Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 21 Jan 2017, 13:48

Cela peut être un peu lié au sujet

Montreuil mardi 24 janvier 2017

Conférence-débat « l'État contre les syndicalistes »

L'Institut CGT d'histoire sociale vous invite à sa prochaine conférence-débat ayant pour thème :

L'État contre les syndicalistes ? Retour sur plus de 130 ans de répression antisyndicale

présentée par Michel Pigenet, professeur émérite d'histoire contemporaine (Paris 1 Sorbonne), modérateur du Conseil scientifique de l'IHS CGT,

de 14 heures à 16 heures, Immeuble de la CGT
Salle Mezzanine (dans le patio), 263 rue de Paris, Montreuil (93)

Image

Goodyear, Air France... l'actualité témoigne d'un regain inquiétant de la répression antisyndicale d'Etat.

Si le durcissement est manifeste, la criminilisation de l'action syndicale n'est pas inédite.

Sans remonter à l'époque de leur interdiction, les syndicats, et plus particulièrement la CGT, ont été exposés à la répression policière, judiciaire et parfois militaire que le pouvoir central mobilisait pour contrer leur action.

Entre peur sociale et politique de classe, les ressorts et les modalités de telles atteintes aux libertés syndicales invitent à interroger le périmètre de ces dernières et interpellent les principes républicains.

Toutes questions du temps présent pour lesquelles un retour sur l'histoire s'impose.

Inscription auprès de Stéphanie Meunier: 01 55 82 81 13 - ihs@cgt.fr

http://www.cgt94.fr/spip.php?breve1795
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede mimosa rouge » 21 Jan 2017, 17:22

On est bien d'accord que c'est Bonnot là sur la photo, et que c'est pas du tout un syndicaliste ?

Hé hé, je suis sûr qu'il s'en sont même pas rendu compte ces cons là :lol:
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede Fred1 » 22 Jan 2017, 00:17

mimosa rouge a écrit:On est bien d'accord que c'est Bonnot là sur la photo, et que c'est pas du tout un syndicaliste ?

Hé hé, je suis sûr qu'il s'en sont même pas rendu compte ces cons là :lol:


La légende, c'est une arrestation du premier mai a Paris. Donc le sujet n'est pas bonot

Image
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede mimosa rouge » 22 Jan 2017, 02:44

mouais ... je vois pas bien en quoi c'est impossible qu'il se soit retrouvé dans des manifestations du 1er mai à Paris, même si il était pas parisien ?! A moins que tu sache toute sa bio en détail peut etre.
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede Pïérô » 23 Jan 2017, 00:36

Ben, un gars à moustache et chapeau rond à l'époque ça courrait les rues.
Je n'ai rien trouvé quant à l'identité de l'homme arrêté.
On retrouve d'ailleurs cette photo (carte postale) avec d'autres ici : http://www.paris-unplugged.fr/1906-mani ... -8-heures/ et il est probable qu'elle a été prise ici pour l'affiche qui annonce le débat du mardi 24 janvier à Montreuil.
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede Pïérô » 13 Mai 2017, 15:17

Le congrès syndicaliste révolutionnaire international de 1913

La CGT ne perdait pas de vue la nécessité d’une action internationale et s’efforçait d’organiser une coodination. Alors même que des tensions apparurent en 1902 entre la France et l’Angleterre, des militants de la CGT se rendirent à Londres pour demander la solidarité des ouvriers anglais. En plein conflit franco-allemand sur le Maroc, des mineurs allemands vinrent en France à l’appel des syndicats pour secourir les emmurés de Courrières. En 1903, alors que les dockers hollandais sont en grève, la CGT organise la solidarité dans les ports de Bordeaux, Dunkerque, Le Havre et Marseille. Des caisses de grève internationales, comme celle des typographes, permirent de prolonger des conflits. Lorsqu’un projet de loi sur les retraites est envisagé en 1901, la CGT se déclare « hostile à tout projet qui ne serait pas applicable aux étrangers résidant en France ». En avril 1906 la CGT tint un meeting à Paris pour appeler les travailleurs étrangers à participer à la lutte pour les 8 heures, « considérant que les frontières n’existent que par la volonté de ceux qui ont intérêt à diviser les travailleurs pour les exploiter plus facilement ». Nous sommes en pleine concordance avec les positions de Bakounine, qui insistait sur la priorité absolue de la solidarité internationale.

Doc : http://www.monde-nouveau.net/IMG/rtf/le ... e_1913.rtf

http://www.monde-nouveau.net/spip.php?article638
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede Pïérô » 18 Mai 2017, 20:08

Fernand Pelloutier et l’entrée des anarchistes dans les syndicats

Fernand Pelloutier écrivit le 20 octobre 1895 pour Les Temps Nouveaux, un article intitulé « L’Anarchisme et les syndicats ouvriers » 1 dans lequel il abordait les points essentiels que le syndicalisme révolutionnaire est alors en train d’élaborer. Quelques mois plus tôt, lors du congrès de la Fédération nationale des bourses du travail du 9-12 juin 1895, il en avait été élu secrétaire après avoir exercé le mandat de secrétaire adjoint pendant un an.

L’article est révélateur de la distance prise par une partie du mouvement anarchiste de l’époque – celle à laquelle il s’adresse en tout cas – envers la classe ouvrière. En effet, Pelloutier regrette que les anarchistes « se tiennent à l’écart des syndicats et, le cas échéant, les combattent parce que pendant un temps cette institution a été le véritable terrain de culture des aspirants députés ». C’est une allusion évidente aux dix ans qui ont suivi l’écrasement de la Commune pendant lesquels les bourgeois radicaux, se présentant comme les tuteurs de la classe ouvrière et espérant le soutien des travailleurs lors des élections, montrèrent beaucoup de sollicitude pour les structures ouvrières qui se reconstruisaient lentement.

Fernand Pelloutier et l’entrée des anarchistes dans les syndicats

Fernand Pelloutier écrivit le 20 octobre 1895 pour les Les Temps Nouveaux, un article intitulé « L’Anarchisme et les syndicats ouvriers » [1] dans lequel il abordait les points essentiels que le syndicalisme révolutionnaire est alors en train d’élaborer. Quelques mois plus tôt, lors du congrès de la Fédération nationale des bourses du travail du 9-12 juin 1895, il en avait été élu secrétaire après avoir exercé le mandat de secrétaire adjoint pendant un an.

L’article est révélateur de la distance prise par une partie du mouvement anarchiste de l’époque – celle à laquelle il s’adresse en tout cas – envers la classe ouvrière. En effet, Pelloutier regrette que les anarchistes « se tiennent à l’écart des syndicats et, le cas échéant, les combattent parce que pendant un temps cette institution a été le véritable terrain de culture des aspirants députés ». C’est une allusion évidente aux dix ans qui ont suivi l’écrasement de la Commune pendant lesquels les bourgeois radicaux, se présentant comme les tuteurs de la classe ouvrière et espérant le soutien des travailleurs lors des élections, montrèrent beaucoup de sollicitude pour les structures ouvrières qui se reconstruisaient lentement.

Les journaux radicaux sous la République avaient presque tous une rubrique ouvrière : La République française, La Constitution, Le Corsaire, Le Rappel. Ce courant ne préconisait pas la lutte des classes mais la réconciliation du capital et du travail. Le journaliste et ancien Communard Jean Barberet joua un rôle incontestable dans la reconstitution des organisations ouvrières, mais son projet était de créer un « syndicalisme de pacification sociale » afin de réconcilier les ouvriers et la République ; mais lorsque en 1876 les chambres syndicales décidèrent de créer un journal authentiquement ouvrier, Barberet joua un rôle détestable en tentant de saborder l’initiative. De tels comportements, et la sollicitude pas tout à fait désintéressée des radicaux bourgeois, explique largement la forte réticence des syndicalistes révolutionnaires, plus tard, envers les partis politiques [2].

Pelloutier explique dans son article des Temps Nouveaux que l’entrée des anarchistes dans les syndicats fut favorisée par deux faits :

1. À partir de novembre 1892 furent appliquées des lois sur la réduction du temps de travail, supposées protéger les femmes et les enfants, mais qui eurent des effets désastreux : réduction des salaires dans certaines entreprises, extension du travail à domicile, accroissement de l’intensité du travail. Pour éviter ces effets néfastes, il fallait de nouvelles lois pour réglementer le prix du travail. Mais ces lois à leur tour provoquèrent une augmentation du coût de la vie. Tout cela encourageait l’idée selon laquelle les prolétaires ne devaient pas faire appel à l’État mais régler leurs affaires par eux-mêmes. On a là une des constantes du syndicalisme révolutionnaire. James Guillaume décrit dans son Internationale, documents et souvenirs une situation absolument identique en Suisse, où une loi en faveur de la classe ouvrière avait produit des effets désastreux.

2. Le deuxième fait qui contribua à encourager les anarchistes à rentrer dans les syndicats, dit Pelloutier, fut que « les syndicats finirent par comprendre (et mieux valait tard que jamais) que leur propre division « avait une cause plus élevée que la division des politiciens et que l’une et l’autre résultaient... de la politique. C’est alors qu’enhardis déjà par l’inefficacité manifeste des lois “sociales”, par les trahisons de certains élus socialistes (…), par les déplorables résultats de l’immixtion des députés ou des conseillers municipaux dans les grèves (…), par l’hostilité à la grève générale de journaux et d’hommes dont toute la politique consiste à faire ou à se faire l’échelle pour conquérir les 25 francs et l’écharpe, les syndicats décidèrent que dorénavant les agitations politiques leur resteraient étrangères, que toute discussion, autre qu’économique, serait impitoyablement proscrite de leur programme d’études et qu’ils se consacreraient tout entiers à la résistance contre le capital. »

L’entrée des libertaires dans les syndicats, dit Pelloutier, « eut un résultat considérable » : « Elle apprit d’abord à la masse la signification réelle de l’anarchisme, doctrine qui, pour s’implanter, peut fort bien, répétons-le, se passer de la dynamite individuelle ; et, par un enchaînement naturel d’idées, elle révéla aux syndiqués ce qu’est et ce que peut devenir cette organisation corporative dont ils n’avaient eu jusqu’alors qu’une étroite conception. »

Le texte de Pelloutier, écrit à la période même de la formation du syndicalisme révolutionnaire, en expose de manière très claire la stratégie générale. La prochaine révolution, dit-il, ne réalisera pas instantanément le « communisme anarchiste pur », parce qu’elle éclatera avant que « soit achevée l’éducation anarchiste » : les hommes ne seront pas encore assez mûrs « pour pouvoir s’ordonner absolument eux-mêmes » : il faudra sans doute encore beaucoup de temps. Par conséquent, le « communisme parfait » ne sera sans doute pas « la forme sociale de demain » ; mais il faut avancer, « approcher le plus possible de la perfection » pour avoir, « le jour venu de la conflagration, atteint le maximum d’affranchissement ».


« Mais l’état transitoire à subir doit-il être nécessairement, fatalement la geôle collectiviste ? Ne peut-il consister en une organisation libertaire limitée exclusivement aux besoins de la production et de la consommation, toutes institutions politiques ayant disparu ? Tel est le problème qui, depuis de longues années, préoccupe et à juste titre beaucoup d’esprits. »

Or le syndicat, « une association, d’accès ou d’abandon libre, sans président, ayant pour tout fonctionnaire un secrétaire et un trésorier révocables dans l’instant », est constitué d’hommes qui étudient et débattent des intérêts professionnels semblables. « Que sont-ils, ces hommes ? Des producteurs, ceux-là mêmes qui créent toute la richesse publique. »
Le syndicat est un « laboratoire des luttes économiques, détaché des compétitions électorales, favorable à la grève générale avec toutes ses conséquences, s’administrant anarchiquement, le syndicat est donc bien l’organisation à la fois révolutionnaire et libertaire qui pourra seule contrebalancer et arriver à réduire la néfaste influence des politiciens collectivistes » (c’est-à-dire socialistes électoralistes. Le mot « collectiviste » a pris un sens différent de celui qu’il avait du temps de l’Internationale).

« Supposons maintenant que, le jour où éclatera la Révolution, la presque totalité des producteurs soit groupée dans les syndicats : n’y aura-t-il pas là, prête à succéder à l’organisation actuelle, une organisation quasi libertaire, supprimant de fait tout pouvoir politique, et dont chaque partie, maîtresse des instruments de production, réglerait toutes ses affaires : elle-même, souverainement et par le libre consentement de ses membres ? Et ne serait-ce pas “l’association libre des producteurs libres” » ?

Pelloutier anticipe sur les objections qui pourraient surgir : « Les administrations fédérales peuvent devenir des pouvoirs ; d’habiles gens peuvent arriver à gouverner les syndicats comme les socialistes parlementaires gouvernent les groupes politiques » ; mais ces objections, dit-il, ne sont valables qu’en partie : les conseils fédéraux ne sont, dans l’esprit même des syndicats, que des institutions transitoires, et, d’ailleurs, les groupes dont elles émanent les surveillent d’un œil trop jaloux pour qu’elles arrivent jamais à conquérir une autorité directrice. « D’autre part, la révocabilité permanente des fonctionnaires réduit leur fonction et leur personne à bien peu de chose » (Les choses ont bien changé depuis l’époque de Pelloutier...). Enfin, le syndicalisme « n’est encore qu’à l’état embryonnaire », il est comme un enfant qui fait ses premiers pas et qui « chancelle sur la route de l’indépendance » : Et c’est précisément à conduire le syndicalisme à l’indépendance que « les socialistes libertaires doivent consacrer leurs efforts ».

Ce document de Fernand Pelloutier appelle plusieurs remarques.

• Il fut écrit un mois après la fondation de la CGT (23 septembre 1895). Mais à cette époque-là, la CGT n’est qu’une petite organisation aux effectifs réduits, peu structurée, extrêmement fragile. En outre, les militants et les dirigeants de la Fédération des bourses sont très réticents envers cette organisation. Pendant plusieurs années, ils vont montrer une opposition ouverte envers la nouvelle organisation. Ce n’est qu’en 1902, lorsque les deux fédérations vont fusionner pour former une Confédération, qu’on peut considérer que la CGT est réellement constituée.

• A la date de 1895, on sait que de nombreux anarchistes sont déjà actifs dans le mouvement syndical. Mais pas à la CGT, qui vient à peine de se constituer. Les anarchistes sont dans les bourses du travail, dont la structuration convient très bien à leur type d’activité : les bourses du travail sont perçues comme une forme globale d’organisation, qui intègre les activités de solidarité, les caisses de maladie, de chômage, de décès, les bibliothèques, les cours du soir, etc. C’est littéralement la « propagande par le fait » dans le sens où l’entendait initialement l’AIT, avant que le terme ne soit dévoyé. C’est en quelque sorte le syndicalisme intégral.
On peut se demander quels sont les anarchistes auxquels Pelloutier demande de rejoindre le mouvement syndical ?

