1968, et l’après-68

Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 13 Fév 2018, 20:28

Trimards et marginaux de Mai 68

La mémoire des graines de crapules

Présentation du livre "Trimards, "pègre" et mauvais garçons de Mai 68", de Claire Auzias, ed. ACL
et discussion avec l'auteure

- Nantes le jeudi 15 février à B17, à 19h30

- Saint Nazaire, le mercredi 14 février au bar sous les palmiers, bd de Verdin, 19h 20

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Katangais à Paris, trimards à Lyon, zonards à Nantes... ils ont été escamotés de la mémoire de Mai 68, ces enragés marginaux de Mai, que les clichés ont vite présentés comme des mercenaires sans foi ni loi, supplétifs, gros bras.

Claire Auzias tord le cou à ces clichés et montre que certains sont restés des militants d'extrême gauche, après Mai 68 et sa gueule de bois. Ils ne sont peut être pas tous nés révolutionnaires patentés, bardés de théories, mais ils le sont devenus, au contact des barricades et des assemblées générales. Cette étude méticuleuse, très documentée, croisant témoignages, archives et rapports de police, met à jour une grande diversité. Tous n'ont pas le même profil partout. Sous prolos et déclassés, inclassables sans doute, chômeurs en transit ou intermittents du boulot, marginaux des syndicats quand ils ont un travail fixe, gens de la rue, mineurs en fugue et en rupture avec les structures d'éducation spécialisée et de l'enfance en danger, autant dire de contrôle de leur adolescence en prélude à la prison. On pourra multiplier les formules, "loubards" selon la terminologie d'époque, "graines de crapule" à écouter le parti de l'ordre, "non organisés" pour le monde militant, en tous cas non-étudiants. Même si ce sont le plus souvent les étudiants en lutte qui les ont sollicités et accueillis. Ces révoltés qui ont saisi Mai 68 comme une zone d'aventure révolutionnaire sont déjà en rébellion contre la vie subie.

Les fantasmes leur ont collé à la peau. Gens de peu ou de rien, sans attaches, sans biens, ils seraient prêts à tout, indomptables, imprévisibles, et donc inquiétants pour les militants aimant les catégories et les cases bien identifiées à leurs yeux. Le regard porté sur ces trimards-zonards-katangais n'est d'ailleurs jamais loin d'un préjugé de classe de la part des étudiants vis à vis de ces gens qu'on veut bien utiliser puis écarter quand ils échappent au contrôle et aux plans pré établis.

L'auteure cherche dans l'histoire du mouvement ouvrier les fondements de ce compagnonnage parfois distant. Mais le concept de lumpen prolétariat est un peu fourre-tout aux contours imprécis, rebut des pauvres, reliquat de ruraux relevant de l'ère pré industrielle et jugés dangereux pour la classe ouvrière, ou corps social diffus, rétif à la domestication. La notion n'échappe pas toujours à des jugements englués de morale. Pour Marx et Engels, le lumpen, ce "prolétariat en haillons" est un terme méprisant, "lie d'individus dévoyés de toutes les classes", et désignant des strates sociales utilisées pour des visées contre révolutionnaires, enrôlés comme supplétifs des milices bonapartistes pour mater les insurrections du XIXe. Pour Bakounine, cette canaille-là est en revanche auréolée d'un parti-pris positif. La mémoire de ces voyous de 68 s'est souvent laissée piéger par l'héritage des représentations marxistes. Ce bouquin leur rend utilement hommage.

https://nantes.indymedia.org/articles/39925
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Messagede bipbip » 15 Fév 2018, 16:52

Le Mai 68 des ouvriers, à Nantes le 17 février 2018

Atelier d’éducation populaire : Le Mai 68 des ouvriers, histoire de la grève générale à Nantes.

Samedi 17 février à partir de 14h30 Nantes, Manufacture des tabacs – salle B.

2018 marque le cinquantième anniversaire de Mai 68. Moment de révolte de la jeunesse étudiante et de libération sexuelle, Mai 68 fut aussi la plus importante grève générale ouvrière en France. Alors qu’Emmanuel Macron prétendait commémorer officiellement Mai 68, et tandis que le magazine hebdomadaire du Monde consacrait un numéro à Romain Goupil, leader lycéen de 1968 passé au néo-conservatisme, il y a fort à parier que tout un pan de mai 68 disparaisse des commémorations : le mai 68 des ouvriers. Il faut dire que le macronisme ambiant a peu d’intérêts à célébrer une lutte ouvrière victorieuse ayant permis l’augmentation du SMIG de 35% et des salaires de 10%, ainsi qu’une quatrième semaine de congés payés…

Alternative Libertaire Nantes propose une série d’ateliers d’éducation populaire pour revisiter l’histoire de la grève générale ouvrière de mai 1968 à Nantes. Ces ateliers s’inscrivent dans une perspective plus large : ils serviront de support à la réalisation d’une exposition suivie de débats le samedi 26 mai 2018 sur les enjeux de la grève générale, de mai 68 à nos jours.

Alternative Libertaire Nantes vous invite donc à participer à un premier atelier d’éducation populaire le samedi 17 février à partir de 14h30. Cet atelier prendra la forme d’une lecture collective et partagée d’un extrait de l’ouvrage de Boris Gobille (Mai 68, Paris, La Découverte, 2008) : il s’agira de permettre à chacun-e de découvrir et de s’approprier, grâce aux outils de l’éducation populaire et aux savoirs collectifs, l’histoire de la grève ouvrière de Mai 68 en France.

La participation à cet atelier d’éducation populaire est entièrement libre et gratuite. Il vous suffit de vous inscrire en écrivant à n✉antes@alternativelibertaire.org

L’événement Facebook https://www.facebook.com/events/537032176670149/

https://www.alternativelibertaire.org/? ... 17-fevrier
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 15 Fév 2018, 21:18

Documentaire

"Cléon" Réalisation collective (1968) durée : 26 minutes

Cléon, l’une des premières usines à se mettre en grève en Mai 68. Les grévistes de l’usine Renault décrivent le quotidien de l’occupation et débattent de l’accès à la culture et de la reprise du travail : les relations avec les non grévistes, la mise en pratique des droits et libertés syndicaux, la création de commissions d’ateliers succédant au comité de grève.

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Messagede Pïérô » 16 Fév 2018, 12:48

Demain Le Grand Soir, les deux premières émissions introductives sur l'avant 68 et le contexte, et avant de recevoir nos invités tout au long de l'année

Emission du 24 janvier sur mai 68, intro 1
http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1814

Emission du 14 février 2018 sur mai 68, intro 2.
http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1823
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 17 Fév 2018, 14:51

Un aspect méconnu de Mai 68

Le Samedi 17 février à 16h au local la commune, dans le cadre d’une tournée en bretagne, l’historienne et écrivaine libertaire claire auzias https://fr.wikipedia.org/wiki/Claire_Auziasviendra nous présenter son dernier ouvrage « trimards, pègre et mauvais garçons de Mai 68 » sorti à aux éditions de « l’atelier de création libertaire » http://www.librairie-publico.info/?p=2876 .

Le livre de Claire Auzias présente la passion que fut Mai 68 en France, mais aussi sa complexité. Le tableau qu’elle nous présente de ces «  trimards  » et autres mauvais garçons, nous invite à sérieusement réviser nos classiques sur la révolution. Trimards à Lyon, loulous à Grenoble, zonards à Nantes, katangais à Paris ou Mouvement révolutionnaire octobre à Bordeaux, pour Claire Auzias ce lumpenproletariat était l’autre face de la Révolution.

http://lasocialefederationanarchiste.bl ... ai-68.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 17 Fév 2018, 16:37

Le temps ne fait rien à l’affaire - Spécial 50ans de Mai 68 - Episode 2 : Merde j’aurais préféré être à Paris !

Alors comme ça il parait qu’une grève générale, ça ne se décrète pas ???
En mai 68 ça a pourtant été décrété et...ça a plutôt bien marché !
Gépé se souvient de sa jeunesse et nous donne des idées...

à écouter : https://manif-est.info/Le-temps-ne-fait ... j-403.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 17 Fév 2018, 22:50

Vient de paraître : « MAI-68 À LYON »

« Nous avons bien été battus, mais nous ne voulions pas non plus « gagner » ; ce que nous voulions, c’était tout renverser …

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Ni témoignage ni travail d’historien, Mai-68 à Lyon est le récit circonstancié et argumenté de ce mouvement par l’un de ses protagonistes, alors membre du Mouvement du 22 mars lyonnais et actuellement co-directeur de la revue Temps Critiques.

Mai-68 n’a pas été une révolution, mais plutôt un mouvement d’insubordination qui n’a pas connu son dépassement. Il trouve son sens dans le moment de l’événement lui-même, où les individus, au-delà de leur particularité sociale, sont intervenus directement contre toutes les institutions de la domination et de l’exploitation capitalistes.
À Lyon, étudiants du campus de la Doua, élèves du lycée Brossolette à Villeurbanne, jeunes prolétaires de la M.J.C. du quartier des États-Unis, trimards des bords de Saône, mais aussi ouvriers de Berliet dévoilant l’anagramme « Liberté » y ont joué un rôle de premier plan.
Mouvements ouvrier et étudiant paraissaient capables de converger à la faveur des liens tissés dès 1967 pendant les grèves exemplaires de la Rhodiacéta. Les conditions plus favorables de la grève généralisée en mai 1968 ne débouchent pourtant pas sur une union décisive et les grévistes de la Rhodiacéta n’assument pas le rôle d’entraînement auquel on aurait pu s’attendre, auprès des autres ouvriers de la région.

