1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Re: Hommage à la Catalogne au cinéma !

Messagede foues » 20 Mai 2009, 15:06

Oui, l''article en lui même n'est pas intéressant.

Par contre j'ai lu Hommage à la Catalogne et je ne peux qu'en conseiller la lecture. Il y a des passages tres inétressnat sur ce qui se passe à Barcelone, entre anarchistes et staliniens. Sur les changements au quotidien que la CNT FAi à implusé en Catalogne et en Aragon.


« Les milices de travailleurs, appuyées sur les syndicats, composées d’hommes aux opinions politiques diverses, concentraient le sentiment révolutionnaire et le canalisaient pour un projet déterminé. J’étais en train de m’intégrer, plus ou moins par hasard, dans la première communauté d’Europe occidentale dont la conscience révolutionnaire et la haine du capitalisme étaient plus normales que le contraire. En Aragon, des dizaines de milliers de personnes, pour la plupart d’origine prolétaire, vivaient en terme d’égalité. En théorie, c’était une égalité parfaite, et en pratique, elle n’était pas loin de l’être. Par de nombreux aspects, on expérimentait là un avant-goût de socialisme… »

Et les manipulations staliniennes ..

" En Espagne, pour la première fois, j'ai vu des articles de journaux qui n'avaient aucun rapport avec les faits, ni même l'allure d'un mensonge ordinaire. J'ai lu des articles faisant état de grandes batailles alors qu'il n'y avait eu aucun combat, et des silences complets lorsque des centaines d'hommes avaient été tués. J'ai vu des soldats qui avaient bravement combattu être dénoncés comme des lâches et des traîtres, et d'autres, qui n'avaient jamais tiré un coup de fusil, proclamés comme les héros de victoires imaginaires. Ce genre de choses me terrifie, parce qu'il me donne l'impression que la notion même de vérité objective est en train de disparaître de ce monde. À toutes fins utiles, le mensonge sera devenu vérité. L'aboutissement implicite de ce mode de pensée est un monde cauchemardesque dans lequel le Chef, ou quelque clique dirigeante, contrôle non seulement l'avenir, mais le passé. Si le Chef dit de tel événement qu'il ne s'est jamais produit, alors il ne s'est jamais produit. S'il dit que deux et deux font cinq, alors deux et deux font cinq. Cette perspective m'effraie beaucoup plus que les bombes. "
foues
 

Re: Hommage à la Catalogne au cinéma !

Messagede foues » 20 Mai 2009, 15:22

http://www.lire.fr/extrait.asp/idC=3878 ... =202&idG=9


On était en décembre 1936. Il y a de cela, au moment où j'écris, moins de sept mois, et cependant il me semble déjà qu'il s'agit d'une époque très lointaine. Les événements postérieurs la font oublier, bien plus complètement qu'ils ne font oublier 1935, ou 1905 aussi bien. J'étais venu en Espagne dans l'intention d'écrire quelques articles pour les journaux, mais à peine arrivé je m'engageai dans les milices, car à cette date, et dans cette atmosphère, il paraissait inconcevable de pouvoir agir autrement. Les anarchistes avaient toujours effectivement la haute main sur la Catalogne et la révolution battait encore son plein. Sans doute, quiconque était là depuis le début devait avoir l'impression, même déjà en décembre et en janvier, que la période révolutionnaire touchait à sa fin; mais pour qui arrivait alors directement d'Angleterre, l'aspect saisissant de Barcelone dépassait toute attente.

C'était bien la première fois dans ma vie que je me trouvais dans une ville où la classe ouvrière avait pris le dessus. A peu près tous les immeubles de quelque importance avaient été saisis par les ouvriers et sur tous flottaient des drapeaux rouges ou les drapeaux rouge et noir des anarchistes; pas un mur qui ne portât, griffonnés, le marteau et la faucille et les sigles des partis révolutionnaires; il ne restait de presque toutes les églises que les murs, et les images saintes avaient été brûlées. Çà et là, on voyait des équipes d'ouvriers en train de démolir systématiquement les églises.

