Les faussaires de l'Histoire France ..
http://www.19h17.info/2017/09/26/dhisto ... -fascisme/Comprendre le retour de l’extrême droite implique de se poser la question de ce qu’est le fascisme ? Cet article revient sur deux moments importants de la naissance de ce mouvement politique. Chose peu connue, c’est en France que ses bases idéologiques sont élaborées, et que c’est à partir de milices anti-ouvrières armées par le patronat allemand et italien que naît ce mouvement.
Pour commencer, pour mieux comprendre l’extrême droite, un peu d’histoire s’impose. D’où vient le fascisme ? Celui-ci en tant que mouvement ne nait pas ex-nihilo. Il se développe lentement au niveau idéologique à la Belle époque, alimenté par des penseurs qui vont mêler à la pensée purement réactionnaire et contre révolutionnaire des éléments de mobilisation populaire de masse qui appartenaient au mouvement ouvrier. Enfin, les mouvements fascistes en tant que tels prennent leur source dans les milices anti ouvrières qui répriment les mouvements révolutionnaires au sortir de la Première guerre mondiale, principalement en Allemagne et en Italie.
Genèse de l’idéologie fasciste
Les idées qui vont faire le lit du fascisme se développent dès la fin du XIXème siècle, principalement en France. Ces idées sont celles d’une droite qui va se prétendre révolutionnaire, rejetant radicalement la démocratie parlementaire. Selon une théorie de l’historien Zeev Sternhell, ce serait au sein de la droite révolutionnaire française qu’apparaitraient les bases de l’idéologie fasciste.
Jusque-là, la droite extrême était profondément contre révolutionnaire, c’est-à-dire qu’elle défendait un ordre ancien correspondant plus ou moins à l’Ancien Régime, au rétablissement de la monarchie absolue, de l’aristocratie et du règne de l’Eglise, bref, de l’ancien ordre bouleversé par les révolutions bourgeoises du XIXeme siècle.
Au contraire, à la racine du discours fasciste se trouve une volonté de modernisation, en rupture avec cette ultra droite conservatrice. Ce courant de pensée se caractérise tout d’abord par un refus de la démocratie parlementaire bourgeoise, présentée comme corrompue, abâtardie, ou contrôlée par des minorités telles que les juifs. Le mode de vie, le rationalisme et la mesquinerie bourgeoise sont dénoncés vigoureusement. La solution que voudraient les fascistes pour lutter contre cette « décadence » serait un régime autoritaire, basé sur un gouvernement de surhommes, sur le culte de la force, du combat et du rejet de l’intellectualisme.
Pour compléter cette panoplie, il faudrait bien entendu un chef prestigieux et charismatique, à même de dompter les masses. Ici la communauté politique de référence n’est pas l’aristocratie ou la classe ouvrière, mais la nation, voué à s’unir autour du chef. Bien entendu, cette union est interclassiste et profondément réactionnaire, à même de séduire les éléments petit bourgeois devenant nationalistes par peur d’être déclassés.
En termes idéologiques, les idées de cette droite révolutionnaire s’inspirent des philosophies anti rationalistes de Nietzsche et de Bergson. Ses principaux penseurs sont Gustave Le Bon, Barrès ou encore Maurras, et dans une certaine mesure Georges Sorel, pourtant syndicaliste révolutionnaire français mais théorisant dès le 19eme siècle l’action violente comme méthode de prise du pouvoir face à un régime corrompu.
On note aussi que c’est à ce moment que le nationalisme bascule à droite, alors qu’il était plutôt de gauche jusqu’ici. Une des premières étapes de cette mutation est l’agitation autour du général Boulanger, qui en 1887 faillit aboutir à un coup d’état. C’est aussi au cours de l’affaire Dreyfus que l’agitation nationaliste et réactionnaire atteint son paroxysme avec comme mot d’ordre l’antisémitisme, dont la Ligue des Patriotes de Déroulède est un bon exemple.
