le STRASS ni ses alliées féministes ne sont ‘pro-prostitution’, mais défendent la légalité du travail sexuel, sa dignité, son droit d’exister sans souffrir de discriminations, d’opprobre et de violence. Le STRASS n’est pas un lobby ‘pro-prostitution’ mais un syndicat de défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe. L’amalgame est trompeur, et l’on ne dirait pas des autres syndicats qu’ils défendent le travail quand ils défendent les travailleurs. Le STRASS n’est pas règlementariste. (2) En fait, le STRASS est l’organisation en France qui se bat le plus contre le règlementarisme car c’est nous qui avons été à la pointe du rejet de la réouverture des maisons closes prônée par la députée UMP Chantal Brunel en hiver dernier. C’est nous qui avons consacré les Assises de la prostitution 2010 au Sénat en partenariat avec le Collectif Droits et Prostitution sur le thème de l’opposition aux maisons closes, et c’est nous encore qui avons organisé la seule manifestation publique le soir de ces Assises, ayant clairement comme mot d’ordre le rejet de la proposition de Brunel. (3) Nous nous sommes maintes fois expriméEs publiquement sur notre refus des maisons closes.

Il est évident qu’AL a une définition faussée du règlementarisme, mais certainement aussi de l’abolitionnisme et du prohibitionnisme. Nous considérons en effet le réglementarisme comme une politique de contrôle et de répression de la part de l’Etat qui est en contradiction totale avec nos revendications, parmi lesquelles notre proposition de maisons ouvertes autogérées en coopératives, sans patron ni contrôle d’un tiers ou de l’Etat. Nos revendications pour la reconnaissance de notre existence, le droit commun et l’égalité des droits, et la décriminalisation de notre travail par l’abolition de toutes les lois sur la prostitution s’apparentent au contraire bien plus à la volonté originelle de l’activiste et fondatrice de la philosophie abolitionniste, Joséphine Butler. Or, il est vrai que nous ne nous définissons pas non plus abolitionnistes, car ce courant a été récupéré et dévoyé par des prohibitionnistes souvent d’obédience chrétienne ayant pour but final l’abolition du travail du sexe, par le contrôle social de la prostitution et notre “réhabilitation”.

Ce courant bénéficie de millions d’euros de subventions publiques chaque année afin de lutter contre la prostitution, avec des centaines de personnes salariées dans toute la France ayant tout intérêt à préserver leurs intérêts économiques. Pour ne prendre exemple que de l’une d’entre elles, l’Amicale du Nid bénéficie d’un budget annuel de 12 200 000 euros avec plus de 200 salariés. (4) L’abolitionnisme tel qu’il existe aujourd’hui est donc avant tout un business très juteux. Ces organisations défendent la criminalisation de l’organisation de notre travail à travers les lois sur le proxénétisme, sans distinguer le proxénétisme de contrainte du proxénétisme de soutien, et maintenant militent pour la pénalisation de nos clients, contrairement à ce qu’ils déclaraient lors de leur audition au Sénat, en 2001 estimant que c’est une “fausse solution”. C’est dans cette ligne idéologique qu’AL veut se situer, en prétendant ne pas être prohibitionniste parce qu’ils sont contre la criminalisation du racolage. Or, le délit de racolage n’est qu’une des mesures d’un ensemble législatif prohibitionniste qui criminalise les travailleurs et travailleuses du sexe de bien des façons.

L’autre raison pour laquelle nous ne nous définissons pas abolitionnistes est que toutes ces organisations participent à la confiscation de la parole des travailleurs et travailleuses du sexe, soit par notre maintien au silence, soit par la calomnie, en nous accusant d’être complices de trafiquants, de proxénètes, de pédophiles et de violeurs, quand nous ne le serions pas nous mêmes.(5) La seule parole des travailleurs du sexe qui leur semble valable est celle qu’ils instrumentalisent, c’est-à-dire celle de personnes présentées comme victimes, n’ayant pas la capacité de faire leur propre choix et nécessitant leur aide charitable.

