Palestine / Israël

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Messagede bipbip » 04 Oct 2017, 22:23

Saint-Denis dimanche 5 novembre 2017

La Palestine après Balfour 1917-2017 100 ans de colonialisme / 100 ans de résistance

Le 2 novembre 1917 alors que la première guerre mondiale entre dans sa dernière année et que l’empire ottoman est en pleine déliquescence, la déclaration Balfour est adoptée par le gouvernement britannique. Celle-ci adressée à Lord Rothschild par le ministre britannique Balfour, antisémite notoire, s’avère totalement illégale au regard du droit international.

Cette déclaration de soutien au mouvement sioniste alors ultra minoritaire parmi les communautés juives voit le Royaume Uni promettre une terre qui ne lui appartient pas à un personnage Lord Rothschild qui ne représente que lui-même. En confortant ainsi le mouvement sioniste, la Couronne britannique vise un objectif en particulier : le contrôle du Proche-orient et du canal de Suez. Un an plus tôt, Londres et Paris avaient en effet négocié le dépeçage de la région via les accords Sykes-Picot qui définissaient les lignes de partage pour chaque puissance coloniale. Cette déclaration constitue l’un des volets de la main mise occidentale sur la région.

En préconisant l’établissement d’ « un foyer national juif » en Palestine au mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, cette promesse non seulement bafoue grossièrement le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et sonne aussi comme la fin du rêve d’un monde arabe uni et indépendant. Le peuple palestinien tout au long de son histoire contemporaine et déjà sous le mandat britannique a toujours considéré le 2 novembre comme un jour de deuil national.

Aujourd’hui, un siècle plus tard, le Royaume-Uni, les États-Unis, Israël et sans doute aussi la France s’apprêtent cyniquement à célébrer le centenaire d’une déclaration qui représente pour l’Occident la marque de son œuvre coloniale dans la région arabe et pour le peuple palestinien la première étape de sa dépossession. C’est dans ce cadre que nous tenons à porter depuis Paris une voix forte. Une voix qui dénonce ces lugubres festivités et qui remet la lumière sur un siècle de colonisation et de destruction de l’Orient arabe dont les conséquences ne finissent pas de se faire sentir. Une voix qui tiendra à re-faire récit, à redéfinir les termes du débat en rétablissant pleinement la dimension coloniale du conflit. Enfin, cette voix se voudra bien sûr et surtout celle qui relaie la résistance du peuple palestinien depuis un siècle et qui se montre solidaire par le renforcement de la campagne de Boycott, Désinvestissement, Sanctions contre l’Etat d’Israël.

Ainsi, nous appelons toutes les personnes éprises de justice à se joindre à nous le dimanche 5 novembre 2017 à 14h00 à Saint-Denis pour dénoncer le centenaire d’une Déclaration coloniale injuste à l’origine d’un siècle sanglant qui a arraché la Palestine du monde arabe dans le cadre du découpage du Proche-Orient.

Avec les interventions de :
- Joseph Massad, historien palestinien et auteur de La persistance de la question palestinienne.
- Ilan Pappe, Professeur à l’université d’Exeter et auteur de Le nettoyage ethnique de la Palestine.
- Rabeb Abdulhadi, chercheuse palestinienne , professeure à l’université de San Francisco (SFSU) et directrice du programme AMED (Etudes des ethnicités et diasporas arabes et musulmanes).
- Alain Gresh, journaliste politique et auteur de De quoi la Palestine est-elle le nom ?
- Ainsi qu’Elsa Lefort pour le collectif de soutien à Salah Hamouri.

http://bxl.indymedia.org/spip.php?article15429
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Messagede bipbip » 05 Nov 2017, 21:04

La déclaration Balfour : une dépossession symbolique ouvrant la voie à la dépossession physique

Le 2 novembre 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Arthur Balfour, adressait une lettre à Lionel Walter Rotschild, membre éminent de la communauté juive en Grande-Bretagne et grand argentier du mouvement sioniste.

Par cette lettre, Balfour apportait le soutien officiel du gouvernement au projet d’établissement d’un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine, alors sous administration ottomane : « Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politiques dont les Juifs disposent dans tout autre pays. Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste. »

Un siècle de dépossession

Cette promesse, connue sous le nom de « déclaration Balfour », est un moment clé de l’histoire de la Palestine, puisque pour la première fois le gouvernement d’une grande puissance s’engageait à appuyer le mouvement sioniste, alors ultra-minoritaire dans les communautés juives. La déclaration Balfour scelle l’alliance entre sionisme et impérialisme, en même temps qu’elle scelle le sort des PalestinienNEs, ils sont symboliquement dépossédés de leur terre par une puissance coloniale qui l’attribue à un mouvement dont nombre de dirigeants ne cachent pas leur intention de les en déposséder physiquement. Pour l’écrivain Arthur Koestler, avec la déclaration Balfour, « une nation a solennellement promis à une seconde le territoire d’une troisième ».

Se souvenir, 100 ans plus tard, de la promesse britannique, c’est rappeler que pour les Palestiniens, la lutte contre la dépossession n’a pas commencé en 1967, après l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ni même en 1948, au moment de la création de l’État d’Israël. Le processus de dépossession s’étale sur un siècle et, contrairement à la mythologie entretenue par le mouvement sioniste et ses alliés, la résistance palestinienne est antérieure aux premières guerres israélo-arabes, avec notamment la grande révolte de 1936, matée conjointement par les Britanniques et les milices armées sionistes.

Discriminations structurelles

La déclaration Balfour inscrit dans le langage diplomatique international le déni des droits nationaux des Palestiniens, puisque seuls sont mentionnés leurs droits « civils et religieux », et qu’ils sont qualifiés, par un euphémisme destiné à nier leur identité, de « collectivités non juives ». Les 700 000 Arabes de Palestine (plus de 90 % de la population) sont réduits au statut de résidents sans droits politiques, ce qui valide a posteriori la thèse des dirigeants sionistes selon laquelle la Palestine serait « une terre sans peuple ». 50 ans plus tard, la dirigeante israélienne Golda Meïr déclarera, à propos des territoires occupés par Israël : « Comment pourrions-nous rendre ces territoires ? Il n’y a personne à qui les rendre. »

Se souvenir, 100 ans plus tard, de la promesse britannique, c’est ainsi comprendre que l’oppression et les discriminations coloniales subies par les Palestiniens ne sont pas un accident de parcours, mais le produit d’une longue histoire. La résistance palestinienne à ce processus de longue durée n’a jamais cessé, même si l’on doit reconnaître que le mouvement national traverse aujourd’hui une crise historique et que les Palestiniens font face à un rapport de forces considérablement dégradé. Une chose est certaine : l’apartheid israélien est un phénomène structurel, qui ne pourra être aboli que si les fondements même de l’État d’Israël et son rôle d’avant-poste de l’impérialisme occidental dans la région sont analysés, dénoncés et combattus.

Julien Salingue

À lire :

« Ma patrie n’a jamais été propriété de Balfour et il n’avait aucun droit de la transférer » https://npa2009.org/idees/histoire/ma-p ... roit-de-la, par Ramzy Baroud, journaliste et écrivain palestino-étatsunien.

« Colonialisme et antisémitisme associés ont donné la promesse d’un foyer national juif en Palestine » https://npa2009.org/idees/histoire/colo ... ional-juif, entretien avec Michèle Sibony, de l’Union juive française pour la paix (UJFP).


http://www.revolutionpermanente.fr/La-d ... n-physique
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Messagede bipbip » 07 Nov 2017, 23:18

« Ma patrie n’a jamais été propriété de Balfour et il n’avait aucun droit de la transférer »

Un siècle après la déclaration Balfour, Ramzy Baroud, journaliste et écrivain palestino-étatsunien, exprime un point de vue palestinien sur la décision britannique de 1917. Texte initialement publié sur aljazeera.net, traduction Julien Salingue.

Quand j’étais un enfant qui grandissait dans un camp de réfugiés à Gaza, j’attendais le 2 novembre. Ce jour-là, chaque année, des milliers d’étudiants et d’habitants du camp descendaient sur la place principale, brandissant des drapeaux palestiniens et des pancartes, pour condamner la déclaration Balfour.

À vrai dire, mon impatience était surtout motivée par le fait que les écoles fermeraient ce jour-là, et qu’après une courte mais sanglante confrontation avec l’armée israélienne, je rentrerai tôt auprès de ma mère aimante, mangerai un snack et regarderai des dessins animés.

À l’époque, je n’avais aucune idée de qui était réellement Balfour, et comment sa « déclaration » datant d’il y a tant d’années avait changé le destin de ma famille et, au-delà, ma vie et celle de mes enfants.

Tout ce que je savais, c’est que Balfour était une mauvaise personne et qu’à cause de son terrible méfait, nous survivions dans un camp de réfugiés, encerclés par une armée violente et un cimetière, en perpétuelle expansion, rempli de « martyrs ».

« Aucun droit de transférer ma patrie à quelqu’un d’autre »

Des décennies plus tard, le destin m’amènerait à visiter l’église de Whittingehame, une petite paroisse, où Arthur James Balfour est maintenant enterré.

Alors que mes parents et mes grands-parents sont enterrés dans un camp de réfugiés, un espace toujours plus réduit, victime d’un siège perpétuel et souffrant d’incommensurables difficultés, le lieu de repos de Balfour est une oasis de paix et de calme. La prairie vide autour de l’église serait assez grande pour accueillir tous les réfugiés de mon camp.

Finalement, j’ai pris pleinement conscience des raisons pour lesquelles Balfour était une « très mauvaise personne ».

Premier ministre de Grande--Bretagne, puis ministre des Affaires étrangères à partir de la fin de l’année 1916, Balfour a promis ma patrie à un autre peuple. Une promesse faite le 2 novembre 1917 au nom du gouvernement britannique, sous la forme d’une lettre envoyée au dirigeant de la communauté juive de Grande-Bretagne, Walter Rothschild.

À l’époque, la Grande-Bretagne ne contrôlait même pas la Palestine, qui faisait encore partie de l’Empire ottoman. De toute façon, ma patrie n’a jamais été propriété de Balfour et il n’avait aucun droit de la transférer si négligemment à quelqu’un d’autre. (…)

Des accords Sykes-Picot à la déclaration Balfour

Balfour n’agissait évidemment pas en son nom propre… Certes, la déclaration porte son nom, mais il était en réalité le fidèle agent d’un empire qui avait des intentions géopolitiques à grande échelle, pas seulement pour la Palestine, mais bien pour la Palestine en tant que partie d’un environnement arabe plus large.

Juste un an plus tôt, un autre document sinistre avait été élaboré, bien que secrètement. Il avait été approuvé par un autre diplomate britannique de haut rang, Mark Sykes, et, au nom de la France, par François Georges-Picot. Les Russes furent informés de l’accord, car ils recevaient eux aussi une part du gâteau ottoman.

Le document indiquait que, lorsque les Ottomans seraient écrasés, leurs territoires – dont la Palestine – seraient divisés entre les futures parties victorieuses.

L’accord Sykes-Picot, également connu sous le nom d’accord pour l’Asie mineure, a été signé en secret il y a un siècle, deux ans après le début de la Première Guerre mondiale. Il révélait la nature brutale des puissances coloniales, qui considéraient rarement la terre et ses ressources en lien avec ceux qui vivaient sur cette terre et possédaient ces ressources. (…)

Les mandats britanniques et français ont été établis sur des entités arabes divisées, tandis que la Palestine a été livrée au mouvement sioniste un an plus tard, lorsque Balfour a transmis la promesse du gouvernement britannique, condamnant la Palestine à un destin fait de guerre et d’instabilité perpétuelles.

Promesses condescendantes et mensonges

L’idée des « faiseurs de paix » et des « honnêtes négociateurs » occidentaux, omniprésents dans tous les conflits du Moyen-Orient, n’est pas nouvelle. La trahison britannique des aspirations arabes remonte à des décennies. Les Britanniques ont utilisé les Arabes comme des pions dans leur grand jeu contre leurs concurrents coloniaux, pour ensuite les trahir tout en se présentant comme des amis aux bras chargés de cadeaux.

Cette hypocrisie n’a jamais été autant mise en évidence que dans le cas de la Palestine. Depuis la première vague de migration juive sioniste en Palestine en 1882, les pays européens facilitaient l’installation des colons et de leurs ressources, tandis que de nombreuses colonies, grandes et petites, étaient établies. Lorsque Balfour a envoyé sa lettre à Rothschild, l’idée d’une patrie juive en Palestine était donc déjà crédible.

Pourtant, de nombreuses promesses condescendantes avaient été faites aux Arabes pendant les années de la Grande Guerre, lorsque le leadership arabe auto-proclamé prenait le parti des Britanniques dans leur guerre contre l’Empire ottoman. On avait alors promis aux Arabes une indépendance immédiate, y compris pour les Palestiniens.

L’idée dominante chez les dirigeants arabes était que l’article 22 du pacte de la Société des nations devait s’appliquer aux provinces arabes dirigées par les Ottomans. Il avait été dit aux Arabes que leurs droits seraient respectés en tant que « mission sacrée de civilisation », et que leurs communautés seraient reconnues comme des « nations indépendantes ».

Lorsque les intentions des Britanniques et leurs liens avec les sionistes sont devenues trop évidents, les Palestiniens se sont rebellés, une rébellion qui, un siècle plus tard, n’a jamais cessé, car les conséquences atroces du colonialisme britannique et de la prise de contrôle totale de la Palestine par les sionistes se ressentent toujours après toutes ces années. (…)

Une inégalité originelle qui se perpétue

De fait, cette histoire continue de se rejouer chaque jour : les sionistes ont revendiqué la Palestine et l’ont renommée « Israël » ; les Britanniques continuent de les soutenir, sans jamais cesser de flatter les Arabes ; le peuple palestinien reste une nation territorialement fragmentée : dans les camps de réfugiés, dans la diaspora, sous occupation militaire ou traités comme des citoyens de seconde zone dans un pays où leurs ancêtres ont vécu depuis des temps immémoriaux.

Si Balfour ne peut pas être rendu responsable de tous les malheurs qui ont frappé les Palestiniens depuis qu’il a rendu publique sa courte mais tristement célèbre lettre, l’idée que sa « promesse » incarnait – un mépris total des aspirations du peuple arabe palestinien – a été transmise d’une génération de diplomates britanniques à l’autre, de la même façon que la résistance palestinienne au colonialisme est transmise de génération en génération.

Dans un texte publié dans Al-Ahram Weekly et intitulé « Vérité et réconciliation », le regretté professeur Edward Saïd a écrit : « Jamais la déclaration Balfour ni le mandat n’ont spécifiquement concédé aux Palestiniens de droits politiques en Palestine, seulement des droits civils et religieux. L’idée d’une inégalité entre Juifs et Arabes a ainsi été bâtie initialement par la politique britannique, puis par les politiques israéliennes et étatsuniennes. »

Cette situation d’inégalité se poursuit, et avec elle la perpétuation du conflit. Ce que les Britanniques, les premiers sionistes, les Américains et les gouvernements israéliens suivants n’ont jamais compris et continuent d’ignorer, à leur propre péril, c’est qu’il ne peut y avoir de paix en Palestine sans justice et sans égalité, et que les Palestiniens continueront de résister tant que demeureront les raisons qui ont été aux sources de leur rébellion il y a près d’un siècle.


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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 09 Nov 2017, 15:44

Histoire. Le péché originel de la déclaration Balfour

Par Gideon Levy

Il n’y avait jamais rien de tel: un empire promettant une terre qu’il n’avait pas encore conquise à un peuple qui n’y vivait pas, sans le demander aux habitants. Il n’y a pas d’autre manière de décrire l’incroyable témérité colonialiste qui se dégage de chaque lettre de la Déclaration Balfour [1], qui date de cent ans.

Les Premiers ministres d’Israël et de Grande-Bretagne vont célébrer cette semaine cette grande réalisation sioniste. Maintenant, le moment d’une introspection est aussi venu. La fête est finie. Cent ans de colonialisme, d’abord britannique puis, inspiré par lui, israélien, s’est fait aux dépens d’un autre peuple, ce qui renvoie à son désastre sans fin.

La Déclaration Balfour aurait pu être un document juste si elle avait promis l’égalité de traitement à la fois des personnes qui rêvaient de la terre et des habitants de la région. Mais la Grande-Bretagne préférait les rêveurs, dont presque aucun ne vivait dans le pays, à ses habitants qui y avaient vécu des centaines d’années et constituaient sa majorité absolue. Ils préféraient ne leur donner aucun droit national.

Imaginez un pouvoir qui promet de faire d’Israël le foyer national des Arabes israéliens et qui aurait appelé la majorité juive à se contenter de «droits civils et religieux». C’est ce qui s’est passé alors, mais selon des modalités encore plus discriminatoires: les Juifs formaient une plus petite minorité (moins d’un dixième) comparée à celle des Arabes israéliens aujourd’hui.

Ainsi la Grande-Bretagne a semé les graines de la calamité dont les deux peuples mangent des fruits empoisonnés jusqu’à ce jour. Ce n’est pas une cause de célébration. A l’occasion du centenaire de la déclaration, devrait s’imposer un appel à réparer l’injustice qui n’a jamais été reconnue ­ par la Grande-Bretagne et bien sûr, pas par Israël.

Non seulement l’Etat d’Israël est né dans la foulée de cette déclaration, mais aussi la politique à l’égard des «communautés non juives» était également énoncée dans la lettre de Lord Arthur James Balfour à Lord Lionel Walter Rothschild. La discrimination contre les Arabes d’Israël et l’occupation à laquelle sont soumis les Palestiniens sont la suite directe de la lettre. Le colonialisme britannique a préparé la voie au colonialisme israélien, même s’il n’avait pas l’intention de le perpétuer durant 100 ans et plus.

L’Israël de 2017 promet également d’accorder des «droits civils et religieux» aux Palestiniens. Mais ils n’ont pas de foyer national. Balfour fut le premier à faire cette promesse.

Bien sûr, la Grande-Bretagne a diffusé ce genre de promesses durant ces années, celles de la Première Guerre mondiale, des promesses contradictoires, y compris faites aux Arabes [référence aux «promesses» faites T.E Lawrence qui encourageait le soulèvement arabe contre l’empire ottoman]. Toutefois, elle les a concrétisées seulement aux Juifs. Comme l’écrivait vendredi Shlomo Avineri, dans l’édition en hébreux de Haaretz sur le contexte et les implications de la Déclaration Balfour, son objectif principal était de minimiser l’opposition des Amdes Juifs-Américains face à la participation des Etats-Unis à la guerre.