Le mouvement collectif, exubérant et anonyme connaît son acmé pendant la manifestation et la nuit du 24 mai. Son reflux se manifeste d’abord par l’attaque de la faculté des Lettres par l’extrême droite et les milices gaullistes le 4 juin, puis par la reprise du travail aux P.T.T. dès le 8 juin et à la Rhodiacéta le 10, même si à Berliet, la grève s’étire jusqu’au 20 juin.

hors collection (A PLUS D’UN TITRE) | Paru le 07/02/2018 | 12,00 €

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http://dndf.org/?p=16640
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 18 Fév 2018, 00:19

De l’établi à la bibliothèque Lire à la chaîne

Alors que vient de sortir en librairie L’envers de Flins, Une féministe révolutionnaire à l’atelier aux éditions Syllepse, nous publions ici l’entretien que Fabienne Lauret nous avait accordé dans la revue N’Autre école.
Nous reviendrons sur ce parcours dans les jours à venir, en attendant, nous vous invitons à découvrir ce formidable livre...

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Après trente-sept années à Renault Flins, Fabienne Lauret n’a rien perdu de sa rage contre un système social qui exploite et opprime. D’abord établie dans les ateliers de l’usine, l’envie d’évoluer, au début des années 1980, et la victoire au Comité d’Entreprise d’une section CFDT d’inspiration autogestionnaire et combative, l’ont alors menée vers la médiathèque du CE : pour ne pas quitter l’usine, pour ne pas quitter la lutte… parce que ce n’est ni le travail ni le livre qui nous émancipent mais le collectif et l’engagement.

Questions de Classe(s) – Dans quelles conditions t’es-tu « établie » à Renault Flins ?

Fabienne Lauret
– Je suis entrée à Renault Flins le trois mai 1972. Avant cela, il m’a fallu « construire » mon CV, passer par des usines plus petites et moins suspicieuses face au risque d’embaucher des « établis ». Quatre années exactement après la grande grève de mai 68 (qui a changé le cours prévisible de mon existence), et au bout de deux années d’études dilettantes à l’Université pour devenir enseignante, me voilà ouvrière d’usine à 21 ans. Par choix idéologique 1, politique, et même affectif… Car je n’y entre pas seule. Mon compagnon d’alors, Nicolas 2, y travaille déjà. D’autres établis sont également prévus pour travailler à Renault, ainsi que dans d’autres entreprises du coin (Cellophane, cimenteries, etc.). Pour nous, c’était en usine que devait se faire prioritairement le travail politique. Mais nous avions, en plus des établis, une équipe de soutien extérieur, des enseignants, des étudiants, etc. C’est dans cette dynamique que certains d’entre nous ont été à l’initiative de la création d’une librairie : La Réserve, à Mantes-la-Jolie.

Q2C – Quel était, à cette époque, votre rapport avec les livres ?

F. L. – La lecture était centrale pour nous, à travers nos écrits, tracts, bulletins, brochures (il n’y avait pas internet !). On voulait les diffuser dans l’usine mais aussi dans les cités. L’équipe extérieure jouait un rôle important de soutien et de diffusion (par exemple de notre bulletin La Clef à molette). Mais nous voulions aller plus loin. On a participé à une asso, pour rassembler des gens autour du projet de librairie. L’objectif commun était d’avoir un lieu où l’on ne parlerait pas forcément que de politique mais aussi des enfants, de la maison… et dès le départ, l’identité de la Réserve s’est construite autour de soirées de débats… qui se tenaient dans la cave du local ! C’était très divers, de Séverine Auffret, présentant son livre Des couteaux contre des femmes. De l’excision des femmes à Catherine Baker parlant de l’éducation à la maison (Insoumission à l’école obligatoire, 1985). Dès le départ, cette librairie était conçue comme un lieu de rencontre : on n’y venait pas uniquement pour acheter des livres mais aussi pour retrouver des gens.

Q2C – Faire entrer les livres à l’usine… ça a été au cœur de ton travail à Flins ?

F. L. – J’ai une formation scolaire et dans ma famille (militante : mes parents m’ont prénommée Fabienne en l’honneur du résistant communiste le Colonel Fabien !), j’ai baigné dans la lecture. C’est surtout au cours de la deuxième partie de ma vie à Flins, lorsque j’ai quitté l’atelier, que le travail autour de la culture et de la lecture est passé au premier plan. J’aurais pu, à ce moment-là, quitter l’usine. Mais je ne le souhaitais pas, c’était là que je voulais travailler, vivre et militer. Si, au départ, j’avais songé à devenir enseignante au sein de l’usine, donner des cours de français, la victoire de la CFDT aux élections du CE, succédant à la CGT après une belle grève victorieuse, m’a offert une autre opportunité. La nouvelle orientation tendait à développer une « culture émancipatrice ». Le service Loisirs et culture (où il y avait la bibliothèque et la discothèque, les expositions, les voyages et les sorties, fêtes culturelles) était d’ailleurs déjà animé en grande partie par la CFDT avant même la victoire au CE… J’ai été embauchée mais je ne voulais pas que cela apparaisse comme du favoritisme « syndical », j’ai suivi une formation, d’abord de discothécaire puis de bibliothécaire.
Il y avait la bibliothèque qui vivotait, une discothèque bien fournie, et une récente vidéothèque. Le nouveau CE a voulu faire un lien plus visible et plus valorisant entre les différents supports culturels en créant la Médiathèque… ça a permis de renouveler en partie le fonds de la bibliothèque en remplaçant petit à petit des ouvrages en trop grand nombre édités par le Parti Communiste, des abonnements à des publications improbables que personne ne lisait… pour des ouvrages qui intéresseraient plus les salariés. Non sans contradiction parfois, quand, plus tard – malgré l’opposition de Nadine, ma collègue et de moi-même – la médiathèque s’est abonnée à la presse people (qui s’est arrachée).
Notre idée, c’était d’avoir une sorte de grand hall d’accueil et pas d’entasser des livres dans un coin. Pour que les gens lisent, il fallait ouvrir le lieu. Au début des années 80, les médiathèques, même municipales, étaient très rares. On a réfléchi à une organisation qui permette des ponts entre les disques, les vidéos, les livres et surtout les animations. L’idée, qui était celle portée par la CFDT d’alors, était de ne pas valoriser le livre comme le support culturel suprême. On avait un fonds musical énorme, du classique et aussi une belle collection de titres de jazz. Mais les ouvriers n’empruntaient pas suffisamment… Il fallait de l’animation autour pour les attirer.
Pour toucher les 20 000 salariés (45 % d’immigrés dont 80 % à la chaîne) de cette « ville usine » en pleine campagne qui s’étend sur 247 hectares, il existait déjà des bibliobus qui venaient présenter des ouvrages jusque dans les couloirs de l’usine, près des vestiaires, au moment des changements d’équipes. Il fallait aller vers les ouvriers qui ne pouvaient pas forcément se déplacer à la médiathèque. Le nouveau CE a renforcé et multiplié les annexes du CE (jusqu’à 3), proches des restaurants dans l’usine, qui ont remplacé les bibliobus dans les couloirs.

Q2C – La lecture, une affaire de classe ?

F. L. – La médiathèque n’était pas fréquentée par les cadres, trop marquée « syndicalement » pour eux… Ceux qui lisaient le plus, c’étaient les femmes (10 % du personnel sur le site). Le secteur qui rencontrait le plus de succès était celui de la littérature jeunesse, d’ailleurs on ne comptabilisait pas les emprunts pour ces titres. Il était valorisé avec des animations spécifiques.
Mais le cœur de notre travail, ce dont on était les plus fières, ce sont les expositions : celle sur la poésie contre le racisme (dès 1977, donc avant le changement de majorité au CE), par exemple, où on a fait participer les travailleurs. On présentait aussi des choses sur Hergé, sur des chanteurs, sur les CD et leur fabrication… L’exposition sur les nationalisations, entamée au moment de l’arrivée de la CFDT, n’a jamais vu le jour à cause des divergences à ce sujet avec les membres du PCF…

Q2C – Peux-tu nous parler de ces animations ?