Tout magasin, tout café portait une inscription vous informant de sa collectivisation; jusques aux caisses des cireurs de bottes qui avaient été collectivisées et peintes en rouge et noir! Les garçons de café, les vendeurs vous regardaient bien en face et se comportaient avec vous en égaux. Les tournures de phrases serviles ou même simplement cérémonieuses avaient pour le moment disparu. Personne ne disait plus Señor ou Don, ni même Usted: tout le monde se tutoyait, on s'appelait «camarade» et l'on disait Salud au lieu de Buenos días. Il n'y avait pas d'automobiles privées: elles avaient été réquisitionnées; et tous les trams, taxis, et bon nombre d'autres véhicules étaient peints en rouge et noir.

Partout des placards révolutionnaires, avec leurs rouges et leurs blancs, se détachaient de façon éclatante sur les murs, et, par contraste, les quelques affiches de naguère qui y étaient demeurées avaient l'air de barbouillages de boue. Sur les Ramblas, large artère centrale de la ville constamment animée par le va-et-vient de flots de gens, les haut-parleurs beuglaient des chants révolutionnaires tout le long du jour et jusqu'à une heure avancée de la nuit. Et le plus étrange de tout, c'était l'aspect de la foule. A en croire les apparences, dans cette ville les classes riches n'existaient plus

A l'exception d'un petit nombre de femmes et d'étrangers, on ne voyait pas de gens «bien mis». Presque tout le monde portait des vêtements de prolétaires, ou une salopette bleue, ou quelque variante de l'uniforme de la milice. Tout cela était étrange et émouvant. Une bonne part m'en demeurait incompréhensible et même, en un sens, ne me plaisait pas; mais il y avait là un état de choses qui m'apparut sur-le-champ comme valant la peine qu'on se battît pour lui. C'est que je crus que la réalité répondait à l'apparence, qu'il s'agissait réellement d'un Etat prolétarien, et que des bourgeois ne restaient - beaucoup ayant fui ou ayant été tués - que ceux qui s'étaient de leur plein gré rangés aux côtés des ouvriers; je ne me rendis pas compte que, tout simplement, en grand nombre les bourgeois aisés se terraient ou, provisoirement, se déguisaient en prolétaires.


L'atmosphère sinistre de la guerre y était aussi pour quelque chose. La ville avait un aspect lugubre et négligé; les routes, les maisons étaient mal entretenues; les rues, la nuit, n'étaient que faiblement éclairées par crainte de raids aériens; les magasins, pour la plupart, avaient pauvre apparence et étaient à moitié vides. La viande se faisait rare, il était à peu près impossible de se procurer du lait; on manquait de charbon, de sucre et d'essence, et très sérieusement de pain. Déjà à cette époque les queues aux portes des boulangeries s'allongeaient sur des centaines de mètres. Cependant, autant qu'on en pouvait juger, les gens étaient contents, emplis d'espoir. Le chômage était inexistant et le coût de la vie encore extrêmement bas; on ne voyait que très peu de personnes vraiment dans la misère et pas de mendiants, à part les bohémiens.

Et surtout il y avait la foi dans la révolution et dans l'avenir, l'impression d'avoir soudain débouché dans une ère d'égalité et de liberté. Des êtres humains cherchaient à se comporter en êtres humains et non plus en simples rouages de la machine capitaliste. Dans les boutiques des barbiers, des «Avis au public», rédigés par des anarchistes - les barbiers étaient pour la plupart anarchistes -, expliquaient gravement que les barbiers n'étaient plus des esclaves. Dans les rues, des affiches bariolées conjuraient les prostituées de ne plus se prostituer. Pour qui venait juste de quitter les durs à cuire sarcastiques et cyniques des pays anglo-saxons, c'était assez pathétique de voir ces Espagnols idéalistes prendre à la lettre les clichés révolutionnaires les plus rebattus. A cette époque, on vendait dans les rues, pour quelques centimes, des romances révolutionnaires des plus naïves, célébrant toutes la fraternité prolétarienne et honnissant la méchanceté de Mussolini. Maintes fois j'ai vu un milicien presque illettré acheter une de ces chansons, en épeler laborieusement les mots, et, lorsqu'il en avait saisi le sens, se mettre à la chanter sur l'air approprié.