Quel que soit le motif, suite à la Déclaration Balfour, plus de Juifs ont immigré dans ce pays. Dès leur arrivée, ils ont agi comme des suzerains, et ils n’ont pas changé leur attitude envers les habitants non juifs jusqu’à ce jour. Balfour les a laissé faire. Ce n’est pas un hasard si un petit groupe de juifs séfarades vivant en Palestine s’oppose à Balfour et cherche l’égalité avec les Arabes, comme l’écrivait Ofer Aderet dans Haaretz [2]. Et ce n’est pas un hasard s’ils ont été réduits au silence.

Balfour a laissé la minorité juive s’emparer du pays, ignorant cyniquement les droits nationaux d’un autre peuple qui vivait sur cette terre depuis des générations. Exactement 50 ans après la déclaration Balfour, Israël a conquis la Cisjordanie et Gaza. Il les a envahis avec les mêmes gros sabots colonialistes et il continue son occupation et son mépris des droits des habitants.

Si Balfour était vivant aujourd’hui, il se sentirait à l’aise dans le parti Habayit Hayehudi [Le Foyer Juif, parti sioniste religieux dont le leader est Naftali Bennett]. Au même titre que le député Bezalel Smotrich [3], Balfour pensait aussi que les Juifs ont des droits dans ce pays et que les Palestiniens n’en ont pas et n’en auront jamais. Comme ses héritiers de la droite israélienne, Balfour n’a jamais caché cela. Dans son discours devant le Parlement britannique, en 1922, il n’a laissé aucun doute, il l’a dit.

A l’occasion du centenaire de la Déclaration Balfour, la droite nationaliste devrait saluer la personne qui a créé la «supériorité juive dans ce pays»: Lord Balfour. Les Palestiniens et les Juifs qui cherchent la justice devraient pleurer. S’il n’avait pas formulé sa déclaration comme il l’a fait, peut-être que ce pays serait différent et plus juste. (Publié dans Haaretz le 28 octobre 2017; traduction A l’Encontre)


[1] Lettre ouverte adressée le 2 novembre 1917 par Lord Arthur Balfour, alors ministre des Affaires étrangères, à Lord Lionel Walter Rothschild (1868-1937), le dirigeant de la communauté juive en Angleterre et un des financiers du mouvement sioniste. Le texte de cette lettre est le suivant: «Cher Lord Rothschild,
J’ai le grand plaisir de vous adresser, de la part du Gouvernement de sa Majesté, la déclaration suivante, sympathisant avec les aspirations juives sionistes, déclaration qui, soumise au cabinet, a été approuvée par lui.
Le Gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte soit aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, soit aux droits et au statut politiques dont les Juifs disposent dans tout autre pays.
Je vous serais obligé de porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.» Arthur James Balfour.» Voir reproduction ci-dessus. (Réd. A l’Encontre)

[2] Ofer Aderet écrivait dans Haaretz: «En 1921, quatre ans après la promesse de la Déclaration Balfour d’établir un «foyer national pour le peuple juif» en Terre Sainte, Yosef Castel, personnalité publique bien connue à Jérusalem, a préparé une version alternative de la déclaration. Il s’est également centré sur la création d’un foyer national, mais pour deux peuples, juif et arabe, plutôt qu’un.
«Les deux parties se combattent sur une seule terre, et elles doivent, pour des raisons historiques, y vivre ensemble et développer pacifiquement leurs foyers nationaux sur la même terre, qui est destinée à être un seul Etat», écrit-il. Ou, dans la terminologie d’aujourd’hui, «un état pour deux peuples». (Réd. A l’Encontre)

[3] Représentant du Foyer Juif à la Knesset. Nissim Behar, correspondant de Libération à Tel-Aviv, écrivait le 10 février 2017, sous le titre «Bezalel Smotrich, le pousse-au-crime de la colonisation»: «Les chroniqueurs israéliens ont d’ailleurs pu prendre la mesure de son talent [Bezalel Smotrich] lorsqu’il s’est agi de faire voter, malgré l’opposition de Benyamin Nétanyahou, la nouvelle «loi de régularisation» légalisant notamment le vol de terres privées agricoles par les colons des «avant-postes», ces petites colonies sauvages reconnues ni par le droit international ni par celui de l’Etat hébreu.» (Réd. A l’Encontre)


https://alencontre.org/moyenorient/isra ... lfour.html
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 16 Déc 2017, 18:59

Interview du grand historien de la colonisation sioniste à propos de son dernier ouvrage

« Palestine, prison à ciel ouvert », selon Ilan Pape

C’est à une histoire de l'occupation israélienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza que se livre le grand hitsorien Ilan pape dans son dernier ouvrage, « The biggest prison on earth, A History of the Occupied Territorys », et sur laquelle il revient dans cette interview publiée à l’origine sur Middle East Eye le 24 novembre.

Le résultat de la guerre des Six Jours de 1967 entre Israël et les armées arabes fut l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Israël a voulu présenter l’histoire comme si c’était une guerre imposée, mais de nouveaux documents historiques et des des archives montrent qu’Israël était bien préparé pour cela.
En 1963, des autorités militaires, juridiques et civiles se sont inscrites à un cours à l’Université Hébraïque de Jérusalem pour établir un plan global sur la façon de prendre soin des territoires qu’Israël occuperait quatre ans plus tard et gérer le million et demi de Palestiniens qui y vivaient. Motivait cette formation, l’échec de la manière dont Israël avait pris en charge les Palestiniens de Gaza durant leur courte occupation pendant la crise de Suez en 1956.
En mai 1967, quelques semaines avant la guerre, les gouverneurs militaires israéliens ont reçu des des instructions sur la manière de contrôler les villes et villages palestiniens. Israël allait transformer la Cisjordanie et la bande de Gaza en une méga-prison sous régime et surveillance militaire.

Middle East Eye : En quoi ce livre est-il basé sur votre livre précédent, Le nettoyage ethnique de la Palestine , sur la guerre de 1948 ?

Ilan Pappe : Sans aucun doute, c’est la continuation de mon livre précédent, Le nettoyage ethnique de la Palestine, qui décrit les événements de 1948. Je considère que tout le projet du sionisme est une structure et pas simplement un événement. Une structure de colonialisme au moyen de laquelle un mouvement de colons colonise une patrie. Jusqu’à ce que la colonisation soit achevée et que la population originelle résiste à travers un mouvement de libération nationale. Chacune des périodes que j’étudie n’est qu’une phase au sein de la même structure.
Bien que The Biggest Prison soit un livre d’histoire, nous continuons dans le même chapitre historique. Ce n’est pas encore fini. Donc, en ce sens, il devrait probablement y avoir un troisième livre analysant plus tard les événements du 21ème siècle et comment la même idéologie du nettoyage ethnique et de la dépossession est mise en œuvre dans la nouvelle ère, et comment les Palestiniens s’y opposent.

MEE : Vous dites qu’en juin 1967 un nettoyage ethnique a eu lieu. Qu’est-il arrivé aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza à cette époque ? En quoi était-il différent du nettoyage ethnique de la guerre de 1948 ?

IP : En 1948, il y avait un plan très clair pour essayer d’expulser autant de Palestiniens que possible, Le projet de colonialisme par le peuplement a cru qu’il avait le pouvoir de créer un espace juif en Palestine dans lequel il n’y aurait aucun Palestinien du tout. Au moment de vérité, cela n’a pas si bien fonctionné, mais c’était plutôt réussi. Quelque 80% des Palestiniens vivant dans ce qui allait devenir l’État d’Israël sont des réfugiés.
Comme je le montre dans le livre, il y avait des politiciens israéliens qui pensaient que peut-être nous pourrions faire en 1967 ce que nous avons fait en 1948. Mais la grande majorité d’entre eux comprenait que la guerre de 1967 était une guerre très courte. Il y avait la télévision et beaucoup de ceux qu’ils voulaient expulser étaient déjà des réfugiés de 1948. Par conséquent, je pense que la stratégie n’était pas le nettoyage ethnique tel qu’il a été mis en place en 1948. C’était ce que j’appellerais un nettoyage ethnique progressif. Dans certains cas, ils ont expulsé beaucoup de gens de certaines régions telles que Jéricho, la vieille ville de Jérusalem et la périphérie de Qalqilya. Mais dans la plupart des cas, ils ont décidé qu’un régime militaire et un siège pour emprisonner les Palestiniens dans leurs propres régions seraient aussi efficaces que de les chasser. De 1967 à aujourd’hui, il y a un nettoyage ethnique très lent qui s’étend probablement sur une période de 50 ans et qui est si lent que, parfois, il ne touche qu’une personne par jour. Mais si vous considérez toute la période, de 1967 à aujourd’hui, nous parlons de centaines de milliers de Palestiniens qui ne sont pas autorisés à retourner en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza.

MEE : Vous faites la différence entre deux modèles militaires qu’Israël utilise : le modèle de prison ouverte en Cisjordanie et le modèle de prison de haute sécurité dans la bande de Gaza. Comment définissez-vous ces deux modèles ? S’agit-il de termes militaires ?

IP : J’utilise ces termes comme des métaphores pour expliquer les deux modèles qu’Israël offre aux Palestiniens dans les territoires occupés. J’insiste pour utiliser ces termes parce que je crois que la solution des deux États est en fait le modèle de la prison ouverte.
Les Israéliens contrôlent les territoires occupés directement ou indirectement et essayent de ne pas pénétrer dans les villes et villages palestiniens densément peuplés. Ils ont divisé la bande de Gaza en 2005 et divisent encore la Cisjordanie. Il y a une Cisjordanie juive et une Cisjordanie palestinienne qui n’est plus une zone territoriale continue.
A Gaza, les Israéliens sont les gardiens qui gardent les Palestiniens enfermés loin du monde extérieur, mais ils n’interviennent pas dans ce qu’ils font à l’intérieur. La Cisjordanie est comme une prison à ciel ouvert dans laquelle des délinquants mineurs sont envoyés et où ils ont plus de temps pour sortir et travailler à l’extérieur. A l’intérieur le régime n’est pas difficile, mais c’est toujours une prison.
Même le président palestinien Mahmoud Abbas a besoin que les Israéliens lui ouvrent la porte s’il passe de la zone B à la zone C. Et à mon avis, il est très symbolique que le président ne puisse pas bouger sans que le geôlier israélien n’ouvre la porte de la cage.
Bien sûr, il y a toujours une réponse palestinienne à cela. Les Palestiniens ne sont pas passifs et ne l’acceptent pas. Nous avons vu la première et la deuxième Intifada, et peut-être verrons-nous une troisième Intifada. Dans leur mentalité de gestionnaires de prison, les Israéliens disent aux Palestiniens que s’ils résistent, ils leurs enlèveront tout, comme ils le font en prison. Ils ne pourront pas travailler à l’extérieur. Ils ne pourront pas se déplacer librement et seront punis collectivement. C’est le côté punitif, la punition collective comme représailles.

MEE : La communauté internationale condamne timidement la construction ou l’expansion des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés. Elle ne semble pas considérer cela comme une partie fondamentale de la structure coloniale israélienne que vous décrivez dans votre livre. Comment les colonies israéliennes ont-elles commencé, leur base était-elle séculaire ou religieuse ?

IP : Après 1967, il y avait deux cartes des colonies ou de colonialisme. Il y avait une carte stratégique qui a été conçue par la gauche en Israël. Le père de cette carte était Yigal Allon, le stratège en chef, qui a travaillé avec Moshe Dayan en 1967 sur un plan de contrôle de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Leur principe était stratégique et pas tellement idéologique, même s’ils croyaient que la Cisjordanie appartenait à Israël.
L’idée était d’éviter des établissements de colons dans les zones arabes densément peuplées. En revanche, partout où les Palestiniens ne vivaient pas concentrés, nous pourrions nous installer. Ils ont donc commencé avec la vallée du Jourdain parce qu’il y avait de petites villes, mais qu’elle n’est pas aussi densément peuplée que d’autres régions.
Le problème pour eux fut qu’en même temps qu’ils élaboraient leur carte stratégique, un nouveau mouvement religieux messianique émergea, Gush Emunim, un mouvement religieux national de Juifs qui ne voulaient pas s’installer selon la carte stratégique. Ils voulaient s’installer selon la carte biblique. Ils avaient l’idée que la Torah est un livre qui vous dit exactement où sont les anciennes villes juives. Et il arrive que cette carte signifie que les Juifs doivent s’installer au milieu de Naplouse, Hébron et Bethléem, au milieu des zones palestiniennes.
Au début, le gouvernement israélien a essayé de contrôler ce mouvement biblique afin qu’ils s’installent de façon plus stratégique. Mais plusieurs journalistes israéliens ont montré que Shimon Peres, le ministre de la Défense au début des années 1970, a décidé d’autoriser les colonies bibliques. Les Palestiniens de Cisjordanie ont été exposés à deux cartes de la colonisation, la première stratégique et la second biblique.
La communauté internationale considère que selon le droit international, il n’est pas important que les colonies soient stratégiques ou bibliques, elles sont toutes illégales.
Mais le problème est que, depuis 1967, la communauté internationale a accepté la formule israélienne selon laquelle « les colonies sont illégales, mais elles sont provisoires ; une fois qu’il y aura la paix, nous veillerons à ce que tout soit légal. Mais tant qu’il n’y a pas de paix, nous avons besoin des colonies parce que nous sommes toujours en guerre avec les Palestiniens. "

MEE : Vous affirmez que le mot « occupation » n’est pas adéquat pour décrire la réalité en Israël, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Et dans votre dialogue avec Noam Chomsky, On Palestine, vous critiquez le terme « processus de paix ». Tout ceci est controversé. Pourquoi ces termes ne sont pas adéquats ?

IP : Je pense que le langage est très important. La façon de poser une situation peut affecter les possibilités de la changer.
La situation telle qu’elle est analysée en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et en Israël, l’est avec un dictionnaire et des mots erronés. L’occupation signifie toujours une situation provisoire.
La solution pour l’occupation est la fin de l’occupation, l’armée d’invasion retourne dans son pays, mais ce n’est pas la solution en Cisjordanie, en Israël ou dans la bande de Gaza. Je suggère qu’il s’agit d’une colonisation, même si l’expression semble anachronique au XXIe siècle. Je pense que nous devrions comprendre qu’Israël colonise la Palestine. Il a commencé à la coloniser à la fin du 19ème siècle et continue à la coloniser aujourd’hui.
Il y a un régime de colonisation qui contrôle toute la Palestine de différentes manières. Dans la Bande de Gaza, Israël la contrôle de l’extérieur. En Cisjordanie, le contrôle est différent dans les zones A, B et C. Israël a différentes politiques concernant les Palestiniens dans les camps de réfugiés, où il ne permet pas aux réfugiés de revenir. C’est une autre façon de maintenir la colonisation, de ne pas permettre aux personnes expulsées de revenir. Tout cela fait partie de la même idéologie.
Donc, je pense que lorsque les termes de processus de paix et d’occupation sont réunis, ils créent la fausse impression que tout ce qui est nécessaire est que l’armée israélienne quitte la Cisjordanie et la bande de Gaza, que c’est de faire la paix entre Israël et la future Palestine.
Actuellement, l’armée israélienne n’est pas dans la bande de Gaza ni dans la zone A. Elle est à peine dans la zone B, où elle ne devrait pas l’être. Mais il n’y a pas de paix. Il y a une situation bien pire que celle d’avant les Accords d’Oslo en 1993.
Le soi-disant processus de paix a permis à Israël à coloniser davantage, mais cette fois avec le soutien international. Par conséquent, je suggère de parler de la décolonisation et non de la paix. Je suggère de parler de changer le régime juridique qui régit la vie des Israéliens et des Palestiniens.
Je pense que nous devrions parler d’un état d’apartheid. Nous devrions parler de nettoyage ethnique. Nous devrions trouver un moyen de remplacer l’apartheid et nous avons un bon exemple en Afrique du Sud. La seule chose qui peut remplacer l’apartheid est un système démocratique, une personne, un vote ou, au moins, un État binational. Je pense que c’est le genre de mots qui devraient être utilisés parce que si nous continuons à utiliser les mêmes vieux mots, nous continuons à perdre du temps et de l’énergie, et nous ne changerons pas la réalité sur le terrain.

MEE : Que réserve l’avenir du régime militaire israélien aux Palestiniens ? Allons-nous voir un mouvement de désobéissance civile comme en juillet dernier à Jérusalem ?

IP : Je pense que nous verrons la désobéissance civile non seulement à Jérusalem mais dans toute la Palestine, y compris chez les Palestiniens qui vivent en Israël. La société civile elle-même n’acceptera pas ce genre de réalité pour toujours. Je ne sais pas quels moyens ils vont utiliser. Nous pouvons voir ce qui se passe quand vous n’avez pas de stratégie claire d’en haut : les individus décident de faire leur propre guerre de libération.
Le cas de Jérusalem a été, en effet, impressionnant, personne ne croyait qu’une résistance populaire pouvait forcer les Israéliens à retirer les mesures de sécurité qu’ils avaient imposées à Haram al-Sharif, sur l’Esplanade des Mosquées. Je crois que cela peut être le modèle, une résistance populaire pour l’avenir qui n’est pas partout mais surgit en différents endroits.
La résistance populaire continue tout le temps en Palestine. Les médias n’en parlent pas. Mais les gens manifestent tous les jours contre l’apartheid, les gens manifestent contre l’expropriation de la terre, ils font la grève de la faim parce qu’ils sont des prisonniers politiques. La résistance palestinienne continue par en bas. La résistance palestinienne par en haut reste en suspens.

Trad. Michel Rosso


http://www.revolutionpermanente.fr/Pale ... -Ilan-Pape
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 21 Déc 2017, 16:07

Le 9 décembre 1987, éclatait la première Intifada

Histoire. Le soulèvement populaire va prendre de court Israël, les pays arabes et la communauté internationale. « Il faut leur briser les os », ordonnait le ministre de la Défense Yitzhak Rabin pour mettre fin aux manifestations palestiniennes.

Décembre 1987. Un moment de bascule. La Cisjordanie et Gaza sont sous domination israélienne depuis juin 1967. Jérusalem a été annexée. Les organisations palestiniennes, Fatah en tête, ne sont pas au mieux. Chassées de Jordanie en 1971 à la suite de « septembre noir », elles sont contraintes de quitter le Liban, après l’intervention israélienne de 1982. Yasser Arafat et l’OLP, des centaines de combattants et leurs familles prennent le chemin de l’exil. Tunis devient le nouveau siège de l’OLP. Et comme si cela ne suffisait pas, cinq ans après le massacre de Sabra et Chatila, les derniers combattants de l’OLP sont chassés à leur tour de leur dernier réduit de Chatila et Bourg el-Barajneh à Beyrouth par le mouvement chiite Amal, appuyé par des dissidents de l’OLP et les forces syriennes qui étaient restées l’arme au pied durant l’intervention israélienne.

