Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Alayn » 23 Juil 2009, 02:03

Bonsoir ! Voilà, je lances ce topic et j'attends vos points de vue ! (fructueux, je n'en doutes pas une seconde ! léger arf !)

Mon avis de prime abord étant que le développement durable est un truc de capitalos se recyclant dans l'économie verte et que la décroissance (ne parlons pas, par exemple, des Objecteurs de Croissance qui se sont simplement recyclés sans rien expliquer dans le vote européanniste...) est une vision réaliste de l'état de la planète et tentant de la sauver.

Avec néanmoins, la notion sous-jacente que nous ne ferons pas l'économie (arf !) d'une révolution sociale, économique et écologiste pour y arriver.

A vos stylos électroniques !

Salutations Anarchistes !
Alayn
 

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Messagede arvn d » 23 Juil 2009, 09:41

t'aurais pu être plus directe et citer tes références.
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede abel chemoul » 23 Juil 2009, 10:24

La décroissance est un concept applicable seulement par les riches malheureusement. Pour se payer un chauffe-eau solaire ou des panneaux solaires, il faut des sousous. Pour faire pousser ses radis dans son jardin il faut déjà avoir un jardin. Pour avoir une voiture non-polluante il faut avoir du fric. Pour pouvoir carrément se passer de voiture il faut pouvoir habiter dans une zone bien pourvue en infrastructures collectives, ce qui est rarement le cas des ZUP. Pour avoir une maison en bois il faut avoir les moyens de se la faire construire!
Dans une société inégalitaire la décroissance est une écologie qui ne peut toucher que les couches aisées de la population et n'être qu'une solution individuelle face à un problème global qui nous menace tous, c'est donc une non-solution.
Le concept de décroissance part implicitement du fait que nous vivrions dans une société égalitaire où nous avons tous le même mode de vie, le même niveau de vie avec les moyens culturels et matériels de vivre autrement. Ce serait une réponse à la crise écologique en société libertaire mais pas en société capitaliste où ce qui est écologique est plus cher que ce qui ne l'est pas.

Puisque le mythe d'une France remplie de classes moyennes n'est justement qu'un mythe, la décroissance n'est pas une solution aux problèmes écologiques. C'est une alternative philosophique personnelle mise en actes mais ça ne sauvera pas la planète, ça dédouanera juste ceux qui ont pu être décroissant de leur responsabilité dans le saccage de l'environnement.
Et sachant que le rang des classes moyennes repose en partie sur les classes populaires, la décroissance c'est un peu comme un nageur qui évite de se noyer en s'appuyant sur un autre baigneur qu'il fait couler du même coup, tout en lui disant "mais regarde, moi je ne coule pas!".

Quant au développement durable ce n'est qu'une notion capitaliste pour pouvoir exploiter le filon plus longtemps avant qu'il ne se tarisse en faisant peser les contraintes écologiques créées par le capitalisme sur les citoyens. C'est "privatisation des bénéfices, socialisation des pertes" appliqué à l'environnement.


conclusion: le seul moyen de sauver l'environnement c'est une transformation globale de la société qui permettrait à tous d'avoir les capacités matérielles et culturelles de décroissance de la classe moyenne actuelle. Une révolution sociale ou on va tous mourir!
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede arvn d » 23 Juil 2009, 13:46

Abel, Tu résumes la notion de décroissance comme un simple rapport à l'économie, une sorte de consommation "écologique". Dans la décroissance ,il y a l'idée de moins voire de pas. Repousser cette notion d'un simple revers comme tu le fais en résumant cela en simple luxe d'enfants gatés est trop simple et ne reflète une partie de la réalité.
Quand je dis à Alayn qu'il pourrait citer ses références, c'est qu'il lance le sujet en remâchant le 4ème de couverture des ouvrages de J-Pierre Tertrais:
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/extraits-d-ouvrages/article/du-developpement-a-la-croissance-16941
...
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Johan » 23 Juil 2009, 17:53

Voilà justement un article sur le sujet écrit par Jean-Pierre Tertrais dans "Le Monde libertaire", hebdomadaire de la Fédération anarchiste, et datant du 30 avril au 6 mai 2009.
Peut-être un peu long à lire ici, donc voici un lien direct vers l'article.

