La mobilisation des énergéticiens contre la privatisation s’amplifie
Amorcée courant avril, la mobilisation des énergéticiens contre la dernière étape de la libéralisation du secteur de l'énergie s'ancre dans la durée. Et dans la dureté. À ce jour, près de 240 sites en France seraient à l'arrêt total ou partiel, bloqués depuis plusieurs semaines par les agents d'Enedis, GRDF et d'Engie. Explications.
Amorcée courant avril, la mobilisation des énergéticiens contre la dernière étape de la libéralisation du secteur de l'énergie s'ancre dans la durée. Et dans la dureté. À ce jour, près de 240 sites en France seraient à l'arrêt total ou partiel, bloqués depuis plusieurs semaines par les agents d'Enedis, GRDF et d'Engie. Explications.
« Nous sommes très organisés », se félicite Karim Abed, secrétaire général de la CGT Énergie Ouest Île-de-France. Et de fait, depuis deux semaines, le site Enedis de Montmagny (Val-d'Oise) est bloqué par la quasi-totalité des agents techniciens. Par roulement d'équipes, jour et nuit, les agents se relaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour faire grève seulement quatre heures par jour. Pour tenir le site dans de bonnes conditions et lutter contre la canicule, une piscine gonflable a même été installée.
Karim Abed attend l'arrivée d'un huissier. Saisi jeudi 28 juin par la direction d'Enedis, un huissier doit venir constater le blocage de l'activité et recenser nominativement les grévistes afin de permettre à l'employeur « d'engager des poursuites judiciaires individuelles contre ces salariés ». Karim Abed l'attend serein. « Rien de grave , assure-t-il, nous sommes un collectif qui exerce son droit de grève en se réappropriant l'outil de travail et qui ne pratique pas la délation : charge à la direction de prendre la mesure de notre détermination et d'ouvrir enfin un dialogue social. »
Résistance collective des « zadistes » de l'énergie
Dont acte pour les huissiers, réquisitionnés pour faire cesser la grève sur les quelque 240 sites actuellement occupés et/ou bloqués par les agents. Au Chesnay, dans les Yvelines, les « zadistes » de l'énergie – ainsi qu'ils se définissent – visités par un huissier ont refusé de se signaler nommément. Si bien que l'officier de justice n'a pu que constater l'occupation du site et d'éventuelles « dégradations de biens matériels », essentiellement des marquages au sol en forme de pochoirs énonçant des slogans revendicatifs dans le style « EDF et GDF appartiennent à la nation ».
Les jeunes à la pointe
Puteaux (Hauts-de-Seine), Magnanville, Le Chesnay, Carrières-sous-Poissy, Maurepas (Yvelines), Sannois, Montmagny (Val-d'Oise), Brétigny-sur-Orge (Essonne), Le Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), Meaux (Seine-et-Marne), Ivry (Val-de-Marne), etc. En Île-de-France, la mobilisation par le blocage a métastasé plus de 40 sites en quelques jours. Au point que les directions n'y ont plus accès. Seuls quelques journalistes triés sur le volet peuvent s'y rendre, à condition toutefois de respecter le cahier des charges fixé par la CGT : pas de photos des grévistes, pas de noms cités, sauf ceux des militants couverts par un mandat syndical ; et surtout, pas de langue de bois sur les revendications portées par les agents.
« Un journaliste d'un grand quotidien économique m'a avoué que sur ce sujet de la libéralisation totale du marché de l'énergie, il était censuré, c'est dire ce qui se joue ! Et si les usagers ne mesurent pas encore tous les enjeux, les plus jeunes des salariés, eux, en ont pleinement conscience », explique Cédric Cousin, secrétaire du syndicat CGT Énergie des Yvelines qui occupe le site Enedis/GRDF du Chesnay depuis plusieurs semaines. Ici, comme ailleurs, ce sont les plus jeunes – les moins de 30 ans – fraîchement recrutés qui mènent la fronde. Du jamais vu depuis 2000, affirment aussi bien Cédric Cousin que Karim Abed. « Ils voient bien que tout est tiré vers le bas et qu'ils n'ont plus rien à perdre. » Mauvaise pioche, donc, pour les directions d'Enedis, GRDF, Engie, qui comptaient faire désormais appel au volontariat pour assurer les astreintes, alors que cette ressource permettait d'arrondir des salaires de 1300 euros net en moyenne et de, comme on dit, « mettre du beurre dans les épinards ».
Flambée des factures
Moins médiatisées que celles des cheminots, les revendications des agents de l'énergie en sont pourtant très proches, philosophiquement. La première d'envergure nationale et d'intérêt général est celle de la défense d'un service public de l'énergie au service des usagers, et non des seuls actionnaires.
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https://www.nvo.fr/economiesocial/la-mo ... samplifie/