Fin 1987, toujours, la guerre Irak-Iran tire à sa fin ; en Afghanistan, les Soviétiques se préparent à quitter le pays, tandis que l’Europe de l’Est, Pologne et Hongrie notamment, est le théâtre d’un début de contestation envers les régimes en place. C’est dans ce contexte qu’éclate, le 9 décembre 1987, l’Intifada palestinienne, un soulèvement populaire qui va prendre de court aussi bien Israël et les pays arabes que la communauté internationale. Arc-bouté sur ses certitudes depuis la signature de l’accord de paix avec l’Égypte de Sadate, le gouvernement de coalition Likoud-Parti travailliste dirigé par Yitzhak Shamir, qui s’était félicité un peu vite du départ de l’OLP du Liban, était loin de se douter de la colère montante dans les territoires occupés et du fait qu’il suffisait de rien pour mettre le feu aux poudres. Ce qui allait arriver.

Le 8 décembre, des incidents éclatent après qu’un camion militaire israélien a volontairement percuté une voiture, tuant quatre Palestiniens près de Jabaliya (Gaza). Un poste militaire est attaqué à coups de pierres. Barrages, pneus brûlés, affrontements avec les militaires israéliens et les colons ne vont alors plus cesser. L’Intifada est née. Pourtant, quelques jours auparavant, les manifestations et incidents du 29 novembre 1987 ayant marqué le 40e ann iversaire du vote de l’ONU sur le « partage de la Palestine » auraient dû mettre la puce à l’oreille aux dirigeants israéliens. Mais, tout à leur arrogance, il n’en fut rien.

Sûr de lui, le ministre de la Défense et futur prix Nobel de la paix, Yitzhak Rabin, déclare, le 29 décembre, que « les troubles dans les territoires ne se reproduiront plus ». Et de donner ordre aux militaires israéliens de « briser les os » des enfants lanceurs de pierres. C’est alors que le monde découvre, à travers un film vidéo, quatre soldats israéliens brisant à coups de grosses pierres les mains de deux enfants palestiniens (1).

... https://humanite.fr/le-9-decembre-1987- ... ada-646915
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 25 Jan 2018, 21:40

le roi David n’a pas existé, mais il est interdit de le dire

Par Pierre Stambul. Publié dans le numéro de janvier 2018 du mensuel CQFD.

Légende et colonialisme : le roi David n’a pas existé, mais il est interdit de le dire

Les fondateurs du sionisme n’étaient pas religieux. Herzl était agnostique et Ben Gourion était athée, considérant les rabbins comme des arriérés.
Mais ces braves gens ont utilisé la Bible comme un livre de conquête coloniale, croyant ou feignant de croire à l’historicité de la Bible.
« Dieu n’existe pas, mais il a donné cette terre au peuple juif » auraient-ils pu dire.

L’histoire est têtue

Aujourd’hui, les archéologues et les historiens sont arrivés à un consensus. L’épisode d’Abraham est légendaire. Les Hébreux ne sont pas arrivés de Mésopotamie, il n’y a pas la moindre trace d’un tel déplacement.
Les Hébreux ne sont ni rentrés ni sortis d’Égypte. Moïse et son berceau sur le Nil ou Joseph « ministre du pharaon », c’est une légende. Le Sinaï était alors une province égyptienne truffée de garnisons et le passage d’un peuple dans cette région aurait forcément laissé des traces. Or la première preuve historique de l’existence d’un peuple « d’Israël » est postérieure : c’est la stèle du pharaon Mérenptah (1207 av JC) qui parle d’un peuple vassal.

La conquête sanglante de Canaan par Josué n’a pas eu lieu. Les trompettes n’ont pas sonné à Jéricho. Les Hébreux sont un peuple autochtone et ils ne se sont pas conquis eux-mêmes. Dommage pour les colons qui affirment que « Dieu a donné cette terre au peuple juif » et qui veulent imiter contre les Palestiniens le nettoyage ethnique sanglant de Josué contre les « peuples impies ».

Le royaume unifié de David et Salomon n’a probablement jamais existé. À l’époque présumée de David et Salomon, Jérusalem était un petit village de l’âge de fer. Tant pis pour le « grand temple de Salomon » dont les collégiens de ma génération devaient apprendre le plan par cœur. Et tant pis pour la reine de Saba qui nous a fait rêver. Il y a bien une stèle postérieure de quelques siècles qui parle d’un roi David mais ce n’est pas celui de la Bible. Si celui-ci a existé, il avait un troupeau un peu plus grand que ceux des autres bergers. Les deux royaumes d’Israël (détruit par les Assyriens) et de Judée (détruit par les Babyloniens) ont une existence historique avérée. Avant, on est dans la légende.

Ces faits sont connus depuis longtemps. Dans « La Bible dévoilée » (2001), deux Israéliens (l’archéologue Israël Finkelstein et l’historien et archéologue Neil Asher Silberman) racontent l’évolution du savoir. Depuis, Shlomo Sand ou l’archéologue français Jean-Baptiste Humbert ont confirmé, voire amplifié le caractère légendaire du récit biblique. La Bible a largement été écrite pendant l’exil des Juifs à Babylone au VIe siècle avant JC.

Une tentative pitoyable

Pour les autorités israéliennes, ce savoir historique fait désordre. Nétanyahou est souvent affublé par ses partisans du sobriquet de « roi d’Israël » ressuscitant le prétendu royaume unifié de l’Antiquité. Les principaux rites et les principales fêtes juives sont liés à l’épisode égyptien et à l’esclavage dont les Juifs se seraient libérés. Et le roi David est censé avoir combattu les Philistins qui ont donné leur nom à la Palestine. La référence à l’ennemi héréditaire est un enjeu.

Du coup, les autorités israéliennes ont multiplié les fouilles pour prouver que les archéologues s’étaient trompés. Hélas, l’histoire est têtue. Tout ce qu’on avait attribué à Salomon et David est soit antérieur (les ruines de Megiddo), soit postérieur (les ruines d’Hatzor), soit n’a rien à voir avec les rois légendaires (les mines dites « du roi Salomon » sont clairement égyptiennes). Quant aux fouilles menées à coup de tunnels sous l’esplanade des mosquées au risque de provoquer une révolte généralisée, elles n’ont rien donné.

Grande histoire et petite histoire

Dans les universités israéliennes, il y a deux départements d’histoire. Il y a l’histoire classique, celle qui produit des articles et des thèses. Dans ce département, un étudiant qui voudrait faire une thèse sur l’historicité de David et Salomon serait traité comme un charlatan, un peu comme un étudiant français qui voudrait faire une thèse sur le créationnisme.

Mais il y a aussi un département « d’histoire juive ». C’est ce département qui fabrique les programmes et qui définit le « roman national » sioniste. Dans ce département, le récit biblique est sacré. Parfois, il faut même broder autour de ce récit. Les autorités israéliennes ont donc décidé que le roi David avait vécu à Silwan.

Nettoyage ethnique biblique

Silwan, c’est un des quartiers qui a été incorporé dans Jérusalem Est, en contrebas de la vieille ville. Il y a 50 000 habitants. Depuis des années, les colons envahissent ce quartier, réquisitionnant des maisons et expulsant les habitants. Le gouvernement israélien travaille avec l’association de colons « Ateret Cohanim » pour faciliter le nettoyage ethnique en cours.
Il y a une tente de la solidarité au centre du quartier. Les habitants s’organisent, racontent les incursions des colons et de l’armée. Les écoliers disent que, quand ils rentrent de l’école, ils ne sont pas sûrs que leur maison ne soit pas occupée. Il y a déjà 2800 colons installés dans le quartier.

« Justification » des autorités coloniales : elles construisent à Silwan le musée du roi David, la maison du roi David et surtout le Parc du roi David. C’est connu, ce brave roi était un précurseur de l’écologie.

Comme la vieille ville de Jérusalem est appelée par les Israéliens « cité du roi David », comme il y a déjà un « parc national » du roi David, comme on peut bien sûr visiter le « tombeau du roi David » sur le mont Sion à Jérusalem Est, le tour est joué. Les autochtones n’ont plus qu’à déménager.

Pierre Stambul


http://www.ujfp.org/spip.php?article6152
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 10 Mar 2018, 15:11

Conférence-débat : les 70 ans de la Nakba

Manosque (04) samedi 10 mars 2018
à 18h30, Salle des Quintrands (boulevard des Tilleuls)

2018 est une année particulière pour la Palestine : elle marque les 70 ans de la création de l'État d'Israël et de l'expulsion des Palestiniens. C'est la Nakba, la catastrophe, que nous commémorons cette année.

80 % de la population arabe palestinienne a été expulsée. Plusieurs centaines de villages palestiniens et des quartiers de villes ont été détruits ou rasés.

Ce processus de nettoyage ethnique a commencé avant 1948. Il est toujours à l'œuvre aujourd'hui. La continuité et la persistance du projet colonial perdurera tant que les Etats et la mobilisation internationale ne seront pas assez forts pour exiger son arrêt.

De-Colonizer est une ONG israélienne qui s'attache à rendre visible ce qui ne l'est plus depuis la destruction de 817 localités palestiniennes, de 195 localités syriennes, de 44 localités juives.

ass.fps04@gmail.com

https://04.demosphere.eu/rv/2014
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 13 Mar 2018, 04:15

Il y a 70 ans, le 10 mars 1948 le Plan Daleth finalisait la planification du nettoyage ethnique de la Palestine

Fin 1947, quand les Nations unis recommandent la partition de la Palestine en un État juif et un État arabe, la Palestine est habitée par un tiers de Juifs et deux tiers d’Arabes palestiniens. Un an plus tard, 80 % de la population arabe palestinienne du territoire devenu israélien vit en exil dans des camps de réfugiés, plus de 500 villages et 11 quartiers de villes palestiniennes ont été détruits ou rasés. Ce nettoyage ethnique a été méticuleusement préparé tout particulièrement dans le Plan Daleth. En quelques mois, les dirigeants du mouvement sioniste ont organisé le « transfert » par la violence et l’intimidation de la population arabe palestinienne.

Très tôt, Ben Gourion avait compris que l’achat de terres ne suffirait pas pour mettre la main sur le territoire. À noter que certaines ventes s’accompagnaient de l’obligation pour les anciens propriétaires de quitter le pays. Le président du Fonds National Juif déclarait en 1930 : « S’il y a là d’autres habitants, ils doivent être transférés ailleurs. Nous devons prendre le contrôle des terres. » Selon l’historien israélien Tom Segev « faire disparaître les Arabes se situait au cœur du rêve sioniste, et était aussi une condition nécessaire de sa réalisation. » En 1937 Ben Gourion affirme que : « Les Arabes devront s’en aller ». En 1940, Yossef Weitz écrit : « c’est notre droit de transférer les Arabes ». Par ailleurs, l’Agence juive, l’organisation dirigeante du sionisme en Palestine, avait élaboré un dossier sur les villages palestiniens avec toutes les informations permettant d’étudier « la meilleure façon de les attaquer ».

Quand Ben Gourion comprend en 1946 que les Britanniques vont quitter la Palestine, il élabore une stratégie générale contre la population palestinienne une fois les Britanniques partis (plan A, B et C).

Quelques mois plus tard fut élaboré le plan D, (Plan Daleth). Ilan Pappe, historien israélien, précise dans son ouvrage paru en 2008 chez Fayard « Le nettoyage ethnique de la Palestine » que « C’est lui qui a scellé le destin des palestiniens sur les territoires que les dirigeants sionistes avaient en vue pour leur futur État juif. […] le Plan Daleth prévoyait leur expulsion totale et systématique de leur patrie. ». Il démontre dans ce même ouvrage que « Le Plan D israélien de 1948 contient un répertoire des méthodes de nettoyage ethnique qui correspond point par point aux moyens décrits par les Nations unies dans leur définition du nettoyage ethnique, et constitue l’arrière plan des massacres qui ont accompagné l’expulsion massive. ». Les descriptions sont claires : « Ces opérations peuvent être menées de la manière suivante : soit en détruisant les villages (en y mettant le feu, en les dynamitant et en posant des mines dans les décombres). Notamment ceux qui sont difficiles à maîtriser en permanence. Ou en montant des opérations de ratissage et de contrôle conformes aux directives suivantes : encerclement des villages, recherches à l’intérieur. En cas de résistance, les éléments armés seront éliminés et la population expulsée hors des frontières de l’État. »

On est très loin du mythe officiel israélien répété à l’envi selon lequel les Arabes palestiniens auraient quitté leur terre de leur plein gré, ou encouragés par les États arabes voisins, lors de la première guerre Israélo-arabe déclenchée le 15 mai au lendemain de la déclaration unilatérale dite « d’indépendance » d’Israël. Avant le 15 mai 1948, les forces juives avaient déjà expulsé par la violence plus de 250 000 Palestiniens, le plus souvent par la terreur, parfois avec des massacres. La Nakba – la catastrophe qui marque la dépossession, les massacres et l’expulsion des Palestiniens de leur terre – est déjà en cours. L’exode de 800 000 Palestiniens n’est pas la conséquence malheureuse d’une guerre mais l’aboutissement d’un plan systématique.

La Nakba s’est accompagnée – et cela se poursuit aujourd’hui – d’un véritable « mémoricide ». Il fallait en effet conforter un autre mythe israélien selon lequel la Palestine était « une terre dans peuple pour un peuple sans terre ». Ilan Pappe relate que « La dépossession s’est alors accompagnée de changement de nom des endroits pris, détruits et maintenant recréés. Cette mission a été accomplie avec l’aide d’archéologues et d’experts de la Bible », afin d’ « hébraïser la géographie de la Palestine ». Ce « mémoricide » est aussi à l’œuvre dans toute la Cisjordanie – y compris Jérusalem-Est – où les lieux saints sont accaparés par Israël (un cas pour exemple : le tombeau de Rachel à Bethléem), où rues et quartiers sont rebaptisés comme à Hébron dans le secteur du tombeau des patriarches vidé de ses habitants et confisqué par des colons. À Jérusalem l’entreprise de transformation du quartier palestinien le Silwan en un vaste parc dénommé Cité de David participe de cette réécriture de l’histoire de cette terre.

Quand en 2000, Ariel Sharon devenu premier ministre d’Israël, déclare « nous allons maintenant achever ce qui n’a pas été achevé en 1948 » les choses sont claires : ce qui n’a pas été achevé, c’est le processus dont la Nakba a été l’apogée, le processus d’expulsion et de dépossession du peuple palestinien de son territoire ainsi que du droit à son histoire et à sa culture.

Ce processus est toujours à l’œuvre aujourd’hui : extension de la colonisation en Cisjordanie, déplacements forcés des populations bédouines dans les environs de Jérusalem, dans la vallée du Jourdain ou dans le Néguev, nettoyage ethnique au cœur de la vieille ville d’Hébron en sont autant d’exemples.

Criante d’actualité, la situation faite aux Palestiniens de Jérusalem-Est. Au-delà de la décision de Trump de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël entérinant ainsi la violation du droit et la dépossession des Palestiniens, Israël multiplie les lois destinées à les en expulser. Ainsi, le 7 mars, la Knesset a adopté définitivement une loi sur « la révocation complète du statut de résidence permanente prévu pour les Palestiniens de Jérusalem-Est ». C’est ce statut qui régit les Palestiniens vivant sous occupation dans Jérusalem-Est annexée illégalement par Israël. En se dotant de cette nouvelle loi, Israël va ainsi pouvoir expulser encore plus facilement les Palestiniens de Jérusalem-Est de leur ville poursuivant le processus de nettoyage ethnique formalisé il y a 70 ans par le Plan Daleth.

Paris, le 9 mars 2018, le bureau national de l’AFPS


http://www.anti-k.org/2018/03/11/il-y-a ... palestine/
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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 20 Mar 2018, 13:52

Historique Palestine en quelques minutes

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Re: Palestine / Israël

Messagede Pïérô » 19 Avr 2018, 17:42

Israël et la Nakba, de la reconnaissance au déni

Israël célèbre son soixante-dixième anniversaire. Pour les Palestiniens, il s’agit plutôt de la Nakba, la catastrophe qui les a frappés et contraints à l’exil. Si la Nakba était reconnue par de nombreux responsables et intellectuels israéliens durant les premières années du jeune État, elle a été par la suite contestée officiellement, alors que les preuves des exactions commises par l’armée israélienne en 1947-1949 et de l’épuration ethnique dont furent victimes les Palestiniens s’accumulaient.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les premiers utilisateurs du terme « Nakba » (catastrophe) en référence au désastre palestinien sont les militaires israéliens. En juillet 1948, l’armée israélienne s’adresse, par tract, aux habitants arabes de Tirat Haifa qui résistaient à l’occupation. Dans un arabe excellent, elle les exhorte à se rendre en ces termes : « Si vous voulez échapper à la Nakba, éviter un désastre, une inévitable extermination, rendez-vous. »

En août 1948, l’intellectuel syrien Constantin Zureik publie son essai : The Meaning of the Disaster (1). Il écrit que « la défaite des Arabes en Palestine n’est pas simplement un retour en arrière ou une atrocité temporaire. C’est une ?Nakba” au vrai sens du terme ». Pour lui, alors, la Nakba affecte le monde arabe tout entier et ne peut se réduire aux seuls Palestiniens. Nathan Alterman publie le 19 novembre 1948 son poème « Al-Zot » (« À propos de ceci ») dans le journal Davar, et David Ben Gourion ordonne qu’il soit distribué à tous les soldats. Ce poème décrit le massacre des Palestiniens sans défense, il fait probablement référence aux crimes de guerre commis à Lod (Lydda). Hannan Hever et Yitzak Laor affirment que la critique de l’événement n’est pas aussi limpide qu’elle pourrait sembler à première vue. Même s’ils ont raison, et en dépit du fait que le poème se termine par un appel très clair : « N’ayez pas peur » et « Ne le racontez pas dans Gath…. », (2) ce poème décrit des évènements qui, s’ils étaient publiés aujourd’hui, provoqueraient un énorme tumulte dans le public israélien et parmi ses leaders, comme le montre le tollé provoqué, par exemple, par les révélations de l’ONG Breaking the silence en 2016.

En 1948, S.Yizhar (3), un des auteurs israéliens majeurs, écrit Hashavuy (« Le captif » ) dans lequel il décrit le comportement cruel des soldats israéliens envers les Palestiniens vaincus. Plusieurs de ses livres parus ces années-là, notamment Yemey Ziklag (« Les jours de Ziklag ») et Khirbet Khizeh relatent ouvertement les atrocités perpétrées par les soldats pendant la Nakba. Khirbet Khizeh figure même dans les programmes officiels du ministère de l’éducation et est alors lu par des milliers d’étudiants.