Petit argumentaire pour en finir avec le développement durable

L’aggravation de la crise contraint certains à de cruelles remises en cause - concernant notamment le dogme de la croissance économique et l’infaillibilité du marché - en incitent d’autres à des stratégies d’opportunisme et à de sinistres manoeuvres. Mais le plus grand nombre demeure encore aveugle, hermétique. Le discours majoritaire reste celui du développement durable. Il importe donc de démonter les « arguments » de cette offensive idéologique et de porter la réflexion dans tous les milieux possibles afin d’inverser le rapport de forces en faveur du projet le plus cohérent : une décroissance libertaire.

Il faut savoir qu’une proportion non négligeable des partisans eux-mêmes du développement durable ne s’illusionne aucunement sur la pertinence de leur choix. Le bilan qu’ils dressent est des plus moroses : « résultats mitigés », « évaluations approximatives », « programmes a minima », « bilan désastreux ». Ils reconnaissent que tout et n’importe quoi est appelé aujourd’hui développement durable, jusqu’aux livrets de caisse d’épargne. Ils constatent que tous les milieux s’approprient cette notion, ce créneau porteur : après les militants par conviction, les politiques par opportunisme, les industriels par intérêt. Ils admettent que le succès du développement durable tient beaucoup à ses ambiguïtés et à sa prétention à concilier croissance économique et respect de la nature, c’est-à-dire à concilier l’inconciliable. Ils décrivent le décalage grandissant entre un discours – politiquement correct – et une réalité de plus en plus sombre.

Effectivement, le développement durable, c’est finalement, après des dizaines de conférences et de sommets, des objectifs dérisoires, aucun engagement quantifiable, des effets d’annonce pour se donner bonne conscience ; c’est l’occasion aussi, pour certains, de récupérer une manne financière, européenne ou nationale. C’est la perspective de polluer moins...pour polluer plus longtemps. Bref, le développement durable, c’est : beaucoup d’économie, une pincée d’environnement, un zeste de social. C’est le masque idéologique du « libéralisme ».

Tenant lieu de discours hégémonique sur l’environnement, le developpement durable se contente de pallier les défauts trop visibles du système, les prétendus « dysfonctionnements », accréditant l’idée qu’une moralisation du système suffira. Se limitant à la seule gestion environnementale, il renforce le poids de l’expertise technocratique dans la politique. Parce que la protection de l’environnement a toujours été, du point de vue des dirigeants, un business, le développement durable ne peut pas procéder à la critique des rapports de production, de l’organisation de l’économie. Il assure le triomphe du « capitalisme vert ».

Il importe donc d’analyser les arguments avancés par les idéologues en question – ou du moins certains de leurs principes, car ce mouvement est loin d’être limpide et homogène. De la bouillie véhiculée par une littérature pléthorique, six arguments principaux ont été retenus.

1 - Dématérialiser l’économie.

L’argument consiste à soutenir que ce sont les flux de matières premières et d’énergie qui contribuent à la dégradation de la planète. Il suffirait donc de découpler la croissance des activités économiques de celle des flux de matières premières et d’énergie ; autrement dit, assurer une croissance « autre », « éco », « propre » ou « verte ». Développer les services plutôt que les biens, et transformer les modes de production grâce aux technologies de l’information et de la communication. L’analyse paraît séduisante, les partisans du développement durable « oublient » seulement :

- qu’il n’y a pas d’investissement immatériel pur. S’il est incontestable que, en deux siècles, la part de l’emploi dans le tertiaire (en France) est passée de 15 % à 70 %, il reste que même les services et les technologies nouvelles utilisent des matières premières et de l’énergie. A noter que l’INSEE classe dans les services nombre d’activités énergivores ou dévoreuses d’espace, à commencer par les transports, ce qui est proprement stupide et scandaleux. La seule fabrication d’un ordinateur consomme par exemple 1,8 tonnes de matériaux, dont 240 kilos d’énergie fossile et 22 kg de produits chimiques, auxquels il faut ajouter toute l’infrastructure mise en place pour la distribution d’énergie. Par ailleurs, un ordinateur n’est plus performant au bout de trois ans, et une partie de ses composants n’est pas recyclable. Autre exemple, une puce de deux grammes a besoin de 1,7 kilo d’énergie ainsi que d’une énorme quantité d’eau.