Rappelons qu’en 1893 – avant même la création de la CGT – s’était déroulé à Paris un congrès rassemblant la totalité du mouvement ouvrier organisé qui avait adopté à l’unanimité moins une voix le principe de la grève générale. Parmi les délégués mandatés se trouvaient évidemment des anarchistes, mais il n’est pas concevable de dire que ce congrès ait été convoqué à l’initiative des anarchistes. [3]

Le mouvement syndical, avec ou sans les anarchistes qui s’y trouvaient, avait développé de lui-même des thèmes libertaires dont l’héritage, conscient ou non, remontait à l’Association internationale des travailleurs anti-autoritaire. C’est ainsi que Pelloutier nous dit dans son article, comme pour convaincre les anarchistes qui ne sont pas encore à la CGT, que le Comité fédéral des Bourses du travail de Narbonne avait publié un procès-verbal officiel déclarant que la Bourse du travail avait pour mission « d’instruire le prolétariat sur l’inutilité d’une Révolution qui se contenterait de substituer un État à un autre, fût-ce un État socialiste. » Ce comité, dit un autre procès-verbal à paraître dans le Bulletin de la Bourse de Perpignan, « doit s’efforcer de préparer une organisation qui, en cas d’une transformation sociale, puisse assurer le fonctionnement économique par le libre groupement et rendre superflue toute institution politique. Son but étant la suppression de l’autorité sous toutes ses formes, il a pour tâche d’habituer les travailleurs à s’affranchir des tutelles ». De telles prises de position étaient loin d’être isolées. De manière presque pathétique, Pelloutier se croit obligé d’exposer ces prises de position des bourses du travail pour convaincre les anarchistes qui ne sont pas encore à la CGT, qu’il y ont leur place :

« Ainsi, d’une part, les “syndiqués” sont aujourd’hui en état d’entendre, d’étudier et de recevoir les doctrines libertaires ; d’autre part, les anarchistes n’ont pas à craindre, en prenant part au mouvement corporatif, d’être obligés d’abdiquer leur indépendance. » [4]

Cette dernière remarque est proprement stupéfiante. Pelloutier est en train de dire aux anarchistes :
• D’une part : venez dans les syndicats, on vous y attend, une place bien chaude vous y attend, les syndiqués sont disposés à vous écouter, vous n’aurez pas grand effort à faire.
• Et d’autre part, il leur dit : vous pouvez venir dans les syndicats sans vous salir les mains, vous ne remettrez pas en cause vos grands principes, votre être intime ne sera pas affecté.

Les rapports des bourses du travail cités par Pelloutier montrent que les thèmes libertaires avaient imprégné le mouvement ouvrier français, mais manifestement sans que les anarchistes y soient forcément pour grand-chose, puisque Pelloutier est contraint de les inviter à investir le mouvement syndical ! Il y aurait donc eu un anarchisme découvert spontanément par les travailleurs, à travers des filières peut-être issues de la mémoire de la Première internationale, et un anarchisme théorique, intellectuel, propre aux groupes spécifiques détachés de la classe ouvrière.
Pelloutier nous révèle que le mouvement anarchiste spécifique de l’époque n’avait tout simplement pas envisagé que l’existence d’une organisation de classe du prolétariat ait pu avoir un quelconque intérêt du point de vue d’une éventuelle stratégie libertaire. Or, cette organisation de classe présentait des caractéristiques nettement libertaires dans son mode d’organisation et dans son projet. Il fallut donc qu’un homme comme Pelloutier leur explique d’une part que les adhérents de cette organisation de classe étaient prêts à les entendre (c’est-à-dire que l’essentiel du travail avait déjà été fait) et qu’en adhérant à cette organisation, les anarchistes se sentiraient chez eux et qu’ils n’auraient pas à « abdiquer leur indépendance »...


[1] voir : http://monde-nouveau.net/spip.php?article17

[2] Voir : René Berthier, « Répression antisyndicale et anti-anarchiste en France de la fin de la Commune à la Grande guerre », 1re partie : http://monde-nouveau.net/spip.php?article552

[3] « 1893 : Débat sur la grève générale au congrès national des chambres syndicales et groupes corporatifs ouvriers » (http://monde-nouveau.net/spip.php?article284).
Texte complet du congrès : http://www.ihs.cgt.fr/IMG/pdf_07_-_1893 ... _Paris.pdf
Pour l’anecdote, le délégué de la Bourse du travail de Saint-Etienne avait eu mandat de voter contre la grève générale car, déclara-t-il, les travailleurs de sa ville ne sont pas préparés. Mais il ajouta qu’il ferait « une propagande incessante pour préparer la grève générale » !!! Il reste que lorsque Pelloutier écrivit « L’Anarchisme et les syndicats ouvriers », il y avait déjà des anarchistes dans le mouvement syndical, comme Pouget qui fut l’un des fondateurs des premières chambres syndicales lorsque le mouvement ouvrier se reconstitua après l’écrasement de la Commune.

[4] Pelloutier, « L’anarchisme et les syndicats ouvriers ».


http://www.monde-nouveau.net/spip.php?article637
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 30 Aoû 2017, 20:04

La Révolution Prolétarienne (1925-)

En guise de présentation. [1]

La naissance de la Révolution prolétarienne

Le 5 décembre 1924 quand la conférence nationale extraordinaire du P.C. exclut Monatte, Rosmer et Delagarde après la publication, le 22 novembre, de leur lettre aux membres du parti communiste [2], une expérience se termine pour tout un groupe de syndicalistes révolutionnaires. Ils sont tous, malgré de notables différences, liés par une expérience commune : proches de Monatte et de Rosmer, entrés au P.C. entre 1920 et 1923, militants actifs dans les syndicats, souvent rédacteurs à l’Humanité. Ils sont exclus ou démissionnaires du P.C. à l’automne et à l’hiver 1924 et fondent ensemble en janvier 1925 la Révolution prolétarienne. Leur expérience du parti, leurs conceptions du syndicalisme, leur lutte oppositionnelle, leurs personnalités mêmes sont aussi originales que peu étudiées. Cette "méprisable petite armée minoritaire" suivant sans faillir la voie étroite d’une lutte contre le stalinisme et contre le réformisme, trouve mal sa place dans une histoire encore trop souvent manichéenne. Le temps n’est plus à l’injure, il est encore à l’oubli.

L’étude de leur action dans le P.C., de leur exclusion, de leur opposition - ··· outre son intérêt propre - permet de mieux saisir le processus de constitution du P.C., son ancrage solide, par la mainmise sur la C.G.T.U., dans la classe ouvrière, bien qu’il se débarrasse en 1924 d’une base authentiquement syndicaliste et ouvrière.

L’adhésion de ces syndicalistes révolutionnaires au P.C. a été parfois immédiate - c’est le cas d’Alfred Rosmer qui dès 1920 est membre du petit bureau de l’I.C. -, parfois lente - c’est le cas de Pierre Monatte qui ne prendra son premier timbre qu’en mai 1923. La brièveté de leur passage a souvent fait douter de la validité de leur engagement. On a pu dire que leur adhésion s’est faite sur un malentendu, qu’ils ignoraient la réalité du bolchevisme, qu’ils ne comprenaient pas le rôle d’un parti, qu’ils n’avaient jamais renié leurs conceptions anarcho-syndicalistes.

Certes le syndicalisme révolutionnaire s’est toujours déclaré hostile au rôle dirigeant d’un parti politique. Il faut bien voir ce qu’il y a de fondamental et de circonstanciel dans cette attitude. Le syndicalisme révolutionnaire refuse les partis - même les partis socialistes - dans la mesure où ils n’ont pas de base ouvrière, où ils se complaisent dans une action parlementaire, où ils- jouent le jeu de la bourgeoisie et de la collaboration de classe, où ils voient dans le syndicalisme non une force autonome mais une sorte de masse de manœuvre qu’ils gouvernent. L’expérience guesdiste, les expériences anarchistes n’ont fait que renforcer les syndicalistes dans cette opinion, bien définie par la Charte d’Amiens. Le parti socialiste S.F.I.O. ne leur paraît pas fondamentalement différent des partis bourgeois, avec ses querelles, son parlementarisme, sa participation au gouvernement. Les critiques sont donc sévères, d’autant plus qu’ils refusent la notion de militants professionnels. Mais les syndicalistes révolutionnaires ne refusent pas ce "parti du travail" auquel pensait Emile Pouget et qui serait l’organisation ouvrière dans toute sa force, dans toute son ampleur, dans toute sa volonté de transformer l’organisation de la société. Le parti communiste — épuré de 1920 à 1923 de ses éléments non ouvriers - leur apparaîtra alors comme un authentique parti ouvrier, totalement débarrassé des scories social-démocrates et pouvant travailler à égalité avec les syndicats. Leur réserve vis-à-vis du parti tombe parce qu’ils espèrent avoir trouvé un parti conforme à leur idéologie.

D’autant plus que la guerre et le succès de la révolution russe ont été pour eux deux grands chocs. La guerre les a soulevés d’horreur, l’Union sacrée les a soulevés de dégoût. C’est à travers leur lutte - celle d’une poignée - qu’ils se rapprochent des bolcheviks. Monatte pouvait écrire (Révolution prolétarienne, du 1er novembre 1927) : "Nous savons ce que nous devons aux révolutionnaires russes. Nous n’oublions rien. C’est aux premiers temps de la guerre que nous nous sommes liés à eux. La lutte contre la guerre, la lutte pour l’internationalisme devaient ultérieurement se changer, se développer en lutte pour la révolution". C’est tout naturellement que le "Comité pour la reprise des relations internationales" se transforme en "Comité pour l’adhésion à la Ille Internationale". A ce moment-là ils pensent que les forces révolutionnaires peuvent et doivent se regrouper pour lutter contre ceux qui ont accepté la guerre, pour rénover les organisations, leur redonner un élan révolutionnaire. La révolution russe victorieuse, mais violemment attaquée, est un exemple - et non un modèle -. Il faut la défendre, c’est la tâche prioritaire, car elle paraît fragile, mal assurée, menacée de toutes parts. Il faut, grâce à elle, ranimer la flamme révolutionnaire. La circulaire de lancement de la Vie ouvrière en mai 1919, l’affirme clairement :

"Partout dans le monde, le socialisme électoral s’efface pour laisser paraître au premier plan le socialisme vraiment révolutionnaire. La révolution russe opère la résurrection du socialisme. Partout, sauf en France. C’est que la guerre a provoqué chez nous la formation d’une pourriture syndicalo-gouvernementale et syndicalo-patronale. Contre elle, nous entendons défendre le mot de syndicalisme et la chose. La renaissance socialiste et syndicaliste qui s’affirme de toutes parts ne nous décevra pas. Le travail de réorganisation, de rajustement des organismes ouvriers, de révision et de redressement des idées, d’assainissement de l’opinion publique empoisonnée nous appelle".

Pendant de courts mois, beaucoup auront l’impression que tout peut basculer. L’adhésion à la Ille Internationale est donc immédiate, enthousiaste. Ce vaste élan a une composante passionnelle évidente. La guerre est le pôle négatif absolu, la Ille Internationale apparaît comme l’espoir. Le nouveau régime qui s’installe en Russie, les partis communistes qui se créent sont en devenir, rien n’est figé, tout est possible. Monatte, Rosmer connaissent les réalités, sont informés. Ils n’hésitent pas à s’engager dans le soutien au communisme, pensant que l’avenir révolutionnaire est là et que leur action sera décisive dans les orientations. Rosmer part en Russie dès le printemps de 1920, engagé totalement dans la vie de l’Internationale et du parti français.

L’action de Pierre Monatte est bien différente. D’abord, le combat syndical est absolument prioritaire. La publication de la Vie ouvrière, désormais hebdomadaire, l’absorbe entièrement. Il s’affirme comme le chef incontesté de la minorité syndicale, surtout après son discours au congrès de la C.G.T. à Lyon en septembre 1919, il lutte pour la conquête des organisations syndicales avec le souci de maintenir l’unité syndicale, ce qui l’oppose aux anarchistes (les "syndicalistes dits - purs") et souvent à L. O. Frossard. Cette action syndicale l’amène aussi à se heurter aux bolcheviks avec qui il a, le premier congrès de l’I.S.R. l’a bien montré, de graves divergences sur les rôles respectifs des partis et des syndicats. En outre, le parti qui se crée à Tours n’est pas le sien. Cette organisation composite où Frossard et Cachin tiennent la vedette, ne lui paraît pas désignée au rôle de guide et d’entraîneur de la classe ouvrière. Il ne faut pas oublier non plus que de mai 1920 à mars 1921, il est incarcéré à la Santé avec Loriot, Souvarine, Monmousseau et d’autres, pour complot et que cela l’éloigne de tout rôle direct.

Autour de la Vie ouvrière un noyau de militants s’est regroupé, équipe unie et diversifiée à la fois, les fidèles d’avant 1914 - comme Marcel Martinet, Robert Louzon - , les "nés de la guerre" adhérents au P.C. depuis Tours - comme Maurice Chambelland, Ferdinand Charbit, D. Antonini, Lucien Marzet -, Gaston Monmousseau à qui Monatte, ébranlé par la scission syndicale autant que par des ennuis de santé, laissera en janvier 1922 la direction de la Vie ouvrière parce qu’il est partisan de l’indépendance du syndicalisme.

L’année 1922 est une année bizarre, agitée de crises, de conflits dans une C.G.T.U. qui se constitue péniblement, dans un Parti communiste qui connait des crises successives. L’équipe 1a plus proche de Monatte et de Rosmer entre peu à peu à la rédaction de l’Humanité (Monatte y devient rédacteur en mars 1922). Monatte n’a pas adhéré au P.C. mais il en apparaît pourtant comme un des chefs puisqu’en décembre 1922 c’est lui qui rédige le Manifeste de la gauche ouvrière au congrès de Paris.

En 1923, le saut décisif est accompli. Alfred Rosmer apparaît aux yeux de l’Internationale comme un dirigeant du P.C. Tous ces syndicalistes révolutionnaires ont adhéré au Parti et tout en militant dans leurs organisations syndicales, ils écrivent dans l’Humanité. P. Monatte est responsable de la Vie sociale. Leur but : faire de l’Humanité un grand journal ouvrier, éduquer des militants, première condition pour que le P.C. soit un vrai parti révolutionnaire et ouvrier, faire de la C.G.T.U. une puissante organisation syndicale, proche mais indépendante du P.C.

Mais la crise éclate dès le printemps de 1924. Elle est décisive. L’Internationale, le parti russe prennent un nouveau visage. En France les répercussions sont immédiates ; avec Treint, le parti français devance même les décisions de Moscou. Le 18 avril Treint, dans le Bulletin communiste, reproche à Monatte, Rosmer et Souvarine d’être liés avec l’opposition russe et de favoriser les thèses de Trotsky dans le parti français. Le 22 avril, Monatte démissionne et conclut ainsi sa lettre à Sellier : "simple membre du Parti, j’aurai les coudées plus franches pour défendre mon point de vue". Le 23 avril, dans une lettre collective de démission, A. Rosmer, F. Charbit, D. Antonini, V. Godonnèche, M. Chambelland, affirment que "les membres du Parti issus du syndicalisme révolutionnaire sont traités en pestiférés ...". Eux aussi rentrent dans le rang :

"Nous y serons plus à l’aise pour défendre notre point de vue : celui d’un Parti communiste où les ouvriers ne seraient pas des figurants mais le vrai moteur de l’organisme tout entier ; d’un Parti communiste qui comprendrait la nature exacte du travail syndical et son importance ; d’un Parti communiste où le centralisme mécanique céderait sa place au centralisme animateur, d’un Parti communiste d’où seraient bannies les crises artificielles de direction qui démoralisent et détournent de leur travail les militants du rang ; d’un Parti communiste qui aurait à cœur d’etre une vraie section de l’Internationale. Nous y serons aussi plus à l’aise pour lutter contre ceux qui sont en train de saboter le Parti et le mouvement ouvrier."

L’été, avec le Ve congrès de l’I.C., sera décisif. Rosmer y participe. Monatte, malgré un télégramme pressant de Zinoviev, ne voit pas la nécessité d’y aller. En France, l’opposition qualifiée "de droite" est attaquée violemment et méthodiquement. L’Humanité exclut des rédacteurs jugés favorables à l’opposition. Les membres du groupe des syndicalistes révolutionnaires quittent peu-à-peu le "prétendu parti communiste", comme l’écrit Maurice Chambelland dans sa lettre de démission du 24 septembre, suivie immédiatement d’une exclusion. Le 5 octobre, Monatte, Rosmer et Delagarde adressent une lettre au Comité directeur ; n’en obtenant pas la publication dans la presse du parti, ils publient le 22 novembre en brochure (reprenant le format des lettres aux abonnés de la Vie ouvrière de la guerre) une lettre aux membres du parti communiste.

Cette lettre est nette, virulente. Au nom de la gauche ouvrière, les trois signataires ne veulent plus "bailler d’admiration devant les cabrioles de Treint". Ce qu’ils refusent c’est la caporalisation du Parti, sous couvert de bolchevisation.

