1968, et l’après-68

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Messagede bipbip » 24 Juin 2018, 18:47

Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Florence Prudhomme

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 24 Juin 2018, 19:06

Icônes de Mai 68
Les images ont une histoire

Image

Présentation du catalogue d'exposition en présence de Dominique Versavel (conservatrice au département des Estampes et de la photographie, BnF) et d'Audrey Leblanc (docteure en histoire et civilisations (Ehess), Université Lille 3) commissaires de l'exposition et coordinatrices du catalogue // dès 20h dans la librairie (23 rue Voltaire Paris XIe, m° Rue des Boulets ou Nation).

L'exposition se déroule du 17 avril 2018 au 26 août 2018 à la Galerie 1 du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France.
détails ici : http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/an

Sous la direction de Dominique Versavel et d'Audrey Leblanc

Présentant des photographies de Mai 68, notamment celles de Gilles Caron et de Jean-Pierre Rey, cet ouvrage montre comment leur utilisation par la presse, puis les commémorations successives ont fixé dans la mémoire collective une représentation des événements divergente des faits.
Avec les contributions de Ludivine Bantigny, André Gunthert, Guillaume Blanc et Jean-Claude Lemagny.

http://www.librairie-quilombo.org/icones-de-mai-68
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 25 Juin 2018, 10:52

Demain Le Grand Soir
L’émission du 20 juin 2018 sur mai/juin 1968
Avec Gisèle Moulié
ex militante CFDT au centre des chèques postaux de Paris en 1968

à écouter : http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1884
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Messagede bipbip » 01 Juil 2018, 19:49

Mai 68 n'a pas duré qu'un mois - Claire Auzias

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Messagede Pïérô » 03 Juil 2018, 22:21

25 avril 68: le mouvement prend son envol à Toulouse

Le mouvement du 25 avril nait à Toulouse dans la foulée d'une AG étudiante accueillant des camarades du 22 mars de Nanterre, dont Daniel Bensaid, suivie par une manif balayant une attaque des fascistes d'Occident.

Le 23 avril les étudiants toulousains — déjà mobilisés comme ailleurs sur le Vietnam — manifestent en solidarité avec Rudi Dutschke victime d’un attentat le 11 avril. Deux jours plus tard, ils tiennent une AG d’environ 400 étudiants dans la faculté des Lettres, avec la participation de Daniel Bensaïd (ci-contre), toulousain et membre du mouvement du 22 mars créé un mois plus tôt à Nanterre. Les fascistes bombardent l’amphi de pierres et bombes lacrymogènes. Voici ce qu’en dit Daniel Bensaid: « De passage à Toulouse, nous avons harangué un amphi bondé de la faculté Albert-Lautman (du nom du grand logicien – tonton d’Alain Krivine – exécuté par les nazis), en relatant par le menu l’épopée nanterroise. Remonté à bloc, l’auditoire partit en manif, balayant au passage un groupe d’Occident (où figurait sans doute Bernard Antony, le futur « Romain Marie » du Front national). Petit frère du « 22 mars », le Mouvement du 25 avril était né».

Antoine Artous, un des responsables de la JCR et animateur du Mouvement du 25 Avril, donne des précisions dont voici un extrait: "Le Mouvement du 25 avril avait comme base arrière la Fac de Lettres, implantée alors en plein centre ville, près de la Bourse du travail et de la Mairie. Ce mouvement représentait un peu le « mouvement étudiant » à Toulouse, depuis la Fac de Lettres occupée. Il polarisait de nombreux non-étudiants ; organisait des liaisons avec les paysans (CLEOP : comité de liaison étudiants ouvriers paysans) et avait des relations avec les autres mouvements (essentiellement lycéens des villes de la région). Le mouvement de la fac de sciences (plus excentré et moins actif centralement) était organisé à travers un comité de grève ; idem pour la Fac de Médicine. Outre des JCR, on retrouvait dans le Mouvement du 25 avril quelques militants des ESU et de la CNT Espagnole, qui disposait d’un local à la Bourse du travail, a côté de la CGT… Les rapports étaient bons. C’est par la suite que les choses vont se compliquer avec des militants anarchistes qui vont, un peu plus tard, se lancer dans Action directe."

Le 30 avril, ont lieu les 6 heures pour le Vietnam. Le 3 mai une AG étudiante défend le concept d’université critique et donc le droit de porter le débat politique à l’intérieur des cours. Puis le mouvement réagit avec vigueur aux affrontements de début Mai à Paris. C’est sans doute pour une large part un héritage des émigrés de la guerre d’Espagne et de l’anarcho-syndicalisme.

... https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/ ... l-toulouse
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Messagede Pïérô » 03 Juil 2018, 22:35

29 avril 68: Shadocks contre Gibis

Le 29 avril 68 naissent les Shadocks, série animée au surréalisme qui choquera bien des bourgeois. Ils ne savaient pas ce qui les attendait...Prochain article: "30 avril: serrez vos ceintures".

C’est le début de la diffusion de la série animée, Les Shadoks, sur la deuxième chaîne de l'ORTF, à 20h30.

A gauche du ciel, la planète Shadok, à droite du ciel, la planète des ennemis, les Gibis. Au centre la Terre qu’ils se disputent. Le dessin animé de Jacques Rouxel, avec ses volatiles absurdes, un peu LSD, est né sous la bonne étoile: deux jours avant le 1er mai 68. Il va diviser les français entre ceux qui aiment et ceux qui détestent, presque autant que le mouvement et la grève générale qui approchent.

Les Shadocks deviennent vite fameux pour leur représentation minimaliste et surtout leurs proverbes absurdes, par exemple:

-« Je pompe donc je suis »,

- « c'est en essayant continuellement que l'on finit par réussir, en d'autres termes, plus ça rate et plus on a de chance que ça marche ».

Mais il sont parfois lucides. Extraits:

- "pour qu'il y ait le moins de mécontents possible il faut toujours taper sur les mêmes » ou

- "il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que sa connerie sur des choses intelligentes."

Et ils ont élargi l'audience de l'ORTF...A la question : "A qui plaisent les Shadoks ?". Jean Yanne répond en lisant des extraits de courriers des téléspectateurs qui expliquent que leurs chats et chiens sont de grands fans du programme !

Voici la Saison 1- Episode 1 et 2

... https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/ ... ntre-gibis
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 05 Juil 2018, 19:08

Les communistes libertaires des années 1968

La révolte de Mai 68 se nourrit de pensées libertaires. La contestation remet en cause toutes les formes d'autorité et aspire à bouleverser tous les aspects du quotidien.

L’histoire de Mai 68 donne la part belle aux sectes gauchistes, trotskistes ou maoïstes. En revanche, la composante libertaire du mouvement reste occultée. Les anarchistes hétérodoxes, les communistes de conseils, les communistes libertaires et les situationnistes ont pourtant marqué cette révolte spontanée. Ensuite, Mai 68 ne se cantonne pas au quartier latin. Ce mouvement s’est également révélé explosif dans des villes comme Lyon, Bordeaux ou Nantes. Lola Miesseroff a connu cette période et propose un récit nourrit de nombreux témoignages dans son Voyage en outre-gauche.

Le modèle fordiste des Trente glorieuses s’essouffle. Les ouvriers refusent la misère de leur vie quotidienne. Avant 1968, de nombreuses grèves éclatent. « Les jeunes ouvriers se font remarquer par leur agressivité. Ils cassent des vitrines, brûlent des bidons de fuel, utilisent des frondes et des billes d’acier », décrit Bruno Astarian. La jeunesse rejette l’étouffoir du conformisme et de l’ordre moral. La musique et la contre-culture traduisent des aspirations de liberté. Une critique de la vie quotidienne émerge pour dénoncer la répression sexuelle et le rapport hiérarchique avec les profs.

La critique de l’URSS apparaît comme le marqueur de l’outre-gauche. Cornélius Castoriadis et la revue Socialisme ou barbarie attaquent le capitalisme bureaucratique de l’URSS. Ils critiquent également le modèle marxiste-léniniste. Le Parti communiste apparaît comme un encadrement autoritaire qui abandonne toute perspective révolutionnaire. L’outre-gauche critique le colonialisme mais se méfie des luttes de libération nationale, dirigées par un parti stalinien pour imposer un nouvel Etat. Ces mouvements inter-classistes permettent la promotion d’une nouvelle bourgeoisie nationale. L’outre-gauche s’oppose aux organisations structurées qui se vivent comme des avant-gardes pour contrôler les luttes et encadrer la classe ouvrière. Au contraire, c’est la spontanéité, l’auto-organisation et l’autonomie des luttes qui est valorisée.

Origines intellectuelles et politiques de Mai 68

La politisation passe par des rencontres et des lectures. Daniel Guérin, et son livre L’anarchisme, reste une référence incontournable. Voline propose une critique de la révolution russe. Le mouvement Dada exprime une révolte créative. Wilhelm Reich attaque la répression sexuelle imposée par le capitalisme. Les analyses de la revue Socialisme ou barbarie deviennent le carrefour de l’outre-gauche. Les situationnistes relient ces diverses références. La brochure De la misère en milieu étudiant fait écho à la vie quotidienne de toute une jeunesse. Les textes de Raoul Vaneigem insistent sur la subjectivité radicale.

L’outre-gauche s’oppose à la vieille Fédération anarchiste qui rejette la lutte des classes. Elle s’oppose également aux partis gauchistes qui tentent de recruter et de porter la bonne parole aux ouvriers. Ils veulent faire la révolution pour prendre le pouvoir. Les militants gauchistes incarnent le puritanisme, avec une attitude rigoriste et sacrificielle.

A Strasbourg, des libertaires parviennent à prendre le contrôle de l’Unef locale, le syndicat étudiant. Il ne s’agit pas de prendre le contrôle d’une structure, mais au contraire d’en profiter pour mieux ridiculiser la bureaucratie syndicale. En 1966, ces libertaires utilisent les moyens de cette organisation pour diffuser Le retour de la colonne Durruti, un détournement de bande dessinée. En 1967, ils diffusent la brochure De la misère en milieu étudiant qui critique le conformisme de la jeunesse pour mieux l’inviter à rejoindre le prolétariat dans la lutte des classes.

A Nantes, il existe une tradition de lutte ouvrière, notamment liée à la proximité avec le chantier naval de Saint-Nazaire. Les libertaires critiquent également le syndicalisme et l’Université. Mais, lorsqu’ils prennent le contrôle de l’Unef, ils mènent des luttes pour les bourses, les cités universitaires et la sécurité sociale. Ils dialoguent également avec les syndicats de travailleurs. Pourtant, ils tentent toujours de déborder le cadre syndical. Une manifestation ouvrière débouche même vers l’attaque de la préfecture. Nantes devient un berceau de la contestation, avec la grève à Sud-Aviation. Une véritable jonction entre étudiants et ouvriers est créée.

Bordeaux abrite davantage la contre-culture et la libération sexuelle. Les films de Pierre Molinier sont projetés. Les Vandalistes distribuent le tract « Crève salope » qui attaque toutes les autorités. Des ouvriers et des voyous de banlieues rencontrent les Vandalistes en 1968. Mais ce groupe privilégie l’action culturelle et la perturbation événements, plutôt que l’action directe et la lutte des classes.

Au cœur de la révolte

Les Comités d’action lycéens (CAL) sont contrôlés par les trotskistes de la JCR. Mais des jeunes libertaires forment une tendance révolutionnaire qui refuse de collaborer aux commissions pour réformer le lycée. Ils valorisent l’action et les occupations. A la faculté de Nanterre, les Enragés perturbent les cours, distribuent des tracts et collent des affiches. Ils impulsent l’agitation politique. Le 22 mars, ils occupent le bureau de la direction de la fac. Ils sont également à l’origine de nombreux slogans des graffitis de Mai 68. Ils occupent ensuite la Sorbonne avec les situationnistes avant de créer le Comité pour le maintien des occupations (CMDO). Ils tentent de créer du lien entre les travailleurs isolés et les grévistes.

