RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede bipbip » 09 Jan 2019, 18:30

Les gilets jaunes ont raison : pour vivre en démocratie, il est nécessaire de développer intelligemment les référendums

Depuis quelques semaines, le mouvement des Gilets Jaunes a remis sur le devant de la scène la question des référendums. En France, le référendum d’initiative citoyenne (RIC) est réclamé sur de plus en plus de ronds-points. En Belgique, l’intégration du référendum dans la constitution est également une revendication qui prend de l’importance. Le 25 novembre 2018, dans l’émission C’est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI, Stéphanie Servais, gilet jaune de Wandre, a défendu la nécessité de pouvoir sanctionner les représentants politiques qui ne respectent pas leurs engagements via le référendum révocatoire. Le référendum ne constitue pas une solution miracle. Il doit se combiner avec une série d’autres mesures visant à renforcer la démocratie [1]. Mais les Gilets Jaunes ont raison : le référendum peut constituer un élément positif pour avancer vers une démocratie digne de ce nom.

Un outil de démocratie directe à mettre en œuvre intelligemment

En permettant aux citoyen-ne-s de s’impliquer et se positionner sur des enjeux importants, le référendum populaire peut être un outil important de démocratie directe. Au-delà de l’organisation de débats publics et démocratiques, le peuple doit pouvoir directement se prononcer sur toute une série de questions. Bien sûr, il n’est pas envisageable de faire des référendums pour toutes les décisions (d’où l’intérêt d’avoir un régime représentatif efficace). Cependant, pour les décisions qui sortent du mandat qui a été confié aux représentants et qui ont des conséquences importantes et durables sur la vie des gens, un référendum peut se justifier, qu’il soit d’initiative populaire ou convoqué par les mandataires politiques en place.

Selon ses pourfendeurs, le référendum serait dangereux car la population ne serait pas suffisamment éduquée. Consulter le peuple sans lui avoir fourni les outils nécessaires à la compréhension des enjeux, c’est effectivement prendre le risque de favoriser l’irrationnel et le simplisme. Mais il est important de ne jamais envisager les alternatives de manière isolée. Afin de permettre aux citoyens et citoyennes de se positionner en connaissance de cause, organiser un référendum nécessite un débat public argumenté et approfondi, et donc du temps. Dans certaines situations, des référendums peuvent s’organiser relativement vite. La Grèce nous fournit un bon exemple. Le 27 juin 2015, Alexis Tsipras annonçait un référendum pour le 5 juillet, soit un délai d’une semaine. Ce référendum s’est pourtant très bien organisé et la participation fut très forte (62,5 %). Dans tous les cas, refuser le référendum en utilisant l’argument d’immaturité du peuple revient en réalité à refuser le principe même de démocratie et de citoyenneté participatives, et dès lors refuser la démocratie elle-même (même si le peuple a tort, n’est-ce pas à lui de décider ?). C’est aussi nier qu’un référendum constitue justement une occasion d’informer la population, et de l’impliquer dans la gestion de la Cité.

Le référendum pose plusieurs autres problèmes auxquels il faut être attentif. Une question fermée (réponse par oui/non ou pour/contre) n’est pas sans danger pour les questions complexes. La formulation de la question (ou ce qu’elle implique de manière implicite) est également importante et peut influencer fortement la réponse des sondés. De plus, il ne s’agit pas de permettre de faire des référendums sur tout et n’importe quoi. Comme le souligne le CRISP [2], il n’est pas rare que la constitution ou la loi interdise d’organiser un référendum sur certains sujets (comme par exemple la peine de mort ou les droits humains fondamentaux) parce que trop fondamentaux pour être mis en jeu ou susceptibles de provoquer des controverses trop importantes.

... http://www.cadtm.org/Les-gilets-jaunes- ... essaire-de


Histoire : Les sources révolutionnaires du Référendum d’initiative citoyenne
Les débats des gilets jaunes portent sur un projet de Referendum d’initiative citoyenne (RIC). Il est alors utile de signaler que le premier projet de ce genre a été élaboré il y a quelques 225 ans par la Convention nationale et adopté par le vote de millions de citoyens, avec la première Constitution républicaine, en juillet-août 1793.
... http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article47287


RIC : les gilets jaunes « piégés », vraiment ?