La réorganisation sur la base des cellules est une œuvre capitale pour le Parti. S’il la réussit, c’est-à-dire s’il sait déterminer les tâches pratiques des cellules, éviter qu’elles tournent à vide et se découragent, il disposera réellement d’une base de granit. Mais le granit pourrait bien se changer en sable mouvant si les cellules, au bout de quelques semaines, n’apercevaient pas le travail qui leur incombe, si on leur refusait, en outre, le droit élémentaire de désigner leur secrétaire et leur délégué au rayon, sans crainte d’un veto d’en haut.
Il est beaucoup question d’homogénéité, d’alignement, de discipline. Du haut en bas du Parti, on établit une cascade de mots d’ordre auxquels on doit obéir sans comprendre et surtout sans murmurer autre chose que le sacramentel : Capitaine, vous avez raison ! Une mentalité de chambrée se créée et les mœurs de sous-off s’installent. Il n’est question que d’appareil à faire fonctionner, de permanence à instituer. Bientôt la bureaucratie du Parti fera la pige à celle de l’Etat français.
On dit que le parti doit être une cohorte de fer. En réalité, quiconque fait preuve de caractère doit être brisé.( ... ) Il faut s’incliner, non devant des idées ou des décisions prises par l’organisation, mais devant des hommes. Par ce moyen, ce ne sont pas des cadres solides que l’on prépare, ce n’est pas une cohorte de fer que l’on forme, mais un régiment de limaces.

Après la conférence extraordinaire du 5 décembre où Rosmer lit une lettre reprenant les mêmes arguments, l’exclusion est immédiate.

On peut penser, d’après les notes et la correspondance gardées dans les archives de Pierre Monatte, que ce petit groupe de nouveaux exclus se réunit à peu près quotidiennement. Il est important de noter que chacun a repris un travail salarié (et le plus souvent, de petits emplois ordinaires, Monatte reprend la correction d’imprimerie, Chambelland un petit travail de comptable, Charbit un travail de typographe). Mais aucun ne peut envisager de ne plus militer. Que faire ? Très vite il apparaît impossible de rester dans la stricte mouvance du parti communiste. Il faut même lutter violemment contre ses déviations. Tous refusent l’engrenage d’un autre parti. L’action syndicale reste mais tous veulent aller au-delà. Ils ont tous une expérience et un goût du journalisme, ils veulent s’exprimer et ne peuvent plus le faire dans les organes du parti, ils veulent reprendre une tâche d’information et de formation des militants en profondeur ; le souvenir de la Vie ouvrière de 1909 est vif ; tout naturellement ils pensent à fonder une revue. Le 26 décembre 1924 Pierre Monatte dépose aux services des périodiques du tribunal de la Seine, le titre de L’Action ouvrière. Mais les autres membres du "noyau" (le terme est repris de la Vie ouvrière), refusent ce titre trop neutre. Maurice Chambelland propose Octobre. Cela fait l’objet d’âpres discussions et V. Godonnèche rallie le noyau à la Révolution prolétarienne avec le sous-titre "revue syndicaliste-communiste".

Maurice Chambelland reconnaissait en 1950, que c’est lors de cette discussion qu’il avait pris conscience qu’on ne pouvait plus identifier Révolution russe et Révolution prolétarienne et que, dans l’enthousiasme de ses 24 ans, il en avait cruellement souffert.

En janvier 1925, le premier numéro de la Révolution prolétarienne paraît. Ce n’est que dans le numéro de février qu’un "Entre nous" précisera les buts de la revue :

Ce que nous comptons faire ? Donner au mouvement révolutionnaire français la revue ouvrière qui lui manque. Le quotidien, l’hebdomadaire ont leur tâche. Une revue a la sienne, qui n’est pas négligeable. Elle consiste à étudier les grandes questions théoriques et pratiques, à dégager les leçons des événements qui se produisent, à ramasser les informations et les documents dont les militants ont besoin. Nous sommes à un moment où ce travail est plus que jamais indispensable.
Nous voulons étudier les problèmes de la Révolution, soulevés par l’expérience russe, et travailler à la reconstitution de l’unité syndicale, nationale et internationale. Nous le ferons en serrant de près les difficultés et non en les fuyant.
Pour les uns, nous sommes trop syndicalistes. Pour d’autres, nous sommes trop communistes. Ceux qui n’ont besoin que d’un catéchisme, quel qu’il soit, ne trouveront probablement pas leur compte ici. Mais tous ceux qui font un effort pour s’informer honnêtement, pour se former une opinion en connaissance de cause ne perdront pas leur temps en nous lisant.
Les premiers numéros sont bien le reflet de cette volonté : grands articles théoriques, études documentées et précises sur des grèves, des industries, des luttes, comptes rendus des congrès syndicaux. L économie, les problèmes internationaux tiennent une grande place. Peu à peu, la revue se structure avec des rubriques : Carnet du Sauvage de Pierre Monatte, Notes d’économie et de politique de Robert Louzon, Renaissance du syndicalisme par Maurice Chambelland, Parmi vos lettres, Entre nous où les lecteurs sont tenus au courant des problèmes internes de la revue.

Les problèmes du communisme tiennent tout naturellement une place privilégiée. Le premier numéro publie la deuxième lettre aux membres du parti communiste de Monatte, Rosmer, Delagarde, qui précise bien que "Derrière nos conceptions divergentes de I ’organisation, celles de gens ayant le sens et le respect de l’organisation et celles de gens regardant l’organisation comme un instrument passif entre leurs mains, il y avait, nous avons dû le reconnaître, à la longue, d’importants, de profonds, d’irréductibles désaccords". Un de ces désaccords, essentiel, porte sur le rôle de la "masse ». La "soi-disant gauche" du P.C. a une tactique qui "consiste non point à développer la conscience de classe du prolétariat, mais à faire le plus possible de béni-oui-oui, de lèche-culs, de limaces". Eux, au contraire, pensent qu’il "faut faire des consciences et non des réciteurs de catéchismes".

Dès ce moment, les positions sont nettes. Si les syndicalistes révolutionnaires ont adhéré au communisme, c’est parce que l’Internationale communiste, Lénine vivant, était assez vaste "pour embrasser Trotsky et le soi-disant trotskysme ainsi que l’opposition russe et de par le monde de nombreux éléments venus du syndicalisme révolutionnaire". Mais des symptômes de malaise et de dissociation se manifestent. Et une des phrases les plus importantes de cette lettre est sans doute celle-ci : "le léninisme sans Lénine nous fait peur". A partir de là toute une remise en cause, longue et douloureuse, se fait. C’est sur cette nouvelle réalité du communisme qu’il faut apporter des lumières. La démystification apparaît la tâche la plus importante. Il faut dire, d’abord, la vérité sur la réalité qui s’élabore sous le nom de communiste.

Une étape très importante est franchie en octobre 1925. En effet, Trotsky demandait à Monatte et à Rosmer - qualifiés de révolutionnaires fidèles et authentiques mais dont l’exclusion était justifiée - "quoique étant formellement en dehors du Parti, d’agir comme des soldats du Parti" et donc de liquider immédiatement la Révolution prolétarienne et de faire appel à l’exécutif de l ’I.C. La réponse du noyau de la R.P. est très nette :

Nous n’avons pas fait appel parce que nous sommes persuadés que c’est dans la politique et les méthodes pratiquées par la direction de l’Internationale communiste elle-même que réside la cause des lourdes fautes commises par ses sections au cours des deux dernières années ; que cette politique et ces méthodes marquent une rupture avec la politique et les méthodes antérieures, remettent en question les principes mêmes sur lesquels l’Internationale communiste a été fondée.

Les membres du noyau refusent aussi nettement la mainmise du parti russe sur l’I.C. :
On le voyait sous son aspect héroïque, guide sûr et capable de la classe ouvrière. La dernière crise, en mettant à nu les combinaisons, les ficelles, les manœuvres, en projetant une lumière crue sur sa structure intérieure jusqu’alors invisible, l’a montré sous son mauvais côté et les caricatures des partis bolcheviks qu’on s’est mis à fabriquer partout dans l’Internationale n’ont fait qu’aggraver l’inquiétude et le trouble.

Le noyau insiste sur le fait que l’I.C. ne peut plus prétendre à être un regroupement et que :

La conséquence normale c’est qu’aujourd’hui il y a place pour un révolutionnaire hors de l’Internationale communiste. Et une autre conséquence, c’est qu’une revue comme la Révolution prolétarienne est un organe nécessaire. Puisqu’on ne peut parler ni dans le Parti, ni dans l’Internationale, il faut pouvoir parler au-dehors, car il est des choses qu’il faut dire, non par désir de vaine polémique mais dans l’intérêt même de la classe ouvrière. La Révolution prolétarienne est un refuge pour les révolutionnaires sincères qui ne peuvent plus supporter l’atmosphère étouffante du Parti, une défense contre le sabotage du mouvement.

C’est contre ce "sabotage" que la Révolution prolétarienne va lutter jusqu’en 1939 (elle se sabordera à la déclaration de la guerre). Le sabotage, pour eux, c’est d’abord, très clairement, celui des prétendus communistes qui veulent assurer la mainmise du parti sur les syndicats, imposer à la classe ouvrière une gesticulation révolutionnaire qui la tienne en état d’alerte, suivant des mots d’ordre imposés par les voltefaces du P.C. et non par les intérêts propres des syndiqués. Le syndicalisme ne doit pas voir à travers "les lunettes du parti", selon l’expression de Monatte. La Révolution prolétarienne devient donc et, plus encore, avec la création de la Ligue Syndicaliste en octobre 1925 sous l’impulsion de Maurice Chambelland, l’organe des minorités qui s’organisent au sein de la C.G.T.U. et de la C.G.T. C’est par la C.G.T.U., dont l’étude reste à faire, que le parti s’est ancré dans la classe ouvrière. La connaissance et la compréhension de la réalité communiste en seraient enrichies et ce que l’on peut deviner des archives de l ’I.S. montrerait peut-être comment on dirige un mouvement.

Cette volonté de reconstruire le syndicalisme, sur les bases du syndicalisme révolutionnaire, de reconstituer l’unité syndicale est permanente et c’est sans doute l’aspect le plus important de la lutte menée par les militants de la Révolution prolétarienne. Cela s’accompagne, tout naturellement, d’une analyse continue et approfondie des mouvements, des organisations et aussi des études sérieuses et documentées sur les industries, sur la situation économique. A ce titre, c’est véritablement une revue d’action syndicale. En 1930, elle change son sous-titre : "Revue syndicaliste communiste" devient "revue syndicaliste révolutionnaire", marquant qu’une étape est franchie.

Une tâche considérée comme prioritaire est aussi de témoigner sur ce que deviennent le Parti communiste, l’Internationale communiste et l’U .R.S.S. Informer, clarifier, démystifier est Je moyen essentiel d’une lutte qui veut affirmer haut et clair que le P.C., l’I.C. et l’U.R.S.S. ne sont plus révolutionnaires, ne sont plus communistes mais deviennent des oppresseurs. L’antistalinisme, c’est d’abord pour eux la fidélité à l’idéal communiste trahi. Les informations seront nombreuses sur la réalité soviétique. Dès 1928 une rubrique régulière est ouverte : Emprisonnés, déportés, exilés. On y voit les informations sur les camps, les prisons soviétiques. Mais cette rubrique est caractéristique de la volonté de lutter sur tous les fronts car on y relate aussi l’oppression aux Etats-Unis, l’oppression dans les pays coloniaux.

En effet, la Révolution prolétarienne ne veut pas se ranger dans le camp des réformistes, des admirateurs de la droite. Elle est l’expression et le reflet de toutes les luttes révolutionnaires, en particulier de l’anticolonialisme pour le soutien qu’elle apporte aux militants nationalistes. Ce n’est pas un hasard si, par exemple, Bourguiba y publie un article, si la campagne contre la répression en Indochine (le mot Viet Nam apparaît très vite) est aussi vive, si le soutien aux syndicalistes tunisiens, marocains, algériens est aussi affirmé.

C’est la seule revue d’opposition purement syndicale ; la lutte doit rester sur le terrain syndical. Le noyau tient à des idées forces qui sont celles du syndicalisme d’action directe, modifiées par l’expérience communiste qui bouleverse les données du problème. Il tient à le faire en toute indépendance et la transparence des finances de la revue est totale. Tous, rédacteurs ou administrateurs, sont bénévoles et travaillent ; la revue ne vit que des seules participations de ses abonnés. Les comptes sont publiés régulièrement. Ce souci d’avoir des finances claires est important pour des militants qui ont commencé à voir, dans leur brève expérience du Parti communiste, un certain "pourrissement" par l’argent et la professionnalisation du militantisme.

Ainsi l’évolution du groupe qui fonde et anime la Révolution prolétarienne témoigne d’une expérience très particulière dans le domaine communiste. Des militants de tempérament divers se sont unis dans la volonté commune, d’abord, de retremper le syndicalisme révolutionnaire dans la flamme de la révolution russe et du communisme puis de témoigner de leur faillite et de leurs déviations en luttant pour maintenir la vigueur révolutionnaire de la classe ouvrière. Pour eux, comme le dira Pierre Monatte en 1956, le drame de toute leur vie a été "le tournant de la Révolution russe, la faillite de la Révolution russe, le changement en quelques années de la Révolution russe en contre révolution". Ce drame, ils ont voulu l’assumer lucidement, en révolutionnaires. Etant conscients de leurs faiblesses, de leurs difficultés à sortir d’une audience étroite, ils ont voulu constituer un refuge d’hommes libres, refusant tout dévouement aveugle, maintenant des idées essentielles qu’ils ont espéré toute leur vie voir revivre, tels les grains sous la neige de Silone.

Colette Chambelland


Sommaires de La Révolution Prolétarienne, revue mensuelle/bi-mensuelle syndicaliste communiste, puis syndicaliste révolutionnaire (1925-1939)
http://archivesautonomies.org/spip.php?article1656
Sommaires de La Révolution Prolétarienne, revue mensuelle syndicaliste révolutionnaire (1947-)
http://archivesautonomies.org/spip.php?article1657

http://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique319
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 07 Sep 2017, 21:50

La Révolution Prolétarienne (1925-)

En guise de présentation. [1]

La naissance de la Révolution prolétarienne

Le 5 décembre 1924 quand la conférence nationale extraordinaire du P.C. exclut Monatte, Rosmer et Delagarde après la publication, le 22 novembre, de leur lettre aux membres du parti communiste [2], une expérience se termine pour tout un groupe de syndicalistes révolutionnaires. Ils sont tous, malgré de notables différences, liés par une expérience commune : proches de Monatte et de Rosmer, entrés au P.C. entre 1920 et 1923, militants actifs dans les syndicats, souvent rédacteurs à l’Humanité. Ils sont exclus ou démissionnaires du P.C. à l’automne et à l’hiver 1924 et fondent ensemble en janvier 1925 la Révolution prolétarienne. Leur expérience du parti, leurs conceptions du syndicalisme, leur lutte oppositionnelle, leurs personnalités mêmes sont aussi originales que peu étudiées. Cette "méprisable petite armée minoritaire" suivant sans faillir la voie étroite d’une lutte contre le stalinisme et contre le réformisme, trouve mal sa place dans une histoire encore trop souvent manichéenne. Le temps n’est plus à l’injure, il est encore à l’oubli.

L’étude de leur action dans le P.C., de leur exclusion, de leur opposition - ··· outre son intérêt propre - permet de mieux saisir le processus de constitution du P.C., son ancrage solide, par la mainmise sur la C.G.T.U., dans la classe ouvrière, bien qu’il se débarrasse en 1924 d’une base authentiquement syndicaliste et ouvrière.

L’adhésion de ces syndicalistes révolutionnaires au P.C. a été parfois immédiate - c’est le cas d’Alfred Rosmer qui dès 1920 est membre du petit bureau de l’I.C. -, parfois lente - c’est le cas de Pierre Monatte qui ne prendra son premier timbre qu’en mai 1923. La brièveté de leur passage a souvent fait douter de la validité de leur engagement. On a pu dire que leur adhésion s’est faite sur un malentendu, qu’ils ignoraient la réalité du bolchevisme, qu’ils ne comprenaient pas le rôle d’un parti, qu’ils n’avaient jamais renié leurs conceptions anarcho-syndicalistes.