La rue et l’affrontement avec la police permettent aux jeunes prolétaires de se rassembler. Les manifs sauvages permettent de sortir de l’encadrement des syndicats et des gauchistes. Mais seules les luttes du prolétariat dans les lieux de production peuvent déclencher une révolution. Les libertaires refusent d’intervenir dans les entreprises pour servir leur propagande. Ils incitent plutôt les travailleurs à s’exprimer par eux-mêmes. Henri Simon tente de partir des problèmes concrets pour ensuite déclencher une grève. Néanmoins, beaucoup de grévistes restent chez eux. Ils délèguent la lutte aux syndicalistes et ne participent aux comités d’action qui organisent le mouvement. Les conflits les plus importants surgissent au moment de la reprise du travail. Les pratiques d’auto-organisation ne se généralisent pas.

Les travailleurs et les étudiants ne luttent pas ensemble. Le syndicat de la CGT empêche que des liaisons se créent. Les revendications catégorielles priment sur les perspectives interprofessionnelles. Le Comité d’action de Censier apparaît comme une expérience unique. Travailleurs et étudiants luttent ensemble. Ils préparent des actions, des tracts et des manifs. La fac est occupée. Un comité de coordination se forme pour éviter la délégation de pouvoir. L’influence du communisme de conseils apporte une armature politique. Le comité distribue des tracts dans les usines, les métros, les gares, les grands magasins pour appeler à la création de comités d’action autonomes sur les lieux de travail.

... http://www.zones-subversives.com/2018/0 ... -1968.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 05 Juil 2018, 20:54

Tombeau pour Boris… et les autres

Aux suicidés de l’après-Mai 68.

À l’origine, il y eut un printemps d’anthologie où naquit notre attrait pour une certaine configuration de l’esprit où l’extrême avait sa place. Il me reste de ce temps camarade le regard de Boris quand, dans la nuit fraternelle, nos barricades dessinaient le désordre et le refuge que nous cherchions. Son regard, c’était la brillance d’avant l’incendie, celle qui monte dans l’incertain d’un instant suspendu où tout semble dangereusement et merveilleusement possible.

C’est l’un de ces soirs, du côté de la parisienne rue Gay-Lussac, que je le remarquais affairé à construire une hypothétique ligne de défense. Alors que je peinais dans l’exercice du dépavage et tentais de reprendre mon souffle, il me lança pour la première fois, sans volonté de reproche mais fermement, cette réplique qu’il affectionnait entre toutes : « Il sera toujours temps de ne rien faire, l’ami. » Elle avait valeur prédictive. La nuit, qui dura trois semaines, fut d’apothéose et les petits matins de belle fatigue.

Nous sentîmes que la fête arrivait à son terme quand le temps redevint linéaire. Comme avant cette parenthèse bouleversante d’incandescence.

C’est dans la défaite qu’il faut tenir, avaient coutume de dire les vieux révolutionnaires. Et ils tenaient, parfois depuis longtemps, on ne sait comment. Par une sorte d’inclination mystique probablement, qui ne contrariait en rien leur sûr matérialisme. Au long de nos mêlées nocturnes, nous en avions connu trois de ces vieux copains, abîmés par l’existence mais toujours vaillants. Dans le bleu des nuits de ce printemps, ils s’improvisèrent contrôleurs de barricades. Jamais contents : « Pas bon ça, bordel, y’à des trous partout. » Antonio, l’Espingouin anarchiste ; Moshe, le bundiste à la tronche si triste que le moindre de ses sourires nous soulevait l’âme ; Khateb, le messaliste revenu d’a peu près tout, sauf de l’idée, essentielle, que rien n’était perdu d’avance qui s’entreprenait avec ardeur. Ils devinrent nos pères, ces trois-là, nos pères choisis. Eux, ils renouaient avec leurs histoires qui, pour diverses qu’elles fussent, n’en faisaient qu’une : celle des vaincus. Auprès d’eux, Boris avait la cote. Les vieux copains lui marquaient leur préférence. Ils l’avaient mesuré à leur aune – la disponibilité combattante –, la seule qui comptait à leurs yeux. Et en cette matière, jamais à court d’idées et toujours bondissant, le Boris brillait de tous ses feux.

Il fallut du temps, celui que nous accordaient les circonstances, pour que, au reflux de la grande marée, nous en apprenions davantage l’un sur l’autre. La complicité était née d’un partage. À pas même vingt ans, nourris de quelques convictions libertaires stylisés situationnistes, nous devînmes, dans l’après, compagnons d’errance, de déconne et d’aventures.

Notre vie fut dérivante, comme pour partie de cette génération-là. Les détails importent peu. Disons que tout fut entrepris qui pouvait l’être. Sans tri, à la seule faveur de nos inspirations et des rages du moment. Pour beaucoup d’entre nous, Mai n’était que le prélude à de plus vastes manœuvres. Boris, lui, s’en montrait sûr. Il fallait simplement pousser, disait-il, être de tous les coups, apprendre en marchant, se muscler l’esprit, profiter des occasions, n’en perdre aucune. Les historiens ne comprennent rien à ce temps parce qu’ils ignorent les rêves existentiels qui le hantèrent, les passions qui l’habitèrent, la folie positivement contagieuse qui s’empara d’une jeunesse entrée dans la danse à l’heure où tout semblait possible. Non pour débuter dans la vie – quelle horreur ! –, mais pour rendre la vie infiniment désirable.

« Il sera toujours temps de ne rien faire », répétait Boris, en cette époque acharnée où nos aspirations ne nous laissaient pas souffler un instant. Le répit, pas question. Il nous fallait arpenter les sentiers escarpés de nos intuitions premières. Les bonnes, forcément, puisque c’était les nôtres. Au fond, nous étions faits pour la fulgurance poétique et les nuits sans sommeil. Pour l’amour aussi, ce qui revenait au même quand, entre Contrescarpe et Saint-Médard, nous croisions, superbe de noire prestance si possible, quelque Nadja errante de la Mouff. Ce temps permettait les rencontres, et elles étaient libres. Comme le choix, pour l’inconnue, de finir ou pas la nuit avec l’un ou avec l’autre. Je dois dire que c’était plus souvent avec lui qu’avec moi. En amour, nous n’étions pas très collectivistes. Au matin tardif, nos perceptions devenaient obliques, mais elles n’entamèrent jamais nos serments, qui étaient d’amitié.

Nous pouvions faire peur, j’en suis convaincu, y compris aux plus estimables de nos pères, ces vieux copains de Gay-Lussac, qui, lorsque nous leur rendions visite, tentaient vainement de doucher nos passions, nos enthousiasmes, nos délires. « La défaite est sans limites – disaient-ils en gros, chacun avec leurs mots et leur accent –, et on la paiera longtemps. » Ils avaient l’histoire pour eux, mais elle ne faisait pas preuve pour nous. Parce que, de l’admettre, nous qui voulions vivre l’émotion d’une infinie révolte, nous aurions été inconsolables. « Il sera toujours temps de ne rien faire », concluait péremptoirement Boris en saluant fraternellement la vieille garde, qui n’en pensait pas moins.

L’après-Mai fut suffisamment exaltant pour nous maintenir à l’abri de leurs prudences. Nous vivions, eux et nous, dans deux mondes séparés. Le leur incitait au repli ; le nôtre à l’envol et à la partance. Avec, partout, des étapes conniventes, des projets en jachère, des coups en gestation, des êtres à aimer, du vin à boire et des chansons à chanter. Ce monde, bien sûr, avait tout du mirage puisqu’il n’était que le nôtre et qu’il ne pouvait être que cela, mais il nous allait bien. En attendant mieux, car nous cherchions autre chose, c’est sûr, qu’une famille d’adoption aux allures de tribu.

Une année durant, la tribu diffuse dont nous étions, vécut d’hypothèses – enivrantes, savantes ou navrantes – vérifiées ou infirmées par quelques actions intrépides que l’histoire n’a pas retenues. En règle générale, nous attendions toujours la suite comme on guette l’orage aux heures de canicule, mais nous ne faisions pas que cela. Nous étions des messianiques actifs chevauchant nos Rossinantes de fortune dans un permanent souci d’autonomie. Indifférents aux raisonnables à costards de velours, aux castors de l’avant-garde prolétarienne « en construction », aux littérateurs ès-révolution déjà ralliés au spectacle éditorial, aux engagés encagés du gauchisme culturel, nous ne nous connaissions d’autres limites que les nôtres, qui étaient nombreuses mais par nous-mêmes identifiables. En principe, du moins…

… Car vint l’heure où, subrepticement, tout bascula dans le doute sans fin.

Il faudrait s’arrêter sur ce moment où gagne la fatigue, où s’espacent les rangs, où s’insinue l’idée de l’inutile, où l’emporte la perspective retrouvée du pré-carré et du quant-à-soi. La défaite fut là, précisément là, dans ce détissage progressif des liens qui nous avaient permis de nous inventer un après-Mai possible dont le seul avantage fut sans doute de maintenir vivant le rêve. Sans rien trahir des folles espérances d’un printemps foudroyant.

L’heure était venue d’y renoncer.

Boris ne se rendit pas à l’évidence. Il chercha d’autres terrains, d’autres amis pour tenter d’autres expériences. Je perdis sa trace jusqu’à recevoir, en décembre 1969, un signe de lui, transmis par une femme inconnue qui m’informait de son suicide. Le mot, écrit de la main de Boris sur un bristol bleu, venait d’Italie. Il était sobre : « Pour moi, compagnon, le temps est venu, enfin, de ne rien faire. »

D’ici, ce soir, je pense à toi, l’ami, et à travers toi aux enfants perdus de cet après-Mai qui vécurent jusqu’au bout, sur une courte unité de temps, leurs aventures incomplètes. Dans le tintamarre de la fausse parole de ce printemps du cinquantenaire s’impose le contretemps mémoriel. Ces suicidés de l’après-fête, qui furent si nombreux que personne n’ose les compter, demeurent sans doute le meilleur de nous-mêmes : cet irréconciliable de la verte jeunesse que ne dilue pas le temps des renoncements.

Jean-Max CLARENCE


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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 09 Juil 2018, 13:34

Mai 1968 à Peugeot Sochaux

Véronique Bourquin-Valzer nous a fait parvenir ce récit de mai 68 à l’usine de Peugeot-Sochaux (Doubs). Deux morts et 150 blessés dans les affrontements très violents avec les CRS. CGT et CFDT mènent l’action. Et plus bas, une interview et un portrait de Bruno Lemerle, délégué CGT de Peugeot entre 1979 à 2016, qui a participé à raconter une histoire du mai 68 à Peugeot, sous la forme d’une fiction dont les chapitres ont été diffusés en feuilletons à l’usine.