Qu’un mouvement parti d’une colère contre la taxation du carburant aboutisse en quelques semaines à réclamer un changement institutionnel visant à ce que chacun puisse se prononcer sur les lois sans l’intermédiaire de représentants mérite peut-être un peu plus que de la condescendance. Quelques réflexions...

La revendication qui, en quelques jours, est devenue comme l’étendard des gilets jaunes, a aussitôt susciter contre elle réprobations et critiques de la part des militant.es et activistes aguerri.es, promptes à dénoncer le terrible piège qui se cacherait sous l’exigence du fameux RIC. Si nombre des avertissements énoncés méritent de l’être, on peut quand même s’étonner qu’ils soient formulés de manière aussi péremptoire – il n’y aurait donc rien à sauver dans l’appétit populaire pour un peu de démocratie directe ? Qu’un mouvement parti d’une colère contre la taxation du carburant aboutisse en quelques semaines à réclamer un changement institutionnel visant à ce que chacun puisse se prononcer sur les lois sans l’intermédiaire de représentants mérite peut-être un peu plus que de la condescendance.

1. Que le référendum d’initiative populaire ait été le fer de lance d’Étienne Chouard, dont on connaît les accointances avec des personnalités d’extrême droite, ne devrait pas suffire à discréditer une idée qui, en exprimant la volonté d’un exercice direct du pouvoir législatif, peut tout autant s’affilier avec les véléïtés de démocratie directes des « enragés » de 1789 ou des communards parisiens. Vouloir se passer de représentant, n’est-ce pas acter de manière on ne peut plus claire la défiance envers l’ensemble des politiques, de leurs partis, et des institutions démocratiques actuelles ?

2. N’y voir qu’un piège, en tant qu’il serait facilement assimilable et réappropriable par le gouvernement, c’est occulter la manière dont le RIC est défendu. Si jamais quelque chose du genre devait être octroyé, c’est certain qu’il ne ressemblerait pas vraiment à ce qui est réclamé : les questions posées ne pourront l’être sur n’importe quel sujet, et certainement pas sur la constitution ou la révocation des élus. Plus que de susciter un réflexe critique sans nuance, une pareille proposition devrait plutôt nous interroger sur les brèches béantes qu’elle met à jour. Combien de mouvements ont porté de manière aussi claire une remise en cause profonde de l’électoralisme et du parlementarisme ? Si le dégagisme du « Macron démission » n’exprime pas grand-chose d’autre qu’une personnification des dynamiques politiques et économiques en cours, le RIC dit tout autre chose et dit bien plus : il signe un certain refus de s’en remettre à des représentant.es, quel.les qu’iels soient. Alors certes, il ne s’agit ni d’exiger l’abolition de l’État, ni celle du capitalisme, mais prétendre qu’un tel système référendaire serait aisément soluble dans le programme gouvernemental, c’est négliger tout ce qu’il contient de potentiellement subversif, et que le pouvoir n’est pas prêt d’accepter. Ainsi, plutôt que d’y voir l’occasion de souligner la naïveté des gilets jaunes, les mises en garde critiques gagneraient sûrement à pointer le risque qu’il y aurait à se satisfaire d’un RIC tronqué de ses aspects les plus radicaux.

3. L’exemple du référendum de 2005 sur la constitution européenne montre sans ambiguïté qu’il est possible de ne pas prendre en compte le résultat d’un référendum. Est-ce suffisant pour disqualifier le RIC comme une mesure inepte ? D’une part il ne faudrait pas négliger la défiance et l’amertume durable qu’a engendré un tel passage en force – et donc le degré de conflictualité que produirait la répétition d’un tel scénario. D’autre part, on peut supposer que la partie ne serait pas si facile avec une possible révocabilité des élus. Quant au risque d’une instrumentalisation du RIC par l’extrême droite, et plus largement du poids de la manipulation médiatique sur « l’opinion publique », en plus de mimer les réticences qu’ont toujours exprimé les classes dominantes vis-à-vis de la démocratie et de l’incapacité de la « masse » à se forger une opinion valable, ces craintes ne sont pas plus pertinentes dans le cas du RIC que dans celui de l’élection de représentants.