Un autre mouvement moins connu qui préfigure le fascisme est la Fédération des syndicats jaunes dirigée par Charles Biétry. Cette fédération de syndicats, financée par le patronat, se monte pour contrer l’influence de la CGT, syndicat révolutionnaire à l’époque. Les Jaunes reprennent tous les poncifs de cette droite révolutionnaire, tout en prônant une vigoureuse politique de collaboration avec le patronat. En cette période de luttes, les attaques de la CGT font rapidement mettre genou à terre au syndicat qui sombre dans l’oubli quelques années après sa création en 1902, après avoir compté plusieurs centaines de milliers d’adhérents. Il faut rajouter à cette liste l’Action Française de Charles Maurras, qui bien que royaliste, défend une version de la monarchie proche du fascisme.
C’est dans cette droite révolutionnaire, qui n’est pas encore à proprement parler fasciste, que tous les éléments politiques du fascisme vont se mettre en place. Dans une très large mesure, ce sont ces mouvements qui ont une influence déterminante sur les droites allemandes ou italiennes qui vont donner naissance au fascisme.
L’influence des milices anti ouvrières
C’est après la Première guerre mondiale que les mouvements fascistes à proprement parler vont apparaitre. En Allemagne et en Italie, ils naissent dans des conditions relativement similaires.
En Italie, règne une intense frustration après la victoire des Alliés. En effet, si l’Italie est du côté des vainqueurs, elle a subi des défaites humiliantes face à l’empire austro-hongrois telles que celle de Caporetto en 1917 et ne fait que des gains territoriaux mineurs. Après l’armistice, règne une agitation nationaliste intense qui va donner naissance au fascisme, préfiguré par la prise de la ville de Fiume dans l’Adriatique par des miliciens regroupés autour du poète Gabriel d’Annunzio.
Dans le même temps, lors de l’hiver 1919-1920, une intense agitation révolutionnaire balaie l’Italie. Elle se manifeste par des grèves insurrectionnelles qui culminent dans l’occupation armée d’usines, notamment à Turin. Pour contrer la menace de la révolution sociale, le patronat finance assez rapidement des milices appelées squadre d’azione ou squadristi. Leur objectif est d’attaquer partout où ils le peuvent les syndicats, partis et militants ouvriers, pour casser toute agitation sociale et briser toute perspective de révolution. Chaque milice locale est dirigée par un ras, nom des chefs fascistes.
Composés presque exclusivement d’anciens combattants, le fascisme né de ces milices en tant que courant politique : c’est tout d’abord les Faisceaux italiens de combat, qui unifient dès mars 1919 les squadristes, sous la houlette de Benito Mussolini. Leur programme très social à l’origine devient pro-capitaliste dès le début des années 1920. Ce groupement, qui est un hybride entre le mouvement politique et la milice, s’institutionnalise et se transforme dès 1921 en Parti National Fasciste, qui prend rapidement le pouvoir dès novembre 1922 avec la bénédiction des élites italiennes.
En Allemagne, la naissance du nazisme se fait dans des conditions similaires. A la fin de la guerre, en novembre 1918, alors que l’Allemagne signe l’armistice dans des conditions très dures, une révolution éclate. D’une grève générale naissent très rapidement des conseils de soldats, de marins et d’ouvriers qui prennent de l’importance dans de nombreuses villes, tentant de prendre le pouvoir comme à Berlin en janvier 1919 avec l’insurrection spartakiste qui est vite écrasée par les paramilitaires nationalistes et le gouvernement social-démocrate ou à Munich où les conseils ouvriers prennent brièvement le contrôle de la région.
Cette révolution est combattue et finalement écrasée par la classe dominante. Celle-ci est alliée au SPD, le vieux parti social-démocrate allemand, qui prend la tête du gouvernement. En échange de quelques réformes, il participe activement à la répression de l’agitation révolutionnaire. Néanmoins, les principaux outils de la répression sont les Corps Francs (Freikorps) qui sont des milices paramilitaires chargées d’attaquer les « éléments subversifs ». Composées d’anciens combattants démobilisés, elles sont financées et armées par les industriels, les junkers (propriétaires terriens) et l’armée. Parmi leurs innombrables crimes, on peut citer l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg en janvier 1919 avec la complicité du gouvernement social-démocrate ou encore l’assassinat de Gustav Landauer. Ces milices vont compter jusqu’à trois millions de membres.
