Lettre ouverte de l’assemblée des mal-logé·e·s et sans logement à la mairie de Grenoble
Lettre ouverte concernant l’avancée de nos revendications suite à la réquisition du 6 rue Jay
Messieurs,
Suite aux réponses orales de la mairie concernant nos revendications, nous écrivons une lettre ouverte afin d’exposer publiquement la situation. Depuis le début de l’hiver 2015, l’Assemblée des mal-logé.e.s et sans logement, composée de locataires précaires, de personnes à la rue ou mal-logé.e.s, de collectifs et d’associations, porte des revendications qu’elle a exposé aux pouvoirs publics, notamment à la Préfecture de l’Isère et à la DDCS (État, principal responsable des politiques d’hébergement et de logement), au Conseil Général de l’Isère (responsable du bailleur social OPAC38, de l’Aide Social à l’Enfance et de l’aménagement du territoire), à la Métro (dont les nouvelles compétences portent sur le logement social et l’hébergement) et à la mairie de Grenoble ville-centre dont la majorité municipale fait partie du groupe politique majoritaire à la Métro.
Nous sommes conscients que les responsabilités concernant la situation du mal logement dans l’agglomération sont partagées par tous les pouvoirs publics, c’est pourquoi nous les avons tous interpellés pour leur rappeler nos revendications principales :
- Gel de toutes les expulsions sur l’agglomération grenobloise.
- Mise à disposition des logements et bâtiments publics vides de l’agglomération.
- Baisse et encadrement des loyers comme politique de prévention des expulsions.
Suite à diverses mobilisations sans résultat concernant ces revendications (seules des réponses expérimentales et au cas par cas ont éventuellement pu être apportées), nous avons décidé d’occuper un bâtiment vide appartenant à la ville de Grenoble, afin de loger certain.e.s d’entre nous et surtout d’appuyer, par cette action, l’avancée de nos revendications en direction de la ville-centre, dont nous rappelons ici les engagements électoraux en matière de logement (soit les engagements de campagne n°72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 83 et 115, cf annexe). Depuis le mercredi 8 juin, nous occupons donc le bâtiment du 6 rue Jay et vous demandons, mairie, de mettre à disposition vos logements et bâtiments vides, de geler les expulsions sur le territoire de Grenoble et de mener une politique d’encadrement des loyers vers une baisse significative des loyers. Nous ne ressortirons pas de ce bâtiment tant que toutes les personnes sans abri et mal-logées ne seront pas relogées dignement et sans conditions.
Nous rappelons encore une fois ici qu’à Grenoble plus de 2000 personnes sont à la rue alors que de nombreux bâtiments publics et logements sociaux restent vides, en attente de projet ou constituant une réserve foncière. Le manque de logement est entretenu pour des raisons mercantiles et ce sont des choix politiques qui le renforcent. Les nombreuses expulsions sans relogement, contraires à la loi, fabriquent le mal-logement et le « sans-logement ». Les politiques administratives organisent l’exclusion du droit commun et sont une des causes premières de l’impossibilité d’accéder à un logement, que l’on soit sans-papiers et/ou que l’on ne réponde pas aux critères bureaucratiques, notamment en termes de ressources. Le mal-logement est une question politique. De plus en plus de personnes sont désormais condamnées à rester à la rue. Depuis la réquisition, nous avons eu un premier contact avec vous le 11 juin où il nous a été fait part d’une demande de visite des locaux occupés pour vérifier l’habitabilité du lieu. S’en est suivi une réunion en présence de MM. Denoyelle et Zloch, qui ont réitéré cette demande de visite comme préalable à toute négociation. L’Assemblée des mal-logé.e.s et sans logement a posé à cette occasion une demande de document écrit actant l’occupation et garantissant qu’il n’y aurait pas d’expulsion pendant toute la durée de la négociation. Cette demande de garantie de la part de l’Assemblée s’appuie et s’explique par des expériences antérieures de plusieurs de ses membres (collectifs et associations) avec la mairie de Grenoble : des promesses de relogement aboutissant à des évacuations sans relogement pérenne (bidonville d’Esmonin, campement de Flaubert) ; des menaces d’expulsion de maisons occupées (101b rue d’Alembert, rue des Alliés, rue Léon Blum) ; des tentatives de conventionnement non abouties (rue