La « naïveté » des premiers discours

À la fin des années 1940 prévaut une sorte de naïveté dans les discours sur la Nakba. Même si le terme lui-même n’est pas mentionné, les évènements, y compris les atrocités perpétrées par les soldats sionistes à l’encontre des Palestiniens, sont décrits simplement, comme allant de soi, sans filtres narratifs ou sublimation. Le premier livre sur « La conquête de Jaffa » fut ainsi intitulé en hébreu par son auteur, Haïm Lazar, en 1951. Plus tard, le mot de « conquête » sera remplacé par « libération » ; Lazar utilise également le terme « nettoyage » pour décrire ce que les milices sionistes firent à Jaffa. Lorsque le chercheur en sciences politiques Meron Benvenisti et l’historien Ilan Pappé utiliseront le même terme, il sera perçu comme une véritable provocation.

Les Palestiniens devenus citoyens israéliens sont encore sous le choc et traumatisés, ils subissent un régime militaire qui ne leur autorise aucune forme de protestation. Les réfugiés palestiniens attendent qu’on leur rende justice, un soutien venant des nations arabes et de la communauté internationale, mais aucune aide significative ne va venir.

En 1951, la Cour suprême rend un décret devenu célèbre, stipulant que les résidents d’Ikrit et de Birim qui avaient été chassés de leurs villages sont autorisés à y retourner, comme cela leur avait été promis le jour où ils en furent expulsés. Et l’année d’après, la Cour suprême accepte l’appel des résidents de Jalarre demandant à y retourner. Mais les membres du kibboutz Lahavot Haviva installé sur les terrains du village font sauter les maisons à l’explosif, empêchant ainsi leur retour. Dans ces quatre cas, le retour des réfugiés fut empêché par l’armée dont les décisions ont prévalu sur celles de la justice. Depuis, plus aucune décision de justice semblable n’a été prise.

« Un désastre selon leur point de vue »

Les évènements devenant de plus en plus lointains dans l’histoire, et tandis que la nouvelle nation s’active intensément à se construire, à installer les nouveaux arrivants et à empêcher le retour des réfugiés palestiniens, la façon naïve d’aborder la Nakba est ouvertement abandonnée. On identifie clairement ce changement au fait que les réfugiés qui tentent de revenir se muent soudainement en « infiltrés » (mistanenim). Ils cessent d’être des indigènes qui ont été expulsés et qui tentent de retourner chez eux, et deviennent dès lors des étrangers, illégaux et illégitimes. Un véritable abîme sépare un « réfugié » d’un « infiltré ». Le premier est déraciné, c’est une victime, il a été vaincu et est traumatisé. Le second n’est pas d’ici, il nous veut du mal, c’est un voleur, il traverse une frontière géographique. Plus tard, l’infiltré palestinien devient un fedayin, complétant ainsi l’entière transformation d’un réfugié devenu immigrant illégal en terroriste.

La couverture médiatique des romans qui décrivent ouvertement ce qui s’était déroulé en 1948 force le gouvernement à créer un méta-récit justifiant les atrocités commises par « nos garçons ». Il devient alors difficile pour le nouvel État de continuer à décrire le mal fait par les Israéliens envers les Palestiniens sans la médiation d’un discours qui défende « notre côté ». La Nakba devient « un désastre selon leur point de vue » (celui des Palestiniens) et c’est ainsi que deux histoires sont créées : la nôtre et la leur.

La Nakba prend place comme partie intégrante du discours qui tente de justifier la formation de l’État d’Israël après le génocide des juifs d’Europe. La première utilisation de la théorie du « pas le choix » de l’histoire de l’État apparaît alors : nous n’avions pas d’autre choix que de faire ce que nous avons fait en 1948. Et, en corrélation avec ce « pas le choix », celle de la « pureté des armes » (tohar ha neshek) selon laquelle en 1948, nos soldats n’ont pas commis d’atrocités, et, s’ils en avaient commis, il ne s’agirait que d’exceptions.

1967 : priorité à l’occupation

La pression exercée en Israël par Moshe Dayan et d’autres pour un « second round » déclenche la guerre de 1967 qui sera la plus grande expansion territoriale du projet sioniste au Proche-Orient. Elle va offrir à Israël un territoire quatre fois plus grand que celui qu’il possédait avant la guerre. La Cisjordanie et Gaza, le plateau du Golan et la péninsule du Sinaï sont conquis. Les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza vivent désormais sous un régime militaire et le nombre de réfugiés augmente d’un quart de million ; certains le sont d’ailleurs pour la seconde fois depuis 1948.

En Israël, l’économie florissante, l’euphorie et l’arrogance qui succèdent à la grande victoire militaire sur les légions arabes en six jours permettent l’émergence d’un débat pour savoir s’il faut contrôler les territoires occupés et y rester. On peut désormais affirmer que ce débat n’en a, en fait, jamais été un véritable et qu’il n’y avait aucune chance qu’un retrait des territoires occupés de Cisjordanie et de la bande de Gaza soit décidé. Mais, à cette époque, le débat entre les partisans du maintien et leurs adversaires était réel et avait encore un sens.

Avec la vaste expansion coloniale, la Nakba disparait complètement en Israël. L’occupation et les expulsions de 1948 sont effacées de la mémoire collective depuis les nouvelles conquêtes. « L’occupation » devient un concept associé exclusivement à l’expansion de 1967, et c’est cette vision que la gauche israélienne, dans sa quasi-totalité, adopte encore aujourd’hui. La gauche sioniste continue à parler de 48 — et bientôt de 50 — années d’occupation alors qu’il faudrait en ajouter pratiquement 20 pour rendre justice à l’histoire. L’expansion militaire et la colonisation de la Cisjordanie qui débutent dans les années 1970 créent de nouveaux conflits qui effacent la Nakba de la conscience israélienne.

Vers la fin des années 1980, l’historien Benny Morris forge un nouveau terme, celui de « nouveaux historiens » pour décrire ceux qui avec lui, revisitent largement l’historiographie israélienne de 1948. Son ouvrage, intitulé The Birth of the Palestinian Refugee Problem Revisited, (Cambridge University Press, 1988) est un tournant important dans la remise en question du récit israélien. En résumé, pour Morris, il n’y avait pas d’autre choix que de créer un État juif en 1948, un prix inévitable que les Palestiniens devaient payer, et qu’en effet, d’immorales atrocités avaient été commises par les forces sionistes.

Les apports ou les « révisions » des nouveaux historiens déclenchent un très vif débat dans le milieu universitaire israélien (et à travers le monde), apportant aussi bien son lot de critiques acerbes que d’encouragements à poursuivre leurs travaux.

Des accords d’Oslo à la seconde intifada

Les accords d’Oslo sont un coup dur pour les réfugiés palestiniens. L’accord de paix signé par Yitzhak Rabin et Yasser Arafat stipule que deux États seraient établis le long de la « ligne verte ». Les discussions sur une solution au problème des réfugiés sont repoussées à un stade ultérieur. Ces termes sont évidemment inacceptables pour les réfugiés et plusieurs organisations se créent justement en réponse. Badil à Bethléem et l’Association for the Defense of the Rights of the Internally Displaced (Adrid) en Israël en sont des exemples majeurs. Adrid va politiser la question des Palestiniens déplacés à l’intérieur d’Israël.

En 1997, Adrid organise la première « marche du retour » le jour anniversaire de l’indépendance d’Israël. Cet événement devient une tradition et la reconnaissance la plus importante et la plus visible de la Nakba en Israël. Chaque année, des milliers de citoyens palestiniens d’Israël défilent en nombre ce jour-là, font flotter des drapeaux palestiniens et réclament leur droit au retour. Chaque année, le défilé se déroule dans l’un des nombreux villages détruits par Israël en 1948. Sous le régime militaire, le jour de l’indépendance était le seul moment où les Palestiniens pouvaient librement circuler sans avoir à solliciter un laissez-passer au gouverneur militaire. La marche grossit d’année en année et il devient de plus en plus difficile pour les médias israéliens de l’ignorer. Dans le discours tenu par la majorité de la population israélienne, la Nakba est une catastrophe palestinienne, un récit palestinien, une histoire palestinienne. De notre côté, nous Israéliens, avons le Jour de l’indépendance. Même au sein de la majorité de la gauche israélienne aujourd’hui, la Nakba est comprise comme un désastre pour seulement un cinquième de la population israélienne.

En octobre 2000, éruption de la seconde intifada : les relations entre juifs et Arabes en Israël sont au plus mal. La majorité des juifs israéliens (y compris la gauche) fait alors sienne la version officielle des évènements : tirer sur ces manifestants était une nécessité absolue, car la vie des forces de l’ordre était menacée. Les démentis palestiniens quant aux menaces de mise en danger de la vie des forces de l’ordre ainsi que l’enquête officielle diligentée par la commission gouvernementale Or (4) qui conclura, trois ans après, qu’en aucun cas la vie des forces de l’ordre n’avait été menacée, ne suffiront pas à modifier le sentiment général.

Ces évènements en arrière-plan, des milliers de juifs israéliens comprennent ce qu’est l’essence même de l’« État juif » : les Arabes, par définition, ne peuvent y être des citoyens de plein droit. Ces juifs se distancient alors de l’idéologie sioniste qui leur avait été inculquée dès l’enfance. Depuis, un certain nombre de citoyens israéliens ont déclaré publiquement et sans honte qu’ils sont non sionistes ou antisionistes. Pour la première fois, une organisation est créée pour remettre en question les fondements mêmes de l’État d’Israël, avec l’objectif de sensibiliser et éduquer, en hébreu, la société civile israélienne. Zochrot (« Elles se souviennent ») cherche donc à faire connaître la Nakba auprès du public juif israélien et soutient le droit au retour des réfugiés palestiniens. C’est la première organisation fondée par des Israéliens venant des milieux les plus privilégiés, des symboles de cette société : ce sont d’anciens kibbutzim et des soldats, qui remettent profondément en question leur identité. Zochrot a changé le discours sur la Nakba en Israël. Son efficacité est reconnue, y compris par ses détracteurs.

Une plaie toujours ouverte

Voyant que les débats sur la Nakba échappent à tout contrôle, le régime décide de se doter d’un arsenal légal pour parer à cette situation nouvelle. La première version de ce qu’on a l’habitude d’appeler « la loi Nakba » est si draconienne que même des membres du parti qui le promeut, comme Benny Begin, se joignent à la contestation. En mars 2011, la loi est votée dans une version plus édulcorée, mais son objectif est clairement d’empêcher que la Nakba soit étudiée et reconnue en Israël. On menace les organisations qui reçoivent des subventions du gouvernement de les voir diminuer si elles commémorent la Nakba le Jour de l’indépendance. Les professeurs craignent que leur carrière puisse être compromise s’ils participent à des manifestations, actions ou même s’ils mentionnent la Nakba.

Au même moment, et en coordination avec ces efforts législatifs, l’organisation Im Tirzu lance une campagne pour réimposer le déni complet de la Nakba en Israël. L’organisation rédige et distribue un pamphlet intitulé « Nakba Kharta » (« La Nakba, c’est des conneries »), reconstruisant tous les arguments israéliens concernant le « mensonge » de la Nakba : elle est le résultat d’une guerre pendant laquelle tous les Arabes ont voulu nous expulser en 1948 et c’est pourquoi il est normal qu’ils en paient le prix. La loi et cette campagne offrent pourtant un sacré coup de projecteur sur la question de la Nakba. Dans les médias, le mot Nakba est désormais communément utilisé en hébreu. Des hommes politiques et bien d’autres l’utilisent pour décrire différents désastres ou des évènements conflictuels.

Aujourd’hui, le terme montre bien la polarisation de la société israélienne et de son discours. Dans la gauche non sioniste, la place centrale de la Nakba dans la construction du conflit et sa possible solution sont pleinement reconnues. Par ailleurs, les informations sur la Nakba sont désormais disponibles, en accès libre et de plus en plus nombreuses. De l’autre côté, la bataille menée par le régime israélien pour empêcher le plus possible ces débats fait rage. Paradoxalement, ces tentatives d’étouffer la Nakba en font une question brûlante qui nécessite une réponse. Une plaie ouverte qui suinte constamment.

Eitan Bronstein Aparicio, Eleonore Merza Bronstein

(1) Ma’na al-Nakba (la signification du désastre), Dar al-Ilm Lilmalayeen, 1948, traduit en anglais par l’auteur.
(2) La ville de Gath, Gat ou Geth (en hébreu « presse pour le vin ») est l’une des cinq cités-États des Philistins établies à partir du XIIe siècle av. J.-C.
(3) NDLR. Nom de plume de Yizhar Smilansky.
(4) NDLR. La Commission d’enquête sur les affrontements entre les forces de sécurité et les citoyens israéliens en octobre 2000, ou « Commission Or » — du nom de l’enquêteur en chef, Theodor Or, juge de la Cour suprême — était une commission d’enquête nommée par le gouvernement israélien pour enquêter sur les événements d’octobre 2000, au début de la deuxième Intifada.

Eléonore Merza et Eitan Bronstein ont créé De-Colonizer, une ONG israélienne et un centre de recherche alternatif et militant basé à Tel-Aviv. Eléonore Merza, anthropologue, est spécialiste de la société israélienne contemporaine, et Eitan Bronstein, anthropologue et militant anticolonialiste israélien, fondateur de l’ONG Zochrot.

De-Colonizer s’emploie à sensibiliser la société israélienne à son histoire coloniale et à la situation du peuple palestinien, notamment en travaillant sur la Nakba, « la catastrophe » qui désigne l’expulsion de près de 750 000 Palestiniens et la destruction de plusieurs centaines de localités en 1948 dans le but d’établir Israël comme l’État des juifs.

Eléonore Merza et Eitan Bronstein pensent que la reconnaissance de la Nakba ainsi que le droit au retour des réfugiés palestiniens sont des conditions indispensables à une véritable paix juste et durable.


https://orientxxi.info/magazine/israel- ... -deni,2399
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 12 Mai 2018, 20:19

La NAKBA: massacre fondateur d’Israël.

Acte 1 : 1920/1940, un état dans l’état

La Nakba, catastrophe en arabe, véritable traumatisme dans la mémoire collective palestinienne, est l’aboutissement de décennies de colonisation sioniste et de soutien actif des puissances occidentales et en particulier des britanniques, mandataires de la Palestine depuis la fin de la première guerre mondiale.

La déclaration Balfour en 1917 en envisageant la création d’un Foyer National Juif, la SDN en reconnaissant « qu’une Agence Juive appropriée serait reconnue comme organisme officiel et apporterait à l’administration de la Palestine ses conseils et son aide sur toutes les questions économiques, sociales ou autres ayant rapport à l’établissement du Foyer National Juif et aux intérêts de la population…..L’organisation sioniste sera reconnue comme étant cette agence » posent les bases du futur état juif et de la spoliation des Palestiniens. C’est le début de la dépossession. Les Britanniques soutiennent, favorisent l’économie juives aux dépens de l’économie palestinienne, la Histadrout (syndicat des travailleurs de la terre, voir ci-dessous) gère toute l’économie en excluant totalement les Palestiniens. Seuls les juifs peuvent travailler. L’argent, les armes arrivent en grande quantité et des milices se créent : Haganah (80 000 hommes en 1943), Irgoun(8000), Stern, le Lehi, structures paramilitaires et ou bases de la futures armées israéliennes qui pratiquent la terreur sous formes d’attentats ou de répression de masse en collaboration avec les britanniques lors des mouvements de révoltes palestiniennes comme en 1936.

L’Agence Juive, la Histadrout et les milices sont les trois piliers d’un véritable état dans l’état.

L’immigration s’accélère considérablement, les sionistes sont de plus en plus puissants et autonomes, ils n’ont plus besoin des Britanniques pour voler de leurs propres ailes.

Acte 2 : 1940/1947, les Anglais s’en vont

Les sionistes veulent une accélération de l’immigration juive. les Britanniques bientôt confrontés à la seconde guerre mondiale veulent la restreindre en espérant neutraliser l’hostilité arabe et ainsi éviter un conflit au Proche Orient : c’est la publication du livre blanc approuvé par les Palestiniens.

Les sionistes le rejettent vigoureusement et Ben Gourion déclare : « Nous combattrons le livre blanc comme s’il n’y avait pas de guerre et nous ferons la guerre comme s’il n’ avait pas de livre blanc »

« Face à la persécution des Juifs par les nazis puis à l’ampleur du génocide perpétré contre eux en Europe »… « les puissances européennes sont fermement décidées à soutenir les revendications territoriales des sionistes dans la région »

En mai 1942 six cents délégués sionistes se réunissent à New York et revendiquent officiellement l’ouverture complète à l’immigration juive de la Palestine et le droit pour les Juifs de coloniser la région. La déclaration Balfour est obsolète, c’est la première fois que la volonté d’établir un Etat juif est formulé .Deux ans plus tard Roosvelt entérine les demandes formulées lors de la conférence

Les relations entre sionistes et Britanniques se dégradent en raison de la publication du livre blanc, des revendications coloniales sionistes et une vague d’attentats prenant pour cibles les Britanniques sèment la terreur.91 morts dans l’explosion de l’hôtel King David à Jérusalem, siège du gouvernement mandataire. Les Britanniques un peu isolés sur la scène internationale, endettés, confrontés au mouvement anticolonial en Inde, vont capituler et remettre leur mandat à l’ONU en 1947. C’est dans ce cadre que sera désormais étudiée la « question palestinienne »

C’est le premier sujet mis à l’ordre du jour de la première Assemblée générale des Nations Unies.

Le cataclysme du 29 novembre 1947

Le plan de partage

Après de longs débats, enquêtes, chantages auprès des délégués de pays du tiers monde pour gagner leur voix, les USA obtiennent l’adoption à l’ONU d’un projet de partage de la Palestine.

La Palestine est découpée morceaux : 4 pour le futur état juif et 3 pour les Palestiniens, Jérusalem est à part.

Le découpage favorise les sionistes : ils ne détiennent que 6,5% du sol et ne constituent que 35% de la population… pourtant, ils recevront 56% de la Palestine et les terres les plus fertiles.

Les Palestiniens refusent tout partage et les sionistes ne sont pas satisfaits il y a trop d’arabes dans les zones imparties.

« L’État juif sera d’environ 1 million de personnes, dont 40% de non juifs. Une telle composition ne fournit pas une base stable pour l’Etat juif. Il faut voir ce fait dans toute sa clarté et toute son acuité » (Ben Gourion déc.1947).

Immédiatement des heurts éclatent entre Palestiniens et bandes armées juives.

Décembre 1947- mai 1948 : la Nakba avant la proclamation de l’Etat d’Israël

Les violences exercées pendant cette période ciblent principalement les familles bourgeoises résidant dans des secteurs économiquement et géographiquement intéressants et où l’implantation juive est importante : la côte, villages près de Jérusalem, villages dont les terres sont fertiles.