4. La centralité qu’a acquise le RIC au sein du mouvement des gilets jaunes, au dépend des revendications sociales aux travers desquelles une dimension de classe prenait forme, peut être considéré comme un recul. Mais si le caractère inter-classiste de cette proposition est flagrant, il faut bien voire qu’elle représente aux yeux de beaucoup le moyen d’obtenir par la suite d’autres réformes, ou de s’y opposer, sans avoir à le quémander auprès des élu.es. S’il faut certainement mettre aussi en exergue les exigences qui reflètent le conflit de classe que porte ce mouvement, tout comme l’aspiration à la démission de Macron, cela n’est pas incompatible avec le soutient au RIC, dont le caractère apparemment consensuel apporte aussi aux gilets jaunes une certaine dynamique.

Considérer le RIC tel un piège que se serait eux-même tendu les gilets jaunes paraît non seulement reconduire le mépris qui déjà s’exprimait lorsqu’était fustigée l’opposition aux taxes sur le carburant et le mot d’ordre du pouvoir d’achat – qui pourtant pouvaient dès le départ être entendu et traduit comme un refus de la paupérisation et précarisation – mais tend aussi à minimiser la portée du consensus qui se forme autour de la révocabilité des élus, dont le principe est pourtant historiquement lié aux aspirations et organisations libertaires, et marque une transformation significative du rapport à la politique et aux modèles pseudo-démocratique qui nous dominent. Le raisonnement qui consiste à craindre que le mouvement s’arrête suite à la mise en place d’une forme de référendum d’initiative citoyenne vaut pour tout recul possible du gouvernement, qu’il s’agisse de l’augmentation du SMIC ou du rétablissement de l’ISF. En ce sens, maintenir fermement l’exigence d’une destitution du pouvoir permet de maintenir une conflictualité qu’aucun recul ne peut apaiser, mais cela ne nous empêche pas de tenter d’élargir et d’approfondir la brèche qu’ouvre une volonté massivement partagé d’un exercice direct du pouvoir sur tout sujet, et le désir sous-jacent d’une destitution à terme de tout représentant politique qu’il renferme.


https://nantes.indymedia.org/articles/44105
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Re: RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede bipbip » 21 Jan 2019, 16:45

Lettre à un·e Gilet jaune sur l'initiative et le référendum

Cher Gilet jaune, chère Gilet jaune,

J'ai vu que revenait souvent, parmi les revendications de ton mouvement, celle de référendum d'initiative citoyenne (RIC) et que la Suisse et sa démocratie directe y étaient données en exemple. Une République aussi autoritaire que la Ve a certes besoin d'un lifting démocratique.

Mais j'aimerais te parler de notre expérience helvétique, car elle traduit une réalité à ne pas oublier: les droits démocratiques s'exercent toujours dans une société donnée, avec ses dominant-e-s et ses dominé-e-s et ses rapports de force politique.

Ces droits démocratiques existent en Suisse depuis la fin du 19e siècle. Ils n'ont toutefois pas bouleversé notre système politique. Le pays était majoritairement conservateur et réactionnaire et, à quelques exceptions près, il l'est resté. Parmi les initiatives populaires acceptées ces dernières décennies, on constate que ce sont surtout celles prônant des politiques xénophobes et répressives qui sont passées. Et depuis le 19e siècle, seules 22 initiatives ont été acceptées sur 215 textes valides.

Les grands changements ont surtout été le fruit de mouvements politiques et sociaux, comme la Grève générale de 1918, le mouvement pour le suffrage féminin ou la Grève des femmes en 1991.

Faut-il pour autant renoncer aux droits démocratiques et à leur emploi? Non, tant qu'on ne les charge pas de vertus qu'ils n'ont pas. En 2017, le référendum nous a permis, par exemple, de nous opposer victorieusement à un projet de réforme, à la baisse, de la taxation des entreprises. Mais comme le patronat et ses représentants n'en démordent pas, ils sont revenus à la charge. Nous avons donc lancé un référendum contre leur nouveau projet. Référendum qui vient heureusement d'aboutir.

