La horde d’or, entretien avec Nanni Balestrini et Sergio Bianchi - Journal de traduction
Italie, 1968-1977 : la grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle
La horde d’or retrace un pan de l’histoire italienne récente : « 1968-1977 : la grande vague révolutionnaire et créative, politique et existentielle ». L’orda d’oro est un livre documentaire si l’on veut. C’est aussi un livre d’histoires, une boîte à outils, une auto-enquête, un recueil de chansons, une collection de tracts, un récit nombreux aux fils entrecroisés, un livre partisan qui ne dit jamais « je » mais met en présence des énoncés multiples et singuliers. C’est surtout à ce jour le seul livre qui évoque aussi complètement le foisonnement théorique, culturel et langagier, et la grande inventivité sociale qui caractérisèrent cette période en Italie.
Lorsque Primo Moroni, Nanni Balestrini et leurs camarades commencent à écrire L’orda d’oro en 1987, leur premier geste consiste à rassembler dans une pièce la littérature grise et volante des années 1960-1970.
Nous sommes au milieu des années 1980, les années « de la peur, de l’indifférence, des trahisons, de la solitude, de l’héroïne et de l’exil » (Sergio Bianchi). L’ère des contre-révolutions est en train de recouvrir de silence les questions qu’avaient ouvertes le long mai italien : la place du travail et des espaces collectifs dans la métropole grandissante, la question de l’enseignement et de la circulation du savoir, la mutation du capitalisme et des subjectivités.
Primo Moroni avait conservé beaucoup de documents de ces années-là. À Milan, sa librairie, la Calusca, accueillait depuis 1971 les publications du mouvement. Livres politiques et de littérature, poésie, histoire, bande-dessinée, revues en nombre ; on y venait aussi pour prendre un tract, déposer son dernier album autoproduit. Pour écrire L’orda d’oro, ces documents seront coordonnés aux bibliothèques de plusieurs camarades. Un ensemble d’écrits seront mis à contribution pour effectuer la traversée de cette période. Le tout formant comme une grande boîte d’archives, une bibliothèque. Un collectif provisoire, réuni à Rome puis à Milan, décide d’ouvrir cette boîte, pour raconter à nouveau.
Nous avons fait le choix d’une traduction all’aperto - à ciel ouvert. D’abord parce que ce livre a été conçu et écrit à plusieurs, mais surtout parce qu’il se donne comme la chambre d’écho de dizaines, de centaines de voix, celles d’un mouvement composite, hétérogène, inassignable. Mais aussi parce que traduire est un temps qui offre toujours l’occasion de découvertes et de rencontres qu’un texte donné sous la forme finie d’un livre, ne peut faire partager. Ce pourrait être exactement cela traduire L’orda d’oro et composer ce journal : remettre les matériaux sensibles qui composent le livre dans un espace commun, remettre en jeu ces histoires de ville, aujourd’hui.
Des documents, des entretiens, des extraits de cette traduction trouveront place dans ce journal. Des rendez-vous à la librairie Folies d’encre à Saint-Denis, qui accompagne cette traduction mais aussi des temps de lecture collective et de recherche, trouveront également écho dans ces pages. Ce journal, en ouvrant le livre sur le présent, sera la trace d’un processus de (re)découverte d’une histoire, alors même que sa judiciarisation ne cesse aujourd’hui encore d’en brouiller la mémoire et les prolongements, empêchant toute approche matérielle de cette période.
Nous traduisons l’orda d’oro, journal de traduction n° 1, septembre 2008
À Rome en juillet [2008], nous avons rencontré Nanni Balestrini et Sergio Bianchi. Ils reviennent ici sur la composition du livre et ses préalables.
...
http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8487