75 000 personnes prennent la route de l’exil. C’est le début de la dépossession du peuple palestinien de ses terres, de son interminable exil, de la colonisation implacable de la Palestine et de son démantèlement. Colonisation, peuplement, dépossession , expulsion de la population autochtone sont les fondements de l’idéologie et de la politique sioniste. c’est «l’ aboutissement » de ce projet qui provoque la Nakba grâce à l’engagement de longue date des occidentaux envers les sionistes et en particulier du gouvernement britannique, qui en validant la déclaration Balfour à contribué à déposséder symboliquement les Palestiniens de leur propre terre « par la volonté d’une puissance étrangère au profit d’un mouvement national-colonial : le sionisme« ( Julien Salingue.)

L’application du plan Dalet à partir d’avril, va entraîner l’exil de plus de 300 000 personnes, par les menaces, la terreur et les expulsions.

Le plan Dalet est un véritable plan de nettoyage ethnique programmé depuis longtemps, c’est l’application du concept de transfert développé par le mouvement sioniste dès la fin du XIX siècle à l’instar de Théodore Herzl son fondateur : « lorsque nous occuperons la terre, nous apporterons immédiatement des avantages au pays qui nous recevra. Nous devons doucement exproprier la propriété privée sur les terres que l’on nous attribuera. Nous tenterons de faire disparaître la population désargentée par-delà la frontière, en leur procurant du travail dans les pays où ils seront en transit, tout en leur refusant de travailler dans notre propre pays. »Journal 1895.

Entre le 1er avril et le 14 mai, 13 actions de nettoyage ethnique sont programmées, toutes les villes doivent être nettoyées avant le départ des Britanniques. Le massacre le plus connu du fait de sa barbarie, est celui de Deir Yassin le 9 avril 1948 .

Le départ des Britanniques, la création de L’État d’Israël, la Nakba continue.

Dans la foulée du départ des anglais le 14 mai 1948, Ben Gourion proclame la création de l’Etat d’Israël sur 55% de la Palestine mandataire. La Syrie, l’Irak, l’Egypte la Jordanie entrent en guerre en juillet. Mal préparés, mal armés, en prise à des dissensions politiques, trahis par la Jordanie qui joue un double jeu, confrontés à une armée suréquipée et ravitaillée par un pont aérien depuis la Tchécoslovaquie, ces états capitulent et signent des armistices les uns après les autres et c’est 78% de la Palestine qui revient à Israël, les 22% restants sont répartis entre la Cisjordanie annexée par la Jordanie et Gaza administrée par l’Egypte.

Les combats continuent dans les villes, les réfugiés connaissent des conditions sanitaires innommables.

Bernadotte , grand humanitaire de la seconde guerre mondiale est dépêché sur place par l’ ONU qui condamne cette expulsion, pour trouver une solution à l’expulsion et aux problèmes des réfugiés. Il est horrifié par la situation sanitaire et par la violence sioniste. Il propose une résolution qui demande le retour des réfugiés sur leurs terres, c’est la résolution 194 qui est adoptée par l’assemblée générale de l’ONU. Résolution jamais appliquée à ce jour, mais pour laquelle Folke Bernadotte sera assassiné par le groupe Stern.

Le sionisme : expulsion, invisibilisation.

A cette période de 800 000 personnes ont été chassées de la Palestine, plus de 500 villages ont été détruits et dans la continuation du projet sioniste, ces villages seront reconstruits, ainsi s’exprime Moshe Dayan en 1969 :

« Des villages juifs ont été construits à la place des villages arabes. Vous ne connaissez même pas les noms de ces villages arabes, et je ne nous blâme pas parce que les livres de géographie n’existent plus. Non seulement les livres de géographie n’existent plus, mais les villages arabes ne sont plus là non plus… Il n’ y a pas un seul endroit construit dans ce pays qui n’avait pas une ancienne population arabe. » !!!

Le sens particulier de la commémoration de la Nakba cette année.

70 ans plus tard le sionisme triomphant poursuit sa politique d’expulsion, de vol des terres, de massacres. La colonisation continue à tombeau ouvert et la politique du fait accompli est la règle, en toute impunité, grâce aux soutiens actifs et criminels de la communauté internationale. La Cisjordanie est un bantoustan, Gaza un mouroir à ciel ouvert et la catastrophe sanitaire y est imminente.

Dans un contexte international défavorable : montée des contre révolutions dans la région, dictatures arabes qui « obnubilés par la guerre froide entre l’Arabie Saoudite et l’Iran privilégient un rapprochement avec Israël et les Etats Unis »(Julien Salingue), dirigeants politiques palestiniens discrédités, soutien inconditionnel des occidentaux à la politique israélienne et criminalisation des mouvements de solidarité avec le peuple palestinien, les Palestiniens sont très isolés.

Dans ce contexte Trump a reconnu Jérusalem comme la capitale d’Israël, reprenant 100 ans plus tard « à son compte la posture du dirigeant impérialiste « offrant » au mouvement sioniste un territoire palestinien » (J.S). L’ambassade doit être transférée à Jérusalem le 14 mai, jour ô combien symbolique de la commémoration de la Nakba.

Depuis le 30 mars, date de la journée de la terre, les Gazaouis marchent pacifiquement chaque vendredi en direction de la bordure de séparation pour faire valoir leur droit au retour et l’application de la résolution 194 de l’ONU qui le stipule. Ils s ont systématiquement mitraillés.

En six semaines, déjà une cinquantaine de morts et des milliers de blessés parmi les Gazaouis qui résistent encore et encore.

Ce 14 mai, jour de la commémoration de la Nakba et du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, est une journée à haut risque.

Nous devons affirmer , clamer notre solidarité envers les Palestiniens, être une multitude aux rassemblements qui vont se dérouler partout en France, pour exiger le droit au retour des Palestiniens, la fin de la colonisation, l’égalité des droits des Palestiniens israéliens, le refus de l’implantation de l’ambassade des USA à Jérusalem, dénoncer les complicités de nos propres gouvernements.

Seul le rapport de force compte et c’est également en s’inscrivant dans la campagne de BDS que l’on peut peser.

Je vous espère nombreuses et nombreux samedi à 16 h place de la Comédie à Montpellier solidaires du peuple palestinien.

Palestine vivra, Palestine vaincra !

Geneviève NPA34

Sources :
◾Jean Pierre Bouché : Palestine plus d’un siècle de dépossession
◾Sandrine Mansour- Mérien : l’histoire occultée des palestiniens 1947/1953
◾Julien Salingue : Palestine : un processus de paix qui n’en finit pas de mourir


http://npaherault.blogspot.fr/2018/05/l ... srael.html
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 21 Mai 2018, 16:00

État d’Israël : à 70 ans de sa création artificielle
Le 14 mai a marqué un nouvel anniversaire de la création artificielle de l'État israélien. Avec l’accord des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, en 1948 David Ben Gourion, a unilatéralement déclaré sa constitution. Pour les Palestiniens, le jour suivant a commencé la Nakba (catastrophe).
... http://www.revolutionpermanente.fr/Etat ... tificielle

A 70 ans de la Nakba, retour historique sur la Palestine
Arabes et Juifs ont coexisté pendant des siècles sous la domination mauresque d’Andalou dans l'empire espagnol. Après l'Inquisition, les Juifs séfarades furent reçus par l'Empire ottoman en Egypte, en Afrique du Nord et au Levant et vécurent paisiblement pendant 500 ans avec les Arabes, les Turcs et les Chrétiens.
... http://www.revolutionpermanente.fr/A-70 ... -Palestine
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 21 Mai 2018, 21:01

Palestine : 70 ans après la Nakba

1. La résistance à l’expulsion

Quatre ans environ après l’attaque militaire israélienne « Bouclier de défense » sur Gaza, la Palestine n’était plus à la « une » de l’actualité. Tant mieux pour Israël qui tout en maintenant son blocus sur ce petit morceau de territoire palestinien pouvait, jour après jour, continuer de coloniser le plus possible la Cisjordanie et Jérusalem-Est, tout en poursuivant la judaïsation du Negev (Naqab en arabe), en expulsant et en déplaçant la population palestinienne [1].

Mais la décision unilatérale du président des USA qui a proclamé le 6 décembre 2017 la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et annoncé le futur déménagement de l’ambassade des USA dans celle-ci a attiré un regain d’attention vers cette partie du monde [2] et surtout réjoui Israël qui déjà en 1980 avait acté par une de ses « lois fondamentales » que Jérusalem était la capitale unique et indivisible de l’État d’Israël.

Alors que cette décision a très vite donné lieu côté palestinien à plusieurs « jours de colère » (avec des manifestations, des grèves, des affrontements…), les meurtres, les enlèvements violents et les arrestations d’enfants et adolescents (handicapés et blessés compris) par l’armée israélienne ont été largement diffusés sur les réseaux sociaux. C’est pourtant tous les jours que de jeunes Palestiniens peuvent être tués ou arrêtés par l’armée israélienne dans les territoires occupés depuis 1967 [3]. Sous prétexte qu’ils sont considérés comme dangereux pour Israël et ses colons (ou suspectés de l’être), qu’ils insultent les soldats, leur lancent des pierres… les prisonniers palestiniens sont considérés par Israël comme des « prisonniers sécuritaires ». Une vision partagée en quelque sorte par le Congrès américain qui, le 5 décembre, la veille de la déclaration incendiaire de D. Trump, a voté une loi visant à priver l’Autorité Palestinienne de fonds qui iraient aux familles de militants tués ou inculpés.

Actuellement, il y a plusieurs milliers de détenus politiques palestiniens et parmi eux, des centaines d’enfants (au sens de la Déclaration des Droits de l’Enfant). Ahed Tamimi n’est pas la seule, loin de là [4]. Il y a urgence à bien comprendre pourquoi. C’est tout aussi important – sinon plus – que les discussions diplomatiques actuelles et les propos répétitifs que l’on entend et lit depuis les Accords d’Oslo, chaque fois que la région revient à l’avant de la scène médiatique (du genre « il faut absolument relancer le processus de paix » ou « les Palestiniens doivent rétablir le dialogue », « il faut reconnaître tout de suite l’État de Palestine », « Jérusalem-Est doit être reconnue comme la capitale du futur état palestinien »… ) alors que l’on entend très peu d’appels à la libération des prisonniers politiques palestiniens, même mineurs (surtout si on compare avec les appels à la libération du jeune soldat Gilat Shalit quand il était détenu par des Palestiniens).

Je vais dès lors tenter une analyse de ce qui se passe en partant justement de l’exemple médiatisé de la jeune adolescente palestinienne, Ahed Tamimi, qui vient de « fêter » ses 17 ans en prison (et pourrait y passer encore plusieurs années après son « jugement » devant un tribunal militaire israélien) en le resituant dans son contexte, à l’aide de données de terrain. Mais il est vrai, comme l’indique J. Salingue [5], que les luttes anti-coloniales, anti-racistes et anti-apartheid ont toujours été confrontées à des politiques d’enfermement de masse, que les politiques d’incarcération forment un élément central dans les dispositifs d’oppression ; que les prisonniers politiques ont été bien souvent des symboles internationaux de ces luttes et que les Palestiniens n’échappent pas à la règle.

Prenons des cartes géographiques et essayons de rendre compte de ce qui oppose en quelque sorte une jeune palestinienne comme Ahed (mais aussi bien d’autres jeunes Palestiniens) au président des États-Unis qui pense pouvoir décider à lui seul du sort de Jérusalem. Pourquoi, après tout, les cartes seraient-elles uniquement au service des États-majors et des stratèges israéliens [6] ? La lutte à laquelle on a affaire dans la région, que ce soit à Nabi-Saleh, ou à Jérusalem ou encore ailleurs en Palestine est toujours, 100 ans après la Déclaration Balfour, 70 ans après la Nakba [7], la lutte d’un peuple qui résiste pour pouvoir continuer à vivre, à avoir un avenir sur ses terres et être libre, et non une « guerre de religions » ou un « choc de civilisations » comme d’aucuns la présentent ou l’interprètent dangereusement sous prétexte que Jérusalem ou même toute la « terre sainte » sont sacrées pour les trois religions monothéistes.

2. Vivre à Nabi Saleh

Situons Nabi Saleh, le village natal de Ahed Tamimi, un village d’environ 500 habitants où chaque famille compte au minimum un prisonnier. Pour cela, prenons une carte actuelle de la Cisjordanie [8]. Depuis Oslo, cette carte montre un territoire qui ressemble à un archipel dont les îles sont des morceaux de Cisjordanie (les zones placées « sous autorité palestinienne »). Nabi Saleh se trouve tout au Sud d’une île que j’appellerais « l’île de Salfit ». Elle fait environ 20 km d’Est en Ouest et 10 km du Nord au Sud. Au Nord, elle est délimitée par le complexe colonial d’Ariel, au Sud par un autre ensemble de colonies. Je dis « l’île est délimitée » parce que des routes Est-Ouest ont été construites entre les colonies pour les relier aux villes côtières israéliennes et qu’elles sont sous contrôle de l’armée d’occupation. Du village de Ahed, on ne peut donc pas, sans être confrontés à l’armée ou à la « police des frontières » israélienne, rejoindre facilement Birzeit, qui est à quelques kilomètres mais sur une autre « île », encore moins Ramallah (siège de l’Autorité Palestinienne) située à une vingtaine de kilomètres ou – pire – aller à Jérusalem … à Bethléem ou à Hébron … à l’autre bout de l’archipel ! Sans compter qu’à l’Est, l’île est encore délimitée par une route Nord-Sud de ce type.

Depuis 1977, Halamish, une colonie de juifs orthodoxes, s’est installée juste au Sud de Nabi Saleh. A cette époque les villageois avaient déposé une plainte contre cette appropriation, mais alors que la Haute Cour israélienne a déclaré que la confiscation était illégale et que les biens devaient être restitués à leurs propriétaires, tout cela est resté lettre morte. Aujourd’hui, la colonie compte deux fois plus d’habitants que Nabi Saleh et les soldats qui contrôlent la route reliant Halamish à Tel-Aviv/ Jaffa empêchent les villageois de la traverser pour se rendre sur leurs terres et à la source désormais situées du côté de la colonie. Les villageois ont perdu des centaines d’oliviers. Près de la colonie, il y a en plus une base et une tour militaires pour surveiller constamment le village y compris la nuit, notamment quand les soldats y pénètrent pour aller enlever des prisonniers. En décembre 2009, les colons ayant aménagé la source pour en faire une piscine et un parc [9], un comité populaire a entrepris d’ organiser des marches hebdomadaires vers la source. La violence des soldats pour les empêcher n’a pas cessé et elle a particulièrement touché la famille Tamimi. Un rapport publié en 2011 par Alhaq [10] – une association palestinienne, membre de la FIDH et de l’OMCT , avec un statut consultatif spécial au Conseil Economique et Social de l’ONU – fournit plusieurs témoignages sous serment de villageois victimes d’emprisonnement, d’enlèvements, d’interrogatoires – dont ceux d’enfants et de membres de la famille Tamimi, des témoignages de victimes des gaz lancés vers les maisons, des détails relatifs aux ordres militaires israéliens et aux armes employées par les soldats ainsi que plusieurs photos dont une montre d’ailleurs deux soldats cagoulés et armés entrés de nuit dans la maison de la famille Tamimi. Via ce dossier, on peut déjà se rendre compte de la vie à Nabi Saleh – quand Ahed avait environ 10 ans. En 2016, A. Zaino, qui a vécu plusieurs mois chez les Tamimi et participé avec eux aux marches vers la source, a publié dans un livre plusieurs témoignages recueillis de 2012 à 2015 auprès de membres et proches de la famille d’Ahed. A travers ces récits, on se rend compte du courage nécessaire depuis des générations pour résister, dès l’enfance, à la spoliation, pour affronter les soldats et les colons, désobéir aux ordres militaires … Dans la famille d’Ahed, c’était tantôt son père qui était en détention, tantôt sa mère, ou les deux, ou encore son frère aîné, un cousin … Il y a eu plusieurs morts aussi. Ahed disait en 2015 : « C’est devenu impossible de dormir ici ! Et jamais ils ne me feront quitter ma maison. Qu’ils viennent m’arrêter. De toute façon, un jour ou l’autre ça finira bien par arriver ». Deux jours avant, elle était intervenue avec sa maman et sa cousine pour libérer son frère de 12 ans qui avait été kidnappé par un soldat. Le papa d’Ahed venait de leur dire que le soldat avait porté plainte pour agression à son égard et qu’un mandat d’arrêt avait été lancé contre les personnes impliquées. L’enfant libéré et son frère cadet (8 ans) redoutent d’être enlevés et emmenés en prison. « Je suis prêt … un jour ou l’autre, ça finira bien par arriver … » répète l’enfant de 12 ans. Le frère aîné de Ahed, lui, fait la garde parmi les oliviers car les colons ont menacé de venger l’honneur du soldat [11].

Lors des manifestations contre la décision du président Trump, un cousin de Ahed âgé de 14 ans a été blessé par une balle dans la tête. Quelques jours après, dans la nuit du 18 au 19 décembre, des soldats ont fait irruption dans la maison des Tamimi, Ahed a été menottée et enlevée. Le 20, elle est passée devant un tribunal militaire et depuis elle est emprisonnée comme bien d’autres mineurs. Sa cousine et sa maman ont aussi été mises en détention. Mi-janvier, quand des Palestiniens se sont rendus en nombre au village pour soutenir les habitants, les familles de prisonniers et les blessés, un jeune homme de 19 ans a de nouveau été enlevé, un cousin de Ahed … Mais Nabi-Saleh n’est pas un cas unique … ni la jeune Ahed, une « émeutière ». Dans le cadre des Jours de colère, des dizaines d’autres Palestiniens ont été enlevés, blessés, plusieurs autres ont été tués par l’armée israélienne y compris à Gaza.

« Les vieux mourront, les jeunes oublieront » avait dit Ben Gourion. La réalité est que les jeunes meurent aussi sous les balles et les tirs aériens de l’armée israélienne et qu’ils n’oublient pas. Quel avenir leur réserve-t-on ? Celui des « Indiens d’Amérique » ?

3. Et à Jérusalem ?

S’étendant autrefois sur 7 km carrés, Jérusalem a aujourd’hui une superficie de 200 km carrés. C’est donc bien plus que la vieille ville fortifiée et les lieux saints (la « ville à couper le souffle » des dépliants touristiques). Que montrent les cartes ? Qu’en est-il, sur le terrain, de la possibilité de faire de Jérusalem-Est la capitale d’un futur État Palestinien ? Est-ce réellement « un lieu où il fait bon vivre » comme l’indique une publicité de la Municipalité israélienne de Jérusalem [12] ?