Certes le syndicalisme révolutionnaire s’est toujours déclaré hostile au rôle dirigeant d’un parti politique. Il faut bien voir ce qu’il y a de fondamental et de circonstanciel dans cette attitude. Le syndicalisme révolutionnaire refuse les partis - même les partis socialistes - dans la mesure où ils n’ont pas de base ouvrière, où ils se complaisent dans une action parlementaire, où ils- jouent le jeu de la bourgeoisie et de la collaboration de classe, où ils voient dans le syndicalisme non une force autonome mais une sorte de masse de manœuvre qu’ils gouvernent. L’expérience guesdiste, les expériences anarchistes n’ont fait que renforcer les syndicalistes dans cette opinion, bien définie par la Charte d’Amiens. Le parti socialiste S.F.I.O. ne leur paraît pas fondamentalement différent des partis bourgeois, avec ses querelles, son parlementarisme, sa participation au gouvernement. Les critiques sont donc sévères, d’autant plus qu’ils refusent la notion de militants professionnels. Mais les syndicalistes révolutionnaires ne refusent pas ce "parti du travail" auquel pensait Emile Pouget et qui serait l’organisation ouvrière dans toute sa force, dans toute son ampleur, dans toute sa volonté de transformer l’organisation de la société. Le parti communiste — épuré de 1920 à 1923 de ses éléments non ouvriers - leur apparaîtra alors comme un authentique parti ouvrier, totalement débarrassé des scories social-démocrates et pouvant travailler à égalité avec les syndicats. Leur réserve vis-à-vis du parti tombe parce qu’ils espèrent avoir trouvé un parti conforme à leur idéologie.

D’autant plus que la guerre et le succès de la révolution russe ont été pour eux deux grands chocs. La guerre les a soulevés d’horreur, l’Union sacrée les a soulevés de dégoût. C’est à travers leur lutte - celle d’une poignée - qu’ils se rapprochent des bolcheviks. Monatte pouvait écrire (Révolution prolétarienne, du 1er novembre 1927) : "Nous savons ce que nous devons aux révolutionnaires russes. Nous n’oublions rien. C’est aux premiers temps de la guerre que nous nous sommes liés à eux. La lutte contre la guerre, la lutte pour l’internationalisme devaient ultérieurement se changer, se développer en lutte pour la révolution". C’est tout naturellement que le "Comité pour la reprise des relations internationales" se transforme en "Comité pour l’adhésion à la Ille Internationale". A ce moment-là ils pensent que les forces révolutionnaires peuvent et doivent se regrouper pour lutter contre ceux qui ont accepté la guerre, pour rénover les organisations, leur redonner un élan révolutionnaire. La révolution russe victorieuse, mais violemment attaquée, est un exemple - et non un modèle -. Il faut la défendre, c’est la tâche prioritaire, car elle paraît fragile, mal assurée, menacée de toutes parts. Il faut, grâce à elle, ranimer la flamme révolutionnaire. La circulaire de lancement de la Vie ouvrière en mai 1919, l’affirme clairement :

"Partout dans le monde, le socialisme électoral s’efface pour laisser paraître au premier plan le socialisme vraiment révolutionnaire. La révolution russe opère la résurrection du socialisme. Partout, sauf en France. C’est que la guerre a provoqué chez nous la formation d’une pourriture syndicalo-gouvernementale et syndicalo-patronale. Contre elle, nous entendons défendre le mot de syndicalisme et la chose. La renaissance socialiste et syndicaliste qui s’affirme de toutes parts ne nous décevra pas. Le travail de réorganisation, de rajustement des organismes ouvriers, de révision et de redressement des idées, d’assainissement de l’opinion publique empoisonnée nous appelle".

Pendant de courts mois, beaucoup auront l’impression que tout peut basculer. L’adhésion à la Ille Internationale est donc immédiate, enthousiaste. Ce vaste élan a une composante passionnelle évidente. La guerre est le pôle négatif absolu, la Ille Internationale apparaît comme l’espoir. Le nouveau régime qui s’installe en Russie, les partis communistes qui se créent sont en devenir, rien n’est figé, tout est possible. Monatte, Rosmer connaissent les réalités, sont informés. Ils n’hésitent pas à s’engager dans le soutien au communisme, pensant que l’avenir révolutionnaire est là et que leur action sera décisive dans les orientations. Rosmer part en Russie dès le printemps de 1920, engagé totalement dans la vie de l’Internationale et du parti français.

L’action de Pierre Monatte est bien différente. D’abord, le combat syndical est absolument prioritaire. La publication de la Vie ouvrière, désormais hebdomadaire, l’absorbe entièrement. Il s’affirme comme le chef incontesté de la minorité syndicale, surtout après son discours au congrès de la C.G.T. à Lyon en septembre 1919, il lutte pour la conquête des organisations syndicales avec le souci de maintenir l’unité syndicale, ce qui l’oppose aux anarchistes (les "syndicalistes dits - purs") et souvent à L. O. Frossard. Cette action syndicale l’amène aussi à se heurter aux bolcheviks avec qui il a, le premier congrès de l’I.S.R. l’a bien montré, de graves divergences sur les rôles respectifs des partis et des syndicats. En outre, le parti qui se crée à Tours n’est pas le sien. Cette organisation composite où Frossard et Cachin tiennent la vedette, ne lui paraît pas désignée au rôle de guide et d’entraîneur de la classe ouvrière. Il ne faut pas oublier non plus que de mai 1920 à mars 1921, il est incarcéré à la Santé avec Loriot, Souvarine, Monmousseau et d’autres, pour complot et que cela l’éloigne de tout rôle direct.

Autour de la Vie ouvrière un noyau de militants s’est regroupé, équipe unie et diversifiée à la fois, les fidèles d’avant 1914 - comme Marcel Martinet, Robert Louzon - , les "nés de la guerre" adhérents au P.C. depuis Tours - comme Maurice Chambelland, Ferdinand Charbit, D. Antonini, Lucien Marzet -, Gaston Monmousseau à qui Monatte, ébranlé par la scission syndicale autant que par des ennuis de santé, laissera en janvier 1922 la direction de la Vie ouvrière parce qu’il est partisan de l’indépendance du syndicalisme.

L’année 1922 est une année bizarre, agitée de crises, de conflits dans une C.G.T.U. qui se constitue péniblement, dans un Parti communiste qui connait des crises successives. L’équipe 1a plus proche de Monatte et de Rosmer entre peu à peu à la rédaction de l’Humanité (Monatte y devient rédacteur en mars 1922). Monatte n’a pas adhéré au P.C. mais il en apparaît pourtant comme un des chefs puisqu’en décembre 1922 c’est lui qui rédige le Manifeste de la gauche ouvrière au congrès de Paris.

En 1923, le saut décisif est accompli. Alfred Rosmer apparaît aux yeux de l’Internationale comme un dirigeant du P.C. Tous ces syndicalistes révolutionnaires ont adhéré au Parti et tout en militant dans leurs organisations syndicales, ils écrivent dans l’Humanité. P. Monatte est responsable de la Vie sociale. Leur but : faire de l’Humanité un grand journal ouvrier, éduquer des militants, première condition pour que le P.C. soit un vrai parti révolutionnaire et ouvrier, faire de la C.G.T.U. une puissante organisation syndicale, proche mais indépendante du P.C.

Mais la crise éclate dès le printemps de 1924. Elle est décisive. L’Internationale, le parti russe prennent un nouveau visage. En France les répercussions sont immédiates ; avec Treint, le parti français devance même les décisions de Moscou. Le 18 avril Treint, dans le Bulletin communiste, reproche à Monatte, Rosmer et Souvarine d’être liés avec l’opposition russe et de favoriser les thèses de Trotsky dans le parti français. Le 22 avril, Monatte démissionne et conclut ainsi sa lettre à Sellier : "simple membre du Parti, j’aurai les coudées plus franches pour défendre mon point de vue". Le 23 avril, dans une lettre collective de démission, A. Rosmer, F. Charbit, D. Antonini, V. Godonnèche, M. Chambelland, affirment que "les membres du Parti issus du syndicalisme révolutionnaire sont traités en pestiférés ...". Eux aussi rentrent dans le rang :

"Nous y serons plus à l’aise pour défendre notre point de vue : celui d’un Parti communiste où les ouvriers ne seraient pas des figurants mais le vrai moteur de l’organisme tout entier ; d’un Parti communiste qui comprendrait la nature exacte du travail syndical et son importance ; d’un Parti communiste où le centralisme mécanique céderait sa place au centralisme animateur, d’un Parti communiste d’où seraient bannies les crises artificielles de direction qui démoralisent et détournent de leur travail les militants du rang ; d’un Parti communiste qui aurait à cœur d’etre une vraie section de l’Internationale. Nous y serons aussi plus à l’aise pour lutter contre ceux qui sont en train de saboter le Parti et le mouvement ouvrier."

L’été, avec le Ve congrès de l’I.C., sera décisif. Rosmer y participe. Monatte, malgré un télégramme pressant de Zinoviev, ne voit pas la nécessité d’y aller. En France, l’opposition qualifiée "de droite" est attaquée violemment et méthodiquement. L’Humanité exclut des rédacteurs jugés favorables à l’opposition. Les membres du groupe des syndicalistes révolutionnaires quittent peu-à-peu le "prétendu parti communiste", comme l’écrit Maurice Chambelland dans sa lettre de démission du 24 septembre, suivie immédiatement d’une exclusion. Le 5 octobre, Monatte, Rosmer et Delagarde adressent une lettre au Comité directeur ; n’en obtenant pas la publication dans la presse du parti, ils publient le 22 novembre en brochure (reprenant le format des lettres aux abonnés de la Vie ouvrière de la guerre) une lettre aux membres du parti communiste.

Cette lettre est nette, virulente. Au nom de la gauche ouvrière, les trois signataires ne veulent plus "bailler d’admiration devant les cabrioles de Treint". Ce qu’ils refusent c’est la caporalisation du Parti, sous couvert de bolchevisation.

La réorganisation sur la base des cellules est une œuvre capitale pour le Parti. S’il la réussit, c’est-à-dire s’il sait déterminer les tâches pratiques des cellules, éviter qu’elles tournent à vide et se découragent, il disposera réellement d’une base de granit. Mais le granit pourrait bien se changer en sable mouvant si les cellules, au bout de quelques semaines, n’apercevaient pas le travail qui leur incombe, si on leur refusait, en outre, le droit élémentaire de désigner leur secrétaire et leur délégué au rayon, sans crainte d’un veto d’en haut.
Il est beaucoup question d’homogénéité, d’alignement, de discipline. Du haut en bas du Parti, on établit une cascade de mots d’ordre auxquels on doit obéir sans comprendre et surtout sans murmurer autre chose que le sacramentel : Capitaine, vous avez raison ! Une mentalité de chambrée se créée et les mœurs de sous-off s’installent. Il n’est question que d’appareil à faire fonctionner, de permanence à instituer. Bientôt la bureaucratie du Parti fera la pige à celle de l’Etat français.
On dit que le parti doit être une cohorte de fer. En réalité, quiconque fait preuve de caractère doit être brisé.( ... ) Il faut s’incliner, non devant des idées ou des décisions prises par l’organisation, mais devant des hommes. Par ce moyen, ce ne sont pas des cadres solides que l’on prépare, ce n’est pas une cohorte de fer que l’on forme, mais un régiment de limaces.

Après la conférence extraordinaire du 5 décembre où Rosmer lit une lettre reprenant les mêmes arguments, l’exclusion est immédiate.

On peut penser, d’après les notes et la correspondance gardées dans les archives de Pierre Monatte, que ce petit groupe de nouveaux exclus se réunit à peu près quotidiennement. Il est important de noter que chacun a repris un travail salarié (et le plus souvent, de petits emplois ordinaires, Monatte reprend la correction d’imprimerie, Chambelland un petit travail de comptable, Charbit un travail de typographe). Mais aucun ne peut envisager de ne plus militer. Que faire ? Très vite il apparaît impossible de rester dans la stricte mouvance du parti communiste. Il faut même lutter violemment contre ses déviations. Tous refusent l’engrenage d’un autre parti. L’action syndicale reste mais tous veulent aller au-delà. Ils ont tous une expérience et un goût du journalisme, ils veulent s’exprimer et ne peuvent plus le faire dans les organes du parti, ils veulent reprendre une tâche d’information et de formation des militants en profondeur ; le souvenir de la Vie ouvrière de 1909 est vif ; tout naturellement ils pensent à fonder une revue. Le 26 décembre 1924 Pierre Monatte dépose aux services des périodiques du tribunal de la Seine, le titre de L’Action ouvrière. Mais les autres membres du "noyau" (le terme est repris de la Vie ouvrière), refusent ce titre trop neutre. Maurice Chambelland propose Octobre. Cela fait l’objet d’âpres discussions et V. Godonnèche rallie le noyau à la Révolution prolétarienne avec le sous-titre "revue syndicaliste-communiste".

Maurice Chambelland reconnaissait en 1950, que c’est lors de cette discussion qu’il avait pris conscience qu’on ne pouvait plus identifier Révolution russe et Révolution prolétarienne et que, dans l’enthousiasme de ses 24 ans, il en avait cruellement souffert.

En janvier 1925, le premier numéro de la Révolution prolétarienne paraît. Ce n’est que dans le numéro de février qu’un "Entre nous" précisera les buts de la revue :

Ce que nous comptons faire ? Donner au mouvement révolutionnaire français la revue ouvrière qui lui manque. Le quotidien, l’hebdomadaire ont leur tâche. Une revue a la sienne, qui n’est pas négligeable. Elle consiste à étudier les grandes questions théoriques et pratiques, à dégager les leçons des événements qui se produisent, à ramasser les informations et les documents dont les militants ont besoin. Nous sommes à un moment où ce travail est plus que jamais indispensable.
Nous voulons étudier les problèmes de la Révolution, soulevés par l’expérience russe, et travailler à la reconstitution de l’unité syndicale, nationale et internationale. Nous le ferons en serrant de près les difficultés et non en les fuyant.
Pour les uns, nous sommes trop syndicalistes. Pour d’autres, nous sommes trop communistes. Ceux qui n’ont besoin que d’un catéchisme, quel qu’il soit, ne trouveront probablement pas leur compte ici. Mais tous ceux qui font un effort pour s’informer honnêtement, pour se former une opinion en connaissance de cause ne perdront pas leur temps en nous lisant.
Les premiers numéros sont bien le reflet de cette volonté : grands articles théoriques, études documentées et précises sur des grèves, des industries, des luttes, comptes rendus des congrès syndicaux. L économie, les problèmes internationaux tiennent une grande place. Peu à peu, la revue se structure avec des rubriques : Carnet du Sauvage de Pierre Monatte, Notes d’économie et de politique de Robert Louzon, Renaissance du syndicalisme par Maurice Chambelland, Parmi vos lettres, Entre nous où les lecteurs sont tenus au courant des problèmes internes de la revue.

Les problèmes du communisme tiennent tout naturellement une place privilégiée. Le premier numéro publie la deuxième lettre aux membres du parti communiste de Monatte, Rosmer, Delagarde, qui précise bien que "Derrière nos conceptions divergentes de I ’organisation, celles de gens ayant le sens et le respect de l’organisation et celles de gens regardant l’organisation comme un instrument passif entre leurs mains, il y avait, nous avons dû le reconnaître, à la longue, d’importants, de profonds, d’irréductibles désaccords". Un de ces désaccords, essentiel, porte sur le rôle de la "masse ». La "soi-disant gauche" du P.C. a une tactique qui "consiste non point à développer la conscience de classe du prolétariat, mais à faire le plus possible de béni-oui-oui, de lèche-culs, de limaces". Eux, au contraire, pensent qu’il "faut faire des consciences et non des réciteurs de catéchismes".