Ce n’est pas ainsi que nous concevons notre libération. Nous pensons au contraire que le statut de victime est un piège, qui nous enferme dans une posture de passivité, et nous prive de moyens d’actions pour nous auto-organiser. Les abolitionnistes ont beau avoir de belles intentions, nous ne leur reconnaissons aucun droit à décider de nos vies et des actions que nous devons mener, comme le fait de continuer à exercer le travail du sexe ou non.

Il est déplorable qu’AL ait décidé de procéder de la même façon en rédigeant tout un dossier sur notre travail, sans se donner la peine de consulter les divers collectifs de travailleurs et travailleuses du sexe qui existent en France, dont le STRASS. AL s’arroge le monopole de l’autogestion en déniant la parole des travailleurs et travailleuses du sexe dans son analyse et nous explique pourquoi dans un texte datant de 2007: «Nous ne participerons pas aux luttes revendiquant des droits attachés au « métier » ou au statut de prostitué(e)s, mais avec les prostitué(e)s aux luttes universelles qui les concernent aussi (lutte pour les droits sociaux universels, lutte contre les lois sécuritaires). » (6) Voilà tout le paradoxe de la position abolitionniste d’AL qui refuse de considérer les travailleurs du sexe dans leur diversité et divise les prostituées en traçant une frontière improbable : d’un côté les “bonnes” prostituées victimes et de l’autre ; des libérales complices du système patriarcal et du capitalisme mondialisé. Comme si nos luttes, bien que partagées par des libertaires, n’étaient pas légitimes parce qu’émanant de femmes, de trans’ et d’hommes exerçant le travail sexuel mais refusant la victimisation et la confiscation de notre parole par des “spécialistes” auto-proclamés, et préférant nous syndiquer pour enfin, nous faire entendre. Y a-t-il d’autres groupes de travailleurs pour lesquels AL conditionne ainsi sa solidarité ?

En lisant le dossier d’AL, les seuls ‘experts’ cités, à l’exception d’Andrea Dworkin, n’ont aucune expérience du travail du sexe. Ce qui est éclairant par ailleurs, c’est que ces ‘experts’ se contredisent entre eux. En effet, AL interviewe le sociologue Lilian Mathieu qui les met pourtant en garde contre les erreurs des courants abolitionnistes. Son livre, La Condition Prostituée, explique très bien l’essentialisme de l’idéologie abolitionniste et Mathieu a dû dénoncer le manque de rigueur scientifique des autres ‘experts’ cités comme Richard Poulin, et en particulier leur habitude de fabriquer de faux chiffres. (7)

Celles et ceux qui militent pour les droits des travailleurs et travailleuses du sexe savent que les chiffres avancés sont pour la plupart faussés, quand ils ne sont pas inventés de toute pièce. Par exemple, lors de chaque événement sportif international, nous entendons la même légende urbaine des 40 000 femmes victimes de la traite déportées d’un endroit à l’autre de la terre. (8) AL décide de présenter les mêmes faits et décrit la prostitution en France comme dominée par la traite. Il semble donc qu’AL se base sur les mêmes chiffres que ceux délivrés par le Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux. Cependant, le STRASS a déjà démontré dans une tribune sur LeMonde.fr que les chiffres du Ministre sont faux, basés sur le nombre de personnes arrêtées dans le travail de sexe de rue et ne reflètent en rien la réalité de la prostitution en France.(9) En effet, les personnes arrêtées en priorité par la police sont étrangères car le délit de racolage a pour but de les expulser. Il ne reste plus qu’aux courants abolitionnistes d’imposer le dogme selon lequel tous les travailleurs et travailleuses du sexe étrangèrEs sont des victimes de la traite car par définition il ne peut y avoir pour eux de migration économique s’agissant du travail sexuel. Nous en arrivons donc à la conclusion erronée que la grande majorité des prostituéEs en France seraient des victimes de la traite des êtres humains.