Même lorsque les textes sont rejetés en votation populaire, ils peuvent avoir des effets politiques positifs, comme celui « Pour une Suisse sans armée » en 1989, qui a définitivement désacralisé l'armée et fichu la trouille à l'État-major. Ce qui a ensuite permis de s'opposer victorieusement à l'achat de nouveaux avions de combat en mai 2014. Mais à la même date, la proposition d'introduire un salaire minimum a été rejetée de manière très sèche (76%). L'avantage d'avoir réintroduit le thème dans le débat politique a été gommé par l'ampleur de la défaite.

Tu le vois, cher Gilet jaune, chère Gilet jaune, dans nos sociétés capitalistes, les droits démocratiques ne fonctionnent pas souvent au bénéfice des démuni-e-s, de ceux et celles que l'élite dominante méprise. C'est une arme utilisable dans notre lutte, mais pas une voie royale. Du reste, en république, on ne construit plus de voie royale…

Avec mes salutations solidaires.

Daniel Süri


Mode d'emploi du système suisse

Nous connaissons, au niveau fédéral, d'une part le référendum (facultatif ou obligatoire) et d'autre part l'initiative populaire. Le référendum facultatif concerne les lois modifiées par le parlement. Pour le faire aboutir, il faut 50 000 signatures valables de citoyen-ne-s, récoltées en 100 jours. Pour que le référendum soit accepté, et donc que la modification parlementaire soit rejetée, la majorité simple des votant-e-s est requise.

L'initiative populaire vise à modifier la Constitution fédérale ; c'est donc un pouvoir de proposition, contrairement au référendum, qui est un pouvoir d'opposition. Le texte de l'initiative doit être soutenu par 100 000 signatures valables (environ 2% du corps électoral), récoltées en 18 mois. Pour être adoptée, une initiative doit réunir la double majorité du peuple et des cantons.


Salarié-e-s et contribuables, mais exclu-e-s du droit de vote

Les immigré-e-s qui contribuent aux profits des firmes helvétiques ou au fonctionnement de certains services publics, comme les hôpitaux, travaillent et paient des impôts dans le pays, mais sont exclu-e-s du droit de vote. Deux cantons leur octroient un droit de vote au niveau cantonal ; d'autres, un peu plus nombreux, au niveau communal. Cela évidemment après un certain nombre d'années de résidence.

Au niveau fédéral, l'exclusion est complète. Une estimation approximative permet de voir l'ampleur de ce déni démocratique: en 2015, la Suisse comptait 1 273 495 immigré-e-s disposant d'un permis C (autorisation d'établissement, cinq ans de présence au moins pour les membres de l'Union européenne). Si l'on soustrait à ce chiffre la part des moins de 20 ans, on arrive en gros à un peu plus d'un million de personnes. C'est l'équivalent de 20% du corps électoral helvétique.


https://www.solidarites.ch/journal/d/article/9018
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Re: RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede bipbip » 21 Jan 2019, 22:20

Le RIC, vu par un communiste libertaire suisse

Depuis qu’une partie des gilets jaunes se passionne pour le référendum d’initiative citoyenne (RIC), il a beaucoup été fait référence à l’exemple suisse. Quelques précisions et réflexions.

Parce que le RIC est le cheval de bataille d’Étienne Chouard, un confusionniste notoire, beaucoup de révolutionnaires ont tendance à ne voir dans ce slogan qu’un « cheval de Troie » de l’extrême droite. Et prennent en exemple la Suisse, où la droite nationaliste s’est depuis une vingtaine d’années emparée de l’outil référendaire pour se placer au centre du débat public.

Cela m’inspire deux réactions. D’abord : attention à ne pas donner l’impression que les libertaires diabolisent le référendum, ce serait incompréhensible pour le grand public. Ensuite : le RIC tel que proposé par bon nombre de gilets jaunes est bien plus démocratique que les mécanismes helvétiques. Il permettrait en effet à 500 000 pétitionnaires (1 % du corps électoral, contre 1,5 à 2 % en Suisse) d’enclencher un référendum afin de : 1. révoquer des personnes élues ; 2. proposer une loi ; 3. abroger une loi ; 4. modifier la Constitution. Seules les possibilités 3 et 4 existent en Suisse au niveau national. Les 1 et 2 n’existent que dans certains cantons, un niveau où les mécanismes démocratiques sont plus anciens et plus étendus qu’au niveau national.