d’Alembert, chemin de Robespierre) ; l’expulsion violente d’une occupation dans le cadre d’une mobilisation (rue des Eaux claires). MM. Denoyelle et Zloch nous ont répondu qu’ils allaient faire part de notre demande aux élus et nous donner réponse. Ils ont ajouté qu’ils commençaient à travailler, depuis peu, sur des solutions dans le « logement interstitiel », mettant en avant une expérimentation en cours. Au bout de plusieurs semaines et de nombreuses sollicitations téléphoniques et par mail, nous obtenons enfin une réponse orale de votre part : il n’y aura pas de document de garantie sans visite préalable. Vous nous affirmez au téléphone, par la voix de M. Denoyelle, que vous n’expulserez pas sans procédure, mais que vous refusez de le poser par écrit. La demande d’une visite préalable s’appuie toujours sur votre volonté de vérifier « l’habitabilité » des lieux occupés, sans qu’aucune précision ne nous soit donnée. Pour nous, un document donnant votre définition de l’habitabilité des bâtiments nous concerne au premier chef et nous avons pour ce faire, à plusieurs reprises, proposé de construire un atelier d’auto rénovation eu égard à l’ensemble des compétences présente au sein des personnes à la rue. Si le bâtiment n’était pas considéré comme « habitable » suite à la visite, vous évoquez le fait que la mairie pourrait éventuellement réfléchir à la mise à disposition d’un autre bâtiment, mais vous précisez ne pas avoir connaissance d’un autre bâtiment disponible. Sur la question de l’habitabilité, nous répondons que la rue n’est certainement pas un habitat digne, c’est au contraire un endroit de mise en danger. Nous rappelons que 25 % des personnes à la rue ont moins de 25 ans et que de plus en plus de femmes et de personnes malades sont à la rue. Après rappel de nos revendications générales et politiques, des bribes de réponses nous sont données, toujours à l’oral :
- la marie évoque une hypothétique convention d’occupation temporaire, sans documents à l’appui hormis la demande de visite préalable.
- la mairie ne connaît pas de bâtiments vides habitables appartenant à la ville. Si nous, assemblée, connaissons des bâtiments dans ce cas, nous pouvons leur donner des adresses et la mairie nous dira s’ils sont réellement habitables.
- la mairie a des bâtiments de bureaux qui sont vides mais nécessitent un budget pour les rendre habitables, la mairie mène sur ces bâtiments une politique de vente pour renflouer son budget.
- la mairie n’a pas de pouvoir sur la Métro.
- la mairie nous conseille de nous adresser à la préfecture.
Dernièrement enfin, le mardi 16 août, nous recevons un mail lapidaire de M. Zloch, nous menaçant d’ouvrir une procédure judiciaire à notre encontre pour occupation sans droit ni titre si nous n’acceptions pas une visite du bâtiment par les services de la mairie sous quinzaine, dans le cadre d’une éventuelle contractualisation le temps que le bâtiment trouve acquéreur. Aucune mention n’est faite au document actant l’occupation que nous demandons, aucune réponse aux inquiétudes légitimes des habitant.es, et aucune réponse politique claire et par écrit apportée à ses revendications générales.
Nous demandons qu’une politique concrète d’accès au logement soit mise en place à Grenoble, et que soient enfin pris en compte les besoins primaires de tous les habitant.e.s. – La mairie de Grenoble peut et doit prendre une position claire pour geler les expulsions sur le territoire de la ville (logements sociaux, squatts, campements) tant qu’il n’y a pas de relogement pérenne préalable. – La mairie de Grenoble peut et devrait mettre en place un service chargé de répertorier et gérer la mise à disposition des bâtiments publics vides, logements sociaux où elle est partie prenante y compris, afin de mener une politique exemplaire d’hébergement allant vers le logement pérenne. – La mairie de Grenoble peut et devrait réfléchir à une vraie politique de prévention des expulsions locatives basée sur l’encadrement et la baisse des loyers. – La mairie de Grenoble peut et devrait porter une position politique claire et publique à la Métro et vis-à-vis de la préfecture en faveur de vraies politiques d’accès au logement.
La mairie de Grenoble pourra alors affirmer légitimement qu’elle fait tout ce qu’elle peut et n’accepte pas de voir toutes ces personnes sans logement et mal-logé.e.s sur son territoire sans réagir.
L’Assemblée des mal-logé·e·s et sans logement