Dès ce moment, les positions sont nettes. Si les syndicalistes révolutionnaires ont adhéré au communisme, c’est parce que l’Internationale communiste, Lénine vivant, était assez vaste "pour embrasser Trotsky et le soi-disant trotskysme ainsi que l’opposition russe et de par le monde de nombreux éléments venus du syndicalisme révolutionnaire". Mais des symptômes de malaise et de dissociation se manifestent. Et une des phrases les plus importantes de cette lettre est sans doute celle-ci : "le léninisme sans Lénine nous fait peur". A partir de là toute une remise en cause, longue et douloureuse, se fait. C’est sur cette nouvelle réalité du communisme qu’il faut apporter des lumières. La démystification apparaît la tâche la plus importante. Il faut dire, d’abord, la vérité sur la réalité qui s’élabore sous le nom de communiste.

Une étape très importante est franchie en octobre 1925. En effet, Trotsky demandait à Monatte et à Rosmer - qualifiés de révolutionnaires fidèles et authentiques mais dont l’exclusion était justifiée - "quoique étant formellement en dehors du Parti, d’agir comme des soldats du Parti" et donc de liquider immédiatement la Révolution prolétarienne et de faire appel à l’exécutif de l ’I.C. La réponse du noyau de la R.P. est très nette :

Nous n’avons pas fait appel parce que nous sommes persuadés que c’est dans la politique et les méthodes pratiquées par la direction de l’Internationale communiste elle-même que réside la cause des lourdes fautes commises par ses sections au cours des deux dernières années ; que cette politique et ces méthodes marquent une rupture avec la politique et les méthodes antérieures, remettent en question les principes mêmes sur lesquels l’Internationale communiste a été fondée.

Les membres du noyau refusent aussi nettement la mainmise du parti russe sur l’I.C. :

On le voyait sous son aspect héroïque, guide sûr et capable de la classe ouvrière. La dernière crise, en mettant à nu les combinaisons, les ficelles, les manœuvres, en projetant une lumière crue sur sa structure intérieure jusqu’alors invisible, l’a montré sous son mauvais côté et les caricatures des partis bolcheviks qu’on s’est mis à fabriquer partout dans l’Internationale n’ont fait qu’aggraver l’inquiétude et le trouble.

Le noyau insiste sur le fait que l’I.C. ne peut plus prétendre à être un regroupement et que :

La conséquence normale c’est qu’aujourd’hui il y a place pour un révolutionnaire hors de l’Internationale communiste. Et une autre conséquence, c’est qu’une revue comme la Révolution prolétarienne est un organe nécessaire. Puisqu’on ne peut parler ni dans le Parti, ni dans l’Internationale, il faut pouvoir parler au-dehors, car il est des choses qu’il faut dire, non par désir de vaine polémique mais dans l’intérêt même de la classe ouvrière. La Révolution prolétarienne est un refuge pour les révolutionnaires sincères qui ne peuvent plus supporter l’atmosphère étouffante du Parti, une défense contre le sabotage du mouvement.

C’est contre ce "sabotage" que la Révolution prolétarienne va lutter jusqu’en 1939 (elle se sabordera à la déclaration de la guerre). Le sabotage, pour eux, c’est d’abord, très clairement, celui des prétendus communistes qui veulent assurer la mainmise du parti sur les syndicats, imposer à la classe ouvrière une gesticulation révolutionnaire qui la tienne en état d’alerte, suivant des mots d’ordre imposés par les voltefaces du P.C. et non par les intérêts propres des syndiqués. Le syndicalisme ne doit pas voir à travers "les lunettes du parti", selon l’expression de Monatte. La Révolution prolétarienne devient donc et, plus encore, avec la création de la Ligue Syndicaliste en octobre 1925 sous l’impulsion de Maurice Chambelland, l’organe des minorités qui s’organisent au sein de la C.G.T.U. et de la C.G.T. C’est par la C.G.T.U., dont l’étude reste à faire, que le parti s’est ancré dans la classe ouvrière. La connaissance et la compréhension de la réalité communiste en seraient enrichies et ce que l’on peut deviner des archives de l ’I.S. montrerait peut-être comment on dirige un mouvement.

Cette volonté de reconstruire le syndicalisme, sur les bases du syndicalisme révolutionnaire, de reconstituer l’unité syndicale est permanente et c’est sans doute l’aspect le plus important de la lutte menée par les militants de la Révolution prolétarienne. Cela s’accompagne, tout naturellement, d’une analyse continue et approfondie des mouvements, des organisations et aussi des études sérieuses et documentées sur les industries, sur la situation économique. A ce titre, c’est véritablement une revue d’action syndicale. En 1930, elle change son sous-titre : "Revue syndicaliste communiste" devient "revue syndicaliste révolutionnaire", marquant qu’une étape est franchie.

Une tâche considérée comme prioritaire est aussi de témoigner sur ce que deviennent le Parti communiste, l’Internationale communiste et l’U .R.S.S. Informer, clarifier, démystifier est Je moyen essentiel d’une lutte qui veut affirmer haut et clair que le P.C., l’I.C. et l’U.R.S.S. ne sont plus révolutionnaires, ne sont plus communistes mais deviennent des oppresseurs. L’antistalinisme, c’est d’abord pour eux la fidélité à l’idéal communiste trahi. Les informations seront nombreuses sur la réalité soviétique. Dès 1928 une rubrique régulière est ouverte : Emprisonnés, déportés, exilés. On y voit les informations sur les camps, les prisons soviétiques. Mais cette rubrique est caractéristique de la volonté de lutter sur tous les fronts car on y relate aussi l’oppression aux Etats-Unis, l’oppression dans les pays coloniaux.

En effet, la Révolution prolétarienne ne veut pas se ranger dans le camp des réformistes, des admirateurs de la droite. Elle est l’expression et le reflet de toutes les luttes révolutionnaires, en particulier de l’anticolonialisme pour le soutien qu’elle apporte aux militants nationalistes. Ce n’est pas un hasard si, par exemple, Bourguiba y publie un article, si la campagne contre la répression en Indochine (le mot Viet Nam apparaît très vite) est aussi vive, si le soutien aux syndicalistes tunisiens, marocains, algériens est aussi affirmé.

C’est la seule revue d’opposition purement syndicale ; la lutte doit rester sur le terrain syndical. Le noyau tient à des idées forces qui sont celles du syndicalisme d’action directe, modifiées par l’expérience communiste qui bouleverse les données du problème. Il tient à le faire en toute indépendance et la transparence des finances de la revue est totale. Tous, rédacteurs ou administrateurs, sont bénévoles et travaillent ; la revue ne vit que des seules participations de ses abonnés. Les comptes sont publiés régulièrement. Ce souci d’avoir des finances claires est important pour des militants qui ont commencé à voir, dans leur brève expérience du Parti communiste, un certain "pourrissement" par l’argent et la professionnalisation du militantisme.

Ainsi l’évolution du groupe qui fonde et anime la Révolution prolétarienne témoigne d’une expérience très particulière dans le domaine communiste. Des militants de tempérament divers se sont unis dans la volonté commune, d’abord, de retremper le syndicalisme révolutionnaire dans la flamme de la révolution russe et du communisme puis de témoigner de leur faillite et de leurs déviations en luttant pour maintenir la vigueur révolutionnaire de la classe ouvrière. Pour eux, comme le dira Pierre Monatte en 1956, le drame de toute leur vie a été "le tournant de la Révolution russe, la faillite de la Révolution russe, le changement en quelques années de la Révolution russe en contre révolution". Ce drame, ils ont voulu l’assumer lucidement, en révolutionnaires. Etant conscients de leurs faiblesses, de leurs difficultés à sortir d’une audience étroite, ils ont voulu constituer un refuge d’hommes libres, refusant tout dévouement aveugle, maintenant des idées essentielles qu’ils ont espéré toute leur vie voir revivre, tels les grains sous la neige de Silone.

Colette Chambelland


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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 30 Sep 2017, 14:58

1977 : Chasse aux sorcières dans la CFDT

La CFDT fut, après Mai 68, un syndicat qui portait à une échelle de masse le combat anticapitaliste et autogestionnaire, sous des formes qui pouvaient être diverses selon les fédérations, les syndicats, les sections. Mais peu avant le « recentrage » de 1979, une chasse aux sorcières vise les militants et militantes les plus remuants.

La CFDT est aujourd’hui une organisation syndicale de collaboration de classes, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Pour parvenir à ce « recentrage », il a fallu, dès le milieu des années 1970, éliminer les syndicalistes de lutte. C’est-à-dire celles et ceux qui, bien souvent, ont rejoint la CFDT dans les années post-68, attiré.es par les positions radicales de la centrale cédétiste et une démocratie interne que n’offrait alors pas la CGT. Dès 1976 par exemple, l’union départementale de Gironde est suspendue en raison de son soutien aux comités de soldats [1]. Ce tournant, qui sera effectif en 1979, au moment de l’échec de la lutte des sidérurgistes lorrains [2], vise à substituer le syndicalisme d’accompagnement à l’action gréviste, la négociation au rapport de force.

Au centre de tri de Lyon-Gare, ça « remue »

Des suspensions, on va passer aux exclusions. Certaines sections syndicales sont alors jugées trop remuantes. Leurs pratiques « basistes », proches du syndicalisme révolutionnaire, peuvent irriter des responsables confédéraux et fédéraux, proches, eux, du Parti socialiste. C’est le cas de la section CFDT-PTT du Centre de tri de Lyon-Gare. Voici comment les syndicalistes CFDT, futurs exclus, présentent cet endroit où ils travaillent et militent : « Lyon-Gare. Un vieux bâtiment gris. Deux étages. Accolé à la gare de Perrache par un pont couvert au-dessus de la rue Gilibert. La construction a près d’un siècle d’âge. Elle est exiguë depuis longtemps. À l’intérieur, pour s’y déplacer, il faut contourner, se faufiler, escalader les chariots tout pleins de sacs [postaux]. […] Lyon-Gare. Un peu plus de mille employés. Pour la plupart préposés (trieurs de sacs) ou agents (trieurs de lettres). Sans oublier 300 auxiliaires qui comblent les trous, changent de service et d’emploi, selon les besoins de l’administration, font les plus sales boulots, sont les plus mal payés et peuvent être mis à la porte du jour au lendemain sans préavis. […] Lyon-Gare. Forte syndicalisation du personnel (60 à 70 %). Les postiers sont les fonctionnaires les plus combatifs. Les agents des centres de tri sont les postiers les plus combatifs. Lyon-Gare fut l’une des premières entreprises à Lyon à partir en grève en Mai 68. Elle fut le premier bureau du Rhône à démarrer lors de la grève de 74 [3]. Elle fut le dernier à reprendre le travail. Avec pratiquement 100 % de grévistes constamment [4]. »

Dans cet environnement et ce climat, la section CFDT compte 185 adhérents et adhérentes en 1977. Animée notamment par Georges Valero, postier et écrivain passé auparavant par la CGT et le PC avant de se « gauchir » avec Mai 68, elle est « remuante ». C’est-à-dire qu’elle va facilement au conflit, promeut les assemblées générales et ne s’interdit pas de parler sur le lieu de travail des LIP [5], d’antimilitarisme, d’écologie… C’est ce qui va lui être reproché.

Le coup de tonnerre de l’exclusion

Le 27 septembre 1977, les 20 membres de la commission exécutive (CE) de la section CFDT du centre de tri de Lyon-Gare sont exclus par le bureau départemental du syndicat CFDT-PTT du Rhône, suite à une interpellation de son bureau national [6]. La question de la démocratie syndicale est au cœur de cette exclusion collective. Pour le bureau départemental, la CE de Lyon-Gare représente une « tendance » de fait en prenant des initiatives autonomes qui ne respectent pas le « fédéralisme » de la CFDT. Ce qui lui est reproché est d’avoir agi au nom de la section « en dehors de toute décision des structures responsables de la CFDT » que ce soit dans la lutte antimilitariste, de la « coordination des luttes » autour des LIP ou de la participation à la manifestation antinucléaire de Creys-Malville. Pour les instances nationales et régionales de la CFDT-PTT, cela s’explique par l’influence gauchiste au sein de la CE de Lyon-Gare. Ainsi la tenue d’une réunion de la « gauche syndicale » de la CFDT-PTT du Rhône au domicile d’un des membres de la CE en 1975 ou la reproduction d’un tract de ­l’Organisation communiste des travailleurs (OCT, petite organisation d’extrême gauche de ­l’époque) dans le journal de la section figurent parmi les griefs faits aux exclus. Pour les mem­bres de la CE de Lyon-Gare, qui font valoir les entorses aux règles démocratiques internes que constitue leur exclusion, il n’y a là nul « fractionnisme », dans la mesure où ils estiment être représentatifs de leur base. Un « postier exclu », interrogé par Libération, témoigne des pratiques syndicales à Lyon-Gare : « Pour chaque initiative, il s’agissait de réunir le plus d’adhérents possible, d’être tout le temps au plus près de la base. Dès qu’il y avait un problème, on se disait – “On monte au local” et on discutait avec le plus d’adhérents possible. » [7]. Le 3 octobre 1977, la CE exclue réunit les adhérents de la section. Cent vingt d’entre eux signent une motion lui réaffirmant leur confiance et demandant sa réintégration immédiate. Quelques jours avant, le 30 septembre les exclus ont publié une déclaration destinée à « tous les syndiqués CFDT-PTT, à tous les syndiqués CFDT, à toutes les structures, fédérations, UR, UD, Syndicats, sections, UIB » où ils ont appelé à une « bataille » pour leur réintégration. Perdant cette bataille au congrès départemental de la CFDT-PTT du Rhône le 23 mai 1978 (par 40 mandats contre 28 et 5 abstentions), des membres de la CE iront quand même jusqu’à tenir meeting, avec d’autres exclus, aux portes du 38e congrès confédéral CFDT de Brest, en 1979.

Pour la démocratie syndicale

Cette exclusion ne passe pas inaperçue. D’une part parce que les exclus se sont organisés pour que cela se sache – et ça marche puisque plusieurs sections, syndicats, unions interprofessionnelles de base (UIB, autre nom donné aux UL) et même la fédération des Finances de la CFDT se fendent de prises de positions officielles contre les exclusions et écrivent en ce sens à la fédération CFDT-PTT et à la confédération. D’autre part parce que c’est l’occasion pour tous les courants syndicalistes critiques de mener campagne pour la démocratie syndicale. C’est le cas par exemple des syndicalistes de la jeune Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL) et plus particulièrement de son secteur Poste, très actif [8]. La grille de lecture, c’est celle d’une subordination des intérêts du syndicat à ceux du PS (plusieurs dirigeants de la CFDT-PTT sont membres du Ceres, un courant du PS) : « Les militants du Parti socialiste s’essayent depuis pas mal de temps à faire de la CFDT la courroie de transmission d’un parti qui ne bénéficie pas d’une bonne image dans la classe ouvrière. Pour cela tout est bon. On oublie la référence au principe du fédéralisme et au pouvoir des adhérents, on gomme tout ce qui avait permis le développement de la CFDT après 1968 sur des idées de démocratie autogestionnaire, etc. Le pouvoir politique, le lieu des décisions tend à se déplacer de plus en plus. Les sections sont de plus en plus atomisées, le rôle dirigeant des unions régionales tend à se développer. […] Dans cette affaire, ce que les militants et militantes communistes libertaires défendent ce n’est pas tel ou tel groupe politique, c’est la nécessité d’un fonctionnement démocratique de l’organisation syndicale : la démocratie syndicale. » [9]

À cela s’ajoute le contexte des élections législatives de mars 1978 : « Nos bureaucrates n’ont pas de scrupules. Leur but est clair : en empêchant la contestation dans l’organisation syndicale ils pensent pouvoir empêcher les travailleurs de continuer la lutte si la gauche arrive au gouvernement en 78. » À ­l’époque l’union de la gauche, alliant PCF et PS, est en effet pressentie pour remporter la victoire et cette perspective est vue comme un inévitable « débouché politique » aux luttes de la décennie précédente [10]. Pour les syndicalistes combatifs et l’extrême gauche, il est clair qu’une telle victoire (qui n’aura pas lieu) ne saurait entraver les luttes pour ne pas déranger les « camarades ministres ».