Naviguer sur Internet, ce n’est pas se déconnecter du monde réel, c’est utiliser les infrastructures de l’ensemble du réseau informatique mondial. Des serveurs : on estime à 35 millions le nombre de serveurs en service sur la planète en 2008. Des « datacenters » (centres de bases de données) : un datacenter moyen consomme aujourd’hui près de quatre mégawatts par heure, soit l’équivalent énergétique de près de 3000 foyers. Des câbles transocéaniques : 480 000 km de câble (c’est-à-dire de l’acier, , du bitume, de la technologie de très haute qualité) ont été posés au fond des océans pour transférer nos données – onze fois le tour de la Terre !

- que la base matérielle et énergétique de la prétendue économie de la connaissance postindustrielle a été massivement transférée vers les pays dits émergents, et que le tiers monde nous sert de décharge.

- que les multinationales continueront à fabriquer le plus de biens possible, parce que c’est leur intérêt, c’est le pouvoir économique qui décide, c’est la nature même du capitalisme : croître ou disparaître.

- que d’ici à 2050, environ deux milliards et demi d’individus vont arriver, et qui ne mangeront peut-être pas que des cartes à puces ; c’est-à-dire que vont se multiplier des besoins nouveaux (alimentation, vêtements, habitat, chauffage, transport, loisirs…).

La conclusion, c’est que cette prétendue dématérialisation ne concernera jamais qu’une part dérisoire de l’activité humaine.

2 - Améliorer l’efficacité énergétique.

Il faut quatre à cinq fois moins de terres pour produire un quintal de blé qu’il y a un siècle, quatre fois moins d’essence pour faire fonctionner un CV de puissance de moteur qu’il y a vingt-cinq ans, deux fois moins d’énergie pour chauffer un m2 de bâtiment qu’il y a trente ans. Grâce à ce qu’on appelle l’éco-efficience – c’est-à-dire une rationalité technique – on peut diminuer la quantité de ressources nécessaires pour produire un objet. Le problème, c’est que parallèlement on multiplie le nombre d’objets. Des progrès substantiels ont été obtenus avec des carburants moins sales, des moteurs plus efficaces, des véhicules moins polluants. Mais, dans le même temps, l’augmentation du nombre de véhicules, l’allongement des distances parcourues, la sophistication des équipements (dont la climatisation) ont largement anéanti les gains issus des progrès technologiques. La généralisation de l’informatique devait engendrer une réduction de la consommation de papier, et ainsi préserver les forêts. Or la consommation de papier continue à augmenter parce que l’exigence d’un travail parfait multiplie le nombre de documents reproduits. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond.

De même, les opérations de tri sélectif se multiplient, mais parallèlement, le rythme d’augmentation des déchets ménagers, en France, est de 1 % par an. Les technologies efficaces incitent à l’augmentation de la consommation : les ampoules dépensent moins d’électricité, on les laisse allumées ; et les fabricants créent sans scrupules un véritable marché avec les illuminations extérieures de Noël.

On constate clairement que, malgré les progrès techniques, la consommation continue globalement d’augmenter. Il faut en déduire que l’argument n’est pas non plus pertinent.

3 - Substituer des techniques aux services rendus par la nature.

La nature fournit en effet non seulement des récoltes, des fibres, des ressources génétiques, des molécules végétales, de l’eau, mais des mécanismes de régulation. Or l’accélération de la société industrielle épuise les ressources et compromet gravement l’équilibre des écosystèmes. Il s’agirait donc de remplacer des fonctions naturelles qui ne seraient plus possibles, par des techniques. En d’autres termes, remplacer du capital naturel par du capital construit ; remplacer des ressources épuisées par des équipements, des connaissances et des compétences.

