Littérature

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Re: Littérature

Messagede Pïérô » 11 Mai 2018, 19:47

Ils ont tué son père, et les cheminots aussi…

La littérature est souvent le reflet d’un monde qui parfois nous échappe et dont on ignore les contours. Comme si nous refusions de nommer la réalité. Le dernier ouvrage d’Edouard Louis, Qui a tué mon père, réveille notre actualité sociale bouillonnante et désigne les coupables.

Il y a parfois des vérités utiles à rappeler : « La politique est une question de vie ou de mort pour les dominés ». Et ils sont nombreux, les dominés. Les fainéants, les crasseux, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les apprentis, les Noirs, les Arabes, les Français, les chevelus, les anciens communistes, les fous, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas sur les hommes politiques. Et derrière cette liste, que l’on pourrait rallonger à l’infini – tant elle représente l’immense majorité d’un peuple déshérité, il y a le visage de ces hommes et de ces femmes au dos brisé, au souffle coupé, à l’esprit noyé. C’est l’histoire que raconte le jeune romancier et sociologue Édouard Louis.

L’histoire de vies humaines sacrifiées par les décisions politiques. Des décisions dont on oublie qu’elles portent le nom d’une ou d’un responsable : de Chirac en passant par El Khomri, Hirsh, Valls, Bertrand, Collomb, Hollande ou Sarkozy, ils ont tous contribué à tuer, à petit feu, un père. Une mère. « L’histoire de ta vie est l’histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t’abattre. L’histoire de ton corps est l’histoire de ces noms qui se sont succédé pour te détruire. L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique », écrit l’auteur, rendant ainsi le plus bel hommage que l’on peut rendre à un père. Un père si différent, qu’il a ignoré longtemps, voire méprisé un temps, mais qu’il aime tant.

Violence politique, violence physique

Pour Emmanuel Macron, « les riches n’ont pas besoin d’un Président (…), ils se débrouillent très bien tout seuls ». C’est vrai que la politique, a priori, ne change pas la vie des puissants et des dominants. A priori. C’est vrai aussi que la politique, au sens le plus noble, devrait n’exister que pour réduire la fracture, l’injustice, l’inégal traitement, par la société, des classes populaires, majoritaires partout dans le monde, face aux classes les plus aisées. C’est, a priori, ce qu’on devrait attendre des pouvoirs publics.

Que dire alors de cette politique à l’œuvre – et qui ne date pas d’il y a un an –, qui non seulement ne s’occupe pas du peuple paupérisé mais abandonne le pouvoir politique au pouvoir de l’administration et de la finance pour mieux concentrer les richesses dans les mains de quelques-un ? Et ainsi accroître, comme jamais auparavant, les inégalités. Parce que si la violence devait avoir un visage, c’est ce visage-ci qu’il faudrait éclairer. Illuminer. Dévoiler. Car il faut le voir. Le faire savoir. Parce que cette violence politique, violence symbolique de domination, cette violence sociale qui s’abat à coup d’ordonnances et de 49.3, est aussi responsable de la violence physique, de ces corps épuisés. Suicides, burn-outs, arrêts. Postures et faux-semblants disent les puissants pour justifier l’abandon des protections et la remise en cause de près d’un siècle de luttes et d’acquis sociaux, qu’ils voudraient faire passer pour des privilèges.

Ils ont tué le père d’Édouard Louis.

"Ils" portent un nom. Il faut le dire. Et le redire. Ils sont coupables. « Des assassins », affirme Edouard Louis. Ils ont tué les cheminots. Ils tueront demain les professeurs, les aides-soignants, les retraités, les sans-papiers, les ratés, les blessés. Parce que pour ces êtres de la raison, de la pensée complexe et du bon sens – celui du pragmatisme, de la dette, de la rigueur et de la saine gestion, la politique consiste d’abord à défendre ses intérêts propres. Pas celui du nombre. Ces « surnuméraires » comme le rappelle Édouard Louis, empruntant le terme au sociologue Robert Castel qui parlait aussi des « laissés pour compte ». La bourgeoisie est cette petite société, caste ou classe qui a le mieux intégré cette conscience de ce qu’elle est : une classe en soi, pour soi, par soi.