Le RIC constituerait donc, en théorie, un pouvoir concédé aux citoyens et aux citoyennes. Dans la réalité, l’exemple suisse montre qu’au niveau national c’est surtout un pouvoir donné aux associations, aux syndicats et aux partis politiques qui ont les moyens de se servir de l’outil référendaire. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que la Suisse est marquée par l’absence de syndicats de lutte au niveau national et par la quasi inexistence de la gauche radicale.

La situation serait très différente en France. Par exemple, avec la surface dont ils disposent, des syndicats comme la CGT, Solidaires, FO, etc. pourraient à eux seuls convoquer un référendum contre n’importe quelle loi votée à l’Assemblée nationale, sur la hausse du Smic ou la baisse du temps de travail.

Extension des droits populaires

Certes, dans un référendum, même des gens non concernés par la question peuvent voter, ce qui fausse le résultat. Mais le salariat est numériquement si massif que cela avantage plutôt le mouvement syndical. Celui ci dispose d’une base adhérente qui lui permettrait de récolter facilement des signatures, processus très coûteux sans cela. En Suisse par exemple, la récolte de 100 000 signatures est généralement confiée à des entreprises spécialisées, pour un coût de près de 400 000 euros. Le Rassemblement national, Debout la France ou les divers groupes identitaires en seraient difficilement capables.

Je dis tout ceci pour ramener les choses à leurs justes proportions. Car, pour le reste, tout anticapitaliste sensé sait qu’il y a une incompatibilité radicale entre le capitalisme et la démocratie directe, puisque par définition ce système place un aspect essentiel de la vie sociale – l’économie – hors démocratie, au nom de la loi du marché et de la propriété privée.

Cependant, être des révolutionnaires luttant pour l’abolition du salariat n’empêche pas de défendre la hausse du Smic. De même, que lutter pour une société réellement démocratique car débarrassée du capitalisme ne devrait pas nous empêcher de revendiquer une extension des droits populaires, même dans le cadre de la démocratie bourgeoise. Les revendications économiques ne sont pas à opposer aux revendications démocratiques, on peut porter les deux à la fois.

Guillaume (Paris nord-est)


http://www.alternativelibertaire.org/?L ... ire-suisse

Le RIC, oui mais ...

En quelques jours, le référendum d’initiative citoyenne (RIC) semble être devenu la solution à tout. L’idée serait de pouvoir proposer ou abroger des lois, de révoquer les élu.es politiques ou encore d’amender la Constitution par référendum, si 700 000 pétitionnaires le demandent.

De prime abord, ça part d’un bon sentiment : le rejet des politiciens bourgeois. C’est indéniablement plus sain que de vouloir porter un homme providentiel au pouvoir !

Le RIC serait donc un progrès démocratique… mais, problème : dans un contexte où les dés sont pipés ! Il n’y a pas de démocratie authentique possible dans le système capitaliste, parce que l’intérêt général y est subordonné aux intérêts particuliers des fractions les plus influentes du capital.

Lors d’une campagne référendaire, le débat est forcément faussé par des lobbys prêts à dépenser des dizaines de millions en spots télé, en publicité, en « experts » stipendiés pour obtenir des citoyens le « bon vote ». Certes, ça n’empêche pas, à l’occasion, de mettre malgré tout une belle claque aux puissants – souvenons-nous du référendum de 2005. Mais tant que le pouvoir est entre leurs mains, ils n’appliqueront que ce qu’ils voudront !

Donc le RIC, pourquoi pas… Mais qu’on ne s’y trompe pas : le pouvoir au peuple, c’est impossible sans la socialisation et l’autogestion de l’économie et l’élimination des capitalistes !

Alternative libertaire, le 20 décembre 2018


http://www.alternativelibertaire.org/?E ... C-oui-mais
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Re: RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede bipbip » 04 Mar 2019, 00:40

Contestation et goût du RIC

Gilets jaunes : Contestation et goût du RIC

Les thématiques sociales et démocratiques sont devenues centrales dans le mouvement. Le référendum d’initiative citoyenne est au centre des débats. Tout en disant clairement qu’il ne peut y avoir de démocratie authentique dans un cadre capitaliste, il faut s’inscrire dans le débat sur le Ric pour faire avancer une idée : le mandat impératif.