Des solutions techniques sont certes envisageables (certaines sont déjà en place, par exemple pour l’épuration de l’air ou de l’eau). Mais ces solutions resteront marginales, parce que c’est un leurre que de vouloir imiter la nature. Souvenons-nous aussi que nos experts devaient trouver, il y a quarante ans, une solution au stockage des déchets radio-actifs ! La biodiversité stimule la production de la masse végétale, a un effet stabilisateur sur le fonctionnement des écosystèmes, fournit un potentiel d’adaptation à de nouvelles conditions d’environnement. Or les systèmes biologiques possèdent un ensemble de caractéristiques qui limitent fortement les possibilités de substitution : l’irréversibilité (chaque espèce est le produit d’une histoire unique qui n’est pas reproductible), la complexité, qui entraîne des effets indirects à long terme ; l’évolution et l’adaptation permanente des espèces ( ex : l’acquisition de la résistance des bactéries aux antibiotiques ou l’émergence de nouvelles maladies). Comment assurerons-nous la pollinisation quand les abeilles auront disparu ? Comme les Chinois ? Alors qu’une ruche peut polliniser jusqu’à trois millions de fleurs par jour, un ouvrier agricole ne pollinisera qu’une trentaine de poiriers dans le même temps.

Plusieurs remarques s’imposent : le recours à la technique consiste à remplacer un service naturel – donc gratuit – par un service marchand (on comprend d’ailleurs mieux l’acharnement de certains quand on sait que la protection de l’environnement génère, selon l’Institut français de l’environnement, une activité économique évaluée à 35,2 milliards d’euros en 2005). Il trahit, d’autre part, cette volonté de puissance, ces dangereux fantasmes de maîtrise de la nature, cette croyance en une science et une technique toutes-puissantes qui permettraient d’acquérir une connaissance et un contrôle absolu sur la nature, cette foi quasi-religieuse dans le progrès.

Le recours à la technique permet aussi de se focaliser sur les seules conséquences, et donc d’éviter de devoir identifier les causes des phénomènes, c’est-à-dire qu’il permet d’évacuer la dimension politique des atteintes à l’environnement. Il multiplie, en outre, les risques liés à la technique – risques technologiques majeurs – les effets imprévisibles et dommageables à court, moyen et long terme.

Il faut se souvenir, à ce sujet, de l’appel de Heidelberg, lancé par des scientifiques (dont Claude Allègre et Haroun Tazieff), qui s’inquiétaient de « l’émergence d’une idéologie irrationnelle à l’aube du XXIe siècle ». Le message était clair : il n’y a pas de problèmes environnementaux. Il faut aussi se souvenir de l’hostilité exprimée conjointement par l’Académie de médecine et l’Académie des sciences à l’égard du principe de précaution qui serait « contre le progrès », mais qui a surtout l’énorme inconvénient de contrarier les intérêts des industriels.

Par ailleurs, cette conception suppose qu’il est possible de fournir une évaluation monétaire des biens naturels, c’est-à-dire qu’elle introduit les mécanismes du marché dans la gestion écologique de la planète, qu’elle sous-entend la privatisation des éléments indispensables à la vie. Le protocole de Kyoto, par exemple, entérine la mise en place d’un marché des permis d’émission de gaz à effet de serre qui institue des droits d’usage de l’environnement différents selon la richesse des individus, des entreprises, des Etats.

La séquestration du carbone constitue un excellent exemple de cette démarche. Le captage et le stockage de carbone sont censés réduire l’impact des combustibles fossiles sur le climat en conservant le CO2 émis par les centrales thermiques afin de le stocker dans le sous-sol. Or l’avenir n’est pas aussi radieux. En mars 2007, le coût prévu du prototype qui devait voir le jour dans l’Illinois avait doublé pour s’établir à 1,8 milliard de dollars dont 74 % aurait été payé par l’Etat américain. En mai 2008, deux multinationales abandonnent un projet en Australie, reconnaissant qu’il n’y a pas de garantie que les roches puissent stocker le CO2 de façon hermétique.