“Post hoc ergo propter hoc”

Ce constat biaisé érigé en vérité scientifique permet ensuite, pour le gouvernement d’expulser autant qu’ils veulent, et pour les courants abolitionnistes de revendiquer de plus amples mesures prohibitives dont la principale est à présent la pénalisation de nos clients. Comme son titre l’indique, avec en couverture l’image d’une ombre d’homme portant un costume représentant le pouvoir masculin, le dossier d’AL tient la position des hommes comme centrale dans l’existence de la prostitution et de la traite. En plus de la figure du proxénète, qui pourtant dans la réalité est souvent une femme, le nouveau responsable de tous les maux des femmes est le client de prostituéEs. C’est lui qui est considéré comme responsable de la traite des femmes, car c’est lui qui créerait la demande pour le marché du sexe. En plaçant, le rôle du client comme central dans son analyse, AL commet l’erreur d’omettre les travailleurs et travailleuses du sexe. En général, la raison pour laquelle nous exerçons le travail du sexe n’est pas à la suite d’une demande d’un client mais pour des raisons économiques.

La plupart du temps, c’est nous qui allons chercher le client pour répondre à nos besoins. En voulant criminaliser nos clients, AL ne répond pas à notre situation économique, mais met en danger les ressources que nous avons à notre disposition par le travail du sexe. AL a beau préciser que des droits universels devraient nous permettre de ne plus avoir à travailler dans l’industrie du sexe, mais la répression de nos clients telle qu’elle s’est déroulée dans les pays qui ont choisi ce modèle, et telle qu’elle est présentée par le reste des courants abolitionnistes ne va pas dans ce sens. En réalité, la répression des clients est le moyen de ne pas avoir à résoudre la question de notre situation économique, et de fait, ne fait pas disparaitre la prostitution. Si AL considère sérieusement le problème de la précarité des femmes et des minorités qui ont recours au travail du sexe comme forme de stratégie économique, ils ne devraient même pas avoir à envisager la question de nos clients mais tenter de trouver de meilleures options. La criminalisation de nos clients au contraire aggrave notre précarité car elle nous prive d’une partie de nos revenus, nous force à travailler dans des espaces plus éloignés de la police pour conserver notre clientèle et donc à travailler plus longtemps et dans de plus grands dangers.

AL répondra alors que la majorité des prostituéEs étant des victimes de la traite, notre situation économique n’est qu’un facteur secondaire car minoritaire, un souci de capitalistes libéraux présentant la « figure mensongère de l’indépendante faisant croire que la prostitution est faite par et pour les travailleuses: l’argent leur reviendrait ». Or, même si AL avait raison et que la majorité des prostituées étaient des victimes de la traite, criminaliser les clients ne supprimerait pas la ‘demande’ de sexe. Elle ne ferait que réprimer celui qui pour l’instant est le seul acteur qui peut encore appeler la police sans risque d’être arrêté, et celui en meilleure position de mettre fin à la traite des êtres humains concrètement en étant en direct contact avec les victimes. Si AL connaissait un peu mieux nos clients, ils sauraient qu’ils ne viennent pas dans le désir ordinaire de nous dominer, parce que la sexualité des hommes n’est pas vouée par essence à toujours vouloir dominer celle des femmes.

Le STRASS déplore qu’une organisation libertaire puisse défendre de telles positions, celle de lobbys religieux, contre l’auto-organisation des travailleurs et travailleuses du sexe dénoncée comme règlementariste, et envisage peut-être même la pénalisation de nos clients. Nous estimons que c’est un réel recul de la part des mouvements anarchistes et libertaires quand on sait par exemple qu’Emma Goldman avait dénoncé la fabrication du mythe de la traite des blanches par les mouvements chrétiens et prohibitionnistes afin de contrôler les femmes du peuple en réprimant davantage l’exercice de la prostitution. Goldman plaçait la question de la situation économique des femmes au centre de son analyse et jamais n’a accusé les prostituéEs d’être complices du capitalisme ou du patriarcat. (10)