F. L. – J’ai quitté la médiathèque pour le service animation à sa création en 1986 – avant de retourner à la Médiathèque en 2000, après moultes péripéties (déplacée, déqualifiée au gym­nase, etc.), car le service animation avait été supprimé par FO, devenue majoritaire.
Il fallait réussir à impliquer les travailleurs, les rendre actifs. Pour cela les thèmes n’étaient pas forcément politiques ou directement sociaux… On a travaillé avec un boulanger de la région (dégustation journalière pour une expo-animation sur le pain), une autre fois ce fut le vin, etc. Il y avait 3 ou 4 animations de ce type par an. Je me souviens surtout d’une expo consacrée à l’art et l’automobile où se mêlaient littérature, sculpture, BD, cinéma autour d’un thème central dans notre vie à l’usine ! On a d’ailleurs exceptionnellement ouvert le CE un WE pour permettre aux familles de venir voir l’expo et elle a tourné sur d’autres sites. Nous proposions des choses sur l’artisanat, le parfum, les pin’s les costumes du monde, etc. On ne présentait pas d’ailleurs systématiquement le livre comme le seul objet culturel ou le plus « noble ». Les animations avec les collectionneurs plaisaient beaucoup et avaient toujours un grand succès parce que les gens s’y étaient investis en apportant des objets qui leur appartenaient. Il fallait partir du vécu, sans élitisme, et ensuite donner conscience du social derrière. Le personnel de la médiathèque produisait souvent à ces occasions des bibliographies, discographie, filmographies pour faire le lien avec le fonds disponible. C’était ça « le travail de masse », lointain héritage du vécu maoïste ! Mais on a aussi proposé des animations sur mai 68, 1789 ou 1936 – à cette occasion, on a fait une animation accordéon et certaines d’entre nous étaient venues en habits d’époque !
On déambulait dans l’usine en faisant des appels pour inviter les ouvriers à venir aux animations. On a aussi obtenu une page du CE dans le journal officiel de l’usine, c’était un des moyens pour populariser les activités du CE et notamment culturelles, parler littérature, musique, etc.

Q2C – En quoi ce travail d’animation culturelle dans l’usine se distinguait-il de ce qui se faisait avant et de ce qui existe aujourd’hui ?

F. L. – Nous ne négligions pas pour autant les sujets politiques. Ce furent des combats difficiles parfois, comme celui de la condition des femmes. Avant notre arrivée, le CE CGT offrait un cadeau ménager (par exemple, un tablier de cuisine à l’occasion de la fête des mères). On a remplacé ça par des spectacles (un des premiers fut celui de Yolande Moreau à la salle Jacques Brel de Mantes-la-Ville), des animations pour le 8 mars avec des expos sur les droits des femmes. Il fallait toujours le petit cadeau, mais on essayait de trouver des choses plus culturelles… On a travaillé aussi sur une enquête auprès des femmes « Femmes et loisirs » : « Quels sont vos loisirs ? Quels sont ceux dont vous rêvez ? » À titre de comparaison, la politique du CE, aujourd’hui tenu par FO, est horrible et surtout très consumériste. FO n’a jamais valorisé la médiathèque, préférant offrir aux femmes des spectacles de Chippendales pour la fête des mères et des calendriers avec des femmes nues pour les hommes… D’ailleurs, ils ont supprimé le service animation, ce fut très dur. Je me suis retrouvée affectée au gymnase. Nadine, avec qui je travaillais m’a dit : « alors OK, on va faire ça à mi-temps, en alternance sur chaque lieu. » Les gens qu’ils embauchaient ne s’intéressaient plus à l’usine. Moi, qui en venais, cela me choquait
Ce qui relie mes engagements à Flins, depuis mon arrivée jusqu’à ma retraite, c’est peut-être cette volonté de valoriser les gens : qu’ils ne soient pas que des « ouvriers à la chaîne » mais aussi des travailleurs conscients. Aujourd’hui, l’usine tourne surtout avec des intérimaires qui ne sont pas attachés à l’entreprise. Être intérimaire, c’est terrible. Même le CE ne leur donne rien : pour emprunter à la médiathèque, il faut donner une caution parce qu’ils peuvent quitter l’usine du jour au lendemain… Les salariés (à ce jour 2 000 max à Flins et une dizaine au CE – longtemps une quarantaine), ne lisent quasiment plus, téléchargent musiques et films, n’ont plus le temps de venir au CE (contrôle des déplacements accrus, temps de repas des équipes basculé en fin de poste, fermeture des restaurants sauf un en normale, fermeture des annexes CE, pour cause de baisse des effectifs au CE). Des conditions peu favorables au développement de la lecture des livres et journaux, mais qui touchent aussi à l’ensemble de la société…
Je pense que le livre dans l’entreprise peut avoir un effet subversif, le fait de lire à l’atelier autre chose qu’un journal, c’est déjà un combat. Jacques, un autre établi de Flins, a eu un autre rapport que moi avec le livre (voir encadré). Mais il y a toujours un aspect subversif : t’es pas là pour lire, pour réfléchir, tu peux tricoter, jouer aux cartes, boire un coup, mais pas lire… En même temps, si tu es aussi tout seul dans ton livre, tu n’es pas avec les autres… à moins de faire des lectures collectives (mais c’est une autre histoire que nous avons abordée dans la discussion enregistrée avec Fabienne et mise en ligne sur le site Q2C). ■

Fabienne Lauret, propos recueillis par G. Chambat pour Q2C

1. Ce groupe local, membre de « Révolution ! », devenu plus tard « l’Organisation Communiste des Travailleurs » (scission de la Ligue communiste en 1971, dénommée plus tard la LCR puis le NPA), prône la « centralité de la classe ouvrière » dans la nécessaire et inévitable révolution sociale qui doit intervenir dans les dix années à venir, nous n’en doutons pas. Le mouvement de 1968 n’a été qu’une « répétition générale » ! Nous inspirant aussi de certains apports de la révolution chinoise, nous estimons que nous devons « être comme un poisson dans l’eau, et donc travailler au sein des usines »…

2. Nicolas Dubost, auteur de Flins sans fin, Maspero, 1979.


https://www.questionsdeclasses.org/?De- ... -la-chaine
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 18 Fév 2018, 16:24

Retrouver les libertaires de 68

Dans cette tribune, Théo Roumier, syndicaliste et libertaire, attire notre attention sur un aspect méconnu de Mai 68.

Cette année, Mai 68 aura cinquante ans. Cinquante printemps passés où son « souvenir » a été enjeu de réécritures, d’analyses, mais aussi d’histoire comme de source d’inspiration pour des générations entières. Surtout si on l’élargit aux années qui suivirent l’événement, ouvrant dix ans durant un cycle de contestation inégalé depuis. Nombreuses sont les résistances les plus contemporaines à avoir un rapport à 68. Bien des courants et des organisations en sont, plus ou moins directement, les héritières aujourd’hui.

Il est malheureusement un courant politique qui est globalement mis sur la touche dans ce travail d’histoire et de mémoire : celui des libertaires.

Bien sûr, on parle souvent des aspects libertaires de 68, des drapeaux noirs se mêlant aux rouges dans les manifestations des mois de mai et juin. On note que cette « brise libertaire » déteint sur d’autres, participant du « climat » ou de la « période » : c’est la Ligue communiste dénonçant la « farce électorale » en 1969, la Gauche prolétarienne s’essayant à un improbable anarcho-maoïsme ou encore, dans une certaine mesure, la CFDT faisant sienne le thème de l’autogestion.

Mais très rarement ou bien sommairement sont évoqués les stratégies, les discours et les pratiques qu’ont pu déployer les libertaires, exception faite peut-être du mouvement du 22 Mars et de ses « figures » libertaires, au premier rang desquelles celle de Daniel Cohn-Bendit, tellement « iconisée » qu’elle ne représente au final qu’elle-même. Et pourtant des militant.es libertaires en 68, il y en eut.

Des insurgé.es

Si la vieille Fédération anarchiste (FA) est bousculée par les événements, c’est au profit de forces nouvelles qui vont se structurer dans les années suivantes. En 2008, à l’occasion du quarantenaire de Mai 68, un entretien inédit avec deux acteurs de cette histoire pour le mensuel Alternative libertaire livrait une anecdote significative : le soir de la nuit des barricades, le 10 mai 1968, de jeunes anarchistes parisiens interpellent le public du récital de Léo Ferré qui se tenait à La Mutualité, à quelques mètres du Quartier latin. Las, ledit public anarchiste, « traditionaliste », refuse de rejoindre les insurgé.es [1]. Il ne saisit pas qu’à ce moment « tout un peuple, violent et ravi, se découvrait libertaire » [2].

Dans l’immédiat après-Mai, cette rupture va s’incarner autour de deux pôles. L’un, communiste libertaire, qu’incarne principalement l’Organisation révolutionnaire anarchiste (ORA), ayant sans état d’âme aucun pris le large d’avec la FA. L’autre, anarcho-syndicaliste, que va représenter pour l’essentiel l’Alliance syndicaliste (AS). À côté de ces deux structures existent ou gravitent par ailleurs de nombreux groupes, collectifs ou revues.

L’élaboration d’un corpus politique spécifique à cet anarchisme renouvelé ne sera pas sans rencontrer les préoccupations d’un Daniel Guérin qui publie l’année suivante un livre au titre évocateur, Pour un marxisme libertaire, représentatif de cette volonté d’en finir avec les totems et les tabous.

Ranger l’ORA ou l’AS (pour ne citer qu’elles) au rang de groupuscules serait méconnaître ou sciemment chercher à minorer le rôle qu’ont pu avoir ces organisations et celles qui leur ont succédé jusqu’à aujourd’hui.

