L’État, victime consentante de l’industrie pharmaceutique
L’annonce du déremboursement de plusieurs traitements contre la maladie d’Alzheimer, fin mai, a beaucoup choqué. De la part de la ministre de la santé qui met sous pression les hôpitaux et demande aux malades d’aller plutôt vers la médecine libérale, cela ressemble fort à un nouveau tour de vis dans les finances de santé. Mais il n’en est rien : ces traitements étaient inutiles. Depuis 2011, la Haute Autorité de Santé, chargée d’estimer le Service Médical Rendu d’un médicament pour lui fixer son taux de remboursement, était au courant. Mais il a fallu des années pour agir et faire cesser ce gaspillage sur le dos des assurés sociaux. Les industriels du secteur pharmaceutique, premier marché mondial, savent jouer avec nos institutions de santé pour faire passer pour nécessaire des produits qui ne le sont pas. Dans une enquête publiée dans le numéro 14 de Frustration, nous expliquons les ressorts des truquage des industriels et des politiques complaisants pour faire rembourser ce qui ne devrait pas l’être.
Les histoires de médicaments finissent mal, en général… pour les patients, mais pas pour les labos, qui s’en sortent finalement assez bien malgré les scandales. Il faut dire que quand ils éclatent, les dividendes ont déjà été versés : la logique du blockbuster (médicament très rentable) est le court-terme, et quand les autorités arrivent, lorsqu’elles arrivent, c’est bien trop souvent après la bataille. Il se trouve que la France est un paradis pour les laboratoires pharmaceutiques : l’assurance-maladie prend largement en charge les dépenses de santé, ce qui crée un marché constant, et l’État se montre particulièrement complaisant à l’égard du secteur. Le gouvernement actuel, comme les précédents, cultive des liens étroits avec le milieu pharmaceutique. Casserole embarrassante de Macron pendant sa campagne, son conseiller santé, le docteur Jacques Mourad, était très lié aux laboratoires Servier : plus de 80 000 euros de frais de restaurants, de logements et de transports et de nombreuses interventions pour le laboratoire entre le 1er janvier 2013 et fin juin 2016 ont été révélés en mars 2017, entraînant sa démission.
De la recherche à votre ordonnance, le contrôle étatique d’un nouveau médicament laisse à désirer
Malgré les scandales à répétition, la France reste dotée d’instances de contrôle et de régulation particulièrement inefficaces pour protéger la société de l’emprise des labos. En 2006, un rapport sénatorial sur « les conditions de mise sur le marché et le suivi des médicament » comprenait dans ses conclusions la sentence suivante :
« Ce rapport met en évidence les failles de notre système de contrôle de la sécurité des médicaments et en identifie parfaitement les causes : sa dépendance à l’égard de l’industrie pharmaceutique ; la complexité du processus de décision qui conduit à la mise sur le marché d’un médicament ; une architecture organisationnelle éclatée qui nuit à sa cohérence et à son efficacité ; l’opacité du fonctionnement des agences ; et enfin une insuffisance criante de moyens »
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