Selon le GIEC, pour éviter les pires effets du changement climatique, les émissions devraient commencer à baisser d’ici 2015 à 50 % des niveaux de 1990. Or les centrales ne seront pas prêtes à temps pour le captage du carbone. Voici donc une technique qui n’est pas encore au point, dont l’efficacité économique et la sécurité sont douteuses, et qui prolonge notre dépendance au combustible fossile en concurrençant financièrement les énergies renouvelables. Est-il étonnant qu’une technique qui évite la remise en cause d’un modèle de développement ait la faveur des industriels et des gouvernements ?

4 – Appliquer le principe pollueur-payeur.

C’est-à-dire s’assurer que les prix reflètent les coûts réels, pour la société, des activités de consommation et de production, et que les pollueurs paient pour les dommages qu’ils occasionnent à la santé humaine et à l’environnement. Or on sait que l’agriculture intensive, qui pollue l’eau et absorbe 70 % des ressources mondiales, ne verse que des sommes symboliques au regard de celles acquittées par les industriels et les ménages.

D’autre part, la mondialisation implique une dilution des responsabilités qui rend difficile, voire interdit, de juger les vrais fautifs d’une marée noire par exemple causée par un navire sous pavillon libérien et concerné par cinq ou six nationalités différentes (le jugement intervenant, en général, au bout de 15 ou 20 ans, et se soldant par une amende dérisoire – ce qui n’est pas le cas pour un jeune maghrébin voleur de mobylettes). Aucun dirigeant n’a jamais été condamné pour les pluies acides, pas plus que pour les retombées radioactives de Tchernobyl ou d’ailleurs). Et la grande majorité des dégazages en mer n’est pas identifiée. Cherche-t-on, en outre, à ce qu’elle le soit ?

D’une manière générale, l’éco-fiscalité, destinée à modifier des comportements vers plus de respect environnemental, et qui peut être soit dissuasive soit incitative, évolue vers un « droit à polluer » ; elle empêche donc toute réflexion, toute remise en cause d’un modèle de développement. Ce sont toujours les dysfonctionnements, les imperfections du système qui sont tenus pour responsables des dommages, jamais la logique du marché elle-même. Enfin, un dernier point : alors que la majorité des dégradations environnementales est commise par les firmes privées, près de 65 % des dépenses de protection proviennent, en France, de l’Etat, confirmant le vieux principe de privatisation des bénéfices et de socialisation des pertes.

5 - Responsabiliser les entreprises.

La recherche effrénée du profit dans le cadre de la mondialisation, et plus particulièrement l’exigence d’un rendement de 15 % pour les actionnaires depuis les années 80-90, ont incité les entreprises à réduire leurs coûts sociaux (licenciements, délocalisations, précarité, flexibilité...) et environnementaux (surexploitation des ressources, externalisation de certains coûts, dont la pollution). Ces excès risquant d’aboutir à des sanctions (juridiques, économiques), voire à un point de rupture (écologique ou social), une réaction s’opère, à la fois demande de la société, exigence du marché, nécessité pour les entreprises, vers une plus grande prise en compte de la qualité de la vie, de l’environnement, de l’épanouissement personnel, du social...). L’idée commence à se répandre que les entreprises ont des comptes à rendre sur la façon dont elles se conduisent.

Le patronat serait-il donc prêt à faire la révolution ? Pas tout à fait. Si une partie des dirigeants reconnaît l’importance des problèmes écologiques, les trois causes principales sont, à leurs yeux, la surpopulation, une déficience au plan de la gouvernance (c’est-à-dire une carence des Etats) et un manque de clairvoyance de la part des consommateurs dans leurs choix. La consommation à outrance entretenue par les entreprises, fondement même du capitalisme, n’aurait donc aucune incidence ! « L’enfer, c’est les autres », disait Jean-Paul Sartre. Il ne s’agit donc, en aucun cas, de remettre en cause frontalement le fonctionnement de l’économie de marché. Il s’agit seulement de l’intérêt bien compris des entreprises pour permettre leur valorisation, l’amélioration de l’image, de la réputation des milieux d’affaires, pour générer davantage de revenus, de plus-values. D’ailleurs, une bonne appréciation de la part d’une agence de notation leur offrira les faveurs d’un investisseur.