Eux, les autres, le peuple, continueront à balayer leurs trottoirs, à nettoyer leurs chiottes et à livrer leur saumon gravlax à domicile. "Se tuer à la tâche", comme le veut la formule consacrée. Le bilan de cette première année de quinquennat ne fait qu’accélérer la misère sociale. Une misère sociale qui tue. Et il faut le dire. Et le redire. Parce qu’il y a des coupables. Parce que c’est ce qui se joue en ce moment avec la bataille des cheminots, des salariés de Carrefour, des personnels de la santé, des réfugiés, ou celle encore des étudiants : leur survie. Leur vie tout court, parfois. Et c’est de cela dont il est question derrière les mots "réforme", "dette", "statut", "CDI", "service public", "usager", "précarité", "chômeurs", "asile". "Ils" l’oublient. Le plus grand nombre aussi, parfois.

Et face à cette réalité sociale poignante, glaçante, que nous livre Édouard Louis dans Qui a tué mon père, publié aux Editions du Seuil, face à l’urgence de la situation, de la politique antisociale, autoritaire et « antidémocratique », comme l’écrit la philosophe Sandra Laugier, il importe de construire une résistance solide, crédible, unie. Parce que l’absence de perspective et d’alternative tue aussi.

Pierre Jacquemain


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Re: Littérature

Messagede bipbip » 01 Sep 2018, 16:19

Roman : Philippe Huet, « Le feu aux poudres »

Troisième et dernier roman de sa trilogie sur les luttes ouvrières du Havre, Philippe Huet nous plonge cette fois dans l’ambiance électrique qui précède l’explosion sociale de 1936.

On retrouve à nouveau le journaliste Louis Albert Fournier ainsi que l’écrivain Céline déjà croisé auparavant lorsqu’il était médecin sous le nom de Louis-Ferdinand Destouches. Mais c’est aussi le métallo enragé de 1922, Victor Bailleuil, qu’on retrouve dans Le Feu aux poudres. Il est désormais employé chez Bréguet, grande entreprise d’aviation, tenue d’une main de fer par la ligue nationaliste des Croix de feu. Il ne se passera jamais rien chez Bréguet, disait-on, pas de tradition de luttes, trop de répression patronale... Et pourtant, clandestinement, la CGT réunifiée a ses infiltré.es dans l’entreprise et travaille patiemment à l’organisation de la lutte. Alors que la direction décide de licencier deux ouvriers qui ont participé au 1er Mai, la grève se déclenche en solidarité et prend un tournant particulier lorsque qu’il est décidé d’occuper l’usine ! En particulier l’atelier de confection du Bréguet 730, prototype d’hydravion, bijou de l’entreprise.

Comme pour les deux précédents romans, difficile de faire la différence entre l’historique et le fictif tant l’auteur s’inspire des faits et personnages de l’époque. Ainsi, Huet a par exemple calqué le personnage de René Haudouin dans le roman sur celui de Louis Eudier, secrétaire du syndicat CGT des métaux du Havre en 1936 et futur déporté. C’est lui qui proposera aux ouvriers de Bréguet l’idée de l’occupation et c’est bien cette usine qui lancera ainsi le 11 mai le ton inédit du mouvement de grève de 1936.

Pour finir cette trilogie, l’écrivain semble prendre le temps de développer plus en profondeur les histoires personnelles de ses héros, histoires d’amour entre autres. La lutte ouvrière et syndicale est moins au premier plan que dans Les Quais de la colère et Les Émeutiers (voir AL de janvier 2018). Elle reste néanmoins l’ossature du récit et le lien qui unit l’ensemble des personnages. Toujours également, Le Havre en toile de fond, ses bistrots, son port, ses quartiers ouvriers… Du grand Huet à nouveau donc, pour clore cette superbe trilogie historique, instructive et explosive. À lire absolument !

Benjamin (AL Nantes)

Le Feu aux poudres, Philippe Huet. Éditions Rivages. 352 pages. 20 euros.


https://www.alternativelibertaire.org/? ... ux-poudres
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Re: Littérature

Messagede bipbip » 20 Sep 2018, 20:34

Joseph Andras : Kanaky est « autant une biographie intemporelle qu’un geste politique » (Le grand entretien)

Il arrive en retard. Et s’excuse deux ou trois fois : « Je déteste les retards, vraiment désolé. » Des hommes boivent des verres au comptoir et lisent la presse du jour ; il s’assied à notre table. Son premier roman, De nos frères blessés, nous conduisit à Alger et au bord de la Marne, ressuscitant une figure oubliée de la guerre d’Algérie : Fernand Iveton, ouvrier pied-noir et communiste guillotiné par le pouvoir français pour avoir posé une bombe, dans un local vide, qui jamais ne sauta.