Pendant tout ce temps j'étais à la caserne Lénine, sous prétexte d'entraînement pour le front. Le jour où je m'étais engagé dans les milices on m'avait dit que le lendemain même je serais envoyé au front, mais en fait il me fallut attendre qu'une «centurie» nouvellement formée fût suffisamment entraînée. Les milices ouvrières, levées en toute hâte par les syndicats au début de la guerre, n'avaient pas été organisées sur la base d'une armée ordinaire. Les unités de commandement étaient: la «section» d'environ trente hommes, la «centurie» d'une centaine d'hommes, et la «colonne», terme appliqué en pratique à toute troupe nombreuse

Auparavant quartier de cavalerie, dont on s'était emparé au cours des combats de juillet, la caserne Lénine était un superbe bâtiment en pierre, avec un manège et d'immenses cours pavées. Ma «centurie» dormait dans l'une des écuries, sous les mangeoires de pierre qui portaient encore les noms des chevaux de bataille. On avait réquisitionné et envoyé sur le front tous les chevaux, mais tout demeurait imprégné de l'odeur du pissat et de l'avoine pourrie. Je suis resté dans cette caserne environ une semaine. Je garde surtout le souvenir des odeurs chevalines, des sonneries de clairon chevrotantes (nos clairons étaient tous des amateurs - je n'ai connu les véritables sonneries espagnoles qu'en entendant celles qui nous parvinrent des lignes fascistes), du martèlement de la cour par de lourdes bottes à semelles cloutées, des longues revues, le matin, sous le soleil hivernal, des parties forcenées de football, à cinquante par camp, sur le gravier du manège.

Il devait y avoir dans la caserne un millier d'hommes et une vingtaine de femmes, outre les épouses des miliciens qui faisaient la cuisine. Il y avait alors des femmes enrôlées dans les milices, en faible nombre, il est vrai. Dans les premiers temps de la guerre elles avaient, comme de juste, combattu côte à côte avec les hommes. En temps de révolution, cela paraît tout naturel. Déjà pourtant l'état d'esprit avait changé; il fallait à présent retenir les hommes à l'extérieur du manège pendant que les femmes y faisaient de l'exercice, car ils se moquaient d'elles et les gênaient. Peu de mois auparavant, aucun d'eux n'eût rien trouvé de comique à voir une femme manier un fusil.

La caserne tout entière était dans l'état de saleté et dans la pagaille où les miliciens mettaient tout local qu'ils occupaient, à croire que c'était là un sous-produit inévitable de la révolution. Dans tous les recoins vous tombiez sur des amas de meubles brisés, de selles fendues, de casques de cavalier en cuivre, de fourreaux de sabre vides, et de vivres gâtés. Il se faisait un gaspillage scandaleux de vivres, surtout de pain: rien que dans ma chambrée on en jetait une pleine corbeille après chaque repas - c'était une honte en un temps où la population civile en manquait! Nous mangions à de longues tables sur tréteaux, dans des écuelles étamées constamment graisseuses, et il nous fallait, pour boire, nous servir d'un affreux récipient nommé porrón. C'est une espèce de bouteille en verre, à goulot effilé; quand vous l'inclinez, le liquide jaillit en jet fluet, ce qui permet de boire à distance, sans la toucher des lèvres, et on se la passe de main en main. Je fis la grève de la soif et réclamai une timbale dès que je vis le porrón; pour mon goût, cela ressemblait trop à un urinal, surtout lorsqu'il y avait dedans du vin blanc.

Peu à peu on distribuait des uniformes aux recrues: mais comme on était en Espagne, tout était distribué pièce à pièce et au petit bonheur, de sorte que l'on ne savait jamais avec certitude qui avait reçu, et quoi; et bien des choses, parmi celles qui nous étaient le plus nécessaires, par exemple les ceinturons et les cartouchières, ne nous furent distribuées qu'au tout dernier moment, alors qu'allait démarrer le train nous emportant vers le front. J'ai parlé d' «uniforme» des milices; peut-être eût-il été plus juste de dire «multiforme».