1 http://www.alternativelibertaire.org/sp ... rticle3631

2 http://site.strass-syndicat.org/2009/11 ... du-strass/

3 http://site.strass-syndicat.org/2010/04 ... sse-suite/

4 http://www.fondationscelles.org/index.p ... Itemid=111

5 http://www.mouvementdunid.org/Feu-Verts ... sme-Lettre

6 http://www.alternativelibertaire.org/sp ... onnisme%20

7 http://www.contretemps.eu/socio-flashs/ ... duire-pire

8 http://endehors.net/news/une-legende-ur ... e-football

9 http://www.lemonde.fr/idees/article/201 ... _3232.html

10 http://womenshistory.about.com/library/ ... _women.htm



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STRASS - Syndicat du TRAvail Sexuel


Lu sur : http://endehors.net/news/prosti-tuees
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede RickRoll » 26 Aoû 2010, 20:28

Ouais, j'ai lu le texte. Et toi fabou qu'en pense-tu ?

Je veux bien entendre les critiques de la première partie, celles où les chiffres et leurs implications sont contestées. Mais par contre, la deuxième nous montre que le STRASS est bien dans la position du syndicat de petits artisans qui cherche à préserver son marché, voire à le libéraliser.

Je vais revenir sur les points qui m'ont le plus frappé

C’est [le client] qui est considéré comme responsable de la traite des femmes, car c’est lui qui créerait la demande pour le marché du sexe. En plaçant, le rôle du client comme central dans son analyse, AL commet l’erreur d’omettre les travailleurs et travailleuses du sexe. En général, la raison pour laquelle nous exerçons le travail du sexe n’est pas à la suite d’une demande d’un client mais pour des raisons économiques.

Et donc ? En quoi ça modifie le rôle du client ? Les prostituées se tournent bien vers la prostitution pour des raisons économiques, car il y a une demande ! Si il n'y avait pas de demande, il n'y aurait pas de prostituées, elles feraient autre chose pour gagner de l'argent.

La plupart du temps, c’est nous qui allons chercher le client pour répondre à nos besoins.

Qui "nous" ? L'ensemble des prostituées ou bien les membres du STRASS, un syndicat de call-girls, de gigolos et de prostitués mâles de luxe ?
la répression de nos clients telle qu’elle s’est déroulée dans les pays qui ont choisi ce modèle, et telle qu’elle est présentée par le reste des courants abolitionnistes ne va pas dans ce sens

La prostitution a diminué de 30% en Suède où le client est criminalisé. Ça s'est accompagné de toute une éducation, par exemple des cours de ménage mixte à l'école, des cours pour élever son enfant...
Elle ne ferait que réprimer celui qui pour l’instant est le seul acteur qui peut encore appeler la police sans risque d’être arrêté, et celui en meilleure position de mettre fin à la traite des êtres humains concrètement en étant en direct contact avec les victimes. Si AL connaissait un peu mieux nos clients, ils sauraient qu’ils ne viennent pas dans le désir ordinaire de nous dominer, parce que la sexualité des hommes n’est pas vouée par essence à toujours vouloir dominer celle des femmes.

En fait le client c'est superman, il faut encourage le recours au sexe tarifé pour aider les prostituées. De haut de sa grande mansuétude, il peut autoriser ou non la traite, grâce à son contact direct avec les victimes.
La sexualité des hommes n'est effectivement pas vouée à dominer celle des femmes. Mais de fait, la prostitution est une mise au service du corps des femmes pour le plaisir de l'homme, donc une domination de la sexualité des femmes par celle de l'homme.
La prostitution n'existe justement que parce que la société (et les pro-prostitution) pensent qu'il est normal de subordonner la sexualité d'une personne à celle d'une autre. Elle est la pure expression du patriarcat dans une société marchande.
celle de lobbys religieux

Au contraire, les religieux sont plutôt réglementaristes qu'abolitionnistes, cf la proposition de Boutin sur le retour des bordels gérés par l'Etat.
Goldman plaçait la question de la situation économique des femmes au centre de son analyse et jamais n’a accusé les prostituéEs d’être complices du capitalisme ou du patriarcat.