Il n’y aurait donc plus d’intérêts contradictoires, de rapports de forces, encore moins de lutte de classes, mais une harmonie à atteindre, un partenariat à construire. Ce qui se met en place, c’est une « bonne » gouvernance, qui conduit à remplacer les normes juridiques (décidées par le pouvoir) par des normes techniques (créées par des intérêts privés) : codes de conduite, chartes éthiques, labels, normes comptables privées...

On assiste à une privatisation de la production du droit, à un droit sans obligations, ou de simples déclarations d’intention suffisent – du moins pour les puissants, pas pour les simples citoyens qui, eux, subissent un contrôle social et une répression de plus en plus sévères. Le Global Compact, structure créée par l’ONU, et fruit d’un intense lobbying des multinationales, est composé d’engagements volontaires non contraignants, rédigés de manière vague, sans référence aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail, et il n’existe aucun système de vérification. L’intégrité morale bien connue des patrons constitue sans doute un gage suffisant pour faire respecter le salaire minimum, la limitation du temps de travail ou les règles de sécurité ! Les Nations Unies ont autorisé, par exemple, les multinationales Nike et Shell, à adhérer au Global Compact, alors qu’elles violent régulièrement leurs propres codes de conduite et les normes sociales et environnementales.

6 – Impliquer les citoyens dans la prise de décision.

De nombreux textes sont censés favoriser cette implication. La convention d’Aahrus notamment porte sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. En supposant que l’intention soit louable, les faits, eux, sont têtus. On peut lire, dans « Le développement durable » de François Mancebo : « la concertation avec les habitants, si elle est inscrite dans les textes et valorisée dans les discours, est singulièrement réduite dans la réalité ». Dans la plupart des projets, le dernier mot revient, dans l’urgence, aux élus ou au groupe d’intérêt le plus organisé. Les moyens les plus courants pour décourager les bonnes volontés : tronçonner les enquêtes publiques par portions d’ouvrages pour ne pas discuter de la pertinence globale du projet, bloquer l’accès à l’information, utiliser un langage technique peu abordable par le profane. Là encore, il s’agit d’un leurre.

Si le caractère illusoire des principes ne suffisait pas à discréditer le développement durable, on pourrait y ajouter les résultats calamiteux obtenus depuis vingt ans, et les déclarations cyniques de nombreux dirigeants tels que Louis Schweitzer : « Le développement durable n’est ni une utopie ni même une contestation, mais la condition de survie de l’économie de marché ». C’est bien ce qu’on avait cru comprendre !

[Jean-Pierre Tertrais], dans « Le Monde libertaire », hebdomadaire de la Fédération anarchiste, du 30 avril au 6 mai 2009.
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede fu hsang » 23 Juil 2009, 18:39

bin abel ...tu sais pas faire autre chose qu acheter ... un chauffe eau solaire , rien de plus simple a construire ...avec de la recup ... c est ça aussi la decroissance , arretez d acheter a tout va et construire soi meme selon ces besoins ...
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Polack » 23 Juil 2009, 18:44

@abel : Je crois que la décroissance justement est un projet global qui propose de sortir de la logique de croissance inhérente au système capitaliste. Ce n'est pas seulement une attitude individuelle, une incitation à acheter des ampoules basse consommation...
Polack
 

Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede abel chemoul » 23 Juil 2009, 20:05

@ fu hsang
Sauf qu'il faut un capital culturel et financier au départ pour mettre ce projet global en oeuvre. Ceux qui vivent dans des conditions précaires ne vont pas se rajouter une couche de précarité potentielle avec un chauffe-eau solaire artisanal, faut pas rêver! tu peux toujours leur dire que c'est moins coûteux mais va mettre un chauffe-eau solaire sur un balcon de HLM... tu vas passer pour le cas soc de l'immeuble, on va te railler, te mépriser, les jeunes vont se foutre de ta gueule, etc... tu y perd plus en condition de vie qu'autre chose!
alors que dans le jardin d'un prof (stéréotype, je sais...) c'est chic! culturellement ,dans son milieu ce n'est pas perçu comme un signe de pauvreté mais d'avant-garde écolo.