L'équipement était pour tous du même type général, mais jamais tout à fait le même chez deux miliciens. A peu près tout le monde, dans l'armée, portait des culottes courtes de velours à côtes, mais à cela se bornait l'uniformité. Certains portaient des bandes molletières, d'autres des guêtres de velours côtelé, d'autres encore des jambières de cuir ou de grandes bottes. Tout le monde portait un blouson à fermeture Eclair, mais certains blousons étaient en cuir, d'autres en laine, et ils étaient de toutes les couleurs imaginables. Il y avait autant de sortes de casquettes qu'il y avait d'hommes. Il était d'usage d'orner le devant de sa casquette de l'insigne de son parti; en outre, presque tout le monde portait, noué autour du cou, un foulard rouge ou rouge et noir.

Une colonne de miliciens en ce temps-là était une cohue d'aspect surprenant. Mais il faut dire qu'on ne pouvait distribuer de vêtements qu'au fur et à mesure que telle ou telle usine, exécutant d'urgence des commandes, en sortait; et, compte tenu des circonstances, ce n'était pas de mauvais vêtements. A l'exception toutefois des chemises et des chaussettes, misérables articles de coton qui ne protégeaient pas du froid. Je me représente avec horreur ce que les miliciens ont eu à endurer, les premiers mois, quand rien n'était organisé. Il me tomba entre les mains, je m'en souviens, un journal vieux alors de deux mois à peine et où je lus que l'un des dirigeants du POUM, de retour d'une tournée d'inspection sur le front, promettait de tâcher d'obtenir que «chaque milicien eût sa couverture»: c'est une phrase qui vous fait frissonner s'il vous est arrivé de dormir dans une tranchée!

Le lendemain de mon arrivée à la caserne commença ce à quoi il était comique de donner le nom d' «instruction». Il y eut au début des scènes de pagaille consternantes. Pour la plupart, les recrues étaient des garçons de seize ou dix-sept ans, issus des quartiers pauvres de Barcelone, tout animés d'ardeur révolutionnaire mais ignorant complètement ce que signifie la guerre. On ne parvenait même pas à les faire s'aligner. Et la discipline était inexistante: si un ordre n'avait pas l'heur de plaire à un milicien, celui-ci sortait des rangs et discutait véhémentement avec l'officier. Le lieutenant-instructeur était un vaillant et charmant jeune homme au frais visage, qui avait été officier de l'armée régulière et en gardait l'allure: il avait un maintien distingué et était toujours tiré à quatre épingles. Et, bien que cela puisse paraître bien singulier, il était un socialiste sincère et ardent. Plus encore que les hommes eux-mêmes, il tenait à une égalité sociale absolue entre les officiers et la troupe. Je me souviens de son air surpris et peiné lorsqu'une recrue non au courant l'appela Señor. «Comment! Señor! Qu'est donc celui qui m'appelle Señor? Ne sommes-nous pas tous des camarades?» Je ne crois pas que cela rendît sa tâche plus facile.

En attendant on ne soumettait les bleus à aucun entraînement militaire qui pût leur être de quelque utilité. On m'avait informé que les étrangers n'étaient pas tenus de suivre «l'instruction» (les Espagnols, à ce que je remarquai, avaient la touchante conviction que n'importe quel étranger s'y connaissait mieux qu'eux pour tout ce qui avait trait au métier militaire), mais naturellement je fis comme les autres. J'avais le vif désir d'apprendre à me servir d'une mitrailleuse; je n'avais jamais eu l'occasion d'en manier une. Mais je m'aperçus avec consternation qu'on ne nous enseignait aucun maniement d'armes. La prétendue instruction militaire consistait purement et simplement à faire l'exercice sur la place d'armes, et le genre d'exercice le plus désuet, le plus stupide: demi-tour à droite, demi-tour à gauche, marche au commandement, en colonne par trois, etc., bref toutes les inutiles idioties qu'on m'apprenait à quinze ans