Ce n'est pas "les prostituées" mais bien le STRASS qui est accusé. C'est une tendance des syndicats de penser qu'ils ne font qu'un avec les personnes qu'ils défendent. Comme le PC stalinien, pour qui toute attaque contre lui-même est une attaque contre le prolétariat. Dommage qu'un syndicat qui réunit aussi peu de monde parmis les prostituées pensent que s'attaquer à lui c'est s'attaquer à elles.

En résumé, une lecture partisane et partiale du dossier de cet été. Ce texte a un double discours, où dans la première partie le STRASS tente de faire croire par des pirouettes argumentaires, qu'il est contre la prostitution et contre le réglementarisme, mais où dans la deuxième partie on voit que finalement le STRASS défend la prostitution (pas telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, mais il ne remet pas en cause son existence) et cherche à ce que personne ne se mette entre les prostituées et les clients (ce qui équivaut au réglementarisme).
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede fabou » 26 Aoû 2010, 20:40

Les luttes du STRASS sont à soutenir de la même façon que les luttes de cheminots par exemple. Faut aller là ou ça bouge, s'impliquer et impulser une radicalisation de ces luttes.

Bien sur que les revendications du STRASS restent dans le cadre de l'Etat et du système marchand, de la même manière que tous les autres syndicats.

Beaucoups de gens (indiféremment de leur genre) recourent à des prostitué-e-s pour se faire dominer, et non pour dominer, par exemple. De plus, le STRASS, bien que restant dans un cadre réformiste (comme tous les autres syndicats) à le mérité d'aborder la question de la "misère sexuelle" d'une partie de la population. Il me semble que les anarchistes, censés vouloir l'émancipation de chacun et chacune, devraient réfléchir à ce thême, sans à priori.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede RickRoll » 26 Aoû 2010, 21:12

Euh, tu n'as pas compris la problématique de la domination de la même manière que moi. Je ne te parle pas de domination dans l'acte, par exemple se faire attacher ou quoi. Mais de domination par négation du désir de l'autre. C'est ce qu'est la prostitution : la prostituée voit son désir nié, sa sexualité mise au service du client prostitueur. Son désir n'est pas nécessaire à l'acte sexuel, par contre le désir du mec est nécessaire. Donc le mec domine la prostituée.
De plus, le client fait faire ce qu'il veut, indépendemment de ce que veut la prostituée. C'est donc bien un rapport de domination, donc la prostituée est victime.

Ensuite, dire que seul le STRASS parle de misère sexuelle, que les anars se sont jamais penchés sur le problème, c'est révisionniste et mensonger. Que fais-tu de l'amour libre qui a toujours été prôné par les anars ? De la camaraderie amoureuse d'Armand ?

D'ailleurs l'utilisation d'Emma Goldman par le STRASS pour faire croire qu'AL défend une vision puritaine de la sexualité est malhonnête : AL a toujours défendu une sexualité libre, épanouie, volontaire. A l'opposé de la marchandisation et de l'objectivation de l'humain et de la sexualité que suppose la prostitution et que défend le STRASS, mais aussi à l'opposé de la répression du désir et de la sexualité reproductive et ennuyeuse des puritains.

Le STRASS (et toi-même visiblement) l'ignorent (ou feignent de l'ignorer) et tentent de faire croire qu'il n'existe que 2 camps, celui de la sexualité libérée et celui des puritains. Comme eux se situent dans le camps d'une sexualité libérée, ceux qui sont contre eux sont forcément des puritains. Mais dans cette bataille, ce n'est pas un camp face à un autre, ce sont 3 camps qui s'opposent.