Car elles ont multiplié les interventions et les campagnes. Elles ont participé activement à l’animation et la construction de structures associatives et syndicales – notamment au sein de la CFDT d’alors, mais aussi dans la CGT – et fait vivre dans des villes, des quartiers, des entreprises un combat anticapitaliste, égalitaire et autogestionnaire.

Il y eut forcément des erreurs d’analyse, des limites et des lacunes. Mais elles n’en ont pas moins créé de l’action collective, au-delà des rangs de leurs seuls adhérent.es, ont cherché à intervenir politiquement et influer sur les coordonnées sociales de la France contemporaine.

Sans cette recomposition née de 68 et la persistance d’un courant libertaire ancré dans les luttes sociales, farouchement attaché à leur auto-organisation, il n’est pas certain que nous aurions vu renaître une CNT vers 1995 ou s’affirmer de la même façon le syndicalisme alternatif des syndicats SUD. De même, la permanence d’un antifascisme radical est pour partie liée à cette histoire récente.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici d’annexer des mouvements sociaux autonomes et indépendants, dans leur fonctionnement comme dans leur orientation. Mais il s’agit par contre de rappeler que des libertaires et leurs organisations ont délibérément fait le choix de les construire, dans le respect scrupuleux de leur autonomie. Et continuent de le faire.

Le fil du temps

Et pourtant, lorsqu’on évoque l’extrême gauche des années 68, c’est la plupart du temps pour se concentrer sur les différentes déclinaisons du maoïsme ou du trotskysme et leur postérité. Pourquoi cette invisibilité ?

L’une des explications tient sans doute au modèle dominant de la gauche hexagonale, polarisée pendant plusieurs décennies par le PCF. Dans ce schéma, les « gauchistes » se situaient pour la plupart dans une logique de concurrence et de contestation de son espace partisan. Une telle posture stratégique fait de la tribune électorale une étape nécessaire.

Or cet espace-là le courant libertaire l’évite soigneusement, argumentant sur l’impasse et l’illusion du parlementarisme. Dès lors, il ne « compte » pas. Rétif aux velléités d’hégémonie, il est trop souvent considéré comme un cousin de famille éloigné, qu’on écoute distraitement. Ou bien comme un courant de pensée qui « flotterait » au-dessus de la mêlée sociale, condamné au commentaire.

Même dans Affinités révolutionnaires, livre d’Olivier Besancenot et Michael Löwy paru en 2014, qui veut dresser des ponts entre marxistes et libertaires, on peine à trouver mention d’un cadre organisationnel au-delà de la CNT espagnole des années 1930.

Alors reprendre langue avec cette histoire rouge et noir bien réelle, avec ses réalisations et ses débats, est important [3]. Pas seulement par curiosité ou acquit de conscience, mais bien pour la vivre au présent dans la période de recomposition que nous traversons.

N’insultons pas l’avenir. Différentes écoles et organisations, sociales et politiques, ont cherché les moyens de bouleverser l’ordre du monde : soyons attentives et attentifs à toutes.

Pour toutes celles et tous ceux qui se définissent aujourd’hui comme des militant.es de l’émancipation, gageons qu’il y a un intérêt à retrouver ce fil du temps qui court des libertaires de 68 à aujourd’hui.

Théo Roumier est syndicaliste et libertaire. Il tient le blog « À celles et ceux qui luttent et qui résistent » https://blogs.mediapart.fr/theo-roumier/blog.

[1] Ce que confirme le récit de Pierre Peuchmaurd, Plus vivants que jamais http://www.editionslibertalia.com/catal ... que-jamais, réédité chez Libertalia.

[2] Éditorial de L’Insurgé n°8, juin 1968.

[3] La récente constitution d’un Fonds d’archives communistes libertaires http://www.museehistoirevivante.fr/coll ... aires-facl, conservé au musée de l’Histoire vivante de Montreuil, ne peut qu’y inciter.


https://www.politis.fr/articles/2018/02 ... -68-38388/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Lila » 18 Fév 2018, 19:18

Flins-sur-Seine

Récit d’une vie de militante ouvrière à Renault

A travers son livre L’envers de Flins paru le mois dernier, Fabienne Lauret raconte sa carrière dans l’usine Renault de Flins-sur-Seine, celle d’une « féministe révolutionnaire à l’atelier ». La première présentation publique de son livre, le 10 février à la librairie la Nouvelle réserve de Limay, a été l’occasion d’échanger avec la militante ouvrière aujourd’hui à la retraite.

Sa carrière a débuté à l’atelier couture de Renault quand elle est embauchée en 1972, où elle restera 11 années avant de devenir salariée au comité d’entreprise pendant 26 ans. « Nous avions analysé le mouvement de 68 et constaté que le milieu ouvrier était un pivot central, explique Fabienne Lauret, du choix collectif d’intégrer l’usine avec d’autres militants « établis ». Comme nous n’y étions pas, il fallait y aller nous mêmes. »

Dans son livre, Fabienne Lauret se souvient des nombreuses grèves menées et retrace les nombreuses causes pour lesquelles elle a lutté : « le combat féministe, contre le racisme, les conditions de travail, l’écologie aussi .. Autant de « petits et grands moments » qui ont marqué son parcours professionnel et syndical, dont elle voit encore des répercutions dans l’actualité. Et résume : « On a semé des graines, certaines ont germé, d’autres non. »

http://lagazette-yvelines.fr/2018/02/16 ... a-renault/
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 21 Fév 2018, 18:07

« 1968: De grands soirs en petits matins » par Ludivine Bantigny

Dans quelques mois, le 50ème anniversaire de Mai 68. Ce blog rendra compte des évènements et publications autour du mouvement et de la grève générale de Mai 68. Aujourd’hui l’historienne Ludivine Bantigny sur France Culture, à l’occasion de la sortie de son livre « 1968: De grands soirs en petits matins ».

5 janvier 2018 – France culture

à écouter : https://www.franceculture.fr/emissions/ ... nvier-2018

Par Ludivine Bantigny, historienne, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Rouen-Normandie, pour 1968. De grands soirs en petits matins (Le Seuil, parution 4 janvier)

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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 21 Fév 2018, 22:38

Les grèves ouvrières de mai-juin 1968

Pour que des ouvriers partent en grève, et donc qu’ils soient prêts à perdre une part importante de leur salaire, il faut au moins qu’ils aient accumulé un contentieux dans leur entreprise et qu’ils aient trouvé une occasion pour l’exprimer.

Précisément dans les années 1960, les pays d’Europe occidentale sont engagés dans une période de croissance économique qui prolonge un essor industriel ancien. Les industries automobiles, chimique ou des appareils électro-ménagers embauchent massivement. De nouvelles usines de montage se multiplient en France, notamment en Normandie, dans les pays de la Loire et en Bretagne qui profitent de la décentralisation industrielle engagée par les gouvernements successifs à partir de 1955. De ce fait, de nouveaux ouvriers, des hommes comme des femmes, venus des campagnes s’embauchent et côtoient des immigrés originaires de la rive nord (Italiens, Espagnols et Portugais) ou sud (Algériens surtout) de la Méditerranée. À ces derniers, les entreprises réservent les travaux les plus dangereux et les plus insalubres.

Cet essor industriel s’accompagne dans les branches les plus modernes d’un début d’automatisation des tâches. Le plus souvent, il est indissociable de la diffusion de la rationalisation du travail: les chaînes de montage s’allongent et se généralisent, comme la division du travail et le chronométrage des tâches. Cette rationalisation, qui se perfectionne sans cesse, induit une intensification: cadences accélérées pour effectuer des gestes répétés dans le textile ou l’électronique, mais mobilisation des corps aussi.

Ce sont les ouvriers spécialisés, les OS («ouvriers spécialisés»), qui pâtissent le plus de telles évolutions. C’est ainsi qu’en janvier 1968 à Caen chez Jaeger, des grévistes disent: «Les compteurs défilent, les ouvrières tombent ». À la Rhodiaceta de Besançon, les ouvriers réclament des augmentations de salaires en février-mars 1967, mais surtout un aménagement du repos hebdomadaire pour ceux affectés au travail posté en 4×8. Les salaires dépendent en effet toujours davantage du travail effectué ou du poste tenu, et moins de la qualification ou de la formation. De ce fait, les ouvriers et les ouvrières, surtout quand ils prennent de l’âge, peuvent alors connaître une baisse de leurs rémunérations, voire une carrière négative.

Enfin, toute une série d’industries, notamment les mines, l’industrie textile ou la construction navale, connaissent des difficultés et perdent des emplois. Cela signifie très concrètement qu’un premier mouvement de désindustrialisation affecte les «vieilles régions industrielles» (les bassins houillers du Nord-Pas-de-Calais ou de Saône-et-Loire, les vallées vosgiennes, etc.) nourrissant une crainte diffuse du chômage et donne lieu à une vague de manifestations au début de l’année 1968.