Dans ces deux analyses, on retrouve une forte exigence de démocratie autogestionnaire : dans le syndicat, avec la mise en avant du « pouvoir aux adhérents » contre la mainmise du Ceres/PS et des tendances politiques ; et, plus largement, de l’autonomie ouvrière face au gouvernement, à l’État et aux partis.

De la CFDT autogestionnaire au syndicalisme alternatif

Mais mener cette campagne c’est aussi l’occasion de souligner qu’à la CFDT « démocratique », il peut y avoir des exclusions, comme à la CGT « stalinienne ». Bien sûr, pour la confédération CFDT, il ne s’agit que d’une agitation gauchiste de plus. Et les Nouvelles CFDT, du 14 octobre 1977 ne se privent pas d’allumer des contre-feux en ce sens : « S’agissant d’une question interne aux syndicat des PTT du Rhône et de la fédération, les autres structures n’ont pas à intervenir sous la pression d’autres sections CFDT, avec l’appui de militants OCT et de l’UTCL notamment, groupes auxquels appartiennent plusieurs exclus. » (en réalité, l’UTCL n’a aucun militant actif à Lyon à cette période). La section de Lyon-Gare y est présentée comme « divisée en sous-sections autonomes », vivant « en marge du syndicat » et dont les militants cherchent à « contrecarrer en permanence la pratique syndicale démocratique ». Le discours de celles et ceux qui refusent ces exclusions s’appuie au contraire sur une légitimité démocratique tenue des adhérents.

D’autres sections, sans doute elles aussi par trop remuantes, vont faire les frais de ce qui devient, avant même le « recentrage » de 1979, une véritable vague d’exclusions. En janvier 1978, c’est la section BNP du syndicat parisien des banques, forte de plus de 1 000 adhérents, qui est suspendue. En mars 1979 c’est au tour du conseil syndical de la section CFDT d’Usinor-Dunkerque, qui regroupe 800 adhérentes et adhérents, d’être suspendue. La question se pose du maintien des collectifs syndicaux qui se sont construits sous étiquette CFDT pendant plusieurs années. Il faut d’abord rappeler que pour beaucoup, désemparé.es et écœuré.es, cela signe la fin de leur engagement. Mais d’autres continuent. Rejoindre la CGT n’est alors pas une option, tant cette centrale est à l’opposée du syndicalisme qu’ils et elles pratiquent.

Alors, pour préserver l’outil collectif construit durant plusieurs années, « l’activité humaine et vivante du syndicalisme » [11], se créent les premiers syndicats alternatifs et indépendants : le Syndicat démocratique des banques (SDB), le Syndicat de lutte des travailleurs (SLT) d’Usinor-Dunkerque et, concernant les postiers de Lyon-Gare, le Syndicat autogestionnaire des travailleurs, le SAT.

Quelques années plus tard, en juin 1984, ce seront à nouveau des exclu.es de la CFDT, à Air Inter, qui créeront le Syndicat national des personnels inter-transports (SNPIT). Puis c’est la création en 1989 du premier syndicat Solidaires, unitaires, démocratiques (SUD), aux PTT justement [12], avant leur multiplication après les grèves de novembre-décembre 1995. On verra alors que cette gauche syndicale, forgée dans les combats des années post-68, profondément marquée par la dynamique autogestionnaire et résolument anticapitaliste a réussi à se donner un avenir.

Théo Rival (AL Orléans)


[1] Voir « 1975 : ils vivent, les comités de soldats », Alternative libertaire de janvier 2015, et « Contester dans l’armée. Comités de soldats, antimilitarisme et syndicalisme dans les années soixante-dix », Les Utopiques de juin 2017.

[2] Voir « Les barons de l’acier qui avaient posés leur cul sur toute la région, et depuis tout respirait à travers la sidérurgie » dans Alternative libertaire n° 182 de mars 2009.

[3] Voir « 1974 : la grande grève des PTT », Alternative libertaire de novembre 2014.

[4] Extraits de l’introduction du dossier présenté par les vingt membres de la commission exécutive du Centre de tri de Lyon-Gare sur leur exclusion du syndicat CFDT-PTT du Rhône, brochure de 32 pages publiée en 1977. Archives confédérales CFDT, Secteur organisation, 8H2226.

[5] Voir « 1973 : Lip, Lip, Lip, hourra ! », Alternative libertaire de juin 2013.

[6] Voir Jorge Valero, Ni Dieu ni Maire. De Charléty aux moutons noirs, La Digitale, 1989 et Christian Chevandier, La Fabrique d’une génération. Georges Valero postier, militant et écrivain, Les Belles Lettres, 2009.

[7] « “On fonçait sur tout”, interview d’un postier exclu de la CFDT », propos recueillis par Chantal Desprez, Libération, 21 octobre 1977.

[8] Théo Rival, Syndicalistes et libertaires. Une histoire de l’Union des travailleurs communistes libertaires (1974-1991), éditions d’Alternative libertaire, 2013.

[9] « CFDT-PTT-Lyon, démocratie syndicale », signé du secteur PTT UTCL, Tout le pouvoir aux travailleurs du 15 novembre 1977.

[10] Il n’en sera rien et il faudra attendre 1981 pour que le PS prenne le pouvoir… avec le succès que l’on sait en termes de « débouché politique » aux luttes. Voir « 1982 : la gauche au pouvoir se convertit à la “rigueur” », Alternative libertaire de juin 2012.

[11] Patrice Spadoni, « À propos des syndicats indépendants », Lutter ! (mensuel de l’UTCL) de février 1986.

[12] Éric Sionneau, « 1988 : des “moutons noirs” fondent SUD-PTT », Alternative libertaire n° 177 d’octobre 2008.

http://www.alternativelibertaire.org/?1 ... ns-la-CFDT
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 25 Jan 2018, 21:46

La CGTSR, 1926-1928 : un épisode de décentralisation syndicale par Claire Auzias

La troisième CGT de l’entre-deux-guerres serait encore inconnue des historiens du mouvement ouvrier sans les quelques pages que Jean Maitron lui consacra dans son histoire de l’anarchisme (1).

A partir des dépouillements des cartons d’Archives départementales du Rhône consacrés à la surveillance dite politique exercée sur les syndicats dans les années 1920, à partir de l’ensemble des sources écrites relatives au syndicalisme révolutionnaire dans le Rhône — étude quantifiée des répartitions syndicales des Premier Mai pour les trois centrales jusqu’en 1939, dépouillement d’archives syndicales, congrès, résolutions et répartition des votes par fédération et par syndicat, presse syndicaliste, notamment Le Combat syndicaliste, organe de la CGTSR —, et enfin, à partir du recueil et de l’analyse des sources orales — corpus majeur et premier de ma thèse —, j’ai étudié cette troisième centrale syndicale dans le département du Rhône. Un département particulièrement intéressant. C’est à Lyon en effet que la CGTSR fixe son siège national lors de sa création les 15 et 16 novembre 1926. C’est là que ce siège reste fixé pendant les deux premières années de son histoire. Un cas exceptionnel dans un pays aussi centralisé que la France. Un cas qui répond à une situation de fait : le département du Rhône est à cette date le seul en France où les syndicats dirigés par les anarcho-syndicalistes, les anarchistes, sont majoritaires. Depuis 1914 ce sont des anarchistes qui, avec Henri Bécirard, ont gardé le siège de l’Union des syndicats du Rhône, y compris au temps de l’Union sacrée.

Cet article ne se veut en aucune façon une histoire de la CGTSR. Pas même une histoire de sa période lyonnaise : il faudrait comme pour toute histoire du syndicalisme la confronter aux autres forces syndicales, à l’histoire du patronat lyonnais, à celle de la municipalité radicale, etc. Il s’agit, modestement, de présenter une chronologie des faits et de contribuer ainsi à une histoire qui reste à écrire. Enfin la nécessité d’équilibrer les différentes composantes de ce numéro dédié à la mémoire de Jean Maitron m’a conduite à limiter à l’extrême le système interprétatif (2).

Il est pourtant nécessaire d’évoquer en quelques mots les origines de la troisième CGT, sans revenir naturellement sur l’ensemble des problèmes complexes qui ont conduit en décembre 1921 (après l’exclusion dès février, par le CCN de la CGT, des syndicats qui se proposaient d’adhérer à l’Internationale syndicale rouge) à la scission entre CGTU et CGT (3). Le débat portait en partie sur les conclusions à tirer, au lendemain de la guerre et de la révolution russe, de la Charte d’Amiens et notamment du paragraphe selon lequel « afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ». Ce débat fut suractivé par les problèmes posés par l’éventuelle adhésion à l’ISR dont le congrès de fondation se tint à Moscou en juillet 1921. Aux yeux de nombreux anarchistes attachés à une interprétation littérale de la Charte d’Amiens, l’adhésion à l’ISR signifiait l’acceptation de l’existence des « noyaux communistes complètement subordonnés à l’ensemble du parti » et destinés à « conquérir les syndicats au communisme », conformément à la 9e condition d’admission à l’Internationale communiste. Pour coordonner leurs positions un certain nombre d’anarchistes, membres actifs des Comités syndicalistes révolutionnaires, reprenant une tradition anarchiste bakouniniste, signèrent en février 1921 un « pacte » secret par lequel ils s’engageaient à ne placer à la tête de la CGT, quand elle serait en leur pouvoir, que « des camarades purement syndicalistes révolutionnaires, autonomistes et anarchistes ». Verdier, Besnard et Fourcade, que l’on retrouvera quelques années plus tard à l’origine de la CGTSR, étaient les premiers signataires de ce texte : il signifiait l’organisation d’une tendance au sein de la minorité révolutionnaire de la CGT d’où allait sortir la CGTU.

Si, au congrès confédéral de la CGT en octobre 1920 à Orléans, la minorité révolutionnaire s’était encore retrouvée, notamment dans le Rhône où elle obtint, de justesse, la majorité, sur une motion Verdier, si, grâce au Pacte, Pierre Besnard put supplanter Pierre Monatte à la tête des CSR (4) et si en conséquence le bureau provisoire de la CGTU, de décembre 1921 au congrès constitutif de Saint-Etienne (juin 1922), resta placé sous son influence et celle de ses amis, il n’en fut plus de même à partir de Saint-Etienne : la majorité du congrès désavoua le Bureau et la CA. La motion Monmousseau, soutenue par les délégués communistes quoique Monmousseau ne fût pas membre de la SFIC, obtint 848 voix contre 399 à la motion Besnard. La suprématie communiste fut définitivement acquise au congrès de Bourges (novembre 1923) où près des quatre cinquièmes des délégués votèrent l’adhésion à l’ISR.

L’UD du Rhône pour sa. part était restée fidèle à ses positions anarcho-syndicalistes et anarchistes. Les partisans de la CGT, minoritaires, avaient dû quitter le siège historique du syndicalisme lyonnais et au congrès de Saint-Etienne l’UD avait voté à une majorité non négligeable — 34 mandats contre 27 — la motion Besnard. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce qu’elle fasse partie des organisations syndicales qui, après Bourges, décident de quitter la CGTU et entrent dans l’autonomie. Elle le fait le 27 février 1924. La direction confédérale en juin’ ne parvient pas à rallier les dissidents. Et le 14 décembre 1924 c’est la CGTU qui doit à son tour quitter les locaux du syndicalisme lyonnais et greffer le syndicalisme rouge sur des lieux sans histoire.

Les syndicats qui avaient quitté la CGTU devaient-ils rester dans l’autonomie ? Pierre Besnard avait pris en novembre 1924 l’initiative de les regrouper en une Union fédérative des syndicats autonomes (UFSA). Fallait-il aller plus loin et créer une centrale syndicale autour de cette tendance, ce qui signifiait mettre un terme, au moins provisoire, à l’espérance d’unité ? Tous n’étaient pas d’accord, loin s’en faut. Un Le Pen, délégué du Bâtiment, ne déclarait-il pas que « si nous avons une troisième CGT, c’est deux de trop que nous aurons » (5) ? En tout cas, à la conférence de Saint-Ouen de l’UFSA, le 28 juin 1925, Besnard en devient le secrétaire (6).

C’est finalement de Lyon, et non seulement de Besnard, que viennent les initiatives. Un syndicat unique du Bâtiment s’y organise en août-septembre 1926. Définitivement créé en octobre, il siège 86, cours Lafayette et regroupe les sections des terrassiers, des travaux publics (7), des asphalteurs, parqueteurs, plâtriers-peintres, charpentiers en bois, serruriers, vitriers, ainsi que les ouvriers des fournitures en bâtiment (8). Koch en est le secrétaire (9). Il restera le principal appui, et le plus stable, du syndicalisme, anarchiste de la région lyonnaise. Un mois tout juste après sa création, les 31 octobre et 1er novembre 1926, la création d’une nouvelle confédération fait un pas en avant. L’Union des syndicats autonomes du Rhône tient son congrès au cercle syndicaliste de la rue du Quatre-Août à Villeurbanne, sous la haute présidence de Pierre Besnard.

La première journée est consacrée au rapport moral (propagande, lutte contre le fascisme) ; la seconde, à l’orientation syndicale. La question d’une troisième CGT est examinée ; Fourcade demande la concentration des forces dans une CGT fidèle à l’avant-guerre. Besnard intervient longuement. S’il prône une CGT dans l’esprit de la Charte d’Amiens, il n’en est pas moins sensible aux conditions nouvelles de travail et de vie et met notamment l’accent sur la nécessité d’unir techniciens et scientifiques aux’ travailleurs manuels. Une résolution est votée : « L’unité doit être assurée solidement et ne peut l’être que par la constitution d’un nouvel organisme national, lié lui-même organiquement avec les mouvements syndicaux des pays se plaçant sur le même plan. » Enfin, cette CGT doit être « syndicaliste révolutionnaire, fédéraliste et anti-étatique » (10).

Les 13 et 14 novembre, c’est, à son tour la Fédération du bâtiment qui tient un congrès national extraordinaire à la mairie du 7e arrondissement de Lyon. Koch préside aux premiers débats ; Fourcade ouvre le congrès, puis Racamond, de la CGTU, invite l’auditoire à refuser une troisième CGT. Lucien Huart, au nom de l’UFSA, combat cette intervention ; Lansink, au nom de l’AIT, organisation internationale de tendance anarchiste née à Berlin en décembre 1922, face à l’ISR, en appelle à la situation des travailleurs étrangers en France pour démontrer l’urgence d’un rassemblement national conséquent, seul capable d’affronter ces questions.

Une motion clôt la première journée : les congressistes saluent Sacco et Vanzetti et décident de faire appel à la grève générale insurrectionnelle si besoin est, en réponse aux menaces fascistes.

Au matin du second jour, la résolution finale consacre par 52 voix contre 3 et 2 abstentions la constitution de la troisième CGT. L’après midi est réservée à l’audition des délégués étrangers : Severin, de la centrale suédoise, Buth du bâtiment allemand, Miranda pour la CGT portugaise et Lansink, pour la fédération des Pays-Bas (11). Une séance nocturne envisage la constitution d’une Internationale révolutionnaire du bâtiment.

Sans désemparer, s’ouvre le lendemain matin, lundi 16, l’assemblée des syndicats autonomes, à la mairie du 6e arrondissement. Cette conférence est convoquée par l’UFSA, la Fédération du bâtiment et la Fédération autonome des coiffeurs (12). 89 syndicats y sont représentés par 69 délégués (13). Les quatre délégués étrangers participent au congrès. Lansink représente, en outre, FAIT. Fourcade pour l’UD du Rhône, Madame Bonnefond pour les apprêteurs de Lyon, Charrent des terrassiers constituent le bureau de la première journée. Trois résolutions sont adoptées à l’unanimité en préambule aux délibérations : l’une en faveur de Sacco et Vanzetti, la seconde pour les emprisonnés et persécutés russes ; la dernière pour la création d’un journal et d’une revue.