Un sillon qu’il semble vouloir creuser, avec Kanaky, son troisième ouvrage : une enquête biographique qui sortira le 5 septembre et nous conduit en Nouvelle-Calédonie et dans le Larzac. L’auteur plonge dans le passé d’un indépendantiste kanak inconnu en France « métropolitaine » : Alphonse Dianou. Militant non-violent et amateur de musique, l’homme se destinait à être prêtre : il mourut pourtant des suites d’une prise d’otages, visant des militaires, dont il fut le chef d’orchestre en 1987.

Nous ne manquons pas de le relever au fil de cette discussion de près de deux heures : Joseph Andras dit rarement « oui » – spontanément, il répond par la contradiction. Le cuir s’assouplit au fil de l’échange : la froideur, première et présente, se dissipe parfois. Son regard, dur, peut en quelques secondes se changer en un franc sourire. Écrire est pour lui un geste d’artisan. Et quand la poésie l’anime, c’est sur le béton d’un port, celui du Havre, qui hante son précédent livre, S’il ne restait qu’un chien. Avec Andras, rien n’échappe, viscéralement, à la politique.

... https://diacritik.com/2018/09/03/joseph ... n/#new_tab
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Re: Littérature

Messagede bipbip » 02 Nov 2018, 20:57

À propos de "Retour à Kobané" de Jean Michel Morel

Détermination Kurde. De Villepinte à Kobané

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Novembre 2015. Il neige sur la maison d’arrêt de Villepinte. Tout est glauque à Villepinte. Les locaux trop petits, vétustes. Les gardiens mal dans leur peau. Et les prisonniers regroupés en clans : les Corses mafieux, les Arabes radicalisés, les Gitans évangélistes, les Kosovars islamistes, des fascistes turcs, les Loups-Gris… Toute une faune où les malins manipulent les brutes, les forts écrasent les faibles, les riches achètent les pauvres. Il en est qui ne s’affilient pas. Cela ne facilite pas leur vie et n’est pas toujours tenable. Parmi eux, dans une cellule, un Américain tombé pour une histoire de drogue, un Kurde pour l’élimination d’agents des services secrets turcs. Deux petits innocents, le premier distribuait gracieusement de l’herbe dans une soirée, le deuxième était là par hasard. Sans jamais se dévoiler, ils finiront par lier une solide amitié, ce qui ne sera pas superflu pour survivre dans ce monde de violences et de combines. S’en échapper.

L’auteur de Retour à Kobané, Jean Michel Morel, raconte bien la prison et la vie qu’on y mène. Collaborateur à la revue de géopolitique Orient XXI [1], il connaît bien aussi les Kurdes. Le lecteur comprend vite que son personnage principal, Erwan Badrakhan, un bourru à moustache, est un homme important du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Un homme entier, image de la détermination kurde qui fait penser à Riza Altun bien que celui-ci n’ait fait qu’un court séjour en prison en France où il est arrivé en 2000, après treize ans passés dans les geôles turques. Altun entretenait de bonnes relations avec le contre-espionnage français, un échange de bonnes informations, jusqu’au jour de 2007 où il est arrêté, avec d’autres, pour extorsion de fonds, en clair, collecte de l’impôt révolutionnaire dans la diaspora. Les Turcs le récupèreraient volontiers, les Français qui ne leur doivent rien, se font un plaisir de l’exfiltrer vers les maquis des monts du Qandil [2]. Il y est toujours comme responsable des relations extérieures du PKK. Hier encore, il faisait une déclaration de politique générale reprise par l’agence ANF News [3]. L’Américain, Leyland Baxter, jeune professeur du Montana, n’est pas politisé. Mais il a des principes inculqués par ses parents, anciens activistes des Weathermen, et son grand-père qui a fait la guerre d’Espagne dans la Brigade Abraham-Lincoln. Ensemble, le militant endurci et le naïf décident de se faire la belle. Le premier parce qu’il n’y tient plus de rejoindre la révolution en Syrie. Le second parce que sans le premier, il va se faire trucider par les intégristes.