C’est de ces groupes que nait le mouvement nazi. Ainsi, Adolf Hitler, encore militaire, est envoyé par l’armée en 1919 pour infiltrer le DAP (Deutsches Arbeiter Partei), parti d’extrême droite dont les membres sont pour la plupart membres des Corps Francs. Assez rapidement, ce parti connait une très forte croissance et va jusqu’à absorber une partie des miliciens des Corps Francs. Il change de nom pour devenir le NSDAP (National-Socialistisches Deutsches Arbeiter Partei). Contrairement à l’Italie, il se divise en deux branches, l’organisation politique (PO), dirigée par Adolf Hitler, et la branche militaire, des milices, les SA (Sturm Abteilung), conduites par Ernst Röhm. En 1921, les corps francs sont dissous et une grande proportion de leurs membres rejoint les SA.
Si les racines du mouvement sont similaires, les nazis mettent beaucoup plus de temps à prendre le pouvoir. Ils reçoivent un coup d’arrêt en 1923 après une tentative de coup d’état ratée à Munich (le putsch de la brasserie) et Hitler est condamné à plusieurs années de prison. Ce n’est qu’en janvier 1933 que les nazis prennent le pouvoir dans un contexte de crise économique généralisée.
Dans les deux cas, le fascisme nait de la rencontre de plusieurs éléments : une idéologie moderne de droite révolutionnaire, et surtout des milices anti-ouvrières créées dans un contexte bien particulier : l’humiliation nationale liée à la fin de la première guerre mondiale. On peut aussi constater que ces mouvements sont financés dès le début par la bourgeoisie, et ce dans une perspective d’étouffement et d’écrasement de la révolution ouvrière. Cette orientation restera inscrite dans l’ADN du fascisme.
Lien vers le livre : https://editionsacratie.com/temps-obscu ... en-europe/
Les liens méconnus entre le fascisme et les classes dominantes
Le fascisme est enseigné dans tous les manuels d’histoire, et ses atrocités largement documentées. Ce que l’on ne dit plus, c’est que ce sont les bourgeoisies italiennes et allemandes qui l’ont largement soutenu, afin de rétablir l’ordre. Les responsabilités de la classe dominante dans l’émergence du fascisme sont ainsi soigneusement mises de côté…
Un peu d’histoire
Dans la plupart des discours, y compris chez les révolutionnaires, le fascisme est vu comme un problème avant tout moral, un mal absolu, qui mène à l’écrasement et à la ruine de tout ce que nous défendons. Ce discours n’est pas faux, mais il ne nous semble pas suffisant. En effet, pour nous, le phénomène qu’est le fascisme ne peut pas seulement être compris en termes moraux, mais aussi par rapport à ses liens avec le capitalisme comme système économique, ainsi que par sa place dans la lutte entre les différentes classes sociales
Ici, nous allons beaucoup nous appuyer sur les analyses de Daniel Guérin publiées dans Fascisme et grand capital. Ce livre examine l’ascension et le règne des partis fascistes dans les années 1920 et 1930 d’un point de vue économique et social. D’ailleurs, nous pouvons retrouver des mécanismes similaires dans les programmes des partis d’extrême droite de nos jours, bien qu’heureusement ceux-ci ne soient pas encore au pouvoir dans notre pays.
Daniel Guérin part d’un constat simple : au-delà du bla-bla, de la rhétorique anticapitaliste des fascistes et des nazis, ces partis ont entretenu des liens étroits avec la grande bourgeoisie, surtout avec les magnats de l’industrie lourde, très liés à l’industrie de guerre. Ces liens se retrouvent tout au long de l’histoire des fascismes, de leur naissance à leur chute finale face aux Alliés lors de la Seconde guerre mondiale.
Cette relation avec la bourgeoisie était donc déjà présente à la fondation des partis fascistes. Comme nous l’avons évoqué, en Italie et en Allemagne, le parti fasciste de Mussolini et le NSDAP (le parti nazi) naissent des milices anti-ouvrières mises sur pied pour lutter contre les communistes et le mouvement ouvrier (squadri et Corps Francs) à la fin de la Première guerre mondiale. Equipées par l’armée, ces milices sont alors largement financées par le patronat et permettent d’écraser dans l’œuf la révolution sociale en Italie et en Allemagne.