Peugeot-Sochaux en mai – juin 68

L’usine principale de l’Enclave


Peugeot-Sochaux en 1968, c’est 27 743 salariés, une des plus grandes usines de France, elle ne le deviendra stricto-sensu que plus tard : 39 103 en 1978 ! C’est l’usine-phare du groupe Peugeot dans le pays de Montbéliard, bastion industriel où les ouvriers représentent 46% de la population active contre 27% en France. L‘ ouvrage de JP Goux «Mémoires de l’Enclave » (éditions Mazarine-1986) a bien montré à quel point l’agglomération montbéliardaise vit en symbiose avec ses usines, croît en même temps qu’elles, avec notamment la naissance des nouveaux quartiers à la périphérie des villes, à partir de la fin des années 50. Ici, tout est Peugeot : on fait ses courses au Ravi, on obtient un logement par Peugeot, on va vibrer au stade Bonal pour une équipe de foot « Peugeot », etc… Etre ouvrier à Sochaux, c’est, au temps des « Trente Glorieuses » finissantes, la garantie d’un meilleur salaire que dans les « boites » alentour, la fierté de faire corps avec « la ville-usine » et de produire des « autos » (68, c’est l’époque de la 204, bientôt la 504).Autres caractéristiques des ouvriers de Sochaux : ils ne sont des ouvrières que de façon très minoritaire(7 %)et la présence d’ouvriers ne deviendra massive que dans les années 70(1968 : 2029 ouvriers-1978 :4613). Les ouvriers sont majoritairement des jeunes(en 1967 53% ont moins de 30 ans), ce sont des OS à 70% c’est-à-dire des ouvriers spécialisés peu qualifiés travaillant sur la chaine selon le modèle de production fordiste.

Mai-juin 68 à Sochaux s’annonçait depuis une décennie

De même que le « mai-juin 68 national » est précédé de signes annonciateurs tant au plan international qu’hexagonal, le mouvement de 68 à Sochaux n’intervient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu. Il est précédé de grèves en 1961,1963 mais surtout en 1965 : un mouvement de 2 mois, avec des débrayages de 1 à 2h par jour, dont les 2 revendications principales sont l’augmentation des salaires (20 francs de l’heure) et le retour aux 40 heures. La grève, très unitaire, se solde par un échec et de nombreux licenciements. Le souvenir de ce combat long et difficile, qui se conclut par une défaite et une humiliation est encore très présent en 1968. Ces conflits d’un type nouveau marque la fin de la période « contractuelle », qui caractérise la fin des années 50, durant laquelle Peugeot, dans une politique à la fois paternaliste et autoritaire négocie des accords, en faisant tout pour marginaliser les syndicats contestataires. En tout cas, « incontestablement, l’esprit Peugeot, ce sentiment d’appartenance, même conflictuel à une communauté, est profondément fissuré » (Nicolas Hatzfeld, Mémoire de maitrise Université Paris VIII juin 85).

20 mai : c’est parti !

Le démarrage de la grève en 68 n’est ni précoce, ni tardif. Il intervient après la journée de grève du 13 mai, initiée par la CGT, en solidarité avec les étudiants violemment réprimés. C’est le point de départ du mai ouvrier, suivi de grèves décidées à Sud Aviation dès le 14 ou à Renault Billancourt et Berliet, le 16. A Sochaux la grève s’annonce et se prépare: les 16 et le 17, dans certains secteurs de l’usine, des délégations portent des revendications à leurs directions. Le 17, suite à une réunion de CE, un tract CGT-CFDT avertit : « Travailleurs, tenez-vous prêts ». Le lundi 20, la vague gréviste submerge le pays de Montbéliard, dans l’industrie et les services publics. A Peugeot Sochaux la grève avec occupation est votée à mains levées, le drapeau rouge est hissé en haut du building (siège des bureaux centraux), manifestation hautement symbolique de l’appropriation de l’espace-usine par les travailleurs. L’impulsion est nettement le fait des syndicats (CGT très majoritaire environ 60% des voix aux élections de délégués- CFDT : le tiers -FO : 6%). Ceux-ci forment un Comité central de grève (CCG), composé de 12 membres désignés par la CGT et la CFDT et qui fonctionnera durant le conflit comme l’instance dirigeante, décisionnelle et négociatrice. Parallèlement, un comité de grève se forme par secteur de l’usine, qui gère surtout les questions pratiques liées à l’occupation : piquets de grève, entretien des machines, ravitaillement, équipes qui vont dans les usines du coin, pour les faire débrayer… Chaque jour un meeting d’information a lieu, une AG d’occupation se tient, bientôt baptisée « le forum », où la situation nationale et locale est débattue Chacun peut y prendre la parole. À côté de celles des syndicalistes, se font entendre d’autres voix, parfois plus radicales, comme celle des porte-paroles de Voix ouvrière, ancêtre de Lutte Ouvrière, qui souhaite que la direction du mouvement soit assurée par des comités élus par les travailleurs. On discute de l’occupation, des revendications mais aussi de la situation au niveau national. On quitte donc le terrain strictement revendicatif et les voix du PCF, du PSU, de l’extrême gauche s’expriment.

Que la grève ait été votée relevait d’une évidence, mais Nicolas Hatzfeld fait remarquer que lors des 1ères semaines, une sorte d’attentisme règne et que les yeux restent tournés vers Paris. On peut penser que le souvenir amer de l’échec de la grève de 1965 a pesé. C’est en même temps la période où les discussions au Forum sont les plus vives, les sujets évoqués les plus divers, la présence aux piquets de grève la plus massive. Mais si les mobilisations de mai sont discutées, par exemple celles des étudiants, aucun « métissage » n’est possible : les facs de Besançon sont loin. Le pays de Montbéliard reste enfermé dans son enclave. Si les occupants mettent en place quelques soirées culturelles, rien de comparable avec ce qui s’était passé lors de la grève de la Rhodiaceta à Besançon en 1967. A Sochaux, la naissance du groupe Medvedkine, qui fait vivre un cinéma ouvrier avec l’aide de réalisateurs connus, c’est plus tard, en 1969.

Au début du mouvement, la direction Peugeot reste silencieuse, en position d’attente, négociant avec le CCG des laissez-passer pour pénétrer dans les ateliers (fierté des ouvriers qui y voient une manifestation de leur pouvoir sur l’usine). Les occupants sont minoritaires, mais assez nombreux au début : « Les premiers jours on était autour de 1700 présents en permanence (…) Environ 5000 grévistes ont participé à un moment ou à un autre aux piquets de grève » (Noêl Hennequin in : « Mai-juin 68 souvenirs de militants ouvriers » édité par Lutte ouvrière. La plupart des grévistes sont non-actifs, ne faisant pas le lien entre grève et occupation, et préférant rentrer chez eux. C’est le cas, entre autres, de milliers d’ouvriers « ruraux », ramassés quotidiennement par les cars Peugeot dans un rayon de 70km, qui s’occupent à d’autres activités, paysannes ou artisanales, et qui écoutent les nouvelles à la radio.

Tout va changer après les négociations de Grenelle (27 mai) et le discours de de Gaulle le 30 qui annonce sa reprise en main de la situation et l’organisation d’élections législatives fin juin. On en vient à une étape où les négociations sur les revendications et la perspective des suites politiques du conflit (quelles alternatives gouvernementales) passent au 1er plan. Le champ des possibles ouvert par les fleurs de mai se réduit, ainsi que la perspective révolutionnaire.

Du 1er au 10 juin : un tournant

Après Grenelle, la direction Peugeot espère la reprise et annonce le 31 mai lors de la 1ère rencontre de négociations qu’elle n’accordera pas plus que ce qui a été annoncé à Paris. C’est à dire pas grand-chose. Or les ouvriers de Sochaux, comme ceux de Billancourt continuent la grève. La direction organise une consultation du personnel, le 4 juin. Les résultats, favorables à la reprise, sont contestés par les syndicats qui mettent en avant la faible participation : la lutte continue ! Les négociations reprennent, la direction fait quelques propositions mineures mais lance surtout un ultimatum : l’usine doit être évacuée. La tension monte, et la menace de l’usage de la force.

Le contexte national change avec une reprise du travail dans un certain nombre de secteurs, cependant le nombre de grévistes reste important. Le CCG organise une consultation, qui a lieu le 8 juin, dans de mauvaises conditions : pas de ramassages, la direction n’a pas voulu fournir de listes de personnel. Le résultat est très serré 2664 voix pour la reprise, 2615 contre. Ce faible écart conforte la combativité de ceux qui veulent continuer et qui sont nombreux dans les piquets de grève.

Les 10 et 11 juin : reprise de la grève et embrasement. Sochaux devient un enjeu national

Le lundi 10, dès l’entrée de l’équipe du matin, la grève reprend, partant du secteur de carrosserie. Le front syndical se fissure, FO refusant désormais de participer au mouvement, contrairement à la CGT et à la CFDT. D’après les témoignages, la grève et l’occupation semblent reprendre de la vigueur.

Mais désormais Peugeot Sochaux devient un enjeu national. Pour Peugeot et pour les représentants du gouvernement, la continuation de la grève est insupportable, alors qu’il reste dans le pays 3 millions de grévistes, qu’il faut contraindre à la reprise. Les élections législatives sont proches, la grève doit être éradiquée. La direction Peugeot demande et obtient l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer l’usine. Celle-ci intervient dans la nuit du 10 au 11 juin, avec une relative modération du côté des garde-mobiles et une sauvagerie évidente du côté des CRS, à coups de matraques, grenades lacrymogènes et même tirs à balles réelles. Les piquets de grève réagissent mais tout s’embrase à partir de l’arrivée à 4h du matin des cars des « doubleurs », à 7h des travailleurs en horaire normal qui viennent pour reprendre le travail et qui se font se font attaquer par les CRS. Ils se solidarisent alors avec les grévistes. Une partie de la population de Montbéliard et des villes environnantes afflue, des salariés se mettent en grève pour rejoindre « les Peugeot ». Des barricades se forment. A 9h les responsables syndicaux conduisent une manifestation vers la sous-préfecture, les tentatives de médiation des élus de gauche (le député-maire de Montbéliard, le socialiste André Boulloche, le conseiller général communiste d’Audincourt, Serge Paganelli) échouent. C’est la spirale de l’affrontement. Il fera 2 morts : Pierre Beylot, 24 ans est tué par un tir à balles réelles, Henri Blanchet meurt en tombant d’un mur, lors d’un assaut. René Hardy et Joël Royer ont le pied arraché car les CRS utilisent des grenades offensives « en chapelet » qui s’entourent autour des chevilles. Quand vers 20h les CRS se retirent, la fin de ces scènes de guerre se solde par un terrible bilan : 2 morts et 150 blessés. Les ouvriers ont payé de leur sang la collusion de la direction Peugeot et de l’Etat policier.

A l’échelle nationale les 2 morts ouvriers, qui font suite à la mort du lycéen Gilles Tautin la veille à Flins frappent les esprits. Des manifestations de soutien sont organisées, les confédérations syndicales envoient des renforts. Nicolas Hatzfeld le note (mémoire de maitrise déjà cité) « l’écho de cette journée fait de la grève à Sochaux, devenue l’un des phares du mouvement gréviste, un enjeu national. »

Après le 11 juin, l’usine est fermée donc l’occupation cesse. Le rapport de forces est changé.

Le dénouement

Les négociations débutent enfin, le PDG Gautier « descend » de Paris pour y participer, et les travailleurs obtiennent un certain nombre de satisfactions sur les revendications.

L’augmentation des salaires Peugeot entre 12 et 14%, au-delà donc de Grenelle.

La direction accepte un calendrier de retour aux 40 heures.

Des négociations sur l’indemnisation des ouvriers en cas de maladie sont programmées.

Un compromis est trouvé sur le paiement des jours de grève.

L’indemnisation des victimes du 11 juin et de leurs familles est actée.

Les modalités de l’application du droit syndical dans l’entreprise sont définies.

Bilan non négligeable : le 20 juin les salariés votent la reprise du travail, mais une reprise au gout amer, car on n’oublie pas le sang versé. Toute fin de grève est compliquée, celle-ci a secoué le pouvoir patronal et changé la vie des militants les plus actifs, impliqués dans l’occupation. Et que dire de ceux qui avaient rêvé d’un autre monde ? Mais contrairement à 1965, on reprend avec la fierté de la lutte menée et des acquis/conquis.