Je me lèverai toujours contre celles et ceux qui veulent brider ma sexualité, qui essaieront de me faire rentrer dans le rang. Je me lèverai avec tout autant de rage contre celles et ceux qui veulent marchandiser les rapports humains, que ce soit l'amitié ou la sexualité. Je trouve dommage que d'autres anarchistes ne fassent pas de même, cela prouve qu'ils n'ont pas tant que ça à reprocher au capitalisme.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Voline » 27 Aoû 2010, 16:51

Sa propre chair comme marchandise, stade suprême de l'aliénation capitaliste, impossible d'aller plus loin.
La liberté de se vendre n'en est pas une, la liberté c'est le désir et sa gratuité lorsqu'il est pleinement consenti !
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede raspoutine » 29 Aoû 2010, 19:42

tient a props de votre texte, pour une fois cela donne lieu a un debat interessant sur ccc forum(et c'est assez rare pour le souligner) : http://cccforum.propagande.org/viewtopic.php?f=12&t=10142
et c'est d'ailleurs rare tout court de lire un debat sur ce sujet qui ne donne pas dans la caricature !
sinon
RickRoll a écrit:ce n'est pas un camp face à un autre, ce sont 3 camps qui s'opposent.

bien plus que 3 d'ailleurs je pense !
les forums : c'est vraiment de la merde !
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Roro » 03 Sep 2010, 03:05

RickRoll a écrit:Euh, tu n'as pas compris la problématique de la domination de la même manière que moi. Je ne te parle pas de domination dans l'acte, par exemple se faire attacher ou quoi. Mais de domination par négation du désir de l'autre. C'est ce qu'est la prostitution : la prostituée voit son désir nié, sa sexualité mise au service du client prostitueur. Son désir n'est pas nécessaire à l'acte sexuel, par contre le désir du mec est nécessaire. Donc le mec domine la prostituée.
De plus, le client fait faire ce qu'il veut, indépendemment de ce que veut la prostituée. C'est donc bien un rapport de domination, donc la prostituée est victime.


Ben excuse-moi, mais si tu remplaces "client" par "consommateur" et "prostitué" par "travailleur", ben tu tombes directement dans le schéma de la domination capitaliste. Dans le rapport marchand traditionnel plutôt d'ailleurs (les prostituées sont pas apparues avec le capitalisme hein ? Elles étaient là bien avant lui).

Mais dans cette bataille, ce n'est pas un camp face à un autre, ce sont 3 camps qui s'opposent.


Mais tu te bats contre qui au juste dans cette "bataille" ?

Je me lèverai toujours contre celles et ceux qui veulent brider ma sexualité, qui essaieront de me faire rentrer dans le rang. Je me lèverai avec tout autant de rage contre celles et ceux qui veulent marchandiser les rapports humains, que ce soit l'amitié ou la sexualité. Je trouve dommage que d'autres anarchistes ne fassent pas de même, cela prouve qu'ils n'ont pas tant que ça à reprocher au capitalisme.


1) Excuse-moi mais quand on veut abolir la prostitution, on dit juste aux putes "rentrer dans le rang ! Sage et pas bougés !"

2) Sur ta dernière phrase, je la trouve juste totalement scandaleuse et mensongère (encore une fois, la prostitution n'est pas inhérente au capitalisme, mais le précède, et largement !).

3) J'aimerai bien savoir d'où tu sors que le STRASS n'est qu'un syndicat de call-girls et de gigolos ?

Par ailleurs, vu que tu es contre la marchandisation du corps, je suppose que tu es contre tout type de chantage sexuel dans un couple ? Tu sais, ce qui arrive assez souvent dans un couple "fais-ci, et peut-être que ce soir...." ou la fameuse "grève de la couette" quand on exige de son/sa compagnon/compagne quelque chose en particulier (excuses, services quelconque). Comment comptes-tu t'y prendre pour faire abolir ce genre de comportement qui ressemble étrangement à de la prostitution mais en mode "troc" et non pas financier, comme le fait la prostitution officielle ?
La Nature n'a fait ni serviteurs ni maitres, c'est pourquoi je ne veux ni commander ni recevoir d'ordres.
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Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede RickRoll » 03 Sep 2010, 05:56

Ben excuse-moi, mais si tu remplaces "client" par "consommateur" et "prostitué" par "travailleur", ben tu tombes directement dans le schéma de la domination capitaliste. Dans le rapport marchand traditionnel plutôt d'ailleurs (les prostituées sont pas apparues avec le capitalisme hein ? Elles étaient là bien avant lui).