Ces liens avec le patronat se poursuivent et se développent dans les années suivantes. Les partis fascistes, en plus d’organiser des milices, prétendent assez rapidement exercer le pouvoir, en balayant au passage la démocratie parlementaire. Dans cette optique, ils sont financés secrètement ou ouvertement par des industriels, à titre individuel, mais aussi collectif comme par des syndicats patronaux. Dans le même temps les mouvements fascistes poursuivent leur politique d’agression contre le mouvement ouvrier.
En plus de financer ces partis, la bourgeoisie offre un coup de pouce décisif à Hitler et Mussolini dans leur prise de pouvoir. Ils sont invités au gouvernement par les élites politiques bourgeoises. La fin des régimes parlementaires en Italie et en Allemagne n’est pas tant une défaite de la « démocratie » face au coup de force fasciste que la remise du pouvoir aux fascistes par les gestionnaires de ces démocraties parlementaires sans aucune lutte ni résistance.
Ainsi en 1922, lors de la fameuse Marche sur Rome qui voit la prise de pouvoir de Mussolini, les Chemises noires, coincées à 70 km de la capitale italienne sans transports, sont amenées à Rome par des autocars affrétés par le gouvernement, sans lesquels ils n’auraient jamais pu prendre la ville. Plutôt que le triomphe d’un coup de force fasciste, c’est une opération de communication qui médiatise la cérémonie de remise des clés aux nouveaux gestionnaires de l’Etat que sont les fascistes. De même, en 1933 en Allemagne, les nazis qui ne sont pas majoritaires au parlement sont invités à participer au gouvernement par le conservateur Von Papen, avec le soutien de la bourgeoisie, de l’Armée et des junkers (grands propriétaires terriens). Le NSDAP commençait pourtant à reculer dans les élections. A méditer au regard de la situation politique de nos jours.
Une fois au pouvoir
N’oublions pas que les fascistes ont fait de l’anticommunisme un de leurs principaux axes de campagne, prétendant protéger la « Nation » contre le péril collectiviste. Ce discours est agréable aux oreilles du patronat qui est alors soucieux de mater un mouvement ouvrier en plein développement. Dès leur arrivée au pouvoir, les partis communistes sont les premiers à être interdits et sévèrement réprimés par les fascistes. En Allemagne la répression va même jusqu’à la déportation en camp de travail de plusieurs dizaines de milliers de militants communistes en prenant comme prétexte l’incendie du Reichstag.
Les syndicats et principalement les syndicats rouges sont très rapidement interdits sous prétexte de nuire à « l’harmonie nationale ». Ils sont immédiatement remplacés par des syndicats fascistes de collaboration, dirigés d’une main de fer par des cadres liés directement au pouvoir. Inutile de dire que ces syndicats ne sont pas très souvent en grève, ni particulièrement revendicatifs. L’exemple le plus avancé est le « Front du travail allemand » mis en place par les nazis. Celui-ci remplace les syndicats, mais se place toujours du côté des directions contre les revendications des salariés. Très mal considéré par ces derniers, il constitue un échec politique.
A cette liquidation des partis et syndicats ouvriers s’ajoute une épuration au sein même des partis fascistes. En effet, les fascistes avant leur ascension au pouvoir ont tenu des discours anticapitalistes, promettant une certaines justice sociale et la punition des patrons vautours. Certains militants venus de la classe ouvrière, souvent au chômage, ont cru à ces discours. Peu après l’arrivée au pouvoir des partis fascistes, afin de rassurer les responsables des industries finançant le mouvement, ces courants sont purgés. C’est le sens de la Nuit des longs couteaux de 1934 en Allemagne, qui voit la liquidation de la SA, dirigée par Ernst Röhm. Celle-ci demandait une « seconde révolution », c’est-à-dire une révolution sociale suivant la révolution nationale, ce qui était inacceptable pour l’aile la plus à droite du mouvement et la grande bourgeoisie. La contestation interne est écrasée dans le sang et la SA est dissoute. Nous constatons la même logique en Italie avec l’abandon rapide des références sociales du fascisme, ou encore en Espagne, lorsque les phalangistes « sociaux » sont purgés par Franco.
L’arrivée au pouvoir des fascistes se traduit aussi par une politique économique pro-patronale. Sous prétexte de réformer l’économie, les diverses branches de l’industrie sont regroupées en corporations qui contrôlent les prix, la production et les salaires. Bien entendu, ces institutions « paritaires » sont gérées par les représentants du patronat, avec l’assentiment des gouvernements fascistes.