Malgré la croissance économique qui favorise une progression des salaires et un accès partiel à la consommation, le discours nostalgique sur les supposées «Trente glorieuses» tord la réalité ouvrière de l’époque. Ce sont la pénibilité maintenue de la condition ouvrière, la dureté et la dangerosité du travail qui nourrissent un antagonisme diffus mais croissant. Relayée par les organisations syndicales CGT et CFDT qui se rapprochent à compter de 1966, cette colère ouvrière profite de la brèche ouverte par le mouvement étudiant pour exploser au printemps 1968.

Le 13 mai 1968, en effet, répondant à l’appel lancé par les confédérations syndicales d’une journée de grève interprofessionnelle contre la répression du mouvement étudiant et la politique gouvernementale, les ouvriers font grève et manifestent un peu partout dans le pays. Le lendemain, à Bouguenais, dans la banlieue de Nantes, les travailleurs du Sud-Aviation votent la grève avec occupation, ferment les portails de l’usine et séquestrent de ce fait le directeur de l’usine et plusieurs de ses collaborateurs. Cette grève et ses modalités – occupation et séquestration – sont rapidement connues et favorisent une propagation rapide du mouvement. Le 20 mai au soir, la grève s’est généralisée dans les usines du pays et concerne sans doute quelque deux millions d’ouvriers.

Le mouvement s’est souvent étendu des grandes concentrations vers les établissements les plus petits. Son extension massive favorise la bigarrure des grévistes. Car, en plus des bastions traditionnels du mouvement ouvrier – la métallurgie, l’automobile, la sidérurgie, etc. – où se concentrent des ouvriers masculins, souvent qualifiés et français, des établissements textiles, des usines de montage, des ateliers divers sont aussi paralysés et occupés par des jeunes, des femmes, des immigrés aussi, qui bravent les ragots (des femmes qui occupent la nuit sont-elles tout à fait honnêtes ?…) ou les risques très réels d’expulsion pour se faire voir et faire triompher leurs revendications.

La généralisation de la grève favorise une prise de parole multiple: débats dans les meetings organisés régulièrement à la faveur des occupations pour discuter des modalités de lutte, des actions à mener, de l’avancée des négociations, etc.; discussions dans les bourses du travail aussi où bat le pouls de la grève; échanges avec les autres salariés et les étudiants qui viennent aux portes des usines ou pour se rendre dans les universités, avec les paysans parfois qui viennent vendre leurs denrées. Ce faisant, l’occupation prolongée favorise aussi une appropriation des locaux, y compris les bureaux de la direction, et (r)allume des rêves de pouvoir ouvrier, d’autant que des expériences ou des projets d’autogestion semblent s’esquisser dans une poignée d’usines: chez Perrier à Montigny-le-Bretonneux ou à la CSF à Brest par exemple.

Les grévistes, dès lors, ne discutent pas seulement de la modicité des salaires, mais dénoncent aussi l’organisation du travail, la parcellisation du travail ou son chronométrage, le rôle de la maîtrise, etc. Ils interrogent parfois le rôle ou le fonctionnement des organisations syndicales, questionnent le caractère démocratique du pays. Chez Renault, par exemple, des ouvriers immigrés font le choix de rédiger une plate-forme revendicative, sans l’aval du syndicat CGT majoritaire. C’est une véritable boîte de Pandore qui s’ouvre dans des usines transformées en «forum», selon le nom que donnent les grévistes de Peugeot-Sochaux à leur lieu de discussion.

Dans un tel cadre et avec une telle espérance, les négociations de Grenelle [nom du quartier administratif où se tiennent les négociations] auxquelles Georges Pompidou convie le patronat et les organisations syndicales (sans qu’aucune femme ne participe aux délégations), débouchent essentiellement sur le principe de la reconnaissance du syndicalisme dans l’entreprise et des augmentations de salaires, en particulier pour le SMIG [Salaire minimum interprofessionnel garanti] relevé de 35 % et de 10 % ailleurs. Les jeunes, souvent payés au salaire minimal et qui bénéficient en outre de la suppression des abattements d’âge, sont les grands gagnants des discussions. Mais pour les autres, le résultat en demi-teinte justifie la déception des grévistes qui refusent le plus souvent le relevé de négociations, dans la foulée des Renaul, le 27 mai. Pendant deux ou trois jours, l’impuissance d’un pouvoir déboussolé avive les espoirs révolutionnaires.

... https://alencontre.org/europe/france/hi ... -1968.html
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 24 Fév 2018, 18:26

La solidarité envers les luttes indochinoises dans la « France de 68 » : les années 1960-1970

Mai 68 se situe au cœur d’une décennie (du milieu des années 60 au milieu des années 70) marquée par l’intensité et la portée mondiale de la guerre du Vietnam. L’opposition à l’intervention militaire états-unienne et l’identification avec la résistance des communismes et des peuples indochinois ont beaucoup contribué au processus international de radicalisation de la jeunesse. L’escalade militaire US s’est poursuivie jusqu’en 1973 – et la défaite du régime saïgonnais n’a été acquise qu’en 1975. On aurait pu penser que le mouvement de solidarité se maintiendrait en France durant toutes ces années sans discontinuer. Il n’en a cependant pas été ainsi : il y a, en ce domaine comme en bien d’autres, un « avant » et un « après » la grève générale de mai-juin 1968. Avant, le soutien aux peuples d’Indochine était l’un des principaux terrains de mobilisation et de politisation. Après, les activités de solidarité n’ont pu être relancées que de façon volontariste, à contre courant.

La particularité du Mai 68 français, comparé à ce qui c’est passé ailleurs à la même période, est que le soulèvement étudiant — ayant imposé un recul politique au pouvoir gaulliste (libération des détenus, réouverture sans condition des universités…) — a joué le rôle d’une étincelle mettant le feu à la plaine sociale : il a ouvert la voie au plus grand mouvement de grève dans l’histoire du pays.

Du point de vue des mouvements de solidarité Indochine, la « césure » de la grève générale a été particulièrement radicale : les organisations qui s’étaient créées en 1966-1967 ont cessé d’exister et il a fallu trois ans pour en reconstituer une ! La grève a donc découpé deux périodes bien distinctes en ce qui concerne le soutien aux luttes indochinoises. Une troisième période s’amorçait à peine —comment continuer après les victoires d’avril 1975 ?— que la solidarité a été confrontée à la politique des Khmers rouges au Cambodge, à la crise qui secoue le Sud-Vietnam, puis au conflit sino-indochinois de 1978-1979 (cette « troisième guerre d’Indochine » qui ne se termine complètement qu’en 1991). Une page s’est tournée.

Aux origines

Le coup d’arrêt brutal porté par les « événements » de Mai 68 à la solidarité s’explique tout d’abord par les perspectives nouvelles que la grève générale a ouvertes. Les jeunes organisations d’extrême gauche qui exprimaient la radicalité des années 60 étaient nées en milieu étudiant. L’influence du Parti communiste français (PCF, pro-Moscou) restait largement prépondérante dans le mouvement ouvrier. Toutes les organisations révolutionnaires qui avaient porté les mobilisations « Indochine » ont donc tourné leur attention vers la classe ouvrière : sous peine de se déliter, elle devaient gagner rapidement un enracinement social.

Très concrètement, les activités internationalistes ont fait les frais de cette nouvelle priorité. Mais la disparition des deux mouvements de solidarité emblématiques des années 1967-1968, le Comité Vietnam national (CVN) et les Comités Vietnam de Base (CVB), renvoit aussi au caractère discontinu des traditions anti-militaristes et anti-impérialistes en France.

Au milieu des années 1960, il n’existe pas en France un mouvement anti-guerre à même d’offrir un cadre unitaire aux activités de solidarité et dans lequel la génération militante de 68 puisse se reconnaître. De Gaulle ayant quitté l’OTAN (tout en restant au sein de l’Alliance atlantique), il n’y a pas eu de grandes luttes fondatrices contre les bases militaires étasuniennes et les missiles US, à la différence de ce qui s’est passé dans des pays voisins. Aucun courant de la social-démocratie, compromise dans les entreprises coloniales, n’a joué le rôle de celui d’un Tony Ben en Grande-Bretagne. Le Mouvement de la Paix était étroitement identifié au PCF, qui perdait pied dans la jeunesse radicale. De nouvelles organisations ont ainsi vu le jour dans le cadre d’une radicalisation qui leur a donné un profil anti-impérialiste et non pas pacifiste.

Via la mouvance du PCF et le comité universitaire intersyndical (qui joue un rôle très actif dans la relance des mobilisations), il existe une continuité entre les résistances à la guerre française d’Indochine des années 40-50 et à la guerre étasunienne des années 60-70 ; continuité sensible dans la réactualisation de pratiques et de formes de lutte militantes. De plus, un certain nombre de militants qui fondent, au milieu des années 60, les nouvelles organisations révolutionnaires et participent à la constitution du CVN et des CVB s’étaient engagés auprès des combattants algériens. Ce lien est important, car il réunit des intellectuels et chrétiens de gauche, des membres du PCF en rupture avec l’orientation modérée de leur direction, et des militants d’extrême gauche (notamment trotskystes). Mais pour l’essentiel, les nouvelles mobilisations de solidarité ont constitué une composante intrinsèque, nodale, de la vague de radicalisation qui prépare Mai 68. C’est ce qui a fait leur force, mais qui les a aussi rendues dépendantes d’un tournant brusque dans la situation politique, tel que celui provoqué par la grève de mai-juin.