Pendant des années, et encore aujourd’hui, les gouvernements successifs ont valorisé l’utilisation de la voiture individuelle et l’ont intégrée dans l’organisation territoriale. Aussi les distances n’ont cessé de croître  : l’habitat, les lieux de travail, d’approvisionnement et de loisirs se sont éloignés les uns des autres. Les trajets qui s’allongent obligent à choisir les moyens les plus rapides. Pour toute personne ne vivant pas dans un territoire riche en transports en commun, l’utilisation de la voiture est alors nécessaire. Ce sont ces mêmes territoires éloignés des gros centres urbains qui voient leur services publics fermer les uns après les autres (communication, justice, santé, transport, administration, finance, etc.). La dépendance à la voiture ne cesse d’augmenter et ce, en raison de choix politiques et non individuels. Et c’est dans ce contexte de dépendance organisée que le gouvernement a fait le choix de taxer davantage les automobilistes. Malgré les efforts de certains patrons venus soutenir le mouvement en espérant que celui-ci reste cantonné à la question des taxes, la confrontation des problématiques individuelles et la difficulté à répondre aux besoins quotidiens malgré le travail ont permis la réémergence progressive d’une conscience de classe, habitée par une improbable hétérogénéité d’intérêts.

Sur les ronds-points, dans les blocages, il n’a pas fallu longtemps pour que la destruction de certains territoires soit dénoncée et, dès la deuxième semaine, les revendications se sont étoffées, défendant notamment l’augmentation des salaires et la défense des services publics.

Une représentation à bout de souffle

Avec les gilets jaunes, nous construisons des revendications globalement articulées autour de la justice sociale tout en étant coupé.es de la plupart des moyens de prise de décision  : nous n’avons pas d’accès aux pouvoirs institutionnels et nous nous y confrontons. Nous sommes face à des logiques de représentation à bout de souffle, qui n’offrent comme possibilité d’expression politique que le théâtre d’élections où le meilleur choix, quand on croit encore à la pertinence de ce choix, est de désigner le moins pire des candidats. Le sentiment existe qu’on n’a pas accès non plus aux contre-pouvoirs habituels considérés comme inopérants, voire complices (médias et syndicats

Ainsi, quand les gilets jaunes se rassemblent spontanément et hors du cadre des organisations politiques existantes, ils ouvrent complètement le champ des slogans et des revendications, tout en fermant la porte aux représentations et symboles traditionnels. Malgré tout, le réinvestissement massif des structures syndicales et la grève forment une perspective défendue par une partie croissante du mouvement social. Reste à trouver d’autres moyens de formuler collectivement les revendications, de les discuter, de les faire connaître et de les mettre en place.

Une revendication simple

Le référendum d’initiative citoyenne (Ric) est un moyen plébiscité par de nombreuses et nombreux gilets jaunes. Le Ric est une revendication simple qui semble pouvoir s’intégrer dans le système politique actuel, sans avoir nécessairement besoin de tout repenser. Si les conditions de sa mise en œuvre sont adaptées, il est censé permettre à une partie conséquente de la société d’inscrire ses propres sujets à l’agenda politique. Suite à quoi l’ensemble de la population est appelé à s’exprimer et, en cas de validation, la proposition initiée et validée collectivement doit ainsi pouvoir prendre valeur de loi. Face à des institutions représentatives hermétiques au pouvoir populaire, le Ric s’apparente à une bouffée d’oxygène.

Le problème, c’est que cette proposition ne remet pas directement en cause le statut privilégié des élu.es. Intégrant cette possibilité, une forme de Ric plus détaillée a émergé : le référendum d’initiative citoyenne à caractère constitutif, abrogatoire, révocatoire et législatif (Ric Carl). Voilà le référendum équipé d’une portée d’action non négligeable et qui, en se proposant de pouvoir modifier la Constitution, de révoquer des élu.es et de légiférer, vise directement les fondements du régime représentatif. Une fois appliqué, le Ric Carl serait une forme de contre-pouvoir qui permettrait l’exercice de la démocratie en dehors des élections. Mais en attendant, même s’il prétend avoir le potentiel d’amoindrir leur pouvoir, il ne remet pas en cause l’existence des représentant.es élu.es et les institutions qui les portent. Il reste une réponse individuelle, et la dimension collective nécessaire à la construction démocratique n’y est pas développée. Il y a donc fort à parier que les élu.es feraient tout pour amoindrir la portée de ces initiatives citoyennes, préserver leurs privilèges, et que des groupes d’influence organisés s’en empareraient pour porter leurs propres revendications.