Cette nouvelle organisation du travail aboutit tout naturellement à une baisse des salaires des ouvriers, qui n’ont plus le droit de se mettre en grève. Selon Guérin, les salaires baissent d’entre 20% et 30% après l’arrivée au pouvoir des fascistes en Allemagne et en Italie.
La politique économique des fascistes n’arrête pas ici ses mesures en faveur de la bourgeoisie. C’est toute une série de politiques de relance et de grands travaux qui, dans une perspective keynésienne, permettent de dynamiser la demande et la consommation. Ainsi Mussolini fait assécher des marais et construire des autoroutes. Néanmoins, la plus grande partie de la relance se fait par le réarmement avec des commandes militaires, des recherches, le développement de l’arme blindée, de l’aviation, de la marine et des travaux de fortification. Ce réarmement permet de faire tourner à plein régime la sidérurgie, le charbon, le bâtiment, mais aussi le textile et d’autres secteurs de l’industrie légère. La relance de l’industrie est financée par la création monétaire, les fascistes faisant tourner la planche à billets, remplissant au passage les poches des industriels. De nos jours, le programme économique du Front National, contient des mesures qui ressemblent étrangement à la relance fasciste.
Ces grandes politiques de relance sont aussi orientées vers une politique étrangère impérialiste agressive. Cette politique d’expansion territoriale, en plus de regonfler le moral national, permet aux bourgeoisies des pays fascistes d’acquérir de nouveaux marchés, dans une période de protectionnisme suivant la crise de 1929.
Pour conclure, nous pouvons dire que malgré un anticapitalisme de façade, les régimes fascistes ont apporté un soutien substantiel à leurs bourgeoisies nationales, tout d’abord en attaquant les organisations ouvrières avant d’arriver au pouvoir, puis en gérant l’état pour le compte de cette classe à partir de 1922 en Italie et de 1933 en Allemagne.
Le fascisme n’entre pas en contradiction avec le capitalisme. Au contraire, il fonctionne en lien avec la bourgeoisie : il constitue une forme de gestion nationale du capital, qui peut être séduisante pour la bourgeoisie en période de crise politique et sociale. C’est un régime qui émerge lorsque la forme républicaine de la démocratie bourgeoise n’est plus à même de sauvegarder les intérêts vitaux de la bourgeoisie.
L’extrême droite, sans parvenir au pouvoir, depuis quelques années exerce une importante influence sur la vie politique en France et en Europe. Chasse aux pauvres sous couvert de lutte contre l’insécurité, violences policières légitimées et exacerbées, panique morale vis-à-vis de l’Islam, état d’urgence, tentatives de mettre en place la déchéance de nationalité… Toutes ces politiques ont un point commun : être nées dans les esprits de l’extrême droite, et sont devenues la norme. Cette série d’articles extraits du livre « Temps obscurs, extrême droite et nationalisme en France et en Europe », écrit par des contributeurs au site 19h17.info et du blog Feu de prairie, ont pour objectif de mieux comprendre ce retour en force et le danger qu’il implique pour nous.
Lien vers le livre : https://editionsacratie.com/temps-obscu ... en-europe/
Les députés et sénateurs polonais ont voté une loi qui prévoit de condamner jusqu’à 3 ans de prison toute personne qui insinuerait que l’État polonais a sa part de responsabilité dans les crimes perpétrés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour être définitivement validée, elle doit être ratifiée par le président Andrzej Duda.
L’une des justifications pour voter une telle loi révisionniste est d’en finir avec l’expression « camp de la mort polonais » d’après les membres du PiS (Parti droit et justice), le parti au pouvoir. Une phrase lâchée par Barack Obama lors d’un hommage et qui est une contre-vérité historique. Les camps de la mort sont nazis et certains étaient implantés en Pologne. Cette volonté d’en finir avec cet amalgame peut se justifier mais derrière cette loi, il y a une volonté du pouvoir réactionnaire polonais de vouloir faire l’unité de la nation polonaise autour d’une version faussée de l’histoire pour la rendre plus pure et ainsi, asseoir son idéologie nationaliste.
La réécriture de l’histoire version PiS
Le Parti de la droite populiste nationaliste des frères Kaczyński ne fait que renforcer sa politique réactionnaire. Le débat qui anime la société polonaise autour de la Seconde Guerre mondiale en est l’un des symptômes.