Polack a écrit:@abel : Je crois que la décroissance justement est un projet global qui propose de sortir de la logique de croissance inhérente au système capitaliste. Ce n'est pas seulement une attitude individuelle, une incitation à acheter des ampoules basse consommation...


Il n'y a aucune alternative partielle au capitalisme, dès qu'on accepte de cohabiter avec lui, on fini par se faire bouffer par lui. C'est pour ça que toutes les pratiques alternatives du capitalisme se sont cassées la gueule. Sans le vouloir tu créés une niche de marché: tu fascines des gens par ton mode de vie, le capitalisme le voit et créé des structures pour ceux qui sont intéressé par ce style de vie mais qui ne veulent pas se casser la tête pour le mettre en pratique. ex: le nudisme, le tourisme vert, le commerce équitable.
Le jour où une partie significative de la population se mettra à la décroissance, des niches de marché se développeront sur ce créneau et fera un nouveau secteur, comme le capitalisme vert. Des entreprises te proposeront un tas de trucs décroissants, comme on propose de plus en plus de trucs équitables. Et tu réduira de fait le capitalisme matériel puisque tu consommeras moins de biens mais tu maintiendras un capitalisme quand-même.
Pire, quelque part, tout ce qui intègre l'écologie dès aujourd'hui aide le capitalisme à se perpétuer plus longtemps avant la crise écologique. si ça se trouve les décroissants font aujourd'hui un choix que le capitalisme imposera un jour à cause de la crise écologique!
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Alayn » 23 Juil 2009, 22:55

Bonsoir ! Intéressant et Abel Chemoul semble être tombé dans le panneau (pas vraiment solaire ! arf !). Il confond justement et manifestement la décroissance et le développement durable car tout ce qu'il nous énumère fait partie du concept de développement durable.

A arv.d: je n'avais pas à faire référence spécialement à Jean-Pierre TERTRAIS, je lançais un simple débat.
J'ai bien entendu lu les ouvrages de Jean-Pierre et c'est un compagnon et un ami.
Mais bien entendu, je suis d'accord avec sa position.

Mais il y en aussi d'autres, similaires et sur certains point un peu divergentes comme celle par exemple de Philippe PELLETIER (autre compagnon et ami) qui met plus en garde sur le catastrophisme et l'écolo-facisme par exemple.

Sinon, d'accord avec le reste des autres interventions pour le moment: la décroissance (ou plus précisément la décroissance libertaire pour se démarquer des Décroissants bobos ou des Objecteurs de Croissance...)ne pourra faire l'économie d'une révolution économique, sociale et écologiste (je l'ai dit dans mon intitulé de topic) pour être vraiment effective.

Ce qui, à mon sens, n'a rien à voir avec le développement durable qui ne propose que de toujours autant consommer d'une manière soit-disante écolo.
La décroissance libertaire, elle, est explicitement anti-capitaliste.

Salutations Anarchistes !
Alayn
 

Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede abel chemoul » 23 Juil 2009, 23:10

Alayn a écrit:Sinon, d'accord avec le reste des autres interventions pour le moment: la décroissance (ou plus précisément la décroissance libertaire pour se démarquer des Décroissants bobos ou des Objecteurs de Croissance...)ne pourra faire l'économie d'une révolution économique, sociale et écologiste (je l'ai dit dans mon intitulé de topic) pour être vraiment effective.


mais c'est quoi une décroissance libertaire? c'est quoi la différence avec une décroissance pas libertaire? en relisant tertrais, j'arrive pas à faire la différence à part l'optique d'une révolution libertaire.
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Alayn » 23 Juil 2009, 23:22

Oui, c'est çà en gros: la différence entre la décroissance et la décroissance libertaire, c'est que la seconde est vraiment anti-capitaliste et la première n'a qu'une posture écolo-bobo.
Alayn
 

Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede abel chemoul » 23 Juil 2009, 23:39

Alayn a écrit:Oui, c'est çà en gros: la différence entre la décroissance et la décroissance libertaire, c'est que la seconde est vraiment anti-capitaliste et la première n'a qu'une posture écolo-bobo.