Je remplacerai plutôt client par "patron", ou alors je dirai que le client a le même rapport à la prostituée que dans les métiers de service. Et puis c'est pas exactement le rapport capitaliste, il y a aussi un rapport patriarcal.

Mais tu te bats contre qui au juste dans cette "bataille" ?

Contre les puritain-es qui veulent brider la sexualité d'un côté, et contre les personnes qui veulent pérenniser la prostitution.

1) Excuse-moi mais quand on veut abolir la prostitution, on dit juste aux putes "rentrer dans le rang ! Sage et pas bougés !"

Ah bon ? Ça sous-entend donc que toutes les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe sont volontaires et que supprimer la prostitution leur fait du tort et qu'il faut les forcer à abandonner ce métier.
Ce n'est pas mon opinion. D'ailleurs le STRASS reconnaît implicitement une autre solution pour abolir la prostitution : quand il parle du fait que bien souvent les prostituée sont forcées pour des raisons économiques. Il suffit de supprimer ces raisons économiques et tu supprime une bonne partie de la prostitution (selon le STRASS).

2) Sur ta dernière phrase, je la trouve juste totalement scandaleuse et mensongère (encore une fois, la prostitution n'est pas inhérente au capitalisme, mais le précède, et largement !).

Oui mais c'est la marchandisation du corps, c'est un échange marchand. Comment peut-on défendre ça sans être en contradiction avec les principes libertaires de base ?

3) J'aimerai bien savoir d'où tu sors que le STRASS n'est qu'un syndicat de call-girls et de gigolos ?

Bon, j'ai pas employé les bons termes et je m'en rends compte.

Le STRASS ne défend pas les travailleurs et travailleuses du sexe comme un syndicat défend les travailleurs et les travailleuses. C'est un syndicat de métier, un peu comme les syndicats d'artisans. Par exemple, beaucoup de syndicalistes ne défendent pas "les métiers des centrales nucléaires", ils-elles défendent les travailleurs-euses des centrales nucléaires. C'est très différent, car défendre le métier fait que tu n'as aucun recul vis à vis de l'utilité sociale du métier en question, alors que défendre les travailleurs et travailleuses c'est penser à leur reconversion quand leur métier n'est pas en accord avec tes convictions.

Les positions du STRASS ne sont pas claires du tout sur son but vis à vis de la prostitution : la faire disparaître à terme (puisqu'il se dit contre la prostitution) ? Ou au contraire la pérenniser (puisqu'il pense qu'il ne faut pas détruire la demande en s'en prenant aux clients, qu'une des révendications principales est l'autogestion de l'industrie du sexe...) ?

Pour moi une vraie position libertaire, non-dogmatique, serait de défendre les luttes des travailleuses du sexe tout en expliquant qu'il faut que la prostitution disparaisse, et donc aider à la reconversion des prostituées. Malheureusement, ce n'est pas la position du STRASS ni de beaucoup des personnes qui critiquent le dossier prostitution d'AL.

Par ailleurs, vu que tu es contre la marchandisation du corps, je suppose que tu es contre tout type de chantage sexuel dans un couple ? Tu sais, ce qui arrive assez souvent dans un couple "fais-ci, et peut-être que ce soir...." ou la fameuse "grève de la couette" quand on exige de son/sa compagnon/compagne quelque chose en particulier (excuses, services quelconque). Comment comptes-tu t'y prendre pour faire abolir ce genre de comportement qui ressemble étrangement à de la prostitution mais en mode "troc" et non pas financier, comme le fait la prostitution officielle ?