Avant Mai : l’Indochine au cœur de la radicalisation

Au milieu des années 60, l’Indochine, « front chaud de la guerre froide » selon la formule de Daniel Hémery, était le principal foyer révolutionnaire dans le monde. La démesure meurtrière de l’escalade militaire étasunienne exprimait l’extrême violence de la contre-révolution impérialiste. Tous les courants politiques (parfois en formation) qui ont « fait » Mai se sont engagés dans les activités de solidarité ; un terrain sur lequel s’est déployé toute la panoplie des actions propre à cette époque : travail de politisation et polémiques programmatiques ; apparat et dynamisme des défilés ; longs slogans rythmés (« Salut à vous frères vietnamiens… ») ; banderoles aux lettre de feu (« FNL vaincra ») tendues haut en travers des boulevards ; opérations spectaculaires contre les consulats saïgonnais et US, ou des firmes et des symboles de la présence étatsunienne ; « accueil » militant des bâtiments de la VIe Flotte venus mouiller dans les ports de la Côte d’Azur ; réseaux clandestins d’appui aux déserteurs américains basés en Allemagne ; participation au Tribunal Russel (présidé par Jean-Paul Sartre) ; manifestations clandestines (après leur interdiction post-juin)…

Durant les années 1967-1968, les mouvements spécifiques de solidarité ont pour l’essentiel été représentés par trois organisations. Le Comité Vietnam national (CVN) a vu le jour le 30 novembre 1966, à l’occasion de ses « Six Heures », avec, à la tribune du Palais de la Mutualité, le philosophe Jean-Paul Sartre, le physicien Alfred Kastler, le mathématicien Laurent Schwartz, l’historien Pierre Vidal-Naquet… Dans la foulée, de nombreux comités locaux se sont rapidement créé. La direction du CVN a réuni des représentants de divers courants de la nouvelle extrême gauche et des personnalités engagées, comme Schwartz, Jean Schalit, Alain Krivine, ou Bernard Kouchner…

Les principaux mouvements maoïstes ont refusé de s’intégrer au CVN. En février 1967, l’Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml) a constitué les Comités Vietnam de base (CVB), son « front de masse » animé notamment par Thiennot Grumbach, Jean-Pierre Le Dantec, Jean-Pierre Olivier de Sardan... Quant au PCF, il dirigeait un collectif comprenant de nombreux syndicats (la CGT) et associations (le Mouvement de la Paix), mais coupé du radicalisme des milieux étudiants et intellectuels.

Dans un premier temps, le mot d’ordre « FNL Vaincra ! » des CVN et CVB s’opposait au traditionnel « Paix au Vietnam » du PCF (plus conforme au positionnement de Moscou), mais ce dernier finit par renommer la coalition qu’il pilotait et qui devient Comité national d’Action pour la victoire du peuple vietnamien — amende honorable. Une divergence plus durable concernait la conception de l’unité. Le PC rejetait tout rapport avec les « gauchistes » qu’il dénonçait comme des provocateurs alors que les maoïstes, pour leur part, ne voulaient pas entendre parler d’action commune avec l’agent du « social-impérialisme » soviétique. Le CVN prônait en revanche l’unité entre toutes ces forces, quitte à l’imposer dans la rue, lors des grandes manifestations. Il la réalisait aussi en son sein : des communistes de diverses dénominations travaillaient ensemble avec des « sans cartes » au développement du Comité.

La question de l’unité recouvrait, entre CVN et CVB, une divergence touchant à la conception même de la solidarité. Les maoïstes voulaient avant tout porter en France l’exemplarité de l’« invincible » guerre populaire, populariser le « Oser lutter », éduquer. Tout en contribuant lui aussi à la politisation et à la radicalisation militante, toutes les composantes du CVN cherchaient à peser sur les rapports de forces internationaux afin de faciliter la victoire des forces révolutionnaires au Vietnam. Indispensable pour le CVN au nom de l’efficacité, une démarche unitaire apparaissait source de confusion pour les CVB. Les deux mouvements se sont retrouvés dans la rue en bien des occasions, mais les différences d’approche n’ont jamais été surmontées.

En Europe aussi, la solidarité Vietnam a constitué le terrain sur lequel se sont coordonnées les nouvelles organisations de jeunesse radicales. La première manifestation européenne contre les guerres impérialistes a eu lieu à Liège, le 15 octobre 1966. Une coordination permanente s’est constitué lors de la conférence de Bruxelles, le 11 septembre 1967. Elle a assuré la préparation de la manifestation des 17-18 février 1968 à Berlin, point d’orgue des mobilisations européennes, avec le Sozialistischer Deutscher Stundentenbund (SDS) de Rudi Dutschke et des cortèges venus de quinze pays — la délégation française étant avant tout menée par les Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR).

A l’échelle internationale, ce sont encore les mobilisations contre l’intervention US en Indochine qui ont permis d’élargir des liens militants tissés jusqu’au Japon et aux Etats-Unis. Le soulèvement des campus aux USA a suscité un intense sentiment de solidarité en Europe. En avril 1967, dans son appel à la Tricontinentale, Che Guevara dénonçait la tragique solitude du peuple vietnamien et la passivité du « camp socialiste ». Après son assassinat en Bolivie le 9 octobre de la même année, son nom a été associé dans les manifestations à celui d’Ho Chi Minh en symbole du renouveau internationaliste. Un internationalisme qui s’affichait aux tribunes des meetings : le Comité Vietnam national, puis son successeur, le Front solidarité Indochine (FSI), ont ainsi accueilli Stokeley Carmichael, leader du Black Panther Party, ou Fred Halstead, venu lui aussi des Etats-Unis, représentant la coalition pour la paix NPAC.

Après Mai : reconstruire la solidarité

Aux yeux de l’extrême gauche française, l’importance de Mai 68, c’était la grève générale bien plus que le soulèvement étudiant. L’Europe, et non seulement la France, semblait promise à de nouveaux combats de classes avec la crise des dictatures en Espagne, au Portugal et en Grèce. L’escalade US se poursuivait certes en Indochine et l’Asie occupait toujours l’actualité avec la lutte de libération au Pakistan oriental (Bangladesh) en 1971, le soulèvement du JVP au Sri Lanka, la chute du régime militaire thaïlandais en 1973, le combat-phare des paysans de Sanrizuka au Japon, l’usure de la dictature sud-coréenne… Sans parler des répercussions de la « révolution culturelle » en Chine. Rouge s’en fait régulièrement l’écho et le 11 décembre 1968, le nouvel hebdomadaire de la Ligue communiste (en reconstitution après l’interdiction des JCR) regrettait que « la compréhension politique » de l’importance du « soutien à la révolution anti-impérialiste se soit singulièrement dégradée au sein de ce qui reste du ‘Mouvement de Mai’ ». C’était peu dire : les CVB et le CVN avaient cessé d’exister.

Les représentants vietnamiens — de la République démocratique du Vietnam (RDVN) au Nord, du Front national de libération (FNL) puis du gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP) au Sud — se sont inquiétés de cette situation. Avant Mai déjà, confrontés à l’acuité des divisions au sein de la gauche française, ils avaient joué un rôle très actif auprès des personnalités, mouvements et partis progressistes, collaborant sous diverses formes avec toutes les composantes de la solidarité : le PCF évidemment, avec qui le Parti communiste vietnamien (PCV) entretenait les rapports les plus officiels, mais aussi avec les intellectuels anti-impérialistes, des gaullistes de gauche ou les courants maoïstes et trotskistes, le CVN et les CVB. Après Mai 68, ils leurs ont demandé de relancer l’action alors que, conséquence de l’offensive du Têt, des pourparlers s’ouvraient à Paris avec les Etats-Unis.

La politique en demi-teinte du PCF (calquée notamment sur celle de l’URSS ?) ne répondait que très partiellement aux attentes des Vietnamiens ; ainsi d’ailleurs que celle des maoïstes. Ces derniers avaient créé en juin 1969 le Secours rouge qui aurait pu servir de cadre à la solidarité, mais cette organisation a été largement paralysée par des conflits internes. En revanche, certaines composantes du défunt CVN ont exprimé leur volonté de reconstituer un mouvement unitaire. Pour manifester spectaculairement leur soutien à cette perspective, les représentants indochinois ont participé, le 16 février 1971, à un meeting de la Ligue communiste au Palais de la Mutualité à Paris (ce qu’il n’avaient encore jamais fait). Au grand dam du PCF, qui dénonçait toujours aussi violemment les « gauchistes », des porte-parole du GRP (Sud-Vietnam), du gouvernement royal d’union nationale du Kampuchea (GRUNK, Cambodge) et des étudiants laos siégeaient à la tribune.