C’est une extraordinaire évasion politique que nous raconte Jean Michel Morel. Si les Français ne devaient rien aux Turcs, il n’en est pas de même des Américains. Pour préserver de sombres intérêts, le département d’État promet au proto-dictateur Erdoğan de lui livrer Erwan Badrakhan. Pour ce faire, la CIA ne mégotte pas sur les moyens. L’Américain, soumis à un minable chantage, devient leur informateur. Des gardiens sont soudoyés pour faciliter l’évasion du Kurde. Les groupes ethniques et religieux s’entredéchirent violemment sans qu’on sache qui est qui, et qui agit pour qui. Le chef des Corses se révèlera moins pourri qu’il n’y paraissait, encore que… Toujours est-il que rien ne se passera comme l’avait prévu la CIA. Le titre du livre nous donne l’épilogue. Un bon roman qui ferait un bon film policier.

Pour s’y retrouver dans toutes ces embrouilles, un exposé clair s’imposait. Avec Jean Michel Morel le lecteur ne s’y perd jamais grâce aux allers et retours, au fil des chapitres, entre Villepinte et Washington. Le roman est ponctué de précisions sur le projet politique du PKK, le confédéralisme démocratique et l’état d’esprit qui, aujourd’hui, anime ses militants. Il donne envie d’en savoir plus sur l’expérience socialiste qui se passe là-bas, dans le petit Rojava, menacé par Assad, plus encore par les Turcs, trahi par les Russes, avec pour seuls alliés des Américains, pas plus sûrs que ne le furent les Russes.

Pierre Bance

Jean Michel Morel, Retour à Kobané, Joigny (Suisse), Éditions A-Eurysthée, 2018, 206 pages. Disponible auprès de l’éditeur en version électronique (10 €) ou papier (18 € + 7 € de frais de port) (http://www.a-eurysthee.com/id52.htm).


[1] Orient XXI (https://orientxxi.info/)

[2] Florence Aubenas et Guillaume Perrier, « Tourments au “Petit Kurdistan” », Le Monde, 12 février 2013. Informations confirmées par André Métayer, ancien président des Amitiés kurdes de Bretagne, le 26 novembre 2017 (http://www.akb.bzh/spip.php?article1253).

[3] ANF News, 24 octobre 2018 (https://anfenglishmobile.com/features/k ... unity-3035).


http://www.autrefutur.net/A-propos-de-R ... chel-Morel
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Re: Littérature

Messagede bipbip » 21 Jan 2019, 16:09

L’Histoire, la Commune, le roman, le présent : “Les Gilets jaunes représentent un espoir : le retour du collectif”

Des communards aux Gilets jaunes... L’écrivain Hervé Le Corre situe son dernier roman, “Dans l’ombre du brasier”, dans le cadre de l’insurrection parisienne de 1871. Une révolution perdue d’avance, qui n’empêche pas de mener avec espoir les combats d’aujourd’hui.

Hervé Le Corre, l’une des toutes premières plumes du polar français contemporain, situe son nouvel opus dans le chaos des derniers jours de la Commune de Paris, en mai 1871. Roman noir et rouge, Dans l’ombre du brasier dit avec une singulière puissance les espoirs révolutionnaires des communards, l’idéal joyeux d’une société plus démocratique, plus égalitaire, tout autant que la conscience aiguë de la défaite inéluctable, qui se terminera, on le sait, par la barbarie de la « semaine sanglante ». Eminemment politique, profondément mélancolique, ce livre paraît au moment où le mouvement des Gilets jaunes vient faire écho aux interrogations et aux contradictions qui le traversent. Aujourd’hui sexagénaire, Hervé Le Corre, qui fut pendant trente-huit ans professeur de lettres dans des collèges bordelais, n’a rien de l’écrivain replié dans sa tour d’ivoire. Pour lui, la littérature est de plain-pied dans le brasier du monde...

... http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article47546
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Re: Littérature

Messagede manulemalin » 09 Mai 2019, 14:06

L'art de la Guerre - Sun Tzu
L’Art de la Guerre est considéré comme l’un des meilleurs livres de stratégie militaire, bien qu’il date d’une période très éloignée.

https://www.dropt.org/suntzu-art-de-la-guerre.pdf
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