Le 23 juin, à l’échelle de la France, c’est un raz de marée gaulliste aux législatives. Dans le Pays de Montbéliard, ce n’est pas le cas : au 1er tour la droite gaulliste obtient 29911 voix, la FGDS /PS 23958 voix, le PCF 12704 voix, le PSU 3418 voix. Le socialiste Boulloche est réélu député au 2éme tour.

Dans les années qui suivent la direction Peugeot tire à sa manière les leçons de 68 : la CFT (Confédération française du travail) et les milices patronales apparaissent. Mais les militantes, de plus en plus nombreuses, et les militants continuent la lutte.

En guise de conclusion, on peut insister sur quelques aspects du mai-juin 68 à Peugeot Sochaux :

Il commence au moment où la grève se généralise en France. Le manque de radicalité du début peut s’expliquer à la fois par la structure de la classe ouvrière de l’usine, en particulier l’importance numérique des ouvriers qui vivent à la campagne et sont « ramassés» par les bus Peugeot. Ceux-ci, même s’ils sont grévistes font massivement le choix de rester chez eux. De plus le souvenir de la défaite humiliante de la grève de 1965 pèse lourd.
Même si des débats politiques ont lieu au forum, la grève reste avant tout sur le terrain revendicatif : c’est la position de la CGT qui est de loin la force syndicale la plus puissante avec 1500 syndiqués, dont la plupart des responsables sont membres du PCF qui lui-même possède une puissante section d’entreprise. Selon le Parti communiste, la perspective de l’Union de la gauche est la seule issue politique crédible au mouvement de 68 et c’est clairement affiché après l’annonce par de Gaulle de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Les formes d’auto-organisation ouvrière sont limitées, mais c’est le cas dans toute la France à part quelques exceptions. La direction de la lutte est laissée aux organisations syndicales et cela ne choque visiblement pas la masse des ouvriers, qui leur font massivement confiance.
Enfin, la reprise de la grève et de l’occupation le 10 juin, le regain véritable que connait le mouvement alors, le caractère déterminé de l’affrontement avec les « forces de l’ordre», qui engage très largement les masses ouvrières et de nombreux habitants du Pays de Montbéliard, montrent peut-être que le champ des possibles n’a pas été totalement exploré. Aurait-on pu aller plus loin dans les objectifs de la lutte et le développement de l’auto-organisation ? Aujourd’hui il y a quasi- unanimité pour dire qu’en 68 la situation n’était pas révolutionnaire. En tout cas les 10 et 11 juin, point culminant du mouvement à Peugeot Sochaux, le contexte national du 68 ouvrier est plutôt celui de la reprise du travail dans les entreprises.

Véronique Bourquin-Valzer


Sources principales de ce texte qui n’a la prétention d’être ni un travail historique, ni une analyse politique approfondie : l’exposition de l’UL CGT sur le mai-juin 68 à Sochaux, les témoignages de militants en particulier Jean Cadet et Gilbert Marion, le mémoire de maitrise de Nicolas Hatzfeld.


http://syndicollectif.fr/mai-1968-a-peugeot-sochaux/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 09 Juil 2018, 20:47

Mai 68, de la CGT

Mai 68 conjugue la puissance et la durée de grèves décidées dans les entreprises sur des objectifs revendicatifs forts, sur les salaires, les conditions de travail, les droits collectifs, et un mouvement de jeunesse d’autant plus dynamique que celle-ci est fortement présente dans la démographie de l’après baby-boom. Dans une société qu’ils et elles jugent figée et fermée, les jeunes, pas seulement les étudiant.es, bousculent les hiérarchies, les pouvoirs petits et grands, les organisations, les mœurs et les référents culturels. L’envie générale d’émancipation grandit en même temps que son exact opposé : une réaction conservatrice droitière arcboutée sur des valeurs dites traditionnelles qui se traduira au plan politique par le maintien de la droite au pouvoir et par une attitude revancharde sur les valeurs de mai, attitude devenue un marqueur identitaire de la droite actuelle.

Renouer avec la puissance émancipatrice de Mai 68, pour ouvrir aujourd’hui des perspectives !

Le syndicalisme, dont ni le poids ni la force d’impulsion ne font défaut au mouvement, est cependant interpellé voire, malgré un renforcement immédiat, malmené par la puissance émancipatrice de mai. Les réponses qu’il va tenter d’apporter marquent encore, même si c’est de manière plus ou moins consciente, les traits principaux de ses organisations actuelles.

Un mouvement revendicatif puissant qui amplifie des tendances déjà présentes

La dimension sociale et revendicative du mouvement de Mai intervient sur un fond de fortes luttes d’entreprises, d’unité d’action contrariée et de divergences multiples sur la nature du changement de société à opérer. L’année 1967 compte le plus grand nombre de journées de grève répertoriées depuis l’avènement de la Vème République. L’accord CGT/CFDT du 10 janvier 1966 a ouvert la voie à des actions unitaires de niveau confédéral. Elles offrent des perspectives revendicatives convergentes aux actions d’entreprises. Dans le premier semestre de l’année 67, les mobilisations grandissantes s’élargissent souvent à FO, à la CGC, à la CFTC alors même qu’au niveau confédéral ces organisations sont hostiles à toute action commune. Ce sont des luttes dures qui se poursuivent parfois plusieurs semaines. Elles donnent lieu à des occupations, des piquets de grève. Gouvernement et patronat recourent à la force, à des locks out, à de dures répressions, à des interventions musclées de CRS. Des actions de solidarité s’organisent autour des travailleurs et travailleuses en lutte, dans les entreprises mais aussi dans la population. CGT et CFDT se rencontrent régulièrement, plusieurs fois par mois. Elles publient des communiqués communs valorisant les luttes et leurs résultats.

Pendant l’été 1967, le gouvernement publie plusieurs ordonnances qui, après celles sur la Sécurité sociale, concernent l’emploi, et la « participation des travailleurs ». Le contenu des actions intègre donc le rejet des ordonnances et portent davantage sur l’exigence de changements politiques. Trois confédérations y trouvent une justification à leur refus d’actions inter-confédérales (FO, CFTC, CGC). Quant aux deux principales, leur unité d’action se trouve fragilisée par une vision différente du rapport au politique voire au changement politique.

La CGT estime que les luttes appellent à la construction d’une union des partis et des syndicats pour un programme de gauche de gouvernement. La jeune CFDT est traversée par deux options stratégiques : celle d’Edmond Maire1qui, au regard de ce qu’il estime être les contraintes de l’économie, souhaite un contre-plan et une autodiscipline salariale et celle d’Albert Détraz2qui veut conserver la fonction contestataire du syndicalisme mais sans interpénétration entre syndicats et politique. Ces deux options, dans la CFDT, convergent pour refuser l’action politico-syndicale préconisée par la CGT. L’unité d’action entre les deux confédérations connait donc une éclipse de la fin de 1967 jusqu’à la fin 1970 (nouvel accord d’unité d’action le 1erdécembre 1970).

C’est dans ce contexte troublé au plan inter-confédéral qu’intervient le puissant mouvement de Mai dans lequel la CGT va jeter toutes ses forces et jouer un rôle majeur pour la mobilisation ouvrière. Si le mot d’ordre de grève générale n’a jamais été lancé par la CGT, il est incontestable que la grève s’est généralisée de fait sous l’impulsion décisive de ses militants et militantes, eux-mêmes galvanisés à la fois par les orientations de leur organisation et la conscience qu’un rapport de forces social majeur était en train de se jouer et qu’il fallait en être et le renforcer.

Dans les entreprises, la force des revendications et l’envie de mobilisation des salarié.es forcent à l’unité d’action : salaires, conditions et durée du travail, mais aussi volonté de reconnaissance, dignité, droits et libertés cimentent des luttes qui déboucheront souvent sur des acquis supérieurs au protocole de Grenelle et sur la poursuite de certaines grèves jusqu’au début de l’été. Dans les années qui suivent, l’onde de choc du mouvement de grèves continuera à nourrir des acquis tant au plan local que national. Etonnamment, ils ne laissent pas autant de traces dans la mémoire collective que ceux de 1936, peut-être parce qu’ils ne se sont pas accompagnés de la victoire de la gauche aux législatives qui suivent, victoire qui n’interviendra que 12 ans plus tard, avec une gauche désunie et l’élection de François Mitterrand. Par contre les différences de stratégies syndicales, apparues dès avant le mouvement, auront des répercussions durables, dont on voit encore les effets aujourd’hui.

Des visions différentes du changement de société divisent les confédérations syndicales

Dans la lecture qu’elle fait à chaud de mai 68, la CGT sous-estime l’ampleur des changements sociétaux, mais aussi culturels, attendus et en cours de réalisation (sur ce point elle est loin d’être la seule). Elle l’analyse essentiellement en comparaison avec 1936 et le Front Populaire. La perspective politique qu’elle souhaite donner au mouvement vise à l’union de la gauche pour un programme de gouvernement dans lequel les propositions de la CGT seraient entendues. Dans le rapport qu’il présente devant la direction nationale de la CGT les 13 et 14 juin 1968, Georges Séguy déclare : « Non, les dix millions de travailleurs en grève ne revendiquaient pas le pouvoir pour la classe ouvrière, mais de meilleures conditions de vie et de travail et l’immense majorité d’entre eux exprimait par opposition au pouvoir personnel leur attachement à la démocratie sous le mot d’ordre « gouvernement populaire ».L’impossibilité de parvenir à ce dernier point, pour des raisons qui dépassent très largement les responsabilités de la CGT, mettent cependant sa stratégie en difficultés, et la privent de tirer pleinement parti de son rôle majeur dans le mouvement de grèves, alors même que les acquis sociaux infligés au patronat et au gouvernement pouvaient légitimement renforcer son aura auprès du plus grand nombre.

La CGT ne place pas la réforme de l’entreprise au centre de ses revendications et de ses réflexions pour un changement social et politique. La stratégie de lutte des classes à laquelle elle se réfère lie action économique et action politique, et confère la centralité du pouvoir, donc de son changement, à l’Etat. Cependant, à l’appui des exigences de démocratie à la base et de transformation de la gestion des entreprises fortement exprimées en mai, elle affirme la nécessité de donner davantage de droits aux salarié.es et de pouvoirs aux Comités d’entreprise, afin de leur permettre d’intervenir pour « limiter les tendances néfastes du profit privé et contrôler que la gestion patronale respecte les accords conclus ». En octobre 1973, la Commission exécutive confédérale adopte un document sur la gestion démocratique des entreprises. La CGT place alors sur un pied d’égalité la transformation des structures de l’entreprise avec les nationalisations et la planification.

La CFDT quant à elle, surfe sur la polysémie de sa stratégie autogestionnaire : d’un côté tisser des relations avec les représentants de la gauche non communiste (meeting de Charléty), participation aux « assises du socialisme » en 1974, aux différents clubs et réflexions de la « deuxième gauche » , et de l’autre pousser les feux d’actions anti-autoritaires, anti-organisations, voire antipolitiques, dans l’objectif d’une part de déstabiliser la CGT, accusée de freiner le mouvement social , d’autre part de créer un espace, prétendument autonome de la sphère politique, où le syndicat pourrait exercer un pouvoir réel par la négociation et le contrat, amorce de ce qui deviendra le recentrage.