Le Front solidarité Indochine (FSI) a été lancé en avril 1971, trois ans après la disparition du CVN, par un appel signé de 43 personnes, dont Laurent Schwartz, Pierre Vidal-Naquet, Jean Chesnaux, Roger Pannequin, Roland Castro, Madeleine Rebérioux, Marcel Francis Kahn, Alain Krivine, Georges Boudarel, Marianne Schaub, François Maspero, Claude Bourdet, Daniel Hémery, Hélène Parmelin, Georges Casalis. Le FSI réunit ainsi des universitaires anti-impérialistes (issus ou pas du PCF), des chrétiens de gauche et un éventail de courants d’extrême gauche comme la Ligue communiste, l’Alliance marxistes révolutionnaire (AMR) ou (temporairement du moins) une aile du maoïsme. Les représentants indochinois ont à nouveau affiché leur soutien à la création du FSI en participant à son meeting du 6 novembre 1971 — avec aussi, cette fois-ci, à la tribune le Nord-Vietnam, diplomatiquement absent du précédent.

L’effet d’entraînement a eu lieu et le PCF a relancé, pour sa part, un Cartel des 48 organisations. Le Front solidarité Indochine a réussi à maintenir une intense activité de solidarité jusqu’en 1975 : création de nombreux comités de base, assises, réunions et manifestations répétées (qui peuvent compter jusqu’à 30.000 personnes), publications, initiatives européennes (en particulier la manifestation de Milan du 12 mai 1973), liens avec le mouvement anti-guerre aux USA… et ce, malgré une situation politique complexe marquée par la normalisation des rapports sino-américains sanctionnée, en 1971, par le voyage de Nixon en Chine et la montée des tensions entre Hanoi et Pékin. La majorité des composantes du FSI condamnaient l’évolution de la diplomatie chinoise, mais pas toutes. L’organisation devait donc maintenir l’unité d’action tout en laissant s’exprimer les divergences : elle a publié deux documents « Autour du voyage à Pékin » — des articles de la presse vietnamienne d’un côté et une longue interview de Zhou Enlai de l’autre.

Du déclin à la déchirure

A partir de septembre 1973 —le coup d’Etat de Pinochet au Chili—, l’Amérique latine a occupé une place centrale dans les activités internationalistes en France. L’arrivée en Europe de milliers de réfugiés des dictatures militaires latino-américaines a accentué ce recentrage. Avec la complexité de la situation en Asie, le maintien des activités de soutien aux révolutions indochinoises a demandé beaucoup de volontarisme. Comment, alors, poursuivre après les victoires d’avril 1975 ? La réponse à cette question était d’autant moins évidente que le régime vietnamien n’accordait plus beaucoup d’importance au type de solidarité que le FSI pouvait offrir : il tentait avant tout de traiter avec Moscou et Pékin, avant de s’adosser à l’URSS face à la pression chinoise.

C’est dans un contexte déjà incertain que la question des Khmers rouges s’est posé au mouvement de solidarité. Ceux qui suivaient de près l’actualité indochinoise sentaient que les rapports entre les partis vietnamien et cambodgien étaient tendus. Mais nul ne savait ce qu’était devenu « l’Angkar » sous la direction de Pol Pot. Les maoïstes et certains courants tiersmondistes ont pris fait et cause pour le régime khmer. Dès que Phnom Penh a été vidé de sa population, le doute est né pour les autres composantes de la solidarité, qui ont tout d’abord cherché à démêler le vrai du faux sur ce qui était dit des Khmers rouges — avant de conclure que la réalité dépassait même la pire des propagandes US ! Le « polpotisme » était d’autant plus imprévu que l’on ignorait presque tout de l’histoire du communisme cambodgien. Il a fallu attendre les travaux de chercheurs enquêtant auprès des réfugiés, puis travaillant sur les archives du régime après sa chute en 1978, pour la reconstituer en partie.

L’héritage ?

La politique des Khmers rouges, la crise dite des « boat people » au Sud-Vietnam et les impasses du communisme vietnamien, puis la guerre sino-indochinoise de 1978 ont suscité pour les militants les plus investis dans la solidarité un intense travail de réflexion et des débats qui ont porté de nombreux fruits. Mais, à une échelle plus large, l’incompréhension, la démobilisation et la démoralisation l’ont emporté, marquant la fin d’une période.

L’Asie est redevenue le parent pauvre des solidarités en France (ainsi qu’en Europe). Les années suivantes, de petits comités ont fait un travail, souvent remarquable, sur la Corée du Sud, la Thaïlande, les Philippines, la Birmanie ou la Malaisie… Mais leurs activités sont restées confidentielles et le lien avec les organisations de soutien aux révolutions indochinoises était en fait ténu.

Plus positivement, des mouvements comme le CVN et le FSI ont préfiguré des processus unitaires et des modalités de fonctionnement qui allaient se généraliser dans les années 1990. Ils ont en effet brisé bien des frontières sectaires, fait de l’unité un facteur d’efficacité, lié mobilisation et politisation ; et ils ont rompu avec les traditions de contrôle bureaucratique d’un parti (quel qu’il soit) sur le mouvement.


Bibliographie succinte

Presse

C’est dans la presse militante de l’époque que l’on trouve l’essentiel des informations sur les activités de solidarité Indochine. Peu de ces publications couvrent l’ensemble de la période considérée : il s’agit surtout, pour la coalition organisée par le PCF, du quotidien L’Humanité et, pour une part de l’extrême gauche, du CVN puis du FSI, d’Avant-garde Jeunesse d’abord et de Rouge ensuite.

Autres

Camille Scalabrino S. (1977) : Une divergence vietnamienne. Pratiques historiennes et analyse des idéologies. Contribution à l’histoire du Front solidarité Indochine, polycopié.

Front solidarité Indochine (1072) : Autour du voyage à Pékin, « Document n° 1 » (articles de la presse vietnamienne) et « Document n° 2 » (interview de Zhou Enlai). Paris : Maspero.

Rousseau S. (2002) : La colombe et le napalm. Les chrétiens français, les guerres d’Indochine et le Vietnam 1945-1975. Paris : Ed. du CNRS, Paris.


Internationalisme et révolution vietnamienne

Annexe

La solidarité internationale et l’action diplomatique ont joué, pour la révolution vietnamienne, un rôle qui était alors sans précédent. Les révolutions russe, yougoslave et chinoise l’avaient emporté durant ou aux lendemains d’une guerre mondiale. Sans être une question négligeable avant, c’est surtout après la fondation des nouveaux Etats que le développement de mouvements de solidarité a pris de l’importance. Il en va bien différemment dans le cas du Vietnam, engagé trois décennies durant dans une succession de conflits toujours plus dévastateurs : confronté dans la durée à la violence des interventions impérialistes, le champ international et devenu pour le Parti communiste l’un des terrains sur lequel se sont joués les rapports de forces et le succès ou l’échec de son combat.

Ainsi, le Parti communiste vietnamien a dû progressivement gagner son indépendance sur le terrain diplomatique face des alliés (URSS et Chine) soucieux de défendre leurs intérêts propres. En 1954, les termes de l’accord de Genève, préparés entre « grandes puissances », lui avaient encore largement été imposés par Moscou et Pékin — or, le compromis de l’époque était pourri : il permettait certes la création au Nord de la République démocratique (RDVN), mais il donnait aussi aux Etats-Unis le temps de prendre complètement a relève des Français pour préparer une contre-offensive générale. Une quinzaine d’années plus tard, quand s’amorcent en 1968 les pourparlers de Paris, le PCV a négocié cette fois en tête-à-tête avec Washington. Il était devenu maître de ses décisions diplomatiques.

De même, le PCV a accordé beaucoup d’attention au renforcement des mouvements de solidarité dans de nombreux pays du monde — des Etats-Unis au Japon en passant par l’Europe occidentale. Avec beaucoup d’intelligence politique, il a évité de se laisser piéger par la division des forces de gauche, il a su mobiliser toute la palette des milieux progressistes et il a adapté son activité à chaque contexte national.

Vu la place nodale du Vietnam dans le monde des années 1960, l’extraordinaire opiniâtreté du combat poursuivi dans ce pays et la variété des liens tissés par le PCV sur le plan international (via notamment le canal du FLN puis du GRP), la révolution vietnamienne a suscité de nombreux espoirs parmi les générations militantes de l’époque, et une très forte identification. La déception n’en a été que plus profonde quand la crise « post-victoire » a éclaté au Vietnam, débouchant sur l’exode des « boat people » et la troisième guerre d’Indochine. Après avoir a incarné le renouveau internationaliste de la décennie 1965-1975, le Vietnam a annoncé la crise de l’internationalisme de la période suivante.

La politique du Parti communiste a été mise en échec en 1975-1978 : il était notamment illusoire de croire qu’après la victoire, l’importante aide chinoise et russe se poursuivraient conjointement. La vision de la société du communisme vietnamien était aussi en cause. Elle ne saurait certes être défini d’un terme simple, tant l’histoire du PCV est complexe. La place de l’Etat (et du régime de parti unique) renvoie évidemment au modèle stalinien alors dominant dans le « camp socialiste ». Mais elle renvoit aussi, à l’instar de la Chine, à des traditions nationales de centralisme étatique très anciennes, ainsi qu’à une conception « uniciste » de la nation. La victoire du parti-Etat en 1975 traduit aussi une situation de fait : trois décennie de guerres (toutes à la fois internationales et civiles) ont laminé le pluralisme du marxisme vietnamien (et, plus généralement, affaibli les ressorts pluralistes de la société vietnamienne).