Formuler collectivement des revendications

Au sein même des gilets jaunes, des interrogations naissent au sujet du Ric et de sa dimension de «  vote individuel  ». L’importance de cadres collectifs commence à poindre dans certaines assemblées générales, et les limites du Ric sont questionnées. C’est là qu’on vient l’articuler à une autre ressource  : le mandat impératif. C’est un outil simple  : toute assemblée qui souhaite interagir avec une autre organisation prépare un mandat et y envoie une personne chargée de porter ce mandat. Les conditions de mandat peuvent être très variables, mais restent, et c’est là l’important, la prérogative de toutes les personnes concernées. La révocabilité et la définition collective des mandats répondent aux aspirations démocratiques d’une part grandissante de la société. C’est pourquoi, en plus d’être un constituant essentiel des pratiques autogestionnaires d’Alternative libertaire, le mandat impératif est déjà porté dans de nombreuses assemblées générales des gilets jaunes et a été défendu à l’assemblée des assemblées à Commercy.

AL Fougères


http://www.alternativelibertaire.org/?G ... out-du-RIC
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Re: RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede digger » 04 Mar 2019, 08:09

Je comprends la démarche d'avancer des propositions comme la révocabilité au sein du mouvement des GJ. Ou toutes autres formes d'avancées sociales ou démocratiques. La lutte de terrain n'a que faire des théories rigides.

Néanmoins, il me semble primordial de les situer par rapport aux conceptions que nous défendons, c'est à dire l'objectif final.

C'est une chose que d'arriver dans une AG drapé dans son anarchisme – démarche qui serait stérile – et une autre que d'exposer ce que serait une organisation politique et sociale telle que nous l'entendons, en acceptant le fait qu'il s'agit d'un but ultime et que nous sommes prêts à travailler avec quiconque veut s'en rapprocher. La révocabilité est un pas en ce sens.

Mais il en existe d'autres qui n'apparaissent pas dans les débats actuels et qui sont fondamentaux, comme la décentralisation du pouvoir.

Démocratie et centralisation sont incompatibles. Cette idée est compréhensible à partir d'exemples concrets souvent avancés mais jamais mis en lien avec la centralisation. Je pense notamment aux fermetures autoritaires d'hôpitaux ou de maternités décidés par un ministère parisien.

En partant de ce "bas" de l'organisation politique, pas à pas, on arrive à la remise en question du "haut", la royauté républicaine. Ni la révocabilité, ni le RIC - ou toutes autres formes de consultations, n'ont de sens par eux-mêmes.

Il me semble aussi important de faire comprendre aux personnes engagées dans le mouvement qu'elles mettent en pratique l'idée d'auto-organisation et d'auto-gouvernance, idées essentielles aussi pour des avancées progressistes et qui les mettront à l'abri de toute récupération. Sans cacher que ce chemin est difficile mais qu'elles sont en train de mettre en pratique des idées qu'elles considéreraient impossibles et irréalistes en théorie. Et que pas à pas, c'est ce chemin qui va changer leur vie quotidienne et pas un-e représentant-e élu-e de je ne sais quelle institution.

Tout cela peut s'exprimer sans -isme, sans manipulation et sans renier les valeurs de quiconque.
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Re: RIC, référendums, démocratie et démocratie directe

Messagede Pïérô » 11 Mar 2019, 01:13

Le RIC n'est qu'une voie de garage, qu'on ne peut cependant condamner car c'est juste un petit progrès mais dans un cadre et système qui serait jugé indépassable et dans lequel le peuple ne serait que variable d'ajustement. Mais à travers les pratiques, et notamment des AGs, on peut avancer une expérimentation de la démocratie directe en l'ancrant dans un projet de société autogestionnaire.

Pour exemple :

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