Jusqu’en 67, la ville était divisée en deux par « la ligne verte » établie en 1949 à l’issue de Nakba. Seule la partie occidentale de Jérusalem avait été conquise et placée sous juridiction israélienne. En 1967, la partie orientale de la ville est passée sous contrôle militaire israélien, avec le reste des territoires palestiniens. Israël a ensuite étendu le périmètre de la ville au-delà de la ligne verte en annexant une partie des terres appartenant aux villages palestiniens voisins pour créer la municipalité de Jérusalem. Les territoires annexés ont été très vite couverts de colonies et judaïsés. En 1980, une loi fondamentale a été votée au parlement israélien proclamant Jérusalem « capitale éternelle une et indivisible d’Israël ». Depuis 1967, les mesures prises pour chasser les Palestiniens de cette région centrale n’ont pas cessé : les Palestiniens n’ont presque jamais de permis de construire, au contraire, ils sont confrontés à des ordres d’expulsion et à des destructions de leurs habitations. Leur statut n’est même pas celui de citoyens, ils sont considérés par Israël comme de simples « résidents », statut dont ils se voient souvent privés par l’administration occupante (ainsi rien qu’en 2008, 4 577 permis de résidents ont été retirés aux Palestiniens) [13]. Le mur construit à Jérusalem a un impact négatif supplémentaire : non seulement il matérialise l’annexion des terres palestiniennes pour les colonies mais de plus, il rend la traversée et l’accès à la ville quasi impossibles pour les Palestiniens, y compris pour ceux et celles qui y travaillent ou y ont de la famille (de nombreux témoignages et photos permettent de comprendre ce que sont les attentes et les contrôles militaires au « terminal » de Qalandiya au Nord de la « municipalité » ou à celui de Bethléem, au Sud). Tout cela alors qu’Israël a construit un tramway pour faciliter le transport entre les colonies et Tel-Aviv [14] et qu’à l’Est de Jérusalem existe une énorme colonie – Ma’ale Adumim – à propos de laquelle B. Netanyahou vient encore de déclarer qu’ « elle fera à jamais partie d’Israël ».

Et donc, ici aussi, les Palestiniens sont confrontés quotidiennement à l’armée, à la « police des frontières », aux colons, avec de graves répercussions sur l’emploi, la vie quotidienne, familiale et sociale et avec des difficultés d’accès aux services (hôpitaux, maternités, enseignement, commerces, démarches administratives …), quand les institutions palestiniennes ne sont pas tout simplement fermées par la force et les travailleurs évacués. Sans oublier les conséquences de cette ségrégation en termes de densité de population dans les lambeaux résiduels de Palestine, y compris dans les camps de réfugiés.

4. Vers un seul État … d’apartheid ?

Force est de constater que sur le terrain, l’État Palestinien « dans les frontières de 67 » (22 % de la Palestine du mandat britannique, soit la Cisjordanie et la Bande de Gaza et Jérusalem-Est comme capitale, option proposée par l’OLP en 1988, après la première intifada) reste introuvable. Les Palestiniens des territoires de 67 – encore plus morcelés depuis 1995 (avec le découpage en zones) – continuent à vivre quotidiennement sous contrôle de l’administration « civile » israélienne (qui n’a de civile que le nom, vu qu’il s’agit de l’administration militaire dans les territoires occupés), sans parler de la population vivant à Gaza, des réfugiés continuant à vivre dans des camps ou de la diaspora, des Palestiniens des territoires conquis lors de la Nakba … Toutes les frontières de l’ancienne Palestine mandataire sont quasiment contrôlées par Israël, de même que les ressources. Depuis 2006 la situation est la suivante : le Hamas est contraint par les bombes et le blocus de faire régner le calme à Gaza et l’Autorité Palestinienne (AP) doit de son côté cogérer la « paix » avec Israël dans les « îles » de l’archipel cisjordanien.

Depuis les élections de 2015, la droite et l’extrême droite israéliennes se sont engagées dans une véritable course vers l’annexion des territoires de 67. En février passé Naftali Bennet, le leader du Foyer Juif, a réussi à faire voter (y compris par des membres du Likoud) une loi qui permettrait le passage de la Cisjordanie sous souveraineté israélienne mais elle est actuellement bloquée par la Cour Suprême [15].

Comme l’a déclaré à C. Enderlin un ancien expert important du Shin Beth fin décembre 2017 [16] il semble bien que « Le statu-quo évolue (sic) dans la direction qui mène inexorablement les parties vers les sables mouvants d’une réalité binationale où Israël, dominateur, tenterait d’imposer sa volonté aux Palestiniens parqués dans des enclaves territoriales ». Quand un mois après la visite de B. Netanyahou en décembre 2017, M. Abbas est venu à Bruxelles, il est d’ailleurs reparti sans avoir obtenu aucune reconnaissance de quelque État palestinien de la part de l’UE. Quant à la colonisation, elle s’est encore accélérée avec l’élection de D. Trump aux USA.

Tout cela du fait d’un rapport de forces qui se maintient en faveur d’Israël, qui multiplie de surcroît ses campagnes de séduction aussi sur d’autres continents et dans les pays arabes déclarés « modérés » [17].

5. Et l’économie dans tout ça ?

Plusieurs chiffres ont été compilés sur le site www. Plateforme-Palestine.org (publication du 26 juin 2016) : structure du PIB, coût financier de l’occupation, commerce extérieur, emploi, pauvreté, insécurité alimentaire. Ils sont révélateurs de la situation (même si d’autres indicateurs seraient utiles comme l’indice de Gini …). On lit concernant l’AP que sa dette est en forte augmentation, atteignant 39% du PIB , que la plus grande part du budget en 2014 a été allouée à la sécurité et que 70% de son revenu provient des recettes douanières qu’Israël doit lui reverser après les avoir perçues (suite au Protocole de Paris) mais qu’il retient parfois plusieurs mois de suite quand la politique palestinienne ne lui convient pas (comme en 2015) alors que les salaires des fonctionnaires en dépendent. Le document indique aussi que depuis la conférence des bailleurs de fonds pour la reconstruction de Gaza en octobre 2014, seulement 40 % de l’aide promise a été débloqué.

Dans un article publié en février 2018 par Le Monde Diplomatique [18], plusieurs Palestiniens d’une vingtaine d’années témoignent sur leur vie en Cisjordanie. Vingt ans c’est l’âge médian des Palestiniens dans les territoires occupés (50 % de la population a donc moins de vingt ans et l’autre moitié a plus de vingt ans ; la population palestinienne est jeune et la catégorie des « 30 ans et plus » représente seulement 30 % de la population). Ces jeunes nés vers 1998 étaient de tout jeunes enfants lors de la deuxième intifada, de la réinvasion militaire de la Cisjordanie par l’armée d’A. Sharon et de la construction du Mur, avec tout ce que cela a impliqué de destructions. Ils avaient environ 7 ans quand M. Abbas a succédé à Y. Arafat à la Présidence de l’AP et ils étaient trop jeunes pour participer aux élections législatives de 2006 (qui ont abouti à la division entre Fatah et Hamas). Ce sont des jeunes de la génération post-Oslo qui décrivent leur avenir en parlant de « partir à l’étranger » ou de « rester et tenir » (en se résignant ou en luttant). Ils évoquent à la fois leur volonté d’une lutte collective dépassant les frontières qui divisent le peuple palestinien et les difficultés qu’ils rencontrent. Lucides, ils critiquent :
- la politique autoritaire de l’AP (envers les journalistes, les bloggeurs…), surtout sa collaboration policière avec Israël, alors que l’armée israélienne fait tant de victimes parmi les jeunes (d’où le fait que certains, comme en 2015, décident d’agir seuls avec des couteaux contre les soldats et les colons) ;
- les partis qui ne leur offrent pas de projets sérieux (juste des commémorations de martyrs ou des « manifestations folkloriques ») et qui sont divisés alors que les jeunes, premières victimes de l’occupation, ne voient pas de gains politiques ;
- la situation économique avec un chômage élevé (surtout à Gaza, chez les jeunes, les femmes) mais aussi une dualité sociale croissante (qu’ils expliquent non seulement par la division du territoire mais aussi par la politique néo-libérale de l’AP « sous l’influence de la Banque mondiale et des Occidentaux ») ;
- la dépolitisation des plus âgés qui se sont endettés pour acquérir des biens immobiliers quand les crédits ont été facilités en 2008 ;
- les étrangers et les ONG qui passent chez eux quelques mois et repartent avec l’impression que leur tâche est terminée …

Bref, ils décrivent la Palestine dans laquelle ils vivent (en Cisjordanie surtout) et qui est bien différente de l’État fantasmé depuis Oslo. Pour comprendre cet écart entre réalité et fantasme et contextualiser ces témoignages, il est intéressant de lire l’analyse faite par J.Salingue dans « La Palestine d’Oslo » et notamment ce qu’il écrit quant au rôle fondamental du volet économique d’Oslo (car enfin, Oslo ne se résume pas à une « poignée de mains historique », une sorte de réconciliation avant l’heure entre Israël et l’OLP). Pour J. Salingue, Oslo c’est surtout la mise en place par Israël d’un nouveau dispositif d’occupation lui permettant de se dégager d’une partie des tâches et coûts de l’occupation (stratégie basée sur le Plan Allon). Pour reprendre la métaphore de la prison utilisée par J.Halper, Israël ne s’occuperait plus que du contrôle des murs en déléguant la gestion de l’ordre à l’intérieur des prisons à une institution palestinienne créée pour l’occasion. Ainsi, dès 1995 (Oslo2) le rapport de forces a abouti au découpage géographique des territoires occupés et au partage des tâches suivant : les « îles » – appelées zones A (les zones urbaines palestiniennes les plus peuplées) seraient « autonomes » c’est-à-dire placées sous contrôle de l’Autorité Palestinienne, tandis qu’Israël et son armée garderaient le contrôle des terres colonisées et colonisables (avec les ressources en eau) soit les zones C et que le reste – les zones B – resterait également sous contrôle militaire israélien tandis que l’AP gérerait les problèmes civils. D’où la carte en « archipel » avec 18 % en zones A, 61 % en zones C, et le reste en zones B et des tas de complications lors du passage d’un type de zone à l’autre.

Mais, en 1994, quelques jours avant le « désengagement de Gaza et Jéricho d’abord », les règles de « coopération » entre Israël et l’AP en matière économique avaient été fixées dans un Protocole (le Protocole de Paris) qui depuis réglemente six secteurs économiques : les taxes, les douanes, l’industrie, le tourisme, l’agriculture, le travail (un Comité Économique Conjoint a été créé pour contrôler leur application). Or les règles que doivent respecter les « partenaires » économiques ont été établies sans remise en cause du fait qu’Israël gardait la mainmise sur l’essentiel des ressources économiques (l’eau par exemple, qui depuis Oslo est gérée au sein d’un même type de comité « conjoint » dominé concrètement par Israël) et sur la quasi-totalité des frontières (extérieures et intérieures) et que l’économie palestinienne était déjà affectée par des dizaines d’années d’occupation (entre 1967 et 1993, 50 % des ordres militaires utilisés par Israël dans les territoires palestiniens occupés concernaient l’économie). Dès lors, le Protocole de Paris a « légalisé » les relations asymétriques qui existaient déjà entre les deux économies – palestinienne et israélienne – et par ses grandes tendances, il a instauré un processus de « dé-développement » (terme repris de S. Roy) de l’économie palestinienne [19].

L’économie palestinienne est actuellement déstructurée et hétéro-centrée : coupées de leur marché, et séparées les unes des autres, les villes palestiniennes ont perdu leur rôle de centres économiques (les villageois sont eux-mêmes non seulement coupés de leurs terres et ressources en eau mais souvent situés en zones B). Désormais les centres économiques se trouvent en Israël (il suffit de voir le réseau routier). L’économie palestinienne est captive de l’économie israélienne : elle sert aux besoins d’Israël. Cela se voit au niveau agricole, avec un marché palestinien envahi par les produits agricoles israéliens et la perte de leur souveraineté alimentaire pour les Palestiniens. Ou encore au niveau de l’industrie (avec les exportations de pierres palestiniennes vers Israël). Il y a un déficit commercial structurel dû au fait que les exportations palestiniennes ne permettent pas de subvenir au coût des importations en provenance d’Israël.

L’AP se retrouve dès lors doublement dépendante : en plus de dépendre d’Israël, elle dépend des subsides extérieurs. Elle a dès lors une corde au cou. Par rapport aux « Parrains d’Oslo », sa situation est assez comparable à celle des régimes rentiers avec ceci de particulier que la rente ici dépend de son engagement à garantir le « maintien de l’ordre », au bénéfice d’Israël mais aussi des investisseurs. Elle est donc devenue le principal employeur des territoires palestiniens dont elle doit assurer les salaires dans une situation économique difficile mais dans le même temps, la majeure partie de ses dépenses est réservée au développement pléthorique de ses services policiers.

Cette dépendance est devenue très claire après l’écrasement de la seconde intifada. A l’heure de la « reconstruction » (après les destructions par l’armée israélienne, y compris de l’appareil policier de l’AP) et tandis que débutait la construction du Mur (et les démolitions conjointes), les USA, l’UE et la Russie se sont joints à l’ONU pour créer une curieuse institution-bateau : le Quartet et ils ont dicté leur plan pour la construction d’un État palestinien en 2003 : la Feuille de route ; tandis qu’en 2004, la Banque mondiale a expliqué dans un rapport comment elle concevait sa contribution à la (re)construction de l’économie palestinienne. Pour bénéficier de son aide, il fallait développer l’économie comme si l’occupation, la domination israélienne, les colonies, le Mur n’étaient pas une contrainte (voir les critiques élaborées par l’ONG palestinienne Stop The Wall sur www.stopthewall.org). Mais c’était illusoire de croire que la Feuille de Route et le Quartet allaient faire le bonheur des Palestiniens qu’Israël était occupé à « emmurer ». Lors des élections législatives du 25 janvier 2006, c’est le Hamas qui est sorti vainqueur, pas le parti de M. Abbas, élu président de l’AP environ un an auparavant (mais il est vrai qu’entre-temps Israël avait judicieusement évacué les colons de Gaza, sur base d’une décision unilatérale). Ce qui s’est passé après les élections montre à nouveau la dépendance dans laquelle est piégée l’AP et on ne s’étonnera pas dès lors de la participation très faible, tant en termes de candidats que d’électeurs, aux élections municipales de 2012 ou du désintérêt des jeunes pour les partis traditionnels !

Pour rappel, refusant toute négociation avec le gouvernement d’I. Haniyeh, les USA et l’UE décident en avril 2016 de suspendre leur aide et tout est mis en place pour qu’éclate une guerre intra-palestinienne qui, après plusieurs mois de violences, se solde par une division territoriale du pouvoir. À Gaza, le Fatah est évincé et le territoire déclaré « zone hostile » avec comme conséquences le blocus et une série de plusieurs périodes longues de bombardements intensifs israéliens. En Cisjordanie, I.Haniyeh (Hamas) est évincé du poste de Premier Ministre et il est remplacé par S.Fayyad, un Palestinien ayant une longue expérience du FMI et de la Banque Mondiale. Aussitôt, les 26-28 novembre 2007, les élections US approchant, une conférence est organisée aux USA, à Annapolis, pour relancer les négociations en vue de la création d’un État Palestinien avant fin 2008. En décembre 2007, une Conférence des bailleurs de fonds a suivi à Paris. Pour obtenir l’argent, l’AP est non seulement dans l’obligation de respecter les conditions du Quartet (c’est T. Blair qui en est le représentant depuis la fin de son mandat britannique) mais aussi les critères de l’OCDE établis depuis 2005 (Déclaration de Paris) pour « l’efficacité de l’aide ». L’OLP fait donc appel à une société privée d’aide au développement qui travaille avec l’Agence de Coopération Britannique, l’Adam Smith Institute (www.adamsmithinstitute.com). Cette agence ultralibérale spécialisée dans la privatisation des services publics est donc payée pour lui concocter un plan visant à récolter les fonds sur base des desiderata du Quartet et de l’OCDE (discipline fiscale, austérité budgétaire, bonne gouvernance, climat propice au développement des sociétés privées, réforme du secteur sécuritaire). Avec ce projet (le Plan de Réforme et de Développement Palestinien), S. Fayyad obtient plus d’argent qu’il n’en espérait. Quant à l’État palestinien, pas plus qu’en 2003, il n’y en a eu en 2008. Il y a eu juste une fois encore, des « négociations » entre partenaires inégaux (durant lesquelles, en plus, l’UE resserrait ses relations avec Israël !), « une farce », écrit Z. Clot, un négociateur qui avant de donner sa démission, faisait partie d’un groupe de conseillers juridiques que l’OLP avait engagé auprès de l’Adam Smith Institute [20]. L’argent des bailleurs de fonds servirait surtout à prouver que la Palestine s’apprête à être reconnue comme État. Mais en 2011, lors de la demande de reconnaissance de la Palestine à l’AG des Nations Unies, celle-ci la reconnaît seulement comme État observateur.

Dans Ramallah Dream ,voyage au cœur du mirage palestinien [21] B. Barthe explique comment des montagnes de dollars et d’euros attribués en échange de la « paix » dans les territoires occupés sont utilisés pour le « state building » en créant l’illusion de la construction d’un État palestinien. Ce livre, très documenté, permet de mieux comprendre les intérêts privés et les enjeux politiques cachés derrière le business de l’aide. Il fournit de nombreux exemples de projets « surréalistes » dans le cadre d’une occupation qui, financés notamment par les USA et l’UE, leur permettent de se dédouaner de faire pression sur Israël en gérant la situation de manière technocratique et souvent lucrative. Ainsi après les élections de 2006, quand l’argent versé à l’AP a été bloqué et que les fonctionnaires palestiniens ne recevaient plus leur salaire, EuropAid (l’agence de coopération économique internationale de la Commission Européenne) a conçu l’idée de faire appel à une société privée pour créer un logiciel qui canaliserait l’argent vers les « bons » Palestiniens. Le système servant à passer au crible le nom des destinataires de l’argent a fonctionné jusqu’en 2008 avec Worldcheck mais qui contrôlait le tri ? B. Barthe évoque aussi les difficultés de fonctionnement rencontrées avec la mise en place du système informatique destiné aux douanes palestiniennes, ou avec le programme destiné au Ministère de la Justice palestinienne, du fait que l’on ne prenait pas suffisamment en compte la réalité de l’occupation et de la domination israélienne sur le matériel mais aussi le personnel (destructions, saisies, blocages , …). L’auteur rapporte que dans certains cas, il est même interdit aux salariés d’évoquer l’occupation, la colonisation … Ou alors les réalités sont intégrées dans les projets eux-mêmes. Ainsi le Mur, déclaré illégal par la CIJ en 2004, n’est plus remis en question, on fait avec, on l’intègre dans des projets informatiques de contrôle et de tri des Palestiniens (projets qui ont l’avantage de rapporter de l’argent), on envisage des portes d’entrée sympa pour les touristes ou la création de « zones industrielles » de type maquilladoras sur les terres cisjordaniennes accaparées. Situées hors d’Israël, elles peuvent fournir des produits « palestiniens » en échappant de plus aux normes écologiques et sociales israéliennes.