Le responsable de la chaîne publique TV2, contrôlée par le parti au pouvoir qui a muselé les médias, a expliqué que l’on ne devait plus parler de camps d’extermination nazi, mais de camps d’extermination juif. Le journal de gauche israélien Haaretz, rapporte ses propos où il se demande « Qui s’y occupait des fours crématoires ? ». Il fait référence aux Sonderkommandos, des déportés chargés d’emmener les autres dans les chambres à gaz puis au four crématoire. Le journal israélien rapporte également les propos de Piotr Nisztor, journaliste à la radio publique polonaise, qui a fustigé les Polonais qui défendaient les positions de l’État israélien en réclamant qu’ils renoncent à leur nationalité polonaise.
Ces positions sont notamment celles de l’ancienne ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, relayées dans Haaretz, qui affirmait qu’ « Israël doit répondre fermement et présenter les documents prouvant les crimes des Polonais » ou bien celles de Yaïr Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid, sur tweeter, : « Je condamne fermement cette nouvelle loi, qui tente de nier la complicité polonaise dans l’Holocauste. Celui-ci a été conçu en Allemagne, mais des centaines de milliers de juifs ont été tués sans avoir jamais rencontré un soldat allemand. Il y a eu des camps de la mort polonais et aucune loi ne peut rien y changer », propos retranscrits par le Jerusalem Post et traduits par Le Monde.
Une histoire des classes dominantes
Dans cette sombre période de l’histoire, les responsabilités sont nombreuses et en premier lieu celles de la bourgeoisie et de ses dirigeants, car ce sont eux qui ont permis l’accès au pouvoir d’Hitler, entre autres.
Il est vrai que dire « camp de la mort polonais » est incorrect. Cette appellation veut dire que le camp a été construit sur le sol polonais, mais elle insinue que ce sont également les Polonais qui en seraient les créateurs. C’est ce que rappelle dans un communiqué le Mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, dédié à la mémoire de la Shoah, que Le Monde retranscrit : « l’expression « camps de la mort polonais » est incorrecte, ces camps ayant été construits par l’Allemagne nazie en Pologne occupée. Mais Yad Vashem met en avant la dérive que laisse entrevoir la loi d’un point de vue idéologique et fait part de son inquiétude quant aux « limitations que place la loi sur les expressions relatives à la complicité de segments de la population polonaise à des crimes contre des juifs […] pendant l’Holocauste. » Car c’est bien là qu’est le problème.
Le gouvernement polonais tente à travers sa loi de revisiter l’histoire. Des Polonais comme des Français ont participé activement à l’extermination des juifs mais aussi des tziganes, des handicapés, des homosexuels, des communistes… Dans Les Échos, Dominique Moisi explique qu’« il est évident que « des » Polonais ont contribué à la persécution et à l’extermination des juifs. Dans son livre Voisins, l’historien américain d’origine polonaise Jan Gross décrit le massacre de centaines de juifs par leurs concitoyens polonais dans la ville de Jedwabne en 1941. Plus récemment, l’historien réputé Jan Gabrowsky, dans son livre « La Chasse aux juifs », va jusqu’à affirmer que près de 250 000 juifs ont été livrés aux Allemands, victimes directes de dénonciations et de chasses à l’homme ».
Alors pourquoi revisiter l’histoire ? C’est une pratique courante qu’ont les dirigeants pour permettre l’unité du peuple autour d’une nation forte. En France, Napoléon III a favorisé les recherches archéologiques sur l’époque celtique pour faire de la propagande sur « nos ancêtres les gaulois » qui ont lutté contre l’envahisseur romain et contre ses supplétifs germains. Tout cela dans le but de préparer les Français à une nouvelle guerre contre l’ennemi historique. Pour faire l’unité de la nation à la libération en 1944 et jusqu’à Chirac, la version officielle était que le Français était résistant, que Vichy n’était pas la France, que la France était dans le maquis ou à Londres. Le PiS utilise le révisionnisme pour ressouder le peuple polonais autour de la nation et du parti afin de pouvoir continuer son offensive réactionnaire dans le pays, que ce soit envers les migrants envers les médias, envers les travailleurs ou envers les femmes et également contre l’UE.
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