L’autogestion, dont se revendique la toute jeune CFDT, a en effet d’abord eu pour mission de lui construire une identité par rapport à l’ancienne CFTC et de la distinguer de ses deux concurrentes, FO et la CGT (ni l’association-capital travail, ni le changement étatiste). Cependant les premières difficultés apparaissent dès le début des années 70, au feu d’expériences très concrètes de luttes d’entreprises visant la prise de pouvoir par les travailleurs, dont le conflit LIP fut emblématique. Intervient alors la nécessité de préciser des questions éludées jusque-là : contrôle ou pouvoir ouvrier ? Quid de la propriété des entreprises ? Quelles relations entre pouvoir syndical et luttes autogérées ? Quel rapport avec le pouvoir politique central et la stratégie de changement ? Dans la montée au Programme commun de la gauche, et malgré les évolutions de la deuxième gauche, la CFDT garde une plateforme marquée du sceau de l’autogestion jusqu’en 1977. Par la suite, le recentrage, adopté en 1978, tranchera en faveur de l’une des interprétations possibles de la démarche autogestionnaire : le pouvoir au syndicat via la négociation, mais sans les luttes et sans la contestation de la propriété du capital et des entreprises, ni celle de la loi du marché. On sait ce qu’il en est advenu.

Tout cela n’est sans doute pas perceptible dans l’immédiat après 68. Jacques Chaban-Delmas3, pour reprendre la main, imagine la « nouvelle société » que Jacques Delors, son conseiller social, met en musique sous la forme de la « politique contractuelle ». Les deux organisations se montreront à la fois présentes et prudentes, compte tenu du contexte et de la montée en puissance de l’union de la gauche. Elles investiront les négociations ouvertes, au plan national interprofessionnel comme dans certaines branches et surtout dans les entreprises, mais sans participation au projet politique global. Valery Giscard d’Estaing, élu Président de la République en 1974, veut pousser la « modernisation de la société » et prétend introduire une certaine démocratisation dans les entreprises, alors même que ses choix sont d’essence libérale : La commission Sudreau sur la réforme de l’entreprise se place dans cette perspective. Les organisations syndicales ont une attitude d’autant plus circonspecte qu’elles ressentent une possibilité que la gauche gagne l’élection suivante. D’où le refus d’être instrumentalisées. Elles resituent leurs propositions de gestion démocratique dans un ensemble plus vaste de changement social, sociétal et politique. Pour l’heure, l’unité d’action fonctionne, elle sera même à son apogée dans le milieu des années 70.

Le patronat quant à lui lance de nouvelles stratégies de management appuyées sur la recherche de participation des salarié.es : management participatif, Direction participative par objectifs, cercles de qualité, conseils d’ateliers, animeront nombre de débats syndicaux sur la démarche à déployer pour ne pas passer à côté d’une possibilité d’intervention des salarié.es, mais ne pas non plus la laisser dévoyer en auto-exploitation. Curieusement, le débat autogestionnaire intervient alors à front renversé : la CGT tente de se l’approprier en formulant des propositions pour transformer le travail, et intervenir dans la gestion, tandis que la CFDT se focalise de plus en plus sur le contractuel.

Avec l’élection de François Mitterrand, et les lois Auroux de 1983, le débat autogestionnaire s’efface peu à peu, alors même, qu’une stratégie syndicale de ce type aurait pu constituer un vrai moyen pour les salarié.es de peser sur leurs situations concrètes, quand plusieurs alternances politiques non seulement ne produisaient aucune alternative mais enfonçaient même le pays dans une gestion devenue néolibérale. Facile à dire ?

L’engagement réel mais invisible des femmes bouleversera leur vie et la société !

Quant aux femmes ce n’est que par la suite qu’on pourra prendre la mesure de ce que Mai 68 aura changé pour elles, de façon grandissante et cumulative jusqu’à aujourd’hui. Dans le mouvement, elles ne sont pas spécialement visibles, même si elles participent aux grèves, manifestations et occupations. Elles représentent alors 35,4% des salarié.es. L’obligation d’obtenir l’autorisation du mari pour exercer une activité professionnelle a disparu de la loi depuis six ans (1962), mais l’impact de cette liberté nouvelle ne se fait encore que faiblement sentir sur la progression de leur activité professionnelle. Pourtant, le feu couve sous la cendre !

En effet, le « baby-boom » de l’après-guerre les concerne également et conduit, dans les années 60, à un fort rajeunissement de la population féminine salariée, d’autant plus rapidement que nombre de femmes plus « mûres » continuent (même si ce mouvement commence à ralentir) d’interrompre leur activité salariée pour élever leurs enfants. Phénomène nouveau par rapport à l’entre-deux guerres : elles sont de plus en plus nombreuses à reprendre un emploi, une fois les enfants élevés, dans le même temps où les plus jeunes poursuivent leur activité même avec des enfants en bas âge.

Cette arrivée massive se cumule avec deux autres fortes tendances économico-sociales : l’allongement de la durée des études, avec le recul à 16 ans de l’âge de la scolarité obligatoire d’une part, et, d’autre part la progression sensible des emplois du tertiaire dans lesquels les femmes ont toujours eu une place de choix (commerce, banques, santé, éducation), développement qui leur permettra des victoires quant à l’affirmation de leur droit au travail mais créera aussi des ségrégations de genre dans les filières professionnelles et les emplois occupés, sources d’inégalités de salaires et professionnelles durables.

Les femmes salariées n’ont pas attendu Mai 1968 pour lutter dans les entreprises et au plan national. En avril 1965, la CGT organise des Assises des femmes salariées pour la réduction du temps de travail et, en 1967, une rencontre nationale pour « l’égalité des salaires féminins et masculins, pour la formation et la promotion professionnelles des femmes ». Ces initiatives révèlent une nouvelle génération de militantes qui se trouveront aux avant-postes des luttes qui précèdent mai 68, et des grèves qui marquent le mouvement.

La CGT se bat pour « le droit au travail des femmes » et contre tout ce qui s’y oppose dans les mesures sociales comme dans les mentalités. Elle s’oppose aux politiques prônant le retour des femmes à la maison, et plus tard au temps partiel. Elle mène des batailles contre la culpabilisation des mères qui travaillent et démontre avec son magazine féminin « Antoinette » à quel point le travail salarié des femmes et leur égalité participent d’un mieux-être familial et sociétal. Pourtant, elle se trouve mal à l’aise dans les batailles pour la libération des contraceptifs qui se livra dans les années1960, jusqu’à la loi Neuwirth de 1967, puis plus tard sur l’IVG. Encore faut-il distinguer entre les positions confédérales ou nationales et l’attitude des militantes dans les entreprises à forte concentration de femmes jeunes, entreprises où les militantes de la CGT s’investissent pour aider les femmes en détresse et pour gagner le droit à des maternités désirées et non plus subies.

En 1968, l’action collective, les grèves, les prises de parole, les occupations se sont menées sur des questions classiques de salaires, de conditions et de durée du travail, de droits et de dignité. Mais ce faisant, beaucoup de femmes ont pris conscience d’un vécu commun des femmes, et aussi de leurs forces, de leur droit à être considérées et écoutées à part entière. Dans bien des cas leur participation au mouvement a bouleversé non seulement les relations qu’elles avaient dans l’entreprise, avec leur hiérarchie et avec leurs collègues masculins, mais aussi dans la famille et dans le couple.Elles ont pris conscience d’exister en tant qu’individu et pas seulement en tant que membre d’une famille ou appendice de leur père ou de leur mari.

Ce qui est nouveau en 1968, et après, c’est la rencontre et l’effet cumulatif de plusieurs phénomènes, à priori indépendants les uns des autres mais qui convergent pour des prises de conscience massives par les femmes elles-mêmes de leur droit fondamental à disposer d’elles-mêmes, de leur droit au travail, de leur droit à disposer de leur corps (le mot « femme-objet » apparait en 1960), à enfanter ou non (la loi Neuwirth sur la contraception est de 1967, la loi Veil sur l’IVG est de 1975), à des relations sexuelles désirées ou non ( la loi considérant le viol comme un crime est de 1980). Ce qui est nouveau aussi, c’est le processus d’individuation (qui n’est pas l’individualisme). Il ne s’oppose pas au collectif mais implique au contraire que le collectif se construise à partir de la reconnaissance des aspirations individuelles.

Cet aspect bouscule la CGT. Elle a du mal à appréhender luttes de classes et luttes contre les dominations patriarcales dans un même processus. Du mal aussi à considérer que le « le privé est politique », d’autant que celles et ceux qui animent ce que l’on a appelé « le féminisme radical » dans les années 70, sont dans la continuité de ceux qui ont fortement agressé la CGT dans le mouvement de mai. Il faudra des renouvellements générationnels pour qu’une meilleure appréhension de ces questions puisse voir le jour : une compréhension des questions du sexisme, des dominations et des libertés individuelles, dont celle de son corps, par la CGT ; une meilleure appréhension des questions liées au travail salarié par les associations féministes.

Aujourd’hui la CGT se fixe pour objectif la transformation, dans un même processus, des rapports sociaux de sexe et des rapports sociaux de classes. Si le premier terme a eu beaucoup de mal à s’imposer avant les années 70, le deuxième, dans ces temps de libéralisme triomphant, mérite que l’on redouble de vigilance. Il n’y aura pas de changement véritable ni d’avancée pour la société, et encore moins d’émancipation des femmes, si la vie ne change pas pour les femmes du bas de l’échelle sociale et si elles ne prennent pas elles-mêmes leur destin en mains.

Un bouleversement sociétal et démocratique

Si l’année 1968 a été riche de mouvements de jeunesse à l’échelle internationale, la conjonction de celui-ci avec le mouvement ouvrier caractérise le Mai 68 français. Il conjugue d’une part des luttes revendicatives d’entreprises et professionnelles qui convergent et trouvent leur apogée dans « la généralisation des grèves », d’autre part un mouvement culturel d’émancipation de la jeunesse qui remet en cause « l’ordre établi », en tout cas les formes d’autorité archaïques et dépassées au vu des profondes évolutions de la société française. Ce mouvement bouscule tout sur son passage y compris les types d’organisations représentées par les organisations syndicales. Il provoque aussi des réactions de rejet, des incompréhensions, même parmi les progressistes, qui se trouvent bousculé.es, notamment au plan sociétal, dans la culture des luttes de l’organisation, du changement de société.

Les organisations syndicales se trouvent au cœur de ces contradictions, en particulier la CGT. Compte tenu de son poids et de sa force d’organisation, elle joue un rôle incontournable pour favoriser l’implication des travailleurs et des travailleuses dans les grèves. Mais, pour les mêmes raisons elle se trouve au centre de critiques et mises en cause multiples. Sa structure d’organisation, sa capacité à décider et mettre en œuvre avec un collectif militant soudé, a été un des facteurs puissants de la réussite de la généralisation des grèves dans les entreprises. Mais cette cohérence d’organisation sera fortement mise en cause par les mouvements de jeunesse, et l’extrême gauche, qui y verront les mêmes relents d’autorité hiérarchique et « parentale » que celle qu’ils contestaient dans leur famille, à l’école et l’université et dans la société. De plus, l’activisme et les batailles idéologiques des organisations qu’on appelait « gauchistes » (ce qualificatif a quasiment disparu du vocabulaire contemporain), donnait un caractère très politique à ces critiques en faisant porter à la CGT la responsabilité des limites politiques atteintes. Ces mêmes critiques visaient la forme « organisation » accusée d’être contraire à la démocratie, d’encadrer ou d’embrigader les individus. L’organisation était ainsi accusée d’être inconciliable avec la liberté !