Quant aux travailleurs, ils sont sélectionnés en fonction de leur activité et de leur passé politiques.

L’AP, quant à elle, est priée d’attirer des capitaux et donc de séduire l’élite cosmopolite, les investisseurs palestiniens, les investisseurs arabes, les banques, les sociétés start-up en technologies de l’information et de la communication pour leur proposer des projets qui les intéressent et leur permettent de retirer un gain en termes financier et/ou politique. D’où l’organisation d’événements de prestige comme les conférences « Palestine is open to business » en 2008 et en 2010 à Bethléem $, dans la ville touristique emmurée au Sud de la capitale confisquée de Jérusalem-Est (www.pipa.ps, www.pita.ps). D’où aussi la construction, dans la nouvelle « métropole » de Ramallah, mais aussi à Jéricho (une « île » en zone C) et à Bethléem (lieu saint touristique), de grands hôtels de luxe, de bars branchés … et la promotion en 2008 des crédits hypothécaires (visant surtout les fonctionnaires salariés de l’AP) et la flambée des prix des loyers à Ramallah. Dans le cadre de son reportage au sein du « bantoustan doré de Ramallah » B. Barthe évoque encore d’autres projets faisant les beaux jours des banques et des cabinets d’affaires comme la création (avec des fonds débloqués par la JP Morgan, cliente du cabinet de conseil de T.Blair) d’une joint-venture de téléphonie mobile entre le Fonds d’Investissement Palestinien et la société privée Qtel (géant Qatari de téléphonie mobile). L’idée étant que si les hommes et les marchandises ne peuvent pas circuler, les capitaux eux peuvent le faire. Selon l’auteur de « Ramallah Dream », on nage même souvent dans les conflits d’intérêts et la transparence n’est pas la règle. Sans compter le déni flagrant de démocratie.

À proximité de cette « vitrine du mirage palestinien » (B.Barthe) que pensent les réfugiés entassés dans les camps, les Palestiniens enfermés dans « la Bande de Gaza », les travailleurs comprimés entre les grilles et les tourniquets des « terminaux » du Mur à l’entrée de Ramallah ou à l’entrée de Bethléem, celles et ceux qui, la peur au ventre, sont traqués par la « police des frontières » israélienne à Jérusalem-Est, les camionneurs qui attendent l’ouverture des portes militaires pour pouvoir entrer ou sortir avec leurs marchandises dans les territoires occupés ?

Imaginons une révolte contre cette « pacification économique » imposée, que les bailleurs de fonds ne versent plus les salaires des fonctionnaires de l’AP, que l’AP doive licencier ou qu’éclate une crise financière comme celle de 2008 … et le château de cartes risque bien de s’écrouler.

Dans son livre (écrit en 2011) B. Barthe indique que si en 2008, quand la crise financière a éclaté, l’économie palestinienne n’était quasiment pas financiarisée, elle a commencé à le devenir sous l’influence d’un think-tank israélo-palestinien, créé par un pionnier du capital-risque en GB. Il ajoute que trois private equity funds sont arrivés dans les TPO (Territoires palestiniens occupés) et que les hedge funds pourraient aussi faire leur apparition (voir le livre pour plus de détails).

Comme l’explique E. Toussaint dans Bancocratie, les hedge funds – qui font partie de la Finance de l’ombre (Shadow Banking) sont des fonds à vocation spéculative à la recherche de rentabilité élevée. Les gains attendus sont importants car ils sont liés à des prises de risques élevées [22].

En attendant, la Palestine était classée à la 140e place sur 190 dans le classement « Doing Business » de 2017, selon le site www.coface.com (qui indique par ailleurs que la jeunesse de la population est un atout !). Il y a de quoi se poser bien des questions !Notes


[1] S.Bailly, Demain le monde de septembre-octobre 2014 et M. Blume, Palestine n°74, oct/nov/déc 2017

[2] Voir Courrier International, 14-20 décembre 2017 et C.Enderlin, Le Monde Diplomatique, janvier 2018

[3] Breaking the Silence, Le livre noir de l’occupation, des soldats racontent, 2013 ou www.breakingthesilence.org.il/

[4] www.addameer.org

[5] J.Salingue, préface de A. Zaino, Des hommes entre les murs, Comment la prison façonne la vie des Palestiniens, Agone 2016

[6] C.Enderlin, Le Monde Diplomatique, janvier 2018

[7] Nakba, « Catastrophe » en arabe, est le nom que les Palestiniens donnent au démembrement de la Palestine du mandat britannique, correspondant à la première expulsion massive de la population palestinienne pour créer Israël comme État juif. Voir Palestine, n°74 oct/nov/déc 2017 ou www.badil.org concernant les camps de réfugiés palestiniens. Pour une carte des destructions Nakba voir www.de-colonizer.org

[8] www.btselem.org ou www.arij.org

[9] Selon un rapport de l’OCHA, en 2014, 40 sources sur 56 ont été accaparées et transformées en « attractions touristiques ».

[10] www.alhaq.org

[11] A.Zaino, voir note de bas de page n°5.

[12] Dépliant touristique exposé au stand de l’ambassade d’Israël au salon des vacances 2018 à Bruxelles et Femmes d’Aujourd’hui N°48, 30 novembre 2017

[13] N.J. D’othée, Demain Le Monde, juillet/août 2011 et Note politique de l’Association Belgo-Palestinienne Jérusalem-Est capitale en danger, avril 2015

[14] P. Blanc, Atlas des Palestiniens, Un peuple en quête d’un État, Autrement, 2014

[15] D.Vidal et N.J. D’Othée, articles publiés dans Palestine, n°74-oct/nov/déc.2017

[16] C.Enderlin, Le Monde Diplomatique, janvier 2018

[17] A.B. Nouhou, Monde Diplomatique de décembre 2017

[18] A.Belkaïd et O.Pironet, Monde Diplomatique, février 2018.

[19] J. Salingue, La Palestine d’Oslo, L’Harmattan, 2014

[20] Z. Clot, Il n’y aura pas d’État palestinien, Journal d’un négociateur palestinien, Max Milo, 2010

[21] B. Barthe, Ramallah Dream, voyage au cœur du mirage palestinien, La Découverte, 2011

[22] E. Toussaint, Bancocratie, Aden, CADTM, 2014


http://www.cadtm.org/Palestine-70-ans-apres-la-Nakba
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Re: Palestine / Israël

Messagede bipbip » 24 Mai 2018, 18:14

L’avenir de la « Nakba » – La catastrophe

La conquête sioniste de la Palestine, qui a commencé de façon aléatoire au début des années 1880 et s’est intensifiée après le tournant du siècle pour atteindre son apogée lors de l’invasion et de l’occupation du pays par les Britanniques, avant la fin de la première guerre mondiale, a été le moment inaugural de ce qui allait être connu sous le nom de Nakba – la Catastrophe.

Tandis que le terme « Nakba » était utilisé par l’intellectuel syrien Constantine Zureik pout décrire ce qui arrivait aux Palestiniens en août 1948 (quand il écrivit et publia son classique Ma’na al-Nakba – Le sens de la Nakba), d’autres emploient des mots comme karitha (désastre), tel l’officier militaire jordanien et gouverneur de Jérusalem Est Abdoulah al-Tall dans son livre de 1959 Karithat Filastin (Le désastre de la Palestine) ou ma’saa (tragédie) comme le fit l’intellectuel nationaliste anticolonial palestinien Mouhammad Izzat Darwaza dans son livre de 1959 Ma’sat Filastin (La tragédie de la Palestine).
« Nakba » devint néanmoins la référence la plus adéquate et la plus utilisée pour décrire les douleurs que les Palestiniens ont endurées. Dans son immense historiographie qui comporte de nombreux volumes sur les événements de 1947-1952, publiée pour la première fois en 1956, le journaliste anticolonial palestinien Arid al-Arif, qui fut plus tard maire de Jérusalem Est, a insisté sur le recours à ce terme dans son titre.

Al-Arif commence en s’interrogeant : « Comment puis-je appeler cela autrement qu’une catastrophe ? Parce que nous avons été « catastrophisés », nous les Arabes en général et les Palestiniens en particulier… notre patrie nous a été volée, nous avons été chassés de nos foyers et nous avons perdu un nombre énorme de nos enfants et de nos aimés ; et en plus de tout cela, notre dignité a été frappée au cœur ».

Si les traits les plus saillants de la Nakba sont le vol de la terre palestinienne et l’expulsion des Palestiniens de leur terre et la soumission des terres qui ne pouvaient pas être prises et des gens qui ne pouvaient pas être chassés, à un contrôle et à une oppression systématiques, alors, comme je l’ai avancé il y a une décennie, il serait hautement erroné de considérer la Nakba comme un événement isolé renvoyant à la guerre de 1948 et à ses suites. Elle devrait au contraire être replacée dans l’histoire comme un processus qui a traversé les 140 dernières années et commencé avec l’arrivée des premiers conquérants sionistes pour coloniser la terre au début des années 1880.

De plus, les dirigeants israéliens continuent à abreuver leur propre peuple et le monde d’assurance que la Nakba n’est pas juste un processus passé et présent de dépossession du peuple palestinien de ses terres et de leur expulsion, mais plutôt un processus qui doit continuer à préserver la survie future d’Israël. La Nakba s’avère alors ne pas être juste un événement du passé et un processus actuel mais une calamité qui a résolument planifié l’avenir. S’il en est ainsi, que pourrait être cet avenir ?

Le colonialisme de peuplement, qui s’est finalement débarrassé du parrainage colonial britannique en 1948 et a établi l’État colonial de peuplement, n’a jamais cessé de se soucier d’un possible retournement à venir de la Nakba. Si des politiciens et intellectuels « pragmatiques » arabes et palestiniens libéraux et néo-libéraux ont tenu compte de la propagande sioniste et impériale selon laquelle Israël va demeurer et que la Nakba des Palestiniens est un événement historique impossible à renverser jamais, on ne peut pas dire la même chose des leaders de la colonie de peuplement juive.

Certes, les dirigeants et personnages politiques israéliens lancent chaque jour des plans pour empêcher l’annulation de la Nakba. Les célébrations en cours du 70ème anniversaire, qui revisite cette calamité faite au peuple palestinien sont entachées par ces préoccupations.

La peur du retournement

En anticipant cet anniversaire, nul autre que le premier ministre Benjamin Netanyahou n’a aussi ouvertement exprimé ses peurs et espoirs. Lors d’une session ordinaire d’étude de la Bible dans la résidence du premier ministre en octobre dernier, à Jérusalem Ouest, Netanyahou a averti, ainsi qu’Haaretz l’a rapporté : « Israël doit se préparer à faire face à des menaces existentielles à venir s’il veut célébrer son centième anniversaire dans trois décennies ». Netanyahou, selon le journal, a ajouté que « le royaume hasmonéen n’a survécu que 80 ans » et qu’il « travaille à assurer que l’Israël moderne dépasse ce seuil et parvienne à son centième anniversaire ».

Le contexte de l’étude de la Bible est des plus parlants, étant donné que ce n’est pas seulement une caractéristique d’une direction de plus en plus religieuse de la colonie de peuplement, mais davantage un rituel engagé par David Ben Gourion, son premier ministre fondateur laïc et athée, qui avait inauguré la tradition de cours d’étude biblique dans la résidence du premier ministre. Netanyahou a simplement repris cette pratique il y a plus de quatre ans. Si Ben Gourion et les premiers dirigeants juifs sionistes laïcs, à l’inverse des chrétiens protestants sionistes mais tout à fait comme les sionistes chrétiens laïcs, voyaient la Bible comme un livre d’histoire et de géographie inspirant la colonisation, Netanyahou et les dirigeants juifs religieux de la colonie de peuplement la voient aujourd’hui comme une mission religieuse de colonisation.

Les dirigeants israéliens craignant un retournement futur de la Nakba, les stratèges de la colonie de peuplement préparent activement sa persistance pour l’avenir. Ce que le président américain Donal Trump a nommé fort à propos « Accord du siècle », n’est que son dernier coup médiatique en ce sens. Car le véritable accord du siècle n’est rien d’autre que les accords d’Oslo du début des années 1990 (même si la nouvelle version est pire que la précédente), qui garantissait à Israël le futur de la colonie de peuplement et l’éternité de la Nakba des Palestiniens.

Les projets israéliens sont à plusieurs facettes. Ils comportent l’effacement complet de la Nakba de la mémoire collective, l’élimination des témoins qui ont survécu en les expulsant et en faisant des réfugiés hors de leur pays, tout en extorquant à ces survivants de la Nakba, qu’il ne pouvait ni ne peut éliminer, la reconnaissance qu’Israël et le sionisme avaient touts les droits de perpétrer la Nakba et que les Palestiniens sont responsables de tout ce qui a pu leur tomber dessus.
Netanyahou est des plus concerné par cette dernière position. Il a déclaré à cette même session d’étude biblique qu’il fallait réunir les conditions qui garantiraient le futur d’Israël et de la Nakba : « quiconque parle de processus de paix doit avant tout parler du fait que « (les Palestiniens) doivent reconnaître Israël, l’État du peuple juif ».

La volonté d’expulser

Un regard sur la stratégie consistant à infliger la Nakba du passé et du présent nous apporte quelques clefs sur la stratégie actuelle d’Israël pour son avenir, du moins jusqu’à ce que la colonie de peuplement atteigne l’âge de 100 ans.
Ce fut la modernisation ottomane qui inclut en 1858 une nouvelle loi transformant les terres étatiques et communales en propriété privée dans tout le sultanat ; et ce fut la scène inaugurale de la perte de la terre des Palestiniens et de leur expulsion de cette terre par force de loi. Lorsque des paysans palestiniens, à la suite de la privatisation de la terre, furent dans l’impossibilité d’enregistrer leurs propres terres villageoises sous leur propre nom de peur de la taxation impériale, leurs terres furent vendues aux enchères en une décennie à des marchands urbains de Beyrouth, de Jérusalem et d’autres villes.

Cette transformation rendit possible aux colons européens sionistes de descendre en Palestine. La première vague arriva en 1888. Les colons étaient des millénaristes allemands protestants appelés Templers, qui décidèrent d’installer plusieurs colonies dans le pays pour hâter la deuxième venue du Christ.
Pendant ce temps, les propriétaires terriens arabes absentéistes vendirent certaines terres à des philanthropes juifs tels que la Baron Edmond de Rothschild, qui lui apportèrent une nouvelle moisson colonisatrice de Juifs russes se présentant comme les Amants de Sion pour construire leurs colonies.

Les colons chrétiens allemands fournirent leur propre expérience aux nouveaux colons juifs, étant donné qu’ils avaient déjà acquis une décennie et demi d’expérience de la colonisation. Alors que le sort des colons allemands serait scellé par la deuxième guerre mondiale, au cours de laquelle les sionistes juifs s’empareraient de leurs terres et que leur population serait chassée par les Britanniques puis par les Israéliens, l’avenir des colons juifs sionistes était bien plus prometteur.
Les Allemands semblaient avoir des relations relativement cordiales avec les Palestiniens indigènes, mais il n’en allait pas de même des colons juifs qui se sont acharnés à expulser tous les villageois palestiniens des terres qu’ils achetaient. Certains dirigeants des colons juifs chargés des expulsions eurent des réveils de conscience quant à leurs actions.

L’agronome et journaliste polonais, Chaïm Kalvarisky, un gestionnaire de l’Association de Colonisation Juive, l’une des armes du mouvement sioniste, rapporta en 1920, qu’à lui qui avait dépossédé les Palestiniens pendant 25 ans, soit depuis 1890, « la question des Arabes m’est apparue pour la première fois dans toute sa gravité tout de suite après le premier achat de terre que j’ai fait ici. J’ai dû déposséder des habitants arabes de leur terre dans le but d’établir nos frères ».
Kalvarisky s’est plaint que le « triste chant funèbre » de ceux qu’il forçait à quitter leur terre, « n’a cessé de tinter à mes oreilles pendant longtemps après coup ». Il a pourtant dit à l’Assemblée Provisoire Sioniste qu’il n’avait pas d’autre choix que de les expulser parce que « le public juif le réclamait ».

Bien que ces expulsions qui suivirent l’acquisition sioniste de la terre fussent illégales en droit ottoman, l’occupation britannique mit sur pied un nouveau régime juridique des expulsions, rapidement après sa conquête.

Un des premiers instruments britanniques de la plus haute importance pour dénationaliser et expulser effectivement des milliers de Palestiniens fut l’Ordonnance sur la citoyenneté en Palestine de 1925 imposée par les Britanniques dans le pays. À la lumière du Traité de Lausanne de 1923, qui établissait les conditions de la période succédant à la première guerre mondiale dans les territoires ottomans, l’article 2 de l’ordonnance sur la citoyenneté en Palestine donnait à des milliers d’expatriés palestiniens un ultimatum de deux ans pour demander la citoyenneté palestinienne, délai qui fut réduit à seulement neuf mois par le Haut commissaire britannique en Palestine.

Comme le déclare l’historien palestinien du droit, Mutaz Qafisheh, cette période de neuf mois « était insuffisante pour que des gens nés dans le pays et travaillant ou étudiant à l’étranger reviennent chez eux. Par conséquent, la plupart de ces autochtones devinrent apatrides. D’un côté, ils avaient perdu leur nationalité turque (ottomane) en vertu du Traité de Lausanne, et d’un autre côté ils ne pouvaient pas acquérir la nationalité palestinienne selon l’ordonnance sur la citoyenneté ». Une estimation prudente de leur nombre l’établit à 40 000.

Les débats que les sionistes eurent depuis les années 1890 sur ce qu’ils appelaient le « transfert » des Palestiniens, sont riches en détails et donnent à voir un consensus entre la majorité sioniste travailliste et la minorité révisionniste qui se sépara des premiers pour former ultérieurement son propre groupe, mais leur conclusion était inéluctable.

Les Palestiniens doivent être expulsés et leurs terres saisies de force, mais pour y arriver, les sionistes doivent d’abord accéder à la souveraineté. C’était déjà le plan du pamphlet de Théodore Herzl de 1896, L’État des Juifs : « Une infiltration (de Juifs) est condamnée à mal finir. Elle continue jusqu’au moment inévitable où la population autochtone se sent menacée et force le gouvernement à mettre un terme à un afflux supplémentaire de Juifs. L’immigration est par conséquent vaine sauf si nous avons un droit de souveraineté pour poursuivre cette immigration ».
Les dirigeants sionistes tombèrent d’accord. Le dirigeant révisionniste Vladimir Jabotinsky fut rapidement explicite sur le sujet, alors que Ben Gourion, plus prudent, qui était intéressé à l’importance de la propagande, fut plus vigilant sur la façon d’articuler ce plan jusqu’à ce que l’expulsion devienne la politique officielle du pouvoir souverain.