Drôle de manière d'entraîner une armée de guérillas! C'est pourtant l'évidence même que si vous ne disposez que de quelques jours pour instruire un soldat, c'est ce qu'il a le plus besoin de savoir que vous devez lui enseigner: à se protéger, à avancer en terrain découvert, à monter la garde et à construire un parapet - et, avant tout, à se servir de ses armes. Or, à cette troupe d'enfants ardents qu'on allait sous peu jeter en première ligne, on n'apprenait même pas à tirer un coup de feu, ni à arracher la goupille de sûreté d'une grenade. Sur le moment je ne me rendis pas compte que c'était parce qu'on n'avait pas d'armes à distribuer. Dans les milices du POUM le manque de fusils était tel que les troupes fraîches étaient toujours obligées, à leur arrivée au front, d'emprunter ceux des unités qu'elles relevaient. Dans toute la caserne Lénine, je crois qu'il n'y avait pas d'autres fusils que ceux des sentinelles.

Au bout de peu de jours, bien que nous ne fussions encore vraiment qu'une cohue, comparés à toute troupe digne de ce nom, on nous estima prêts à paraître en public; on nous mena, le matin, aux Jardins publics, sur la colline au-delà de la place d'Espagne. C'était l'habituel terrain de manœuvres de toutes les milices de partis et aussi des carabiniers et des premiers contingents de l'armée populaire toute nouvellement formée. C'était, là-haut, un spectacle étrange, exaltant. Dans tous les chemins et toutes les allées, parmi les parterres de fleurs, des hommes par escouades et compagnies marchaient, dans un sens, puis dans l'autre, raidis, bombant le torse, s'efforçant désespérément d'avoir l'air de soldats.

Nul n'avait d'arme, pas un ne portait, complet, l'uniforme des milices, si beaucoup en arboraient des pièces détachées. L'emploi du temps ne variait jamais. Pendant trois heures nous faisions des effets de torse au petit trot (le pas des Espagnols est très court et rapide), puis nous faisions halte, rompions les rangs et, assoiffés, nous allions en foule à mi-côte dans la boutique d'un petit épicier qui faisait des affaires d'or en vendant du vin à bon marché. Mes camarades me témoignaient tous beaucoup d'amitié. En qualité d'Anglais j'étais une espèce de curiosité; les officiers des carabiniers faisaient de moi grand cas et m'offraient à boire.

Cependant, chaque fois que je pouvais mettre notre lieutenant au pied du mur, je réclamais à cor et à cri qu'on m'apprît à me servir d'une mitrailleuse. Je tirais de ma poche mon dictionnaire Hugo et je l'entreprenais dans mon exécrable espagnol:
«Yo sé manejar fusil. No sé manejar ametralladora. Quiero aprender ametralladora. Cuándo vamos aprender ametralladora?» Et toujours je recevais en réponse un sourire tourmenté et la promesse qu'il y aurait maniement de mitrailleuse mañana. Inutile de dire que ce mañana ne vint jamais. Plusieurs jours passèrent et les recrues apprirent à marcher au pas, à se mettre presque avec promptitude au garde-à-vous, mais si elles savaient par quel bout de fusil sort la balle, c'était bien tout. Un jour, un carabinier armé vint à flâner de notre côté au moment de la pause et nous permit d'examiner son fusil. Il apparut que dans toute ma section, moi excepté, nul ne savait seulement charger un fusil, encore moins viser.

Pendant ce temps-là je me battais avec la langue espagnole. A part moi, il n'y avait qu'un autre Anglais dans la caserne, et personne, même parmi les officiers, ne connaissait un mot de français. Ce qui compliquait encore les choses pour moi, c'était le fait que mes compagnons d'armes, lorsqu'ils parlaient entre eux, employaient généralement le catalan. La seule façon de me tirer d'affaire était d'emporter partout avec moi un petit dictionnaire que je tirais vivement de ma poche dans les moments critiques. Mais c'est encore en Espagne que je préfère être un étranger plutôt que dans la plupart des autres pays. Que l'on se fait facilement des amis en Espagne! Dans l'espace d'un jour ou deux à peine, il y eut déjà une vingtaine de miliciens pour m'appeler par mon prénom, me passer des tuyaux et me combler de gestes d'hospitalité.