Or, cette aspiration à la liberté et à l’individualité est sans aucun doute ce qui motive l’engagement dans la lutte d’une grande partie de la jeunesse : étudiante, d’abord. En 1968, 33,8% de la population a moins de vingt ans, c’est la plus forte proportion depuis la belle époque. Les 15/24 ans sont 6,3 millions. Les temps d’études commencent à s’allonger sous l’effet d’une part du report à 16 ans de l’âge de la scolarité obligatoire mais aussi d’autre part d’une évolution plus profonde des besoins de la sphère productive. Ainsi, ils et elles ne sont plus que 46%, parmi les 15/24 ans, en 1968, à exercer une activité professionnelle, alors qu’ils étaient encore 54% dans ce cas en 1954. Entre 1962 (fin de la guerre d’Algérie) et 1968, le nombre des étudiant.es double pour atteindre le chiffre record de 600 000. C’est parmi eux que la contestation de toutes les formes d’autorité et de pouvoirs sera la plus forte.

Les moins de 25 ans représentent 15% de la population active mais 25% des ouvrier.es. Ouvriers et enfants d’ouvriers, et encore plus les filles d’ouvriers, continuent à être largement exclus de l’université. La jeunesse française commence à exister en tant que telle notamment dans le domaine culturel, ce que par exemple, tous les documentaires réalisés à l’occasion de la mort de Johnny Halliday ont rappelé. Mais elle se divise sur la question de classes et sur celle des dominations. Dans les entreprises, des dizaines de milliers de jeunes découvrent à la fois le travail, des conditions très dures et des durées de travail très longues ; ils et elles découvrent aussi la lutte, les grèves et les occupations d’entreprises. Leur vie entière en sera marquée. Les adhésions syndicales affluent ; des jeunes, en nombre, ont acquis une expérience d’animation des luttes qui en fera des militantes et militants très vite aguerris, prêts pour occuper des responsabilités syndicales importantes. Ce qui se concrétisera pour nombre d’entre eux et d’entre elles, mais pas tous et pas spontanément.

La question démocratique devient majeure dans le syndicalisme, singulièrement dans la CGT. Le choc est avant tout culturel, il touche au langage, aux rapports entre militant.es et dirigeant.es, aux structures d’organisations, aux manières de diriger. Il n’est pas très perceptible au début, le monde ouvrier ayant un temps de décalage à ce sujet. Les plus révolté.es vis-à-vis de leurs familles, de leurs parents, de leurs ainés étaient sans aucun doute les jeunes issus des catégories aisées et diplômées. Mais ceux-ci sont de plus en plus nombreux et nombreuses dans les entreprises où le travail change et fait de plus en plus appel aux diplômé.es aux cadres aux techniciens.

La CGT se doit donc d’appréhender à la fois des transformations rapides dans le contenu et l’organisation du travail, des modifications importantes dans la sociologie des salarié.es. Cette évolution, outre le rajeunissement, est marquée par un nombre grandissant de femmes salariées, qu’on retrouve, compte tenu de la ségrégation sexuelle des emplois, massivement dans le secteur tertiaire et parmi « les employé.es » catégorie en cours de massification et qui deviendra bientôt aussi nombreuse que les ouvrier.es. Elle est marquée aussi par l’émergence de la catégorie des OS immigré.es, dont les luttes notamment dans l’automobile, marqueront fortement les années suivantes. Dans le même temps les restructurations industrielles et économiques, le début des délocalisations, affaiblissent le poids relatif de l’industrie dans l’économie et masquent la recomposition du salariat en cours, en portant le regard sur ce qui disparait plutôt que sur ce qui nait.

Convergences revendicatives, ou alliances autour de la classe ouvrière ? La CGT doit redéfinir sa stratégie de rassemblement des salarié.es. Les débats sont vifs, certains blocages persistants, carderrière la conception du rassemblement c’est l’analyse des rapports de classes qui se trouve posée. En créant l’UGICT4, le CCJ5, le Comité national des chômeurs, la CGT montre qu’elle perçoit les mutations à l’œuvre et veut y répondre. Elle fait le choix du premier terme de l’alternative : les diversités du salariat appellent à créer des convergences en respectant les diversités et l’égalité dans les constructions et les approches revendicatives.

Sur la démocratie, un immense travail est entrepris : élaboration d’un corpus de référents théoriques sur le rapport et la manière de faire vivre démocratie ouvrière et démocratie syndicale, sur le lien dialectique entre démocratie et organisation (alors qu’elles sont présentées comme antinomiques par une partie des acteurs et actrices de Mai 1968), meilleure intégration de la question des aspirations individuelles et pas seulement collectives dans les pratiques syndicales. Questions toujours présentes dans les réflexions actuelles mais jamais véritablement résolues ou acquises.

Malgré ces efforts, la forme « organisation » connaitra de nombreuses fêlures dont on retrouvera les traces vingt ans plus tard notamment au travers de l’émergence de « coordinations catégorielles » ou de l’aggravation d’un émiettement syndical qui n’a en rien réduit les difficultés globales de syndicalisation des salariés au contraire. Cet émiettement n’est pas la cause de l’affaiblissement du syndicalisme, il en est le symptôme. Il rend l’unité d’action plus nécessaire que jamais mais aussi plus compliquée à concrétiser. Ces questions sont toujours devant nous.

En conclusion

Un demi-siècle après, il est temps de sortir Mai 68 des stéréotypes rebattus d’un mouvement strictement étudiant où les images des violences de rues l’emportent sur toute autre considération. Il fut un mouvement social profond, correspondant à un moment de bascule dans l’évolution des forces socio-productives. Il a été précédé de luttes nombreuses et diverses. Il a concerné des millions de gens, non seulement par les grèves et leurs répercussions, non seulement par les acquis remportés, mais aussi par le fait que le quotidien de chacune, chacun a rencontré l’évènement et a été bouleversé par lui. Les rapports à la politique, au syndicalisme, au collectif s’en sont trouvés bouleversés. Mai 68 n’est pas une parenthèse, c’est une onde de choc dont les effets se font d’autant plus sentir que le moment s’éloigne de la mémoire collective. Il est temps de s’intéresser aux questions posées, restées sans véritable réponse, et de renouer avec la puissance émancipatrice de Mai pour imaginer des perspectives concrètes d’issue aux crises multiformes actuelles y compris celles traversées par le syndicalisme.

Maryse Dumas

1 Edmond Maire (1931-2017) a été secrétaire général de la CFDT de 1971 à 1988. Il est un des représentants de « la deuxième gauche ».

2 Albert Détraz (1920-216) fut un des artisans de la transformation de la CFTC en CFDT ; il y assuma des responsabilités confédérales jusqu’en 1974. A partir de 1987, il intervint plusieurs fois publiquement, pour dénoncer « une dérive opportuniste et droitière » de la politique confédérale CFDT.

3 Premier ministre de 1969 à 1972.

4 Union générale des ingénieurs cadres techniciens.

5 Centre confédéral de la jeunesse.


http://www.lesutopiques.org/mai-68-de-la-cgt/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 11 Juil 2018, 21:53

68 : Après une décennie de marasme, le mouvement anarchiste reprend pied

Après une décennie de marasme, le mouvement anarchiste reprend pied

Un Mai 68 anarchisant relève de l’imagerie d’Épinal alimentée par la fortune médiatique de Daniel Cohn-Bendit. La place des anarchistes dans le mouvement de Mai, loin de s’y réduire, et finalement méconnue, mérite qu’on s’y arrête.

Le mouvement de Mai trouve les anarchistes particulièrement divisés. La Fédération anarchiste (FA) reconstituée en 1953 est encore traumatisée par l’expérience de la Fédération communiste libertaire (FCL).

Son organe, Le Monde libertaire, n’est encore en 1968 que mensuel. Selon ses initiateurs, dont Maurice Joyeux, la nouvelle fédération a vocation à regrouper tous les courants de l’anarchisme. Des militants anarcho-syndicalistes de Force ouvrière ou de la CNT aux anarchistes individualistes, la palette est large. En 1968, le pari est loin d’être gagné. Il existe encore en-dehors de la FA plusieurs groupes et organisations d’envergure nationale. Son audience à la veille de Mai est bien faible, deux ou trois centaines de militants tout au plus.

De son côté, la FCL a payé de sa disparition en 1957 son engagement résolu en faveur de l’Algérie libre. Certains groupes isolés subsistent encore. Mais l’esprit de la défunte organisation survit surtout dans la revue Noir et Rouge dont l’audience, dans les années 1960, dépasse les cercles militants libertaires. La revue prétend « lutter contre tous les tabous, y compris anarchistes », elle récuse la franc-maçonnerie, défend une position de soutien critique aux luttes de libération nationale, s’intéresse à l’autogestion et aux théories spontanéistes portées par certains groupes communistes conseillistes. Se faisant, elle contribue au climat intellectuel qui fut celui de Mai et à l’influence qu’y ont exercé les idées spontanéistes des communistes libertaires. Cependant, même s’ils condamnent le dogmatisme et l’étroitesse d’esprit des leaders de la FA, c’est quand même en sa direction que s’exerce tout le travail critique des rédacteurs de Noir et Rouge.

L’« hydre de Lerne » communiste libertaire

Il n’est donc pas étonnant que, du sein même de la FA, certains groupes et militants se réclament de cette même volonté de régénération de l’anarchisme. C’est plus ou moins sur ces bases que s’est constituée en son sein une Union des groupes anarchistes communistes (UGAC) qui finit par rompre avec la FA en 1964.

Il faut dire que le climat au sein de la FA n’est alors pas très serein. La plupart de ses animateurs voient d’un très mauvais œil la résurgence de ce qui a conduit à l’expérience, liquidatrice autant que désastreuse à leurs yeux, de la FCL. Maurice Joyeux consacre en 1967 une brochure entière à la nécessité de combattre les influences marxisantes du communisme libertaire qui telle l’hydre de Lerne, ne cesse de renaître [1]. Il y pourfend tant Noir et Rouge que l’UGAC, parle de « complot » et de « cinquième colonne ».

Autre cible désignée : les situationnistes. Il faut dire que le fameux pamphlet De la misère en milieu étudiant, diffusé de Strasbourg, n’épargne pas la FA. Aussi un article du Monde libertaire faisant l’éloge du situationnisme déclenche-t-il la polémique, entraînant le départ des militants « pro-situs » avant même le congrès de Bordeaux en mai 1967.

De fait la FA compte peu d’étudiantes et d’étudiants dans ses rangs. Divisée et plutôt focalisée sur ses problèmes internes, elle ne voit pas venir le mouvement de Mai. Pourtant il y a à Nanterre un cercle de jeunes anarchistes qui participent avec d’autres groupes « gauchistes », et notamment la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), à toute l’agitation qui ne cesse de secouer le campus à partir de 1966. On compte parmi eux Jean-Pierre Duteuil [2] et Daniel Cohn-Bendit dont on sait le rôle qu’ils joueront ensuite. Mais ces militants font partie de ceux qui ont pris leurs distances avec la FA après le congrès de Bordeaux. Ce congrès a été un véritable congrès de crise où le fonctionnement et l’organisation de la fédération tels qu’ils avaient été mis en place par ses fondateurs ont été durement remis en cause. En dépit de ces polémiques et en réaction à elles, une tendance communiste libertaire se constitue peu après, l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA, lire page 22).

Présence anarchiste dans les événements

Si les anarchistes s’investissent massivement dans le formidable mouvement protéiforme de Mai 68, si leur présence est visible et remarquée, leur influence véritable est assez faible. « Si la présence militante de la FA fut réelle, ses conceptions organisationnelles ou politiques ne lui permettaient pas d’intervenir », note Roland Biard [3]. Il est très significatif que, des 12 organisations d’extrême gauche dissoutes en juin, la seule qui peut être rattachée à la mouvance anarchiste est le Mouvement du 22-mars qui regroupait en fait des militantes et des militants de différents courants.