Car le marxisme et le nationalisme progressiste étaient pluriels au Vietnam. Une pluralité qui s’est notamment exprimée durant les années 1930, quand la victoire du Front populaire en France a suscité une intense activité politique dans les colonies indochinoises (incluant, au sud du pays, une alliance dynamique entre le PCI « komintérnien », les trotskistes de Tha Tu Thau et les marxistes indépendants de Nguyen An Ninh). Une pluralité toujours réelle en 1945, quand le pays a, une première fois, proclamé son indépendance après l’insurrection d’août et la formation d’un gouvernement Ho Chi Minh.

Les combats de l’époque n’ont pas été perdus au Vietnam, mais ailleurs. En France quand le gouvernement de Front populaire n’a pas voulu engager la décolonisation. En Europe et en Extrême-Orient, avec le début de la Seconde Guerre mondiale et l’occupation japonaise de l’Asie du Sud-Est. En France à nouveau quand la social-démocratie a soutenu l’entreprise de reconquête militaire de l’Indochine et quand le Parti communiste n’a pas voulu rompre sur cette question la solidarité gouvernementale : l’envoi du corps expéditionnaire français a marqué le début de la première guerre d’Indochine. En 1954 encore, ce sont les « grandes puissances » qui ont dicté les termes d’un accord de paix qui, en réalité, annonçait la seconde guerre d’Indochine. Le peuple vietnamien a payé un prix excessivement lourd pour ces combats perdus loin de ses frontières.

Des « carrefours historiques » se sont ouvert au Vietnam en 1936, en 1945 et au début des années 1950. A chaque fois, entre les « possibles » de l’époque, c’est le pire, la voie de la guerre, qui est devenue réalité. Quand enfin en 1975, la victoire a été acquise, le Parti communiste était la seule force organisée qui avait pu traverser trois décennies de tourmente. Il pouvait prétendre incarner seul l’héritage de la lutte de libération et la légitimité révolutionnaire. L’épuisement social se faisait sentir. Le pays se retrouvait aussi l’otage de la politique de revanche étasunienne, du conflit sino-soviétique et des retournements d’alliances qui l’accompagne (voyage de Nixon à Pékin) ; sans parler de la crise cambodgienne.

Faut-il, rétrospectivement, conclure de l’échec du communisme vietnamien que l’internationalisme des années 68 n’était qu’illusoire ou mensonger ? La dure leçon de chose est plutôt inverse. Dans le cadre de la radicalisation de la fin des années 60, le mouvement et le sentiment anti-guerres aux Etats-Unis et la solidarité internationale se sont nourris l’un l’autre et ont effectivement contribué à mettre un terme à l’escalade militaire US. C’est bien pour cela que l’offensive du Têt 68 au Vietnam, malgré son coût militaire et organisationnel, a représenté un point tournant dans la guerre : par son impact mondial, elle a rejeté politiquement Washington sur la défensive, forçant l’ouverture des négociations.

En France lors de la première guerre d’Indochine, puis dans de très nombreux pays durant la seconde, de fort belles pages solidaires ont été écrites. De même, sans l’aide soviétique et chinoise, la RDVN n’aurait pas pu tenir comme elle l’a fait face à la machine militaire US. Pourtant, rétrospectivement encore, ce dont la révolution vietnamienne a souffert, ce n’est pas d’un trop plein d’internationalisme, mais de ne pas avoir bénéficié à des moments décisifs — ces « carrefours historiques » déjà mentionnés — de l’appui dont elle avait besoin pour l’emporter plus tôt et à moindre coût.

Le retour sur l’histoire — et singulièrement sur la décennie 65-75 — souligne bien le caractère effectif et indispensable de la solidarité internationaliste. C’est en cela notamment que les années 68 restent actuelles.


P.-S.
* Ce texte est une version très légèrement augmentée de la contribution publiée sous le titre « Vietnam - Indochine » dans Antoine Artous, Didier Epsztein et Patrick Silberstein (sous la direction de), « La France des années 1968 », Syllepse, Paris 2008.


https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article10123
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Re: 1968, et l’après-68

Messagede Pïérô » 25 Fév 2018, 13:28

Mai 68, ce que nous, communistes, n'avons pas vu

Évoquer Mai 68 dont on a été un des acteurs en tant que communiste expose à céder à la nostalgie d'un temps révolu. Alors plutôt que de témoigner, je saisis l'occasion pour faire part de réflexions que cet événement m'inspire cinquante ans après.

Pour entendre les remarques qui vont suivre il faut préciser d'où parle votre locuteur. Né dans un milieu qui ne prédisposait pas à l'engagement militant, il adhère au PCF, via l'UEC, en 60, pour donner une dimension politique à son combat humaniste pour une Algérie indépendant. Depuis 63, date à laquelle il est recruté comme assistant à l'université, il fait partie d'une des plus importantes sections de Villeurbanne (Rhône) dans laquelle les ouvriers sont nombreux. En cinq ans, il a eu le temps de découvrir l'intelligence, la pugnacité et la fraternité de ces militants. C'est en partie auprès d'eux qu'il a fait Mai 68, partageant son temps entre les piquets de grève des usines occupés et les assemblées de personnels et étudiants qui se tenaient à l'université Claude Bernard.

Le contexte avant 68

Plusieurs éléments s'entrecroisent. Durant la période 54-62, le PCF a été au premier rang dans la lutte pour la paix en Algérie. Cette ligne lui a valu beaucoup de critiques acerbes de la part d'organisations, essentiellement composées d'intellectuels et d'étudiants, qui en appelaient au soutien ouvert au FLN. Il est une force électorale incontournable (21,8% aux aux législatives de 62 et 22,5 à celles de 67) qui le conforte dans sa stratégie conçue depuis longtemps d'union des forces de gauche autour d'un programme commun. En 56, cette ligne, lui avait fait commettre une grave erreur, celle du vote des pouvoirs spéciaux au gouvernement Mollet. Il prône aussi le passage pacifique au socialisme, par la voie électorale. Du coup, il subit les pires anathèmes de la part de ceux qu'il qualifie de gauchistes « staliniens, réformistes, révisionnistes, bureaucrates...». Pour lui, conformément à la ligne léniniste traditionnelle, le gauchisme est une maladie infantile du communisme et les mouvements de ce type, en particulier la JCR trotskyste crée en 66, sont cloués au pilori. Pour lui, en conformité avec la théorie de la dictature du prolétariat, la classe dirigeante est la classe ouvrière et , Les intellectuels jouent un rôle important à condition de ce mettre à son service. Au début des années soixante, des luttes ouvrières et paysannes sont nombreuses mais dispersées. Pour le PCF qui les soutient, elles ne peuvent que conforter sa stratégie politique pour « un gouvernement populaire d'union démocratique ».

L'explosion de Mai 68

Dans ce contexte, les évènements de mai 68 prend le PCF de court. La mèche a été allumée dans le milieu étudiant et les organisations trotskystes, anarchistes, psuistes et maoïstes qui en sont issues, ont été immédiatement sur le pied de guerre. Elles avaient saisi qu'une partie des étudiants réagissait contre les formes les plus surannées de l'ordre social. Certes la mise en cause de l'exploitation capitaliste n'était pas la priorité mais les étudiants, issus dans leur très grande majorité des couches moyennes, n'y étaient pas préparés. Par contre, ces jeunes mettaient en cause l'autorité, la hiérarchie, le pouvoir, l'ordre, la propagande, le mandarinat... La répression policière aidant, tout cela était confus, outranciers mais aurait peut-être débouché sur des prises de conscience si les communistes avaient bien voulu s'en mêler et se confronter sur le terrain avec les gauchistes. Il a préféré condamner sans nuance ces « aventuriers irresponsables» , se coupant ainsi de la masse des étudiants, rejoints par de jeunes ouvriers. Lorsque les grèves et les occupations d'usine se sont déclarées, le PCF s'est retrouvé sur un terrain familier et y a engagé toutes ses forces. Mais, cette nouvelle situation où la classe ouvrière reprenait la main ne l'a pas plus incité à renouer avec la jeunesse protestataire, bien au contraire même. Ce divorce lui aura coûté très cher et pour longtemps.

Hillel Roger


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Re: 1968, et l’après-68

Messagede bipbip » 01 Mar 2018, 17:46

Du Vietnam aux Antilles en passant par l’Afrique et les Amériques : débats publics sur ce Mai 68 « élargi »

Mai 68 ne s’est pas seulement déroulé dans le Quartier latin ou les usines Renault de Flins. A l’occasion des 50 ans de cet événement historique, une série de rencontres publiques revient sur les origines de ce mouvement qui a traversé la planète, sur ses courants de pensées et ses acteurs, de la place du travail aux luttes de libérations. C’est du 2 mars au 14 avril 2018, pour comprendre les héritages politiques actuels des mobilisations mondiales émancipatrices des années 1965-1973.

... https://www.bastamag.net/Du-Vietnam-aux ... ues-debats
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