Je ne sais pas.
Je suppose que la libération de la sexualité permettra que la personne victime de chantage se dise que le comportement de son/sa compagne/compagnon n'est pas normal, et qu'il lui dira "OK, tu veux pas faire l'amour par plaisir, hé bien je vais voir ailleurs. Je reviendrai quand tu voudras bien."
Mais bon en réfléchissant, il n'y a pas de problème insoluble et tu le sais bien j'imagine.
RickRoll
 

Re: Prostitution: liberté sexuelle ou liberté consommer du s

Messagede Roro » 03 Sep 2010, 09:42

RickRoll a écrit:
Ben excuse-moi, mais si tu remplaces "client" par "consommateur" et "prostitué" par "travailleur", ben tu tombes directement dans le schéma de la domination capitaliste. Dans le rapport marchand traditionnel plutôt d'ailleurs (les prostituées sont pas apparues avec le capitalisme hein ? Elles étaient là bien avant lui).


Je remplacerai plutôt client par "patron", ou alors je dirai que le client a le même rapport à la prostituée que dans les métiers de service. Et puis c'est pas exactement le rapport capitaliste, il y a aussi un rapport patriarcal.


Oui mais le rapport patriarcal, tu le trouves aussi dans le système capitaliste (précarité plus importante pour les femmes, différence de salaires hommes/femmes, location "en nature" d'appartement, pubs sexistes menés pour toucher la clientèle de Lafâme (pour reprendre une expression d'un blog féministe), etc). Pour moi, la double domination système patriarcal/système capitaliste est là. C'est d'ailleurs pareil quand on se penche sur le schéma des discriminations ethniques et sur le système capitaliste. Pour moi, tous les schémas de domination s'imbriquent les uns les autres, à différents degrés selon les cas mais tout de même.

Mais tu te bats contre qui au juste dans cette "bataille" ?

Contre les puritain-es qui veulent brider la sexualité d'un côté, et contre les personnes qui veulent pérenniser la prostitution.


Ok. Cela dit, je pense que, comme l'a très justement rappelé le STRAS, la prostitution génère d'énormes intérêts économiques et financiers. Y a qu'à voir la proposition de Boutin, qui n'est pas sans arrière pensée économique (rentrée d'argent pour l'état) pour le voir. C'est pour ça qu'il me semble malaisé d'avoir une opinion tranchée sur cette question-là (pro ou anti prostitution).

1) Excuse-moi mais quand on veut abolir la prostitution, on dit juste aux putes "rentrer dans le rang ! Sage et pas bougés !"

Ah bon ? Ça sous-entend donc que toutes les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe sont volontaires et que supprimer la prostitution leur fait du tort et qu'il faut les forcer à abandonner ce métier.
Ce n'est pas mon opinion. D'ailleurs le STRASS reconnaît implicitement une autre solution pour abolir la prostitution : quand il parle du fait que bien souvent les prostituée sont forcées pour des raisons économiques. Il suffit de supprimer ces raisons économiques et tu supprime une bonne partie de la prostitution (selon le STRASS).


C'est aussi mon opinion.

2) Sur ta dernière phrase, je la trouve juste totalement scandaleuse et mensongère (encore une fois, la prostitution n'est pas inhérente au capitalisme, mais le précède, et largement !).

Oui mais c'est la marchandisation du corps, c'est un échange marchand. Comment peut-on défendre ça sans être en contradiction avec les principes libertaires de base ?


La marchandisation du corps n'est pas que la prostitution. Quand une personne va se vendre, ou plutôt son corps, en tant que machine à fabriquer des biens, il y a marchandisation du corps. Un exemple : Je suis agile de mes mains, je peux rentrer dans une usine textile pour vendre mes mains, mon corps. Je pense d'ailleurs que c'est en partie pour ça qu'il est difficile d'avoir un avis sur la prostitution tant l'engagement du corps est au maximum, ce n'est pas comme d'autres branches où ce sont d'autres parties du corps qui sont nécessaires, mais néanmoins indispensables. Suffit de voir le nombre de gens contraints de s'arrêter de travailler, ou virer, parce que la partie de leur corps nécessaire pour leur travail n'est plus apte à le faire. Ce que je veut dire plus clairement, c'est que la question du corps doit être abordé si on veut bien comprendre les enjeux.
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