Certes Daniel Cohn-Bendit est devenu soudainement une figure du mouvement. Mais ce vedettariat inattendu n’a pas été sans poser des problèmes de fonctionnement et de légitimité au leader du Mouvement du 22-mars, un groupe qui paradoxalement se réclamait de l’auto-organisation et du refus des structures permanentes de délégation de pouvoir [4]. Toutefois il est indéniable que la notoriété de Daniel Cohn-Bendit a contribué à populariser les idées anarchistes mais dans une version plus proche de Noir et Rouge que de celle de la FA, même si la revue s’est crue obligée de préciser qu’elle récusait le qualificatif de « cohnbendiste » [5].

Les anarchistes étaient aussi présents là où la grève générale a débuté : à Nantes. C’est un de leurs leaders, Alexandre Hébert, qui dirige alors l’union départementale de Force ouvrière très active dans le déclenchement de la première grève à l’usine Sud-Aviation. C’est sous leur influence que se met en place un comité central de grève dans cette ville, engageant une dynamique unique de dualité de pouvoir.

Partout ailleurs et durant tout le mouvement, les anarchistes ont massivement investi les cortèges, étudiants et autres. Ils ont investi toute une aile de la Sorbonne durant son occupation. La floraison des drapeaux noirs, très largement spontanée, lors des manifestations, notamment celle du 13 mai, a marqué les esprits et attiré de nombreux jeunes, signe d’un renouveau qui pourtant ne fut pas sans nuage.

L’impact de Mai sur le mouvement

Les organisations anarchistes ont connu au lendemain de Mai un regain d’adhésion. La FA, l’organisation la plus importante, est celle qui en bénéficie le plus. Pourtant les nouvelles et les nouveaux venus ne sont pas accueillis sans méfiance. Le vieil ouvriérisme anarchiste est encore très présent au sein de la FA et si dans l’édito de son numéro spécial consacré en juin à la première analyse à chaud des événements de mai, le Monde libertaire (juin 1968) rend hommage aux étudiantes et aux étudiants qui « ont été incontestablement plus loin que les ouvriers », cela ne va pas sans une réelle prise de distance avec la « kermesse de la Sorbonne ».

Plus tard Maurice Joyeux moquera les « anarchistes de préaux d’école issus de la bourgeoisie qui finira bien par récupérer sa progéniture » [6]. Et c’est avec mépris qu’il évoque cette « bouillie idéologique pour les chats » qu’est la « théorie qui fusionne l’économie marxiste avec la morale de comportement libertaire » qui est de son propre aveu la marque de l’anarchisme étudiant de Mai [7].

Certaines des déclarations à l’emporte-pièce de Daniel Cohn-Bendit, qui laisse volontiers affleurer son mépris pour la « vieille maison » qu’est la FA n’ont certainement pas contribué à arranger les choses. Avec d’autres, il se rend au congrès anarchiste international de Carrare (Italie) début septembre.

Il y défend ses thèses spontanéistes et critique l’inaction de la FA. Cette tentative de débordement du congrès anarchiste international est très mal vécue par beaucoup de militants qui y voient une tentative de récupération. De fait le congrès est globalement un échec et marque une coupure au sein du mouvement libertaire international entre les anarchistes traditionnels et les communistes libertaires.

Ces derniers bénéficient de leur côté d’un réel renouveau. Daniel Guérin a cru voir s’épanouir dans le Mai 68 français un « marxisme libertaire » dont il vante les vertus dans un livre paru dès 1969 [8].

Les débats internes à la FA débouchent assez vite sur le départ de l’ORA, tandis que Georges Fontenis, qui fut le principal animateur de la FCL, et Daniel Guérin participent à un autre pôle de regroupement, le Mouvement communiste libertaire (MCL).

La tentative de fusion ORA-MCL, avortée en 1971, marque les limites de cette dynamique qui s’appuie sur des évolutions parfois divergentes. Au spontanéisme du MCL, influencé par le communisme des conseils, s’oppose le volontarisme organisationnel de l’ORA.

Le syndicalisme pose aussi problème, l’antisyndicalisme ayant marqué des points au sein de l’ensemble de la mouvance anarchiste à la faveur des événements de Mai.

Toujours est-il que le débat ne cessera pas entre ces deux rameaux du mouvement anarchiste, d’où finira par sortir bien des années plus tard et après de nombreuses vicissitudes, Alternative libertaire.

Stéphane Moulain

• Stéphane Moulain est membre du comité de rédaction de la revue Dissidences, il a rédigé la notice « Anarchismes » de La France de Mai 68, Syllepse, avril 2008.


[1] Maurice Joyeux, L’Hydre de Lerne, Éd. du Monde libertaire, 1967. Dans la mythologie grecque, l’hydre de Lerne est un monstre à plusieurs têtes qui se régénèrent lorsqu’on les tranche.

[2] Jean-Pierre Duteuil, Nanterre 1965-66-67-68 Vers le Mouvement du 22-mars, Acratie, 1984.

[3] Roland Biard, Dictionnaire de l’extrême gauche de 1945 à nos jours, Belfond, 1978, p.135.

[4] Daniel Cohn-Bendit, Le Grand Bazar, Belfond, 1975.

[5] Daniel Cohn-Bendit a écrit avec son frère Gabriel un livre dans lequel ils exposent leur anarchisme mâtinée de conseillisme : Le gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme, Seuil, 1968.

[6] Maurice Joyeux, Souvenirs d’un anarchiste, vol. 2, Éd. du Monde libertaire, p. 276.

[7] Maurice Joyeux, L’Anarchie et la révolte de la jeunesse, Casterman, 1970, p.114-115.

[8] Daniel Guérin, Pour un marxisme libertaire, Laffont, 1969.


https://www.alternativelibertaire.org/? ... ecennie-de
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 12 Juil 2018, 08:31

1 Mai 68: la combativité ouvrière est confirmée

La première manifestation du premier mai autorisée depuis 14 ans est un succès, à Paris comme en province. Elle confirme un haut degré de combativité de la classe ouvrière.

Pour la première fois depuis 1954, la manifestation du premier mai est autorisée, de la République à la Bastille. Le défilé commun CGT-PCF-PSU rassemble plus de 100 000 personnes, alors que la CFDT, la FGDS et la FEN refusent de s'y associer. Le SO du PCF tente en vain de maintenir les "gauchistes" à l'écart...

Ce premier mai, comme tout le mouvement de Mai-juin 68 s’inscrit dans un contexte international et culturel explosif décrit à foison dans la série « 1968 », mais aussi dans une période de luttes intenses contre l’exploitation.

Le succès du premier mai n’est pas un hasard, pas plus que la grève générale deux semaines plus tard. Il est annoncé par la montée des luttes depuis des années, ce dont rendent compte beaucoup d’articles déjà publiés dans la présente série. En complément, regardons cette montée des luttes depuis janvier dans le secteur le plus important alors de la classe ouvrière en France: la métallurgie.

Depuis le début de l’année 1968, dans la seule région parisienne ont lieu 161 débrayages, avec des résultats cependant divers. Entre le 9 et le 24 janvier, les métallos CGT relèvent 13 grèves prolongées et 85 débrayages. A l’appel des Fédés des métallos CGT et CFDT, une journée nationale de luttes a lieu le 25 janvier 1968. Ce même jour elles adressent à l’UIMM un mémoire pour les salaires, la garantie des ressources et de l’emploi, la réduction du temps de travail, l’abaissement de l’âge de la retraite, et l’extension des droits syndicaux. Le rassemblement devant l’UIMM mobilise plus de 5000 délégués de toute la France.

Le 26 janvier, Caen se révolte toute la soirée contre les CRS qui ont attaqué les ouvriers en grève de la Saviem. Dans cette entreprise 25 % des ouvriers ont moins de 25 ans… Dans la semaine du 11 au 16 mars, manifestations massives: 10000 métallos à Lens le 11 mars pour le plein emploi dans le Nord et le Pas de Calais, 5000 à Douai, 3000 à Bruay, 2000 à Valenciennes.

En Ile et Vilaine, à Redon, 3000 métallurgistes débrayent de violents accrochages se produisent avec les CRS. Chez Luchaire (Orne) 90% des ouvriers se mettent en grève le 12 Mars contre les réductions d’horaires avec perte de salaire. Ceux des Forges de Gueugnon démarrent le 15 mars pour une augmentation de 40 centimes, un salaire mensuel garanti et une prime de vacances. En avril et mai 68, d’importantes manifestations pour l’emploi sont organisées dans les départements de l’Ouest et du Nord, dont nous rendrons compte dans un article qui sera posté le 8 mai.

Mais la France qui travaille, c’est beaucoup plus que la région parisienne, comme les mois de Mai et Juin vont le montrer. Ce 1er Mai, des défilés nourris ont confirmé dans tout le pays la volonté de se battre, y compris dans de petites villes et même villages. Regardons ce qui s’est passé dans la « France profonde ». Ce sera à Capdenac, 5000 habitants dans l’Aveyron, grâce au témoignage de Jacques Serieys, Lisez son récit sur son blog, vivant et passionnant bien au delà du premier Mai:

30 avril 1968: lycéen sur Rodez, je retrouve à la sortie des cours deux jeunes travailleurs de notre groupe Le Pavé: René Duran et Francis Jouve. Nous prenons aussitôt la direction de Toulouse afin de participer aux Six heures pour le Vietnam.

Nuit du 30 avril au 1er Mai : Il est un peu plus de minuit lorsque la salle entonne le Chant des martyrs en hommage au Che Guevara, mort quelques mois plus tôt. Je me trouve alors au fond de la salle avec le Service d’ordre gardant la grande porte d’entrée côté Place Dupuy. A mes côtés Garcia et Perez, tous deux du Tarn.

Nous avons donc commencé Mai 68 en chantant, pendant qu’un immense portrait du Che réalisé par notre copain aveyronnais Bertrand Gibert descendait majestueusement au dessus de la tribune :
"Vous êtes tombés pour tous ceux qui ont faim
Tous ceux qu’on méprise et opprime
De votre pitié pour vos frères humains
Martyrs et victimes sublimes.
Mais l’heure a sonné et le peuple vainqueur
S’étire, respire, prospère
Adieu camarades, adieu nobles cœurs
Adieu les plus nobles des frères. »

Vers minuit et demi, nous repartons de Toulouse pour Rodez dans la Deux Chevaux de Francis. Trois heures plus tard, nous voici arrivés. Je dors chez des copains.

De bon matin, nous sommes à nouveau en route avec deux amis pour Capdenac où doit se dérouler une des manifestations prévues sur l’Aveyron en ce 1er mai 1968. A priori, c’est celle qui peut avoir besoin de renforts. Capdenac, 5000 habitants, une seule grande rue pour manifester, ce n’est pas Paris.

A 10 heures, nous allumons le "transistor", petite radio qui va nous rendre de grands services pendant deux mois. A Madrid et Barcelone, pour la première fois depuis 30 ans de dictature franquiste, des jeunes commencent à manifester. Ils subissent aussitôt une répression sauvage des policiers et carabiniers. A Prague, pour la première fois sous la dictature stalinienne, des tchèques défilent en toute liberté pour renouer le fil du "socialisme réel" à celui de l’idéal socialiste.

A Dong Ha, des Vietnamiens de notre âge, écrivent une nouvelle page héroïque du 1er mai. Face aux armes sophistiquées made in USA, face aux retranchements formidables, sous le feu terrible de l’aviation, ils montent à l’assaut des GI’s qui occupent leur pays. Serrant leur fusil, arme dérisoire, ils tombent l’un après l’autre. Jamais, ils n’accepteraient un tel sacrifice s’ils n’étaient persuadés de le faire pour libérer leur pays mais aussi pour contribuer à l’émancipation de tous les peuples opprimés, exploités et affamés du Tiers Monde.