Du coup je vois pas ou je tombe dans la confusion décroissance/développement durable dans ce que j'ai dis.
La seule différence concrète entre des dé croissants bobo et libertaires c'est que des libertaires refuseraient de tomber dans la décroissance mercantile en cas de récupération par le système et continueraient à faire leurs chauffe-eau solaire artisanal là où des bobos iraient l'acheter chez Darty-le-contrat-de-décroissance.
Certes dans l'absolu ça fait une différence mais dans les faits le capitalisme se perpétuerait en récupérant une bonne partie du concept.
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Alayn » 24 Juil 2009, 00:02

Parce que la décroissance libertaire, c'est pas forcément acheter ou se faire des panneaux ou des chauffe-eaux solaires.

Les panneaux solaires sont par exemple très polluants (silicium, etc...)
Les éoliennes, çà a plein aussi de points négatifs...
Etc and etc...

La décroissance libertaire, c'est, à mon sens, d'abord, supprimer les grosses productions capitalistes polluantes et de + inutiles. C'est changer une grande partie de la façon de se déplacer, c'est aussi bien entendu de changer nos consommations individuels mais l'on sait que le "volontariat individuel décroissant" ne suffira pas pour inverser la tendance.

La décroissance libertaire, c'est un projet sociétal radicalement anti-capitaliste, à ne pas confondre avec le développement durable (mais çà c'est pas difficile à comprendre) et qui est largement différent des concepts bobos-écolos aussi (c'est la partie la plus difficile à expliquer):
-En gros, en ce moment et de + en +, les mouvements décroissants s'enferrent dans la politique politicienne (participation aux élections européennes dernièrement par exemple), un peu comme les Verts quand ils n'étaient que Les Amis de la Terre.
-Ces écolos-bobos ne sont pas vraiment pour éradiquer le système capitalo, sont béni-oui-oui devant l'éolien et le solaire, alors que ces systèmes sont bourrés aussi d'inconvénients. (je pourrais développer à ce sujet mais c'est pas vraiment le sujet du topic).

Bon, bref, les différences entre les mouvements décroissants, qui tournent plus à un lobbying politicard sont de + en + éloignés de l'idée de décroissance libertaire, résolument anti productiviste, égalitaire et anti-capitaliste.
Alayn
 

Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede abel chemoul » 24 Juil 2009, 00:28

Alayn a écrit:La décroissance libertaire, c'est, à mon sens, d'abord, supprimer les grosses productions capitalistes polluantes et de + inutiles.

Une rationalisation écologique de l'industrie en fait, là c'est plus clair. Même si ça ne me semble pas être l'apanage spécifique des décroissants libertaires mais de tous les libertaires.

Alayn a écrit:-Ces écolos-bobos ne sont pas vraiment pour éradiquer le système capitalo, sont béni-oui-oui devant l'éolien et le solaire, alors que ces systèmes sont bourrés aussi d'inconvénients.

Par contre le rapport à la production d'électricité m'interroge: quelles solutions sont préconisées? l'éolien individuel? la microproduction locale? l'élimination des appareils superflux pour baisser drastiquement la consommation? et quel réel inconvénient vois-tu à l'éolien?
Parce qu'on ne pourra pas tomber à zéro consommation d'électricité! on aura toujours besoin de frigo, de machines à laver, d'ordinateurs, ce sont des progrès techniques qu'il ne faut pas abandonner sinon c'est plus de la décroissance mais du primitivisme.
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Re: Décroissance ou développement durable, qu'en pensez-vous ???

Messagede Alayn » 24 Juil 2009, 00:44

Comme je l'ai dit, c'est pas vraiment le débat ici de savoir ce qu'il y a de positif et de négatif dans l'éolien par exemple. Néanmoins, il semble clair que l'éolien individuel est moins nocif que la construction de grandes éoliennes.

Mais il te semble bien difficile de te passer d'électricité, Abel...
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