Malbouffe : avec le cheval, combien d’autres couleuvres ?L'actualité m'a donné l'envie de vous présenter trois exemples criants des couleuvres que l'industrie agroalimentaire nous fait avaler. Nous ne reviendrons que rapidement sur l'affaire des lasagnes Findus, elle fait la une des médias.
Mais on a moins bien retenu le circuit, assez complexe il est vrai... cheval roumain, passé par des traders hollandais puis chypriote, puis revendu à une holding française (passage dans deux entreprises) puis à un fabricant de surgelés sous-traitant de Findus, lui-même groupe suédois appartenant à un fonds anglais. Compliqué ? Mais non ! Ça s’appelle le marché communautaire... Ce que cette affaire démontre est sans appel : la traçabilité est un leurre ! Et les certifications de la poudre aux yeux. Rappelons que la traçabilité est censée permettre de suivre l’historique, la localisation, l’utilisation, de tous les contenus d’un produit, tout au long de sa chaîne de production et de distribution.
Mais en fait, qui définit les normes et les outils de la traçabilité et des certifications ? Les industriels bien sûr... Et qui les contrôlent ? En partie les industriels eux-mêmes ! Un vrai jeu de dupes dont sont complices les pouvoirs publics et dans lequel, une fois de plus, les consommateurs sont les perdants.
Après le boeuf « made in cheval », quid du saumon norvégien ?Fut un temps, pas si lointain, le saumon était un produit de luxe. Aujourd’hui les étals des supermarchés regorgent de saumon en promo, fumé ou en poisson « frais » (car souvent décongelé). Que s’est-il passé ? La découverte de l’aquaculture ! D’immenses fermes d’élevage de saumon envahissent les fjords norvégiens, constituées de bassins où sont entassés et gavés de nourriture industrielle des milliers de saumons. Dans ces conditions d’élevage, par manque de place et d’oxygène beaucoup meurent ; mais ils sont aussi plus sensibles aux maladies : alors on les traite ! Le dernier problème est un pou, parasite naturel du saumon, mais qui dans ces conditions prolifère. Et quelle est la dernière invention pour s’en débarrasser ? Tout simplement balancer des pesticides dans l’eau ! Ça tue les poux, mais aussi beaucoup de saumons. Ceux qui résistent finiront dans nos assiettes... Encore plus grave : les bassins ne sont bien sûr pas étanches (ce sont des filets pour que l’eau circule) alors nos pesticides partent dans les eaux des fjords. Et on constate actuellement une très forte mortalité des autres poissons, voire des dégénérescences génétiques. Forcément une partie de la population et des associations se révoltent. Mais le pouvoir de l’industrie agro-alimentaire est tel que le gouvernement laisse faire et même autorise ce genre de traitement. Et évidemment aucune étude n’est faite sur la nocivité potentielle de ce pesticide une fois arrivé dans notre estomac, ni sur les impacts sur l’environnement.
Connaissez-vous le « fromage analogue » ?Brevet du géant de l’industrie agroalimentaire Cargill, c’est son appellation officielle sauf qu’il n’y a pas de fromage dedans... mais trois amidons, un galactomannane, un carraghénane (deux gélifiants) et bien sûr des arômes.
Et où trouve-t’on cette « chose » ? Dans les plats cuisinés industriels, dans la grande majorité des pizzas en particulier celles de Pizza Hut. Ce produit a un avantage énorme pour les fabricants, il coûte 200 % moins cher qu’un vrai fromage !
Un autre « fromage analogue » existe, mais un peu mois intéressant au regard de son coût. Il est, lui, composé de 15 % de protéines laitières, d’huile de palme et d’exhausteurs de goût Il faut savoir que l’Allemagne, 1er pays producteur de pizzas industrielles surgelées en Europe, produit 100 000 tonnes de « fromage analogue » par an !
La Commission européenne a autorisé ces produits, à condition que la composition soit précisée sur l’étiquette (vous savez, ce petit coin de l’emballage pour lequel il faut une loupe)
Voilà donc trois exemples bien différents mais qui nous ramèment toujours au même point : le pouvoir exorbitant des multinationales de l’agro-industrie et leur collusion avec la grande distribution, le tout avec la caution plus ou moins directe des pouvoirs publics. Ceci au plus grand mépris des intérêts de la santé des populations et de la préservation de notre environnement. Au final, ce n’est qu’une démonstration, dans le secteur alimentaire, des conséquences sans limites et des ravages de la mondialisation, du capitalisme, de la course au profit.
Alors que pouvons-nous faire, nous simples citoyens ?Dénoncer cela, bien sûr. C’est l’objet de ce texte. Mais aussi le faire savoir le plus largement possible autour de nous, et surtout refuser ces cochonneries !
Reprendre le pouvoir sur ce qu’on avale, beau programme, non ? Aller au marché acheter des produits locaux, s’inscire dans une AMAP ou un panier paysan, retourner chez l’épicier, le boulanger, le charcutier de notre quartier (quand il en reste...), aller dans les magasins bio, retrouver le plaisir du fait maison, la convivialité du repas partagé... Certains diront que ça prend du temps et que ça coûte plus cher, mais se préoccuper de sa santé et de celle de ses proches n’a pas de prix ! C’est défendre nos producteurs, nos commerçants, c’est aussi connaître l’origine de nos produits et les pratiques (fabricants, artisans) et si nous sommes suffisamment nombreux, c’est soutenir la création d’emplois non délocalisables.
Depuis longtemps déjà les Amis de la Terre prônent l’idée que dans des sociétés soutenables il faut produire local et consommer local. Bannir les activités néfastes aux individus et à leur environnement d’autant plus quand elles n’ont pour but que le profit de quelques uns au détriment du bien commun n’est pas qu’un droit, c’est un devoir. Ce défi nous appartient, allons-y !
Par Martine Laplante, présidente des Amis de la Terre