Ici les conquérants britanniques de la Palestine obligèrent, lorsqu’ils publièrent le rapport de la commission Peel en 1937 pendant la ré invasion de la Palestine, à écraser la grande révolte palestinienne de 1936-39. Ce rapport gouvernemental fut la première proposition officielle britannique de vol de la terre palestinienne et d’expulsion de centaines de milliers de Palestiniens.

Plan de “transfert”

Le rapport appelait à une partition du pays entre les colons juifs européens et les Palestiniens indigènes et avançait que, pour une partition effective, il était nécessaire de voler leur terre aux Palestiniens et de les expulser. Le rapport citait comme précédent « l’échange » de populations grecques et turques en 1923.
« L’échange » proposé en Palestine aurait impliqué l’expulsion de 225 000 Palestiniens de ce qui était proposé comme État juif et de 1 250 colons juifs de ce qui était proposé comme État palestinien.
De plus, à un moment où les Juifs contrôlaient seulement 5,6% de la terre de Palestine (soit par achat soit par promesse de terres de la part du conquérant britannique), essentiellement concentrée dans la plaine côtière, la Commission Peel proposait de créer un État juif sur un tiers du pays, incluant la Galilée possédée et habitée en totalité par des Arabes.
C’est après ce soutien britannique à une expulsion et confiscation massives que Ben Gourion confia dans son journal : « Le transfert imposé des Arabes des vallées de l’État juif proposé, pourrait nous donner quelque chose que nous n’avons jamais eu, même lorsque nous étions sur nos propres terres du temps des premier et second Temples (une Galilée presque exempte de non juifs)… Une opportunité nous est donnée dont nous n’avons jamais osé rêver dans notre plus folle imagination. C’est plus qu’un État, qu’un gouvernement et qu’une souveraineté – c’est une consolidation nationale dans une patrie libre ».
Suite à la publication du rapport, le gouvernement britannique déclara son accord avec les conclusions et souhaita obtenir l’aval de la Ligue des Nations pour la partition du pays. Mais les Britannique durent finalement rejeter le plan Peel car il aurait impliqué une expulsion forcée massive des Palestiniens, en violation, entre autres, des règles de la Ligue des Nations.
Pour autant, les sionistes, virent à juste titre le rapport de la Commission Peel comme une autorisation à une ouverture plus importante à l’égard de leur vol de terres et de leurs projets d’expulsion. En accord avec l’appel antérieur de Jabotinsky pour une expulsion de masse, Ben Gourion déclara en juin 1938 : « Je soutiens le transfert obligatoire. Je n’y vois rien d’immoral ». Sa déclaration suivait la politique de l’Agence Juive – le principal organe sioniste en charge de faire avancer la colonisation juive de la Palestine – qui mit sur pied son premier « Comité de Transfert de Population » en novembre 1937, pour définir une stratégie d’expulsion de force des Palestiniens.

Un membre clef du comité était Joseph Weitz, le directeur du département de la terre de l’Agence juive. La coïncidence n’était pas fortuite. Etant donné que la colonisation et l’expulsion s’inscrivent dans la même politique, les avis et le rôle de Weitz étaient centraux à ces deux égards. Weitz a exprimé cela dans des termes bien connus : « En notre sein, il doit être clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans ce pays. Aucune « évolution » ne nous rapprochera davantage de notre objectif d’être un peuple indépendant dans ce petit pays. Après le transfert des Arabes, le pays nous sera largement ouvert ; si les Arabes restent, le pays demeurera étroit et restreint… La seule solution est de transférer les Arabes d’ici vers les pays voisins, tous sauf peut-être ceux de Bethléem, de Nazareth et de la vieille ville de Jérusalem. Pas un seul village, pas une seule tribu ne doivent être laissés en place ».

Comme l’a montré dans sa chronique l’historien palestinien Nour Masalah, l’Agence Juive a établi un deuxième comité de transfert de population en 1941 et un troisième durant la conquête de la Palestine en mai 1948.
Tandis que la révolution palestinienne interrompit l’exécution du plan britannique et que la survenue de la deuxième guerre mondiale empêchait les Britanniques de faire face à plus de révoltes en Palestine, l’expulsion des Palestiniens dut attendre la fin de la guerre.

Partition mais non expulsion

Ce fut le Plan de Partition de 1947 qui fit une nouvelle proposition. Si la Commission Peel voulait que les terres privées et publiques soient volées et les gens expulsés, le plan de partition de l’ONU ne proposa que de diviser les terres d’État entre colons juifs et autochtones palestiniens, donnant aux colons, qui constituaient alors moins du tiers de la population, plus de la moitié de la terre.
Mais, à la différence de la Commission Peel, le plan de l’ONU interdisait formellement la confiscation de terres privées et l’expulsion des populations. Les sionistes acceptèrent le plan de partition de l’ONU, sauf qu’ils en violèrent tous les principes et firent comme si c’était le plan de la commission Peel, mais ratifié désormais par l’ONU.

Le Plan de partition de l’ONU était en fait une proposition non contraignante qui ne fut jamais ratifiée ni adoptée par le Conseil de sécurité et qui n’acquit donc jamais de statut juridique.

Il est néanmoins important de prendre en considération ce que le plan signifiait par « État juif » et « État arabe », du fait qu’Israël utilise ce document précisément comme une autorisation à s’établir et à demander que les Palestiniens et le monde reconnaissent son droit à être « l’État juif » plutôt qu’un État israélien pour tous ses citoyens.
Le plan établit clairement que « aucune discrimination de quelque sorte que ce soit ne doit être faite entre les habitants sur la base de la race, de la religion, de la langue ou du sexe » et que « aucune expropriation de terres possédées par des Arabes dans l’État juif (par un Juif dans l’État arabe)… ne doit être autorisée sauf pour des besoins d’ordre public. Dans tous les cas d’expropriation, des compensations prévues par la Cour Suprême devront être versées avant la dépossession ».

À l’annonce de la « Déclaration de la Création de l’État d’Israël » le 14 mai 1948, les forces sionistes avaient déjà expulsé environ 440 000 Palestiniens de leurs terres et elles allaient en expulser 360 000 autres dans les mois suivants.
Il s’ensuit clairement que la prétention d’Israël à établir un État avec une minorité démographique juive, créé au moyen d’un nettoyage ethnique, n’était pas une préconisation du plan de partition de l’ONU, elle était plutôt autorisée par les recommandations du rapport de la commission Peel.
L’autodéfinition d’Israël comme État juif n’était pas non plus dans la ligne du plan de partition de l’ONU, au sens d’un État qui privilégie racialement et religieusement les citoyens juifs par rapport aux citoyens non-juifs, et ce juridiquement et institutionnellement, comme le fait Israël.

Le plan de partition de l’ONU sur lequel Israël fonde son établissement fut initialement envisagé comme État juif avec une majorité arabe (ce fut légèrement modifié par la suite pour inclure une population arabe de 45% du total). Le plan n’a donc jamais envisagé un État juif sans Arabes ou Arabrrein, comme l’État israélien l’avait espéré et comme de nombreux Israéliens juifs l’envisagent aujourd’hui.
Évidemment, comme la Palestine était divisée en 16 districts, dont neuf étaient situés dans ce qui était proposé pour l’État juif, les Arabes palestiniens étaient majoritaires dans huit des neuf districts.

Nulle part l’utilisation du terme « d’État juif » dans le plan de partition de l’ONU n’autorise un nettoyage ethnique ou la colonisation d’un groupe ethnique des terres privées confisquées à autrui ; le plan envisageait en particulier que les Arabes dans l’État juif seraient en permanence une large « minorité » et il décrétait donc que des droits devaient être accordés aux minorités dans chaque État.

Cette situation démographique n’aurait pas été un problème pour l’État arabe, car le plan de l’ONU envisageait que l’État arabe aurait une population juive de simplement 1,36% de la population totale.
Le mouvement sioniste a compris les contradictions du plan de partition et, sur la base de cette compréhension, a conçu l’expulsion de la majorité de la population arabe de l’État juif en projet, conformément aux recommandations de la commission Peel. Mais les sionistes furent incapables de faire un État sans Arabes, ce qui a compliqué les choses pour eux au fur et à mesure que le temps passait.

Aujourd’hui, les Arabes palestiniens, qui représentent environ un cinquième de la population d’Israël, n’ont pas le droit de s’intégrer dans le nationalisme juif et souffrent d’une discrimination légale et institutionnalisée qui les vise en tant que non-juifs.
Des sionistes, dont le célèbre historien israélien Benny Morris, ont argumenté que c’est la présence même des Arabes dans l’État juif qui le pousse à entériner son racisme dans toutes ces lois. Autrement, si Israël avait réussi à expulser tous les Palestiniens, la seule loi dont il aurait eu besoin pour préserver son statut juif serait une loi sur l’immigration qui l’affirmerait. (voir mon débat avec Benny Morris dans le History Workshop Journal et mon livre The Persistence of the Palestinian Question – La persistance de la question palestinienne.)

En contraste avec le plan de partition de l’ONU, pour Israël le sens de « État juif » c’est l’expulsion d’une majorité de la population arabe, le refus de la rapatrier, la confiscation de ses terres pour la seule colonisation juive et la mise en œuvre de dizaines de lois discriminatoires contre ceux qui sont restés dans le pays.
Quand Israël insiste aujourd’hui pour que l’Autorité Palestinienne et d’autres États arabes reconnaissent son droit à être un État juif, il ne veut pas dire qu’ils devraient reconnaître sa judéité au sens envisagé par le plan de partition de l’ONU, mais plutôt comme Israël comprend et met en œuvre cette définition sur le terrain.
Le plan sioniste qui a amené à la Nakba est resté le même depuis la recommandation d’Herzl. Si le rapport de la commission Peel était le premier soutien d’un gouvernement occidental à ce plan, le plan de partition de l’ONU est resté en deçà. A la lumière de cela, la Nakba infligée aux Palestiniens aura été exécutée en trois phases principales, une précédant le plan de l’ONU et deux qui vinrent après l’échec de l’ONU à mettre en œuvre ce plan.

Phase I (1880-1947)

Les sionistes ont favorisé une alliance avec le gouvernement souverain (l’ottoman puis le britannique), ont acheté des terres ou obtenu des terres d’État via des prêts du gouvernement souverain ; ils ont chassé légalement les Palestiniens des terres acquises et ont commencé à bâtir une structure étatique discriminatoire et une économie racialiste barrant la route aux autochtones, en préparation de la prise par la force du reste de la terre et de l’expulsion imposée à la population.
Sur le front des relations publiques, les Palestiniens expulsés étaient représentés comme des perdants mécontents dont l’éviction était légale et morale et même pas regrettable (nonobstant les réserves de Kalvarisky).

Phase II (1947-1993)

Cette phase comprend la conquête de la terre et l’expulsion par la force de la population, cette fois illégalement, en 1947-1950 dans les zones sur lesquelles l’État d’Israël fut déclaré en 1948, et en 1967-1968 en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, comme dans les hauteurs du Golan en Syrie et dans la péninsule égyptienne du Sinaï. Israël élabora des lois pour légitimer la confiscation de la terre et pour empêcher le retour des réfugiés après qu’ils aient été chassés et institua un système démocratique racialisé de gouvernement qui refuse l’égalité aux autochtones restés sur place et limite leur accès à la terre et à l’habitat dans le pays.
Israël coopta et/ou créa une classe de collaborateurs et en fit les dirigeants des Palestiniens (les mouktars dans les zones de 1948 et les ligues de villages dans les zones de 1967) tout en délégitimant les réfugiés survivants comme victimes de leurs propres erreurs de calcul en prétendant qu’ils étaient partis de leur propre chef et n’avaient pas été expulsés en réalité par les sionistes.
Cette stratégie à plusieurs facettes fut mise en œuvre effectivement de façon différentielle à l’intérieur d’Israël et dans les territoires occupés en 1967, sauf pour la création d’un leadership de collaboration qui, en dépit de sérieuses tentatives, n’eut de succès que partiellement et temporairement.

Phase III (1993-2018)

L’expulsion de masse illégale devint impossible pendant cette période bien que l’expulsion individuelle légale continuât. Les confiscations massives de terres continuèrent cependant sans encombre sous couvert de la loi.
Un changement crucial est aussi observable, c’est à dire au regard de la cooptation du leadership palestinien. Plutôt que de créer un leadership alternatif pour remplacer le leadership palestinien anticolonial, effort qui au final avait échoué, le focus des Israéliens se porta sur la cooptation du leadership national historique légitime (l’Organisation de Libération de la Palestine) lui-même et sur sa transformation en une équipe de collaborateurs et d’applicateurs du colonialisme sioniste sous la forme de l’Autorité Palestinienne.

Israël souhaita aussi obtenir du leadership de collaboration qu’il reconnaisse que le colonialisme de peuplement sioniste était et est légitime et que l’expulsion des Palestiniens et le vol de leurs terres jusqu’à aujourd’hui est légitime. Cela fut réalisé avec les accords d’Oslo et dans les nombreux accords signés depuis entre Israël et l’AP.
Si l’on se fonde sur les stratégies employées au cours de ces trois phases, nous pouvons extrapoler le plan pour les 30 prochaines années destiné à ce qu’Israël atteigne l’âge de 100 ans et pour rendre la Nakba éternelle et irréversible.

La phase future

La phase future est déjà commencée et implique un effort plus sérieux pour éliminer complètement les deux tiers du peuple palestinien et son droit à la terre.
Cela a été partiellement accompli au cours de la phase III par l’élimination de l’OLP en tant qu’organisation viable qui représentait tous les Palestiniens, et par la création de l’AP, qui symboliquement ne représente que ceux de Cisjordanie (moins Jérusalem) et Gaza.
Israël a déjà renvoyé la question des réfugiés palestiniens aux dites conversations pour le statut final, qui n’arrivent jamais, et espère maintenant éliminer formellement leur droit au retour garanti par l’ONU en particulier et les réfugiés en tant que catégorie plus généralement.
Les efforts en cours du gouvernement américain et d’Israël pour détruire l’UNWRA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, vise à liquider ce processus une bonne fois pour toutes.

Dans la phase future –déjà à l’œuvre – Israël s’attachera aussi à éliminer complètement les prétentions nationalistes de l’AP et à s’assurer d’une équipe AP de collaborateurs qui n’auront même pas de revendications symboliques visant à adoucir l’accomplissement de la Nakba.
Finalement, dans cette phase, Israël vise à isoler les survivants palestiniens de la Nakba qui continue depuis 140 ans, et à les encercler d’ennemis arabes, qui sont maintenant les meilleurs amis d’Israël ou, au moins, les ennemis déclarés de tout Palestinien qui continue à résister à la Nakba – cela inclut les régimes jordanien, égyptien, syrien et libanais de même que les régimes des pays du Golfe (avec la possible exception du Koweït).
Tandis que les politiciens et intellectuels arabes et palestiniens néo-libéraux et les dirigeants arabes non élus ont été d’accord pout participer à ce plan afin d’assurer leur propre avenir, désormais lié à celui d’Israël et à l’infinitude de la Nakba, c’est le reste du peuple palestinien qui continue à résister et à miner cette stratégie.
La résistance palestinienne à la Nakba actuelle et future, que ce soit en Israël, en Cisjordanie (dont Jérusalem), à Gaza ou en exil, persiste en dépit de tous les efforts d’Israël pour l’écraser.

Tandis que les contradictions au sein de la colonie de peuplement et l’atmosphère internationale ont rendu beaucoup plus difficile à Israël de se ré engager en expulsions illégales massives de la population, il a lancé des propositions pour une expulsion légale et volontaire de citoyens palestiniens d’Israël au moyen d’un accord final (du type du plan Peel) avec l’équipe de collaborateurs de l’AP. Cela s’est cependant avéré plus facile à écrire qu’à mettre en pratique.
Etant donné que la Nakba doit impliquer la conquête de la terre et l’expulsion de la population, alors une série d’obstacles se dresse maintenant sur le chemin qu’Israël prend pour l’avenir de la Nakba. C’est une période de transition.
Au plan intérieur, les citoyens palestiniens d’Israël sont maintenant mobilisés contre la judéité de l’État et sa nature colonialiste et ils réclament le démantèlement de ses nombreuses lois racistes. L’équipe de collaborateurs de l’AP, tout en étant encore au pouvoir en Cisjordanie, est sur le point de perdre ses derniers vestiges de légitimité, avec la disparition imminente de Mahmoud Abbas.
La résistance à Gaza, menée par la population et l’aile militaire du Hamas, n’a pas été affaiblie malgré la monstruosité des intrusions et meurtres israéliens de milliers de personnes depuis 2005, quand Israël a retiré ses colons et déplacé ses forces d’occupation de l’intérieur vers la bordure de Gaza, où ils mènent un siège brutal.
Si la Grande Marche du Retour de ces quelques dernières semaines en est quelque indication, la volonté du peuple palestinien demeure inébranlable et indéfectible.
Au plan international, le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions continue à se développer et à isoler Israël, sauf dans les cercles gouvernementaux occidentaux et arabes.

Tandis que les régimes officiels occidentaux et arabes offrent leur soutien inconditionnel à la colonie de peuplement, ils refusent catégoriquement d’autoriser Israël à expulser par la force les 6,5 millions de Palestiniens vivant sous son régime colonial de peuplement, que ce soit dans les zones de 1948 ou de 1967. Ils lui permettent cependant de poursuivre sa confiscation des terres des Palestiniens et leur oppression, leur meurtre et leur emprisonnement. Ce faisant, ils soutiennent une moitié du plan israélien pour la Nakba, mais non l’autre moitié.
Cela a été le dilemme d’Israël tout du long. Quand, après la conquête de 1967 Golda Meïr a demandé au premier ministre Levi Eshkol ce qu’Israël allait faire d’un demi million de Palestiniens puisqu’il ne rendrait pas les territoires occupés et qu’il ne pouvait plus les expulser en masse, il lui a dit : « La dot te plaît, mais pas la mariée ».

Dans ce contexte, il semblerait que la Nakba n’ait pas d’avenir du tout sauf si les dirigeants israéliens pensent qu’ils peuvent s’en sortir avec une nouvelle expulsion de masse de Palestiniens par la force. En ce 70ème anniversaire de l’établissement de la colonie juive de peuplement, Netanyahou a raison de se soucier de la possibilité qu’Israël n’atteigne pas ses 100 ans d’existence et que l’avenir de la Nakba, tout comme celui d’Israël, puisse fort bien être en deçà.

Joseph Massad

Joseph Massad is Professeur of Sciences Politiques Arabes modernes et d’Histoire des Idées à Columbia University. Il est l’auteur tout dernièrement de Islam in Liberalism (University of Chicago Press, 2015).


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