La discussion sur la constitution d’une nouvelle confédération ne recueille pas l’assentiment de tous les congressistes. Le délégué du syndicat autonome des métaux de la Seine, Albert Guigui, déclare que depuis la création de l’UFSA deux années irrécupérables se sont écoulées qui rendent caduque la constitution d’une confédération. L’affaiblissement des forces signe, à son sens, la faillite du projet besnardien. L’Union autonome d’Amiens et la section du bâtiment de Besançon expriment les mêmes réserves. Les partisans les plus chaleureux d’une confédération « libre, autonome et indépendante » (14) sont autour de Pierre Besnard : (du syndicat de la chaussure de Paris), Henri Fourcade (de l’UD du Rhône), Clément (des pipiers de Saint-Claude), Raitzon (des métaux de Lyon), Boisson (de la Fédération du bâtiment), Boudoux (du SUB de Paris), Leroy (des coiffeurs de Paris), Aigueperse (des cuirs et peaux de Saint-Etienne), Garros (de l’électricité de Lyon), Demonsais (des communaux de Toulon).

En fin de journée, le congrès affirme « que le premier devoir des syndicalistes consiste maintenant à rassembler d’urgence, dans un même organisme tous leurs éléments épars à travers le pays ; de faire, en un mot, sur leur plan, ce que les deux CGT ont fait sur le leur » (15). La constitution de la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire est votée par 84 voix contre 3 et 2 abstentions. En séance de nuit les quatre délégués étrangers apportent des informations sur le syndicalisme révolutionnaire dans leur pays et expriment leur solidarité morale et matérielle avec la CGTSR. Lansink définit le syndicalisme selon l’AIT et « exprime l’espoir que le mouvement français qui, dans le passé, fut le guide moral du mouvement syndicaliste révolutionnaire mondial reprendra bientôt sa place au sein de l’Internationale Syndicale reconstituée, suivant les principes définis par Bakounine » (16).

La seconde journée du congrès est consacrée à la discussion des statuts, présentés par Lucien Huart. Ceux-ci sont votés à l’unanimité moins deux voix (métaux de Paris et UD d’Amiens) (17). La CGTSR « repose de la base au faîte sur le producteur, garantissant à ce dernier la direction effective de l’organisation des travailleurs ; le congrès manifeste le désir formel de décentraliser fortement l’action confédérale » (18).

Dans cet esprit, la structure de l’organisme confédéral est étudiée et remaniée en unions locales, syndicats d’industrie, conseils d’usine et comités d’atelier. Les fonctions de chaque rouage et des militants responsables sont strictement limitées, selon les principes de la non-rééligibilité, du non-cumul des pouvoirs, de l’apolitisme et du fédéralisme. C’est ainsi que le siège de la confédération est fixé à Lyon, 86, cours Lafayette, sur proposition de la Fédération du bâtiment, par l’article 27 des statuts de la Centrale. Son organe officiel, Le Combat syndicaliste est administré et rédigé au siège de la CGTSR. Un projet de manifeste du syndicalisme révolutionnaire est lu alors par Pierre Besnard. Plus connu sous le nom de Charte de Lyon, ce manifeste reprend les grands axes des résolutions d’Amiens dont il se revendique et s’applique à formuler les conditions modernes faites au syndicalisme révolutionnaire par la concentration industrielle et les régimes fascistes (19). Cette résolution est acceptée par 80 voix dont 30 avec réserve.

En séance nocturne, l’adhésion à l’AIT est adoptée à l’unanimité ; puis on passe à l’élection du bureau confédéral. Fourcade, proposé par nombre de syndicats pour le poste de secrétaire confédéral, se récuse : « ne se sentant pas la force de mener cette rude tâche à bien » (20). L’insistance du congrès ne fléchit point ce refus ; Lucien Huart se propose alors pour un intérim de trois mois. Henri Raitzon est élu secrétaire administratif. Une commission provisoire de seize membres est nommée, parmi lesquels Allègre, Koch, Laplanche, Charrent, Chapuis, Madame Bonnefond.

Lucien Huart s’installe à Lyon pour la durée de son mandat.

Le 17 novembre au soir, la CGTSR invitait les travailleurs lyonnais à la mairie du 6e arrondissement à un meeting de présentation. Les orateurs en sont Lansink, Severin, Buth et Miranda ainsi que Besnard, Huart, Boisson et Boudoux. Allègre préside les débats assisté de Madame Bonnefond et de Pommier. Les thèmes de propagande pour la nouvelle CGT s’appuient sur le constat de la faillite des entreprises politiques libérale (gouvernement travailliste en Grande-Bretagne) et soviétique d’une part, sur le danger fasciste d’autre part (21).

Le 24 novembre, une réunion informative a lieu à la Bourse du travail ; ébénistes, menuisiers en siège, tapissiers, scieurs mécaniques, tonneliers, brossiers, personnel des maisons d’alimentation, ouvriers boulangers de Lyon et banlieue, métallurgistes de toute catégorie, SUB, ouvriers en cuivre sont convoqués (22).

Décembre et janvier sont consacrés à la campagne d’adhésion à. la CGTSR. Ainsi, le 13 décembre, c’est le personnel des maisons d’alimentation qui invite à rejoindre la CGTSR et installe le siège provisoire de son syndicat au « comptoir de la Bourse », 44, cours Morand (23). Une semaine plus tard c’est le syndicat autonome de l’habillement qui vote l’adhésion à la CGTSR (24). Un mois après la constitution de la confédération, cartes, timbres syndicaux et organe de presse sont distribués.

Dans Le Combat syndicaliste de janvier 1927, on peut lire sous la plume de Garros : « l’Union du Rhône qui fut une forteresse révolutionnaire […] se doit à son passé»; à l’oeuvre donc. Le 23 janvier, le congrès départemental de l’Union autonome se constitue en Union régionale de la CGTSR sous le nom de 8e région CGTSR. Par la voix de Fourcade, le fonctionnement de l’Union régionale est exposé comme le principe fédéraliste le plus adéquat aux nouvelles conditions économiques. En tête de ses revendications, la 8e région place le mot d’ordre de l’AIT : « journée de six heures » (25), qui restera son slogan numéro un. Une intense campagne est développée en ce sens (26). Des unions locales se constituent dans la région ; ainsi, celle de Saint-Etienne en décembre 1926 (27).

Des tournées de conférences, avec Huart ou Fourcade pour orateurs, sont réalisées à Grenoble et Romans qui aboutissent parfois à la constitution d’unions locales : c’est le cas de Grenoble. A Romans, le syndicat des travailleurs des cuirs et peaux vote son adhésion à la CGTSR et anime la propagande syndicaliste révolutionnaire dans cette ville. Une fédération CGTSR est en voie de constitution avec Raitzon pour responsable (28).

Le 13 mars 1927, les syndicats autonomes de la Seine forment à leur tour la première Union régionale CGTSR.

Par ailleurs, la fondation de la confédération suscite des heurts avec la CGTU. Allègre était une cible particulièrement choyée des militants unitaires en raison de ses fonctions de secrétaire de la Bourse du Travail de Lyon depuis 1924. Diverses campagnes de presse avaient depuis cette date discrédité Allègre ; les autonomes avaient fait face verbalement.

C’est le 12 décembre 1926 que le différend, focalisé sur Allègre, éclate physiquement. Ce jour-là, deux réunions parallèles, unitaires et autonomes, se tiennent à la Bourse du Travail. La bagarre se mène à coup de barres de fer et de bancs. Un poêle à charbon en combustion est jeté dans l’escalier, menaçant de mettre le feu à l’établissement. La salle n° 8 est dévastée ; bilan : un militant CGTSR brûlé à la main droite, un second fendu au front. Boudoux s’en sort avec deux dents cassées et le côté droit contusionné ; un autre militant CGTSR a le bras cassé en deux endroits.

Le lendemain 13 décembre, une délégation de cinq personnes se rend auprès de Révol, 5, passage Coste, quérir des explications. Le secrétaire départemental de la CGTU reçoit les syndicalistes, revolver au poing (29).

Cette affaire inaugure, à Lyon, le, temps des violences physiques entre militants des deux confédérations. Elles se succèdent sur ce modèle, s’aggravant jusqu’au tournant de 1934.

Le 1er mai 1927 est choisi par l’AIT comme journée internationale en faveur des six heures et de la semaine de trente-trois heures. La CGTSR pour la France, la CNT pour l’Espagne, l’USI pour l’Italie, les groupements anarcho-syndicalistes de Pologne et de Bulgarie, le Comité d’Émigration enfin, répondent à l’appel de l’AIT.

A Lyon, la CGTSR rassemble 300 auditeurs au meeting de la Bourse du Travail. Vernadet (du bâtiment), Richard (de la Libre Pensée), Ruault (des lithographes), Huart enfin, développent à la tribune la revendication des six heures, solution contre le chômage. Le Combat syndicaliste du 1er mai, édité conjointement par la CGTSR et le SUB, consacré à ce thème, est diffusé par les syndicalistes. Lucien Huart invite l’assistance à protester contre l’extradition de Durruti, Ascaso et Jover et contre la condamnation de Sacco et Vanzetti (30). L’après-midi, une fête champêtre au Clos Frizon (Villeurbanne) rassemble « quelques centaines » de militants autour de Charles d’Avray et de Renez, chansonniers anarchistes montmartrois, dont le récital est destiné au bénéfice de la CGTSR (31).

Aucune manifestation de rue commune aux trois CGT en cette année 1927. Seule, la CGTU organise un cortège avec 2 000 personnes. Majoritaire chez les militants, la CGTSR ne l’est donc pas quand il s’agit de rassembler des sympathisants.

Dans la région, aucune démonstration CGTSR n’est signalée. A Saint-Etienne, 2 000 manifestants défilent par la ville. A Dijon, Montceau-les-Mines, Le Creusot, seules CGT et CGTU semblent avoir pignon sur rue (32). Nicolas Berthet est le délégué CGTU du Rhône à SaintChamond, et Chabanis à Rive-de-Gier (33).

Les 14 et 15 août 1927 a lieu le 1er congrès national de la centrale CGTSR. Le Clos Frizon, 66, rue du 4-Août, accueille les congressistes. A l’ordre du jour : actualité et situation de la CGTSR- Le congrès a été précédé d’une conférence de Pierre Besnard, la veille, à la Bourse du Travail, sur « la situation financière mondiale et l’unité syndicale » (34).

En mars 1928, un programme de revendications immédiates, inspiré des délibérations du congrès confédéral national est établi. Il tient en huit points pour les revendications ouvrières, en deux points pour les revendications sociales. Ce sont :

1. diminution des heures de travail et application de la journée de six heures ;

2. augmentation générale des salaires ;

3. salaire unique, par industrie d’abord, nationalement ensuite ;

4. contrôle par les conseils d’usine de l’embauchage et du débauchage ;

5. contrôle syndical de la main-d’oeuvre étrangère ;

6. libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction de nationalité ou de race;

7. délégués ouvriers à la sécurité et à l’hygiène pour chaque industrie, choisis par les ouvriers, sous le contrôle des syndicats et révocables par eux ;

8. paiement intégral du salaire aux accidentés du travail.

Les deux revendications sociales immédiates sont :

— l’amnistie totale et la suppression des conseils de guerre ;

— l’abrogation des lois scélérates (35) [il s’agit de la loi de 1920 contre l’avortement et la contraception].

La CGTSR consacre une attention soutenue à ces campagnes pour l’aménagement des conditions de travail : augmentation des salaires, réduction de la journée de travail, paiement des accidents du travail, hygiène et sécurité ; à l’exception de la journée de six heures, toutes ces revendications sont, de nos jours, acquises.

Seule la revendication du salaire unique distingue radicalement la CGTSR des deux autres centrales : elle traduit l’égalitarisme du syndicalisme révolutionnaire. La journée de six heures n’est pas seulement destinée à améliorer la condition morale et matérielle des salariés, notamment aux fins du développement intellectuel tant prôné par le syndicalisme révolutionnaire depuis le siècle dernier. Elle vise aussi à combattre le chômage. Enfin deux revendications concernent la main-d’œuvre étrangère : contrôle syndical et libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction (ce sont les mots de la résolution) de nationalité ou de race.

Loin de s’en tenir à une argumentation déréalisée, il appert que la CGTSR engage sa lutte au nom d’une pensée sociale certes constituée au cours du XIXe siècle, mais sur un terrain qui s’avère, au XXe siècle, d’une certaine pertinence.

Le 1er mai 1928, le rapport des forces des trois centrales n’a pas bougé. La CGT rassembla 800 personnes le matin, pour un meeting à l’Eldorado (3e arrondissement) et la CGTU 2 000 manifestants pour le cortège de l’après-midi. La CGTSR comptait 400 militants au meeting de Villeurbanne (Cercle syndicaliste) ; Koch, secrétaire du SUB, reprit le mot d’ordre des six heures qu’il développa ; Richard s’exprima contre les bagnes militaires ; Andrieux fit campagne pour la CGTSR et, lettre de syndicalistes italiens à l’appui, engagea ses camarades à la lutte antifasciste. J.-S. Boudoux fit l’historique du 1er Mai et invita à resserrer les liens internationalistes pour la défense du prolétariat et de la révolution sociale mondiale (36).

Dès août 1928, la confédération prépare son IIe congrès national. Les syndicats adhérents désignent Lyon comme lieu du congrès, qui se tiendra en novembre. A l’ordre du jour, outre les rapports moral et financier, figurent la formation des Unions et fédérations, les six heures et la rationalisation, la situation économique et sociale de la femme, l’antimilitarisme, la presse ; les questions relatives à l’organisation intérieure de la CGTSR comportent notamment le renouvellement du bureau et de la CA (37).

Les 2, 3 et 4 novembre, c’est au Cercle syndicaliste de la rue du 4 Août que délibère ce IIe congrès, sous la présidence d’honneur de LouisPaul Vial (38). Pierre Besnard indique que si la confédération n’a point augmenté ses effectifs depuis sa création, du moins a-t-elle su les conserver. Un effort de persuasion sera tenté à l’égard des syndicats qui, en deçà de la centrale révolutionnaire, maintiennent leur statut d’autonomie.

Dès la première journée du congrès est abordé le problème du renouvellement du bureau et de la commission administrative. Malgré les recommandations et circulaires depuis août, aucune candidature n’est parvenue au bureau pour remplacer Huart, dont l’intérim au poste de secrétaire confédéral dure depuis deux années. Le congrès doit donc désigner un candidat et Lucien Huart propose Juhel, secrétaire fédéral du bâtiment (39). Rien d’étonnant : le SUB alimente massivement la vie syndicale ; à Lyon, il édite son propre organe, Le Réveil du Bâtiment, et il ne cesse de mener campagne pour les revendications de la CGTSR et de l’AIT (40). Juhel proteste et refuse l’offre ; il est élu, à son corps défendant, à l’unanimité, moins les quatre voix des syndicats qu’il représente ; il subordonne aussitôt sa nomination aux décisions de son syndicat.

S’engage alors une polémique inquiète autour de cette nomination. Le congrès et Lucien Huart plus particulièrement, en qualité d’ex-secrétaire confédéral, sont dans la nécessité d’user de leur autorité morale afin de pourvoir la confédération d’un secrétaire général à la hauteur de ses fonctions. Juhel qui remplit les conditions requises se voit ordonné secrétaire par la souveraineté du congrès : « Un syndicat ne peut priver la confédération tout entière de l’homme dont elle a besoin, sous prétexte de garder pour lui seul un militant capable » (41). Huart parle alors du discrédit attaché à la fonction syndicale, cause vraisemblable de l’absence de candidature pour le remplacer. C’est encore lui qui propose Paris comme siège syndical, la première Union régionale lui paraissant apte à fournir les militants nécessaires au bureau et à la CA.