Ce n'est pas un livre de propagande que j'écris et je ne cherche pas à idéaliser les milices du POUM. Le système des milices tout entier présentait de graves défauts, et les hommes eux-mêmes formaient un ensemble hétéroclite, car à cette époque le recrutement volontaire était en baisse et beaucoup d'entre les meilleurs étaient déjà sur le front ou tués. Il y avait toujours parmi nous un certain pourcentage de bons à rien. Des garçons de quinze ans étaient amenés au bureau d'enrôlement par leurs parents, ouvertement à cause des dix pesetas par jour que touchait chaque milicien, et aussi du pain, reçu en abondance par les milices et qu'on pouvait sortir en fraude de la caserne et apporter chez soi.

Mais je défie qui que ce soit de se trouver brusquement, comme il m'arriva, au sein de la classe ouvrière espagnole - je devais peut-être dire: catalane, car hormis quelques Aragonais et quelques Andalous, je n'ai été qu'avec des Catalans - et de n'être pas frappé par le sens inné qu'ils ont de la dignité humaine, et surtout par leur droiture et leur générosité. La générosité d'un Espagnol, dans l'acception courante du terme, est parfois presque embarrassante: si vous lui demandez une cigarette, c'est tout le paquet qu'il vous force à prendre. Et aussi il y a en eux une générosité d'une nature plus profonde, une grandeur d'âme réelle dont j'ai rencontré maint et maint exemple sous les apparences les moins prometteuses.

Certains journalistes et d'autres étrangers qui firent un voyage en Espagne durant la guerre ont déclaré qu'en secret les Espagnols éprouvaient une amère méfiance à l'égard de l'aide étrangère. Tout ce que je puis dire c'est que je n'ai jamais observé rien de tel. Je me rappelle que, peu de jours avant mon départ de la caserne, un certain nombre d'hommes arrivèrent du front, en permission. Ils parlaient avec une vive émotion de ce qu'ils avaient vu et ressenti et ils étaient enthousiasmés par des troupes françaises qui s'étaient trouvées dans le secteur voisin du leur devant Huesca.


Les Français ont été très braves, disaient-ils; et ils ajoutaient avec admiration: Más valientes que nosotros!
- «Plus braves que nous!» Naturellement je dis que j'hésitais à le croire; alors ils expliquèrent que les Français en savaient plus long qu'eux pour ce qui était de l'art de la guerre et savaient mieux se servir des grenades, des mitrailleuses, etc. Mais la remarque était significative. Un Anglais se fût coupé la main plutôt que d'en faire une semblable.
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Re: Hommage à la Catalogne au cinéma !

Messagede Roro » 24 Mai 2009, 21:38

Si le film s'inspire réellement du bouquin, ça pourrait être très intéressant. L'ennui c'est que je crains que le film fera la part belle à l'action et non pas à la réflexion politique que développe Orwell dans le livre. A voir...
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Re: Hommage à la Catalogne au cinéma !

Messagede L'autre facteur » 24 Mai 2009, 23:11

Faudra voir, d'autant que ça risque de ressembler pas mal à Land and freedom de Ken Loach, qui était déjà bien proche de l'histoire personnelle d'Orwell en Espagne.
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Re: Hommage à la Catalogne au cinéma !

Messagede Seitanarchist » 29 Juin 2009, 13:10

En effet, Land and freedom, qui reste à voir (malgré toutes ses imperfections et son angélisme) est très largement inspiré de ce roman d'Orwell :
la trame, l'histoire, le scénario et même un bon nombre d'anecdotes comme le moment ou le personnage principal se blesse en s'entrainant au tir avec un fusil enrayé.

