de Antigone » 16 Juin 2009, 22:16
Je vois dans les actuels événements en Iran un épisode supplémentaire dans une tendance qui se manifeste depuis quelque temps dans les pays du Sud... et encore, pas si au Sud que ça.
C'est une sorte d'abcès de fixation sur toutes les éléctions dont les résultats sont invariablement contestés.
On peut établir une liste rapide: Zimbabwe (bon ok là, c'est vraiment grossier), Kenya, mais on pourrait citer presque tous les pays africains qui organisent des consultations et qui donnent lieu à des manifestations de l'oppositon qui se plaint de ne pas pouvoir s'exprimer comme elle le souhaiterait (Mauritanie, Niger)... et je pense qu'avec le Gabon prochainement, on va rigoler.
Il y a également les pays où la rue inverse le résultat d'une élection récente: Thailande, Madagascar.
Mais plus près de nous il y a eu l'Ukraine où un compromis précaire a été trouvé.
Allez, j'ai envie d'ajouter le PS... mais je m'éloignerai du sujet.
En Iran, le résultat était connu avant les élections. Pendant la campagne électorale, les gens affichaient le portrait de leur favori à leur porte. Il y a des pays comme ça où l'on n'a pas la culture du secret de l'isoloir. Tout se dit haut et fort même sous des régimes autoritaires. Pour tous les observateurs, C'était couru d'avance que Moussavi gagnerait cette élection avec un rapport de 2/3 contre 1/3.
En niant l'évidence de manière aussi flagrante, on en arrive aujourd'hui à cette situation. Ca pose forcément des questions sur les risques pris par ceux qui détiennent le pouvoir, sur une sorte d'inconscience à vouloir faire exercer l'apparence d'une démocratie dont ils détournent les règles sans en mesurer les conséquences éventuelles.
Une autre remarque qui me vient à l'esprit, c'est que tous les adversaires qui se font face se ressemblent.
En Iran, les programmes de Ahmadinejad et de Moussavi sont assez proches. Ils s''inscrivent dans le cadre le république islamique. Ils proposent tous les deux de poursuivre le programme nucléaire, sans remettre en question les alliances existantes. D'un point de vue social, ils sont presqu'aussi conservateurs l'un que l'autre.
A Madagascar, les deux adversaires avaient suivi la même trajectoire politique et ont exactement le même profil. En Thailande, ce sont deux vieux renards qui trainent des casseroles d'affaires de corruption derrière eux. Et pourtant chaque fois, le peuple descend dans la rue, ce qui donne lieu à de violents affrontements.
Il y eut une époque où l'on ne s'emmerdait pas avec la démocratie. L'armée faisait des putchs.
Aujourd'hui, les bourgeoisies locales essaient de se donner l'air démocratique. On organise des élections mais on bourre les urnes et on trafique les résultats... parce qu'on ne sait pas s'y prendre autrement. C'est une nouvelle tendance.
Bien sur, je ne parlerai pas de crise de la démocratie, car même chez nous, c'est une mascarade, mais je constate qu'il s'agit d'un abcès de fixation généralisée qui, dans ces pays, suscite des passions complètement disproportionnées compte tenu des enjeux réels. Il se produit une sorte de transfert des insatisfactions de toutes sortes sur des politiciens qui ne les portent pas. Et c'est ce qui est intéressant.
Rappelons-nous quand même qu'il y a environ 18 mois, les pays du Sud connaissaient des émeutes de la faim suite à la hausse des prix des produits de premières nécessités... Qu'ils continuent à jouer avec le feu.