Certains 1er mai sont gonflés par le souffle de l’histoire lorsqu’une jeune génération, sans poids des défaites, sans complexe, reprend et porte haut le drapeau de la liberté, de la justice sociale, de la fraternité universelle.

Mais nous ne sommes pas à Capdenac pour écouter le transistor. En arrivant au lieu de rassemblement, nous n’en croyons pas nos yeux: une foule nombreuse , dynamique, heureuse, chaleureuse emplit la salle des fêtes de minute en minute.

Dans ces occasions, un réflexe se déclenche dans la tête de tout militant : comment expliquer une telle affluence ? les traditions ouvrières locales (en particulier chez les cheminots), l’unité syndicale réalisée, l’unité politique locale de la gauche pour les dernières municipales, l’excellent groupe local du PSU, les nombreux tracts distribués à la porte des entreprises et dans les boîtes aux lettres. En fait, nous ignorions l’élément central : nous sommes le 1er mai d’une année qui fait encore baver la droite du monde entier 48 ans après, 1968.

A 10 h 20, Germes ouvre la séance en rappelant les sept revendications présentées en commun par les syndicats :
* augmentation des salaires
* semaine de 40 heures maximum de travail
* suppression des zones de salaire
* quatrième semaine de congés payés
* défense de la sécurité sociale
* garanties contre les licenciements et les emplois sans statut
* refus des compressions d’effectifs dans les services publics et entreprises nationalisées

Roche (Force ouvrière) lui succède au micro pour lire la déclaration de son Union départementale: « Le 1er mai, c’est avant tout une journée de recueillement à la mémoire des militants ouvriers tombés pour que les travailleurs vivent mieux...Pour fêter le travail, il faudrait que ce dernier soit comme le clamait Jaurès "une fonction et une joie". Or, le travail, c’est présentement une servitude...Pour l’ouvrier, l’initiative est morte dans son travail, pour le paysan l’espérance est morte en sa besogne, pour le fonctionnaire l’intellectuel meurt. Quel est donc l’immonde crétin qui oserait fêter le travail en ces régimes capitalistes où pour vivre, les hommes se battent entre eux, se disputent les degrés de la hiérarchie par la ruse, l’âpreté au gain, par l’oppression des travailleurs…Non, le premier mai n’est pas un jour de fête. Tant que l’exploitation de l’homme subsiste, tant que la société est divisée en classes et les classes en castes, le premier mai n’est pas et ne peut être une fête. Même le jour de la révolution sociale où par la disparition du profit et par l’abolition du salariat, le travail sera libéré de l’exploitation, ce jour de mai rougi du sang des prolétaires ne saurait être sans insulter les Martyrs de Chicago, les enfants, les femmes, les hommes tombés lâchement assassinés par l’ennemi de classe à Fourmies et ailleurs, considéré comme un jour de fête légale".

Après une telle introduction du syndicat considéré comme le plus modéré, le ton est donné. Les orateurs suivants vont poursuivre sur la même lancée : Denne pour le Syndicat National des Instituteurs, Lieutard pour la Confédération Française et Démocratique du Travail, Poux de la Confédération Générale des Travailleurs, enfin Ferrié, maire de Capdenac.

Le président de séance met aux voix une "motion unitaire" reprenant les sept grandes revendications de la journée. Elle est votée à mains levées, dans l’enthousiasme.

Que se passe-t-il ? ou plutôt : que va-t-il se passer en ce mois de mai 1968 ? Capdenac, joli site touristique au fin fond de la France, voit défiler une grande et belle manifestation du premier mai.

Midi et demi: la manifestation est terminée. Nous retournons vite à la voiture pour allumer à nouveau le transistor. Nous sommes inquiets de la situation en Espagne: Franco a interdit toute manifestation pour ce premier mai et nous connaissons la dureté de sa police pour réprimer les républicains et les syndicalistes.

Pour la première fois depuis la guerre civile, les ouvriers de Madrid ont manifesté pour ce premier mai. Des manifestations nombreuses mais limitées se sont déroulées aux cris de "Liberté" et "A bas Franco". Devant la brutalité policière, certains manifestants, notamment une centaine de femmes, ont lancé des pierres sur la police. Des "commandos" de jeunes ouvriers et étudiants ont ensuite organisé des opérations "éclair".

A Atocha, principale gare ferroviaire du pays, la police a chargé à plusieurs reprises des rassemblements ouvriers atteignant parfois 500 personnes qui criaient "Liberté" et "Dictature, NON" " Démocratie, OUI ». C’est aussi la première fois que des manifestations ont lieu dans un aussi grand nombre de villes espagnoles. A La Cruz de Los Caïdos, plusieurs colonnes dont une de 600 ouvriers ont été dispersées à coup de matraque. A Barcelone, 500 jeunes ouvriers ont manifesté sur la place de Catalogne avant d’être dispersés à coups de matraque avec une extrême violence" (compte rendu a posteriori d’après les journaux).

La façon dont nous vivions émotionnellement ces nouvelles d’Espagne peut difficilement être comprise quarante ans plus tard, alors que le franquisme est tombé. A l’époque, nous portions tous au coeur la blessure de la guerre civile, en particulier les républicains espagnols et leurs enfants si nombreux parmi les militants des comités d’action lycéens qui grossissaient de jour en jour. »


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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 14 Juil 2018, 15:39

Mai 68 : les comités d’action

Dès le lendemain de l’évacuation de la Sorbonne du 3 mai 1968, le Mouvement d’action universitaire (MAU), créé par des anciens militants de l’UNEF de la Sorbonne, est le premier à appeler dans un tract à la formation de comités d’action (CA). À l’instar du Mouvement du 22 mars, le MAU, qui existe depuis plusieurs semaines, estime que les structures syndicales ne sont plus adaptées à la situation. Il s’agit donc de dépasser les cadres préexistants au sein de nouvelles structures unitaires rassemblant par et pour l’action.

Dans un premier temps, il s’agit essentiellement de comités étudiants, sans oublier bien sur les comités d’action lycéens nés début 1968. Après la nuit des barricades et surtout la grève générale et les manifestations du 13 mai, les comités se multiplient. Le journal Action, lancé début mai et devenu quasi quotidien dans la seconde quinzaine, se présente comme le « journal des comités d’action », mais en réalité son équipe est formée de l’UNEF, des CAL, du SNESUP, du MAU, du Mouvement du 22 mars. En effet, il n’y a pas de véritable structuration nationale des comités d’action, mais des coordinations à l’échelle locale, la plus importante est celle de la région parisienne. C’est elle qui, lors d’une AG parisienne, précise ce que doivent être les CA : ce sont des comités faits pour l’action, non des comités de simple discussion, et des comités politiques dont l’objectif est le renversement du régime et la transformation révolutionnaire de la société. Ils ne doivent pas dépasser la trentaine de membres, et chaque comité choisit son terrain. Ce peuvent être les lieux d’étude ou de travail, des zones géographiques (quartiers, arrondissements, blocs d’habitations) ou thématiques, tel le comité des écrivains et étudiants révolutionnaires.

Les comités sont extrêmement hétérogènes et si le terme « comité d’action » est populaire, il sert à désigner toutes sortes de regroupements de personnes issues d’horizons politiques, syndicaux divers, et bien sûr d’une masse de nouvelles et nouveaux venuEs qui tiennent à agir.

À la fin mai, le PCF appelle à former des comités d’action pour un gouvernement populaire, perspective qui ne dure que le temps de la manifestation ayant le même mot d’ordre, appelée par la CGT et le PCF le 29 mai. L’UNEF n’y appelant pas, la CFDT suit le syndicat étudiant ; la FEN n’appelle pas non plus, à l’inverse de la coordination des comités d’action.

Les grévistes peuvent à la fois occuper les entreprises, et venir dans les CA de quartier où les discussions sont bien plus libres alors que, dans les entreprises, si l’on échange beaucoup, les AG sont limitées dans leurs contenus. Dans la plupart des cas, les comités de grève sont en fait les intersyndicales plutôt que des comités issus d’élections par les grévistes.

Ni comités ou conseils d’auto-­organisation, à vocation de structures de double pouvoir, ni parti ou organisation politique, les comités d’action, quel que soit le nom qu’ils adoptent, sont des cadres d’action et de politisation, des lieux de rencontres. Ils perdurent en juin, permettent par les tracts et les affiches d’informer et de résister à la pression conjointe du pouvoir et du PCF visant à faire cesser la grève avant les élections. Certains demeurent encore actifs à l’automne. En tout état de cause, les liens sont restés forts, et réapparaissent sous d’autres formes dans les années qui suivent, à chaque fois que des comités unitaires se mettent en place pour soutenir des luttes locales, de locataires expulsés, de travailleurs immigrés, des paysans du Larzac, de Lip, ou dans la solidarité internationaliste.

Robi Morder


https://npa2009.org/idees/histoire/mai- ... es-daction
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 15 Juil 2018, 21:13

Rétro : Pierre Overney, la mort d'un Mao

L’émission "Rétro" proposait en 1992 un montage des journaux de France Inter qui suivirent la mort, en 1972, du militant maoïste Pierre Overney.

Le 25 février 1972, le militant maoïste Pierre Overney était tué devant les grilles des usines Renault de Boulogne-Billancourt par Jean-Antoine Tramoni, agent de sécurité de la Régie. Vingt ans après, Arnaud Laporte proposait un montage des journaux de France Inter qui, dans les jours et les semaines qui suivirent la mort de Pierre Overney, avaient rendu compte de ce meurtre et de ses répercussions politiques. Pour finir, ce montage d'archives sautait les années avec un journal du mois de mars 1977 annonçant l'assassinat du meurtrier de Pierre Overney.

... https://www.franceculture.fr/emissions/ ... rt-dun-mao
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 16 Juil 2018, 18:58

Le temps ne fait rien à l’affaire - Spécial 50ans de Mai 68

Episode 1 : les années lycée
Parce que mai 1968 n’est pas notre passé mais notre avenir Sidonie et Victor rencontrent Gépé.
Gépé a fait sa rentrée en terminale à Nancy en septembre 1967. Or, plutôt que d’apprendre l’Histoire, il a décidé de l’écrire avec des tracts de la peinture et des cocktails molotov...
50 ans après il raconte entre deux morceaux de jazz.
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... s-377.html

Episode 2 : Merde j’aurais préféré être à Paris !
Alors comme ça il parait qu’une grève générale, ça ne se décrète pas ???
En mai 68 ça a pourtant été décrété et...ça a plutôt bien marché !
Gépé se souvient de sa jeunesse et nous donne des idées...
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... j-403.html

Episode 3 : Été chaud à la Cali
Rentrée lutte des classes en septembre 68 pour Gépé et ses camarades. Le pouvoir dissout, les rotatives tournent, les mouchards et la flicaille font leurs basses besognes. L’été 69 Gépé va le passer...à la Californie, et ça va chauffer !
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... a-427.html

Episode 4 : Ho Chi Minh sur la cathédrale
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... i-552.html

Episode 5 : Grève générale !
Grève générale ! Le capital tremblant sur ses bases, la presse prête à changer de camp : on est pas passé loin. C’était il y a 50 ans tout juste. GP y était, il raconte.
Et ça donne envie de recommencer !
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... 5-601.html

Episode 6 : Moscou n’a pas voulu
En mai 68 c’est la révolution qui était en marche. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Les riches et les patrons filaient doux. De Gaulle était en fuite, et la presse suivait, comme d’habitude, les plus forts...
Oui mais, c’était compter sans le PCF !
GP n’a pas oublié.
Retour sur la répétition générale de l’insurrection qui vient...enfin, qui va venir !
à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... a-609.html
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