Enfin...faut voir ce que ça donnera.
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Rio Tinto et le coup d’État fasciste en Espagne

Messagede chaperon rouge » 08 Juil 2009, 15:18

Bonjour, j'ai écrit un texte là-dessus et je vous le soumet (version non-définitive) afin de recueillir avis et commentaires sur l'ordre, la forme, la rectitude historique, la syntaxe, l'orthographe ou peu importe ce qui peut vous sembler clocher dedans. C'est assez long, proche de 2500 mots, au début c'était sensé n'être qu'une incursion dans les discussions sur l'article de Rio Tinto dans wikipedia, mais j'ai trouvé bien d'autres trucs intéressants en cour de recherche et ça m'a même paru une "analyse de cas" intéressante sur le rôle des entreprises étrangères dans la guerre civile espagnole(même si je suis ni callé en histoire, ni en économie).

Aussi connaissez vous des collectifs/groupes/individus dans les coins de Dunkerque, Lannemezan, Saint-Jean-de-Maurienne (où ailleurs francophone où est installé Rio Tinto-Alcan) à qui il pourrait être intéressant d'envoyer le texte ou brochure?
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Re: Rio Tinto et le coup d’État fasciste en Espagne

Messagede FRED » 08 Juil 2009, 16:33

Intéressent en effet, pour l'Espagne se n'est pas un mystère que le putsch a était soutenue par les propriétaire et les intérêt financiers, le rôle de l'église catholique n'est pas un mythe.
* « Nous n’avons pas peur des ruines. Nous sommes capables de bâtir aussi.

Buenaventura Durruti
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Re: Rio Tinto et le coup d’État fasciste en Espagne

Messagede Pïérô » 08 Juil 2009, 19:19

Il est très bien fait ce texte, on voit qu'il y a eu du boulot de documentation et d'écriture. J'ai appris des choses et ne peux pas aider sur la question historique. Il n'y a rien d'ailleurs de choquant quant à ce type d'hypothèse, tant Franco représentait une garantie pour les intérêts capitalistes, alors qu'il y avait dans le camp "républicain" une sensibilité révolutionnaire importante et dominée par les anarchistes.

Sur les collectifs et groupes, j'ai regardé dans la liste qui est sur le forum :
viewtopic.php?f=7&t=1327
il n'y a pas de groupes dans les villes que tu cites, peut-être y a-t'il des contacts et des individus par contre ?

A coté de Dunkerque dans le Nord
. AL : Collectif Alternative Libertaire de Lille
AL c/o CCL, 4 rue de Colmar 59000 Lille, lille@alternativelibertaire.org
. CGA : Coordination des Groupes Anarchistes, Groupe D’Anarchistes de Lille et Environs
1groupeanarlille@no-log.org. Permanence tous les lundi au CCL de 19h30 à 20h.
. SCALP/No Pasaran : SCALP/No Pasaran c/o CCL, 4 rue de Colmar - 59000 Lille
scalplille@no-log.org

A coté de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie
. FA : Groupe de Chambéry de la Fédération Anarchiste
Groupe de Chambéry C/O La Salamandre Maison des associations Rue St Francois de Sale Boite X/33 73000 CHAMBERY
FA73@no-log.org

je n'ai pas trouvé à côté de Lannemezan.
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Rio Tinto et le coup d’État fasciste en Espagne

Messagede chaperon rouge » 12 Juil 2009, 01:43

Merci pour les commentaires d'appréciation. J'ai reçu quelques suggestions d'ajouts et de modifications. Une de celles-ci était d'ajouter en final un passage pour actualiser sur les pratiques de Rio Tinto aujourd'hui, quelqu'un aurait quelque chose à suggérer?

J'ai cherché un peu du côté de Rio Tinto à Oaxaca, mais je n'ai trouvé que ça jusqu'à présent : http://74.125.47.132/search?q=cache:nBQ ... =firefox-a

Ça dit pas grand chose(pas de faits pour prouver) sur une implication véritable dans la répression de la commune....
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Garder la mémoire de la guerre civile espagnole

Messagede Nico37 » 18 Juil 2009, 17:26

UN SITE POUR GARDER LA MÉMOIRE DE LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE

Par Lysiane Morales
Mercredi 15 juillet 2009
article publié dans la lettre 85
Lien permanent vers cet article