Ainsi en est-il décidé par le congrès : la CGTSR siégera pour les deux années à venir à Paris ; son bureau se compose de Juhel, du SUB de Paris, comme secrétaire ; de Robinet, des coiffeurs de Paris (secrétaire adjoint), d’Andrée Robin, des employés de la région parisienne (trésorière), de Bournier, du bâtiment d’Argenteuil. L’archiviste sera choisi dans le syndicat du chauffage de Paris. Les syndicats de la région parisienne désignent, en Assemblée régionale, le 18 novembre, la commission administrative avec Andrieux (SUB), Besnard (cheminots), Boisson (bâtiment), Dousseau, Lejeune père et fils, Marguerite Pascoueau, Tavernier, Victor Giraud, Guilloret…

Le Combat syndicaliste publie encore son numéro de décembre 1928 à Lyon sous la responsabilité de Huart et la gestion de Fourcade. A partir de janvier 1929 la CGTSR lyonnaise est rendue à des tâches strictement départementales. Elle conserve son siège, 86, cours Lafayette et gère en outre le 193 de la rue Du Guesclin sous le nom de salle Sacco et Vanzetti (42) et le cercle syndicaliste de la rue du 4-Août à Villeurbanne.

Sa période glorieuse est terminée. Ses effectifs s’effritent, lentement, à l’exception du bloc du SUB, alors que croissent ceux de la CGTU. Quant à la CGTSR nationale qui a fait retour au centralisme ordinaire, elle éprouvera de plus en plus de difficultés à maintenir une activité proprement syndicale.

Comment expliquer l’épisode décentralisé de Lyon, unique dans l’histoire syndicale française et dont la brièveté ne doit pas conduire à sous estimer l’intérêt ? Il n’y eut pas volonté délibérée, cela est clair. Les syndicats autonomes parisiens — Le Pen, du Bâtiment, Guigui, des Métaux, le disent bien — n’étaient pas chauds pour créer une troisième CGT : faut-il en rendre responsable le milieu ouvrier, finalement plus politisé que d’autres, de la capitale et de sa banlieue ? On remarquera alors qu’il en fut de même chez les anars de Limoges. En tout cas, c’est un fait, les militants lyonnais assumèrent les responsabilités. Il serait insuffisant d’invoquer les composantes socio-professionnelles de la région lyonnaise : le SUB reste fidèle, bien après 1928, à la CGTSR, et les Métaux, qui à Paris sont massivement CGTU, la soutiennent longtemps. Il semble plus utile de chercher dans d’autres voies. Et d’abord d’explorer le long terme : la région lyonnaise s’est caractérisée entre 1830 et 1939 par la rencontre de fortes poussées revendicatives et syndicales, de projets révolutionnaires et de formes de syndicalisme d’action directe : des mutuelles de canuts à la première Internationale. Dès 1882 les anarchistes y constituent un noyau considérable, le plus important de là France sans doute. Le milieu ouvrier, très diversifié, facilite le passage d’un métier à l’autre, d’une entreprise à l’autre : on peut « ramasser ses clous » et retrouver du travail. Au XXe siècle cette prédominance de l’anarchisme se maintient, en basses comme en hautes eaux nationales. C’est ainsi que le préfet du Rhône note le 27 octobre 1916 : « En dépit de l’événement, l’élément révolutionnaire du Rhône n’a pas modifié ses opinions et son attitude (43) ». L’afflux, pendant les années 1920, notamment dans le Bâtiment, d’immigrés italiens antifascistes, d’obédience volontiers anarchiste, le rôle d’un militant de talent, Paul Massoubre, qui a conforté, dans les Métaux, l’héritage de Merrheim et des combats des minoritaires de guerre, tout cela demande à être mieux éclairé.

En tout cas, Lyon ne fut pas seulement, pour s’en tenir à la IIIe République, la ville où naquit en 1886 le syndicalisme guesdiste, et un des hauts lieux des premiers syndicats catholiques, notamment féminins, mais pendant deux ans la capitale reconnue de l’anarcho-syndicalisme français

Claire Auzias

(1) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, tome 2 : de 1914 à nos jours, Paris, Maspero, 1975, 439 p.

(2) Cet article renvoie à ma thèse : Mémoires libertaires, Lyon 1919-1939, Université Lyon II, 1980, 428 pages, annexes, biblio. Le point de départ est une recherche d’histoire orale du mouvement anarchiste entre les deux guerres, constituée d’un corpus sonore de 65 heures d’entretiens, avec des militants nés entre 1890 et 1918, complétée d’un dépouillement d’archives écrites pour les questions d’histoire sociale absentes de l’historiographie restituée par les sources orales. Les archives de cette recherche, enregistrements, documents privés, biographies, photographies ont été déposées à l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam, section Anarchisme, sous la direction de Rudolf de Jong.

Je remercie mes collègues et camarades J.-L. Pinol, R. Bianco et C. Maignien qui ont relu et corrigé cet article et m’ont apporté d’appréciables critiques. Je remercie tout particulièrement Madeleine Rebérioux, pour son exigence éclairée et chaleureuse.

(3) Cf. A. KRIEGEL, AUX origines du communisme français, Paris-La Haye, Mouton, 1964, 2 vol.; J. MAITRON et C. CHAMBELLAND, Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les archives de Pierre Monatte, Paris, Maspero, 1968 ; et J. CHARLES, « A propos de la scission syndicale de 1921 », dans Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Les Éditions ouvrières, 1976.

(4) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste…, op. cit., p. 65.

(5) Le Pen in : Compte rendu sténographique du congrès du Bâtiment, Lyon, 1925, p. 48. Sur ces événements, cf. K. AMDUR, « La tradition révolutionnaire entre syndicalisme et communisme dans la France de l’entre-deux-guerres », Le Mouvement social, avril-juin 1987, p. 34-38.

Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, sous la direction de Jean Maitron, puis de Claude Pennetier, est publié actuellement, concernant l’entre-deux-guerres, jusqu’à la lettre Kw (vol. 32). A1 la notable exception de Pierre Besnard, d’Henri Fourcade et de Koch (ou Kock), les militants ici cités n’y figurent pas encore ; toutes les biographies des syndicalistes anarchistes cités dans cet article entre 1919 et 1939 sont déposées à l’IIHS (Amsterdam).

(6) Lettre de la commission executive provisoire de l’UFSA (Besnard-Verdier) aux délégués du congrès fédéral du bâtiment, mairie du 7e arrondissement, Lyon ; Compte rendu sténographique, op. cit., p. 35. Et J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, op. cit.

(7) Le Progrès de Lyon, 20-21 novembre 1926, Archives municipales de Lyon (AML).

(8) Ibid., 26 novembre 1926.

(9) Ibid., 15 novembre 1926. Koch était, au congrès de la Fédération du bâtiment de 1923, le délégué des ouvriers du bâtiment et travaux publics de la région parisienne ; cf. Compte rendu sténographique, op. cit., 1re séance. En juin 1926, il est secrétaire du syndicat des terrassiers du Rhône ; cf. Archives départementales du Rhône (ADR), 10 M 80, 7 juin 1926.

(10) Ibid., 3 novembre 1926.

(11) Ibid., 15 novembre 1926.

(12) Ibid., 3 novembre 1926.

(13) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France (Lyon, 15-16 novembre 1926) », Le Combat syndicaliste, organe officiel de la CGTSR, n° 1, décembre 1926, p. 2: ADR, presse n° 118. Le Progrès de Lyon du 16 novembre 1926 parle de 87 syndicats et 61 délégués.

(14) Résolution du congrès de l’Union Autonome du Rhône, 1er novembre 1926, Le Progrès de Lyon, 3 novembre 1926.

(15) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France », art. cit., p. 2.

(16) Ibid.

(17) Le 27 novembre 1926, le syndicat autonome des métaux de la Seine, tout en approuvant la position de son délégué, Guigui, au congrès de Lyon, « s’incline devant le désir quasi unanime des syndicats autonomes et donne son adhésion à la CGTSR » Le Combat syndicaliste, n° 1, p. 1.

(18) Ibid., Préambule des statuts de la CGTSR, p. 3.

(19) C. AUZIAS, Mémoires libertaires, op. cit., annexe La Charte de Lyon.

(20) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, compte rendu analytique, suite.

(21) Le Progrès de Lyon, 18 novembre 1926.. Les syndicats organisateurs sont: « asphalteurs, bétonniers, apprêteurs sur étoffe, boulangers, brossiers, chocolatiers, confiseurs, biscuitiers, électricité du Rhône, charpentiers en bois et en fer, chauffage, cuisiniers, ébénistes, guimpiers et guimpières, habillement du Rhône, lithographes, maçons et aides, plâtriers, parqueteurs, serruriers, scieries mécaniques, terrassiers, tonneliers, vitriers, dragueurs du Rhône, débardeurs des gares ». Des syndicats de métier, très spécialisés.

(22) Le Progrès de Lyon, 24 novembre 1926.

(23) Ibid., 13 décembre 1926.

(24) Ibid., 20 décembre 1926.

(25) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 3, février 1927, p. 1 et n° 4, mars 1927, p. 2.

(26) Par exemple, la conférence du 9 mars 1927 au cercle syndicaliste de Villeurbanne, sur « les six heures » : Le Progrès de Lyon.

(27) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, avec un article signé F.P. (Fernand Planche?).

(28) Ibid., Une Internationale syndicaliste des métaux, adhérente à l’AIT avait été fondée à Berlin, en septembre 1926.

(29) Ibid., « Les incidents de Lyon » : un article signé du bureau et de la CA de la CGTSR.

(30) Le Combat syndicaliste, n° 5, 1″ mai 1927, p. 1.

(31) ADR, série 10 M : 1er Mai. Le rapport de police se contente de cette approximation numérique. Le Progrès de Lyon du 2 mai 1927 parle d’une « assistance très nombreuse ».

(32) Le Progrès de Lyon, 2 mai 1927.

(33) ADR, série 10 M, 1er Mai, 28 avril 1927 : « prévisions en vue du Premier Mai ».

(34) Le Progrès de Lyon, 13 et 14 août 1927.

(35) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 7, 1er mars 1928, p. 2.

(36) ADR, série 10 M, 1er Mai ; préfet du Rhône à ministère de l’Intérieur, 2 mai 1928.

(37) Ibid., n° 15, octobre 1928.

(38)Ibid., n° 16, novembre 1928. Pour l’affaire Louis-Paul Vial, condamné au bagne militaire pour désertion en 1918, voir C. AUZIAS, Mémoires Libertaires, op. cit., p. 249. Voir également le Bulletin du Comité de Défense Sociale, n° 4, octobre 1928, entièrement consacré à L.-P. Vial : CIRA-Genève, Bro 6368 f (add. R.B.).

(39) Juhel était délégué titulaire du SUB de la Seine en 1925 ; cf. Compte rendu sténographique du congrès de la Fédération du bâtiment, Lyon, 1925, op. cit., p. 55.

(40) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 13, août 1928 et Le Réveil du Bâtiment, 19271932, consultable aux ADR n° 732.

(41) Le Combat syndicaliste, n° 16, novembre 1928, p. 3.

(42) Ce local, ex-restaurant « communiste » entre 1914 et 1917, devint une coopérative d’achat gérée par l’USR jusqu’en 1920, puis fut aménagé par Francis Million, secrétaire de l’Union des Syndicats du Rhône avant 1914, en salle de réunion et de conférences. Divers groupements liés à l’USR y siègent ; le 193 de la rue Du Guesclin est alors usuellement nommé salle Francisco Ferrer. Après l’exécution de Sacco et Vanzetti, ce lieu fut renommé en leur mémoire.

(43) ADR, 4 M 260, Police Politique (PP), 27 octobre 1916.

(44) Selon l’étude de S. JOSPIN, La CGTSR à travers son journal (1916-1937), maîtrise, Université de Paris I, 1974, p. 102, l’expression syndicalisme révolutionnaire est abandonnée dans le Combat syndicaliste au profit d’anarcho-syndicalisme, synthèse d’anarchisme et du syndicalisme. Pour Boudoux, « l’anarcho-syndicalisme fut et reste l’épine dorsale du syndicalisme révolutionnaire ».

(45) Depuis le travail de Samuel Jospin, une thèse est en cours sur la CGTSR pendant l’entre-deux-guerres (Bernadette Siriex).

Le Mouvement social, supplément au n° 144, 1988. Les Éditions ouvrières, Paris


https://anarchiv.wordpress.com/2018/01/ ... re-auzias/
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 03 Fév 2018, 15:58

James Guillaume et les instituteurs et institutrices syndiqué.e.s face à la répression gouvernementale (1912-1913)

Le 1er octobre 1910 est publié le premier numéro de l’hebdomadaire L’École Émancipée qui diffuse les idées politiques et pédagogiques des instituteurs et institutrices syndiqué.e.s.

James Guillaume a suivi la mise en place du syndicalisme dans l’enseignement primaire en éditant l’article « Syndicats d’instituteurs » par Émile Glay dans le Nouveau dictionnaire d’instruction primaire (1911), alors qu’il en est le secrétaire de rédaction. Cet article rappelle la répression que connurent les syndicats d’instituteurs et d’institutrices qui avaient voté le 29 mars 1907 l’adhésion à la Confédération générale du travail (CGT) lors du congrès de Nantes.

... https://jguillaume.hypotheses.org/1960
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede bipbip » 14 Mar 2018, 17:13

L'action syndicale et les anarchistes
Paul Delesalle

Conférence faite à la Bibliothèque d'éducation libertaire de Belleville, le 17 mai 1900

PDF : http://www.cedias.org/index.php?lvl=not ... &id=13388#
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Re: Histoire du syndicalisme révolutionnaire en France

Messagede Pïérô » 14 Sep 2018, 06:37

Una Séença à la Boursa plata, Illustration du syndicalisme révolutionnaire sétois 1882-1910 par Alain Camélio

Marseille, samedi 15 septembre 2018
à 17h, CIRA, 50 rue Consolat

Image

Una Séença à la Boursa plata, est le titre d'une pièce de propagande anarchiste publiée en 1905 à Sète, en occitan et en français, par le charretier Pascal Verdale.
Au cours d'une réunion syndicale à la Bourse du travail, on débat de l'impérieuse nécessité d'augmenter ou pas la cotisation — (les caisses sont vides !) —, pour que les représentants syndicaux puissent continuer leurs déplacements dans toute la France.
C'est l'occasion pour l'auteur de condamner, par l'intermédiaire du personnage de l'anarchiste syndiqué, les dépenses exagérées de ces délégués qui cumulant les mandats syndicaux, sont plus attachés à défendre leurs privilèges que les intérêts des ouvriers.

Alain Camélio propose de retracer l'ambiance et l'histoire sociale, économique et culturelle de ce moment, plus particulièrement à Sète (Hérault), où l'idée de créer une nouvelle société germait dans l'esprit des travailleurs. Il était question de sécurité du travail, de la place des ouvriers dans la société, de se prendre en charge sans rien attendre d'une République trop timorée, proclamée à Sète le 5 septembre 1870.
De plus les réformistes, les syndicalistes et les anarchistes entretenaient dans la ville un climat « d’insurrection permanente ». Il faudra attendre le congrès d'Amiens d'octobre 1906, où la CGT réaffirmait l'autonomie ouvrière, pour que les syndiqués cessent de se considérer comme des révolutionnaires. Ils préféreront dorénavant se mobiliser pour des mesures plus concrètes comme l'augmentation du salaire ou la réduction de la journée du travail, avant d'être balayés par le cataclysme de 1914.

Una séença à la Boursa plata : 1 : illustracion dau sindicalisme revolucionari setòri par Alan Cameliò. Institut d’estudís occitans Lengadòc, 2017. 463 pages. Texte en occitan. 25 euros.
Una séença à la Boursa plata : 2 : illustration du syndicalisme révolutionnaire sétois par Alain Camélio. Institut d’estudís occitans Lengadòc, 2017. 504 pages. Texte en français. 25 euros.

Ces deux ouvrages seront en vente au CIRA le jour de la causerie.

http://cira.marseille.free.fr/includes/ ... debats.php
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