"L'Association pour la Récupération de la Mémoire Historique" a pour objectif la reconnaissance et la réhabilitation des républicains espagnols exécutés pendant la guerre civile (1936-1939) et pendant la dictature (--> 1975) ainsi que la qualification pénale des faits.
Cet objectif passe par des interventions auprès des juges afin qu'ils entament des procédures en vertu de la "Loi pour la Mémoire Historique" votée en ce sens par le parlement espagnol en 2007 et pour qu'ils fassent procéder à l'identification de centaines de fosses communes, à l'exhumation et à l'identification des corps. L'exemple le plus connu est la recherche de l'endroit où a été enterré le poète Federico Garcia Lorca.
Ils demandent à l'état de procéder aux recherches qui, jusqu'à maintenant, sont à la charge des familles.
Le nombre de disparus est évalué à 150 000 par le collectif des 64 associations de victimes du franquisme.
Dernièrement, deux juges ont qualifié de crime contre l'humanité la rébellion des généraux qui se sont soulevés contre la république et ils ont renvoyé le dossier au juge Garzon en demandant qu'il soit instruit par la "Cour Suprême".

Ci dessous le site de l'association : www.memoriahistorica.org

La candidature de Marcos Ana au prix Prince des Asturies 2010, est soutenue par l'association. C'est un poète de 89 ans qui a passé 19 ans en prison.
Nico37
 
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Espagne 36, une révolution trahie ?

Messagede AnarSonore » 20 Juil 2009, 03:32

Réflexion et débat à partir de l’ouvrage "La revolucion traicionada, la verdadera historia de los amigos de Durruti" (Editorial Virus, 2003, non encore traduit en français) dans lequel Miquel Amoros revient sur le rôle des Comités de la CNT catalane dans le “retour à l’ordre” qui a suivi la révolution de 1936. D’importantes questions sont posées par ce texte. Un exemple parmi beaucoup d’autres : une certaine vision du fédéralisme n’est-elle pas nuisible à l’élan révolutionnaire ? Nous pensons, en tant que militants anarchosyndicalistes que la Révolution espagnole est un événement qui permet d’illustrer le débat fondamental entre une conception verticale de la société et une organisation horizontale, entre "pouvoir sur" et "pouvoir faire". Un débat qui doit intéresser tous les militants libertaires. Enregistré le 19 juillet 2009 au local de la CNT-AIT à Toulouse.

1ère partie : http://anarsonore.free.fr/spip.php?article429
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Re: Rio Tinto et le coup d’État fasciste en Espagne

Messagede chaperon rouge » 21 Juil 2009, 01:50

Voilà, je vous envoie ma dernière version d'écrit. Toutes corrections et annotations bienvenue. Pour assurer une continuité avec le sens, mettez en surligné ou souligné vos propositions de modifications. J'aimerais, comme discuté, que soit mentionné que le texte n'en est pas à sa version finale et sera publié sous forme de brochure par le Collectif Emma Goldman de l'UCL(Saguenay au Québec). Je préférerais aussi que seulement mon nom soit paru - mon pseudo ne soit pas publié.

Si il y a des gens que le format ne permette pas de le lire, dites le j'en posterai un autre.
Fichiers joints
Teleras - système de calcination à air libre de Rio Tinto en Espagne.jpg
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Planta_16_de_Corta_Atalaya.jpg
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Re: Espagne 36, une révolution trahie ?

Messagede chaperon rouge » 22 Juil 2009, 00:35

Le son est pas terrible, très dur à écouter sans tomber dans la lune. :roll:
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Re: Espagne 36, une révolution trahie ?

Messagede AnarSonore » 23 Juil 2009, 10:37

3ème partie : http://anarsonore.free.fr/spip.php?article431

C'est vrai que les enregistrements ne sont pas terribles. De plus le lecteur flash en ligne a un niveau sonore moyen. Enfin généralement des petites enceintes de PC restituent mal les graves. Voici quelques conseils pour pallier ces limitations :
- Utiliser un casque ou du matériel additionnel (ampli, meilleurs enceintes, ...)
- télécharger le fichier mp3, le lire avec votre lecteur habituel (par exemple VLC) ou le mettre sur tout autre support (CD, baladeur mp3,...)
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