Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 31 Oct 2015, 11:36

Des militants empêchent une commission rogatoire à Tarnac

Une opération policière franco-allemande a visé mercredi une maison de Tarnac, où vit Julien Coupat, soupçonné de sabotages de lignes SNCF en 2008, mais s’est heurtée à l’opposition de manifestants masqués. D’après des témoins interrogés par la presse locale, des policiers français, assistés par des policiers allemands, ont voulu perquisitionner une maison à Tarnac, mais se sont heurtés à l’opposition de plusieurs dizaines de manifestants masqués, et y ont finalement renoncé.

Une enquête de la police judiciaire fédérale allemande pour des faits de sabotage contre le réseau ferré commis dans les années 90 avait fait apparaître en 2008 le nom d’une jeune femme, relation de Julien Coupat. Elle avait toutefois bénéficié d’un non-lieu aux termes des investigations. C’est ce qui expliquerait cette descente policière. Dans le dossier Tarnac, les huit inculpés ont été renvoyés par un juge d’instruction en correctionnelle. Toutefois, la juge a abandonné la qualification de « terroriste », ce qui a provoqué un appel du Parquet.

http://www.secoursrouge.org/France-Des- ... e-a-Tarnac
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 29 Juin 2016, 14:10

« Un procès en sorcellerie »
Affaire Tarnac. Après 8 ans de chasse aux sorcières, la justice ne les jugera pas pour faits de terrorisme

Souvenez-vous, c’était il y a 8 ans. Les médias dominants n’en pouvaient plus de joie : notre grande et fière police française avait réussi à arrêter de dangereux malfaiteurs reclus dans un petit village de Lozère. C’était « le groupe de Tarnac », autour de leur « leader » Julien Coupat, auteur-fantôme du pamphlet L’insurrection qui vient. Tout feu tout flamme, Sarkozy président et sa ministre Michèle Alliot-Marie décrétaient la guerre à « l’ultra-gauche », aux « anarchos-autonomes », et à ses dangereux terroristes qui... retardent des trains. En 2008, 10 personnes du « groupe de Tarnac » avaient été interpellées, dans le cadre d’une enquête sur cinq actes de sabotage de ligne SNCF, mis à l’arrêt à l’aide d’un crochet posé sur un caténaire.

Depuis lors, c’est un véritable feuilleton judiciaire qui a commencé. Un feuilleton qui n’est pas dû à la prolifération de preuves à charge - qui manquent cruellement en réalité - mais à la volonté du pouvoir politique d’abattre ce nouvel ennemi de « l’ultra-gauche », quitte à faire tomber le masque d’un Etat autoritaire. Les services de police reconnaissent en effet n’avoir aucune preuve formelle, autre que quelques écrits, et la présence des suspects près des lignes de TGV sabotées. Par la suite, des révélations feront état d’un dispositif de police colossal autour de la petite épicerie tenue par le groupe, notamment des micros et des filatures, tous placés sous le « secret de la défense », en dehors de tout cadre légal. De quoi créer un ennemi public numéro 1, qui encore aujourd’hui hante les esprits du gouvernement, comme en témoigne les récents propos de Manuel Valls : « Tous les casseurs trouveront la plus grande détermination de l’Etat, ces black blocs, ces amis de monsieur Coupat, toutes ces organisations qui, au fond, n’aiment pas la démocratie », déclarait-il le 17 mai dernier à l’Assemblée Nationale. Et pour tous ces gens-là, comme pour apparemment tous les manifestants ou grévistes de ces derniers mois, une seule qualification : terroristes.

C’est du moins ce qu’espérait le parquet, mais la Cour d’appel de Paris vient à nouveau de le mettre en tort, comme l’avaient fait les juges d’instruction. Les inculpés ne seront en effet pas jugés pour terrorisme, mais pour association de malfaiteur, en correctionnelle.

... http://www.revolutionpermanente.fr/Affa ... r-faits-de
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 17 Aoû 2016, 13:28

Tarnac, une affaire d'Etat

Retour sur une affaire qui aura défrayé la chronique : manipulations politiques, dérives policières, curée médiatique... tous les ingrédients d'une affaire d'Etat.

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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Denis » 28 Sep 2016, 17:15

Bernard Squarcini a besoin de notre soutien (second degré)

Cher Bernard,

Faut-il que la sagesse de ce monde soit devenue folle pour qu’à ton tour, tu te retrouves en garde à vue ! Toi, l’honnête homme, toujours prêt à rendre service à un ami en difficulté. Toi, la créature secourable qui jamais ne laissait un puissant sur la touche. Toi qui t’excusais devant l’un d’entre nous qui te croisait par hasard, il y a quelques années, dans une librairie de la rue Mouffetard, du tort que tes services nous avaient fait, jurant que tu n’y étais pour rien et rejetant courageusement la faute sur Michèle Alliot-Marie et la justice antiterroriste. Décidément, quelle série noire ! Quelle malédiction ! Comme si tous ceux qui avaient touché, de près ou de loin, au dossier de Tarnac devaient finalement être punis par un destin aussi impitoyable que la malédiction de Toutankhamon. Le juge d’instruction Fragnoli : muté à Papeete. Yves Jannier, l’irréprochable chef du pole antiterroriste d’alors, devenu procureur à Pontoise : viré pour quelques petits arrangements avec la vérité sur la mort d’Adama Traoré, alors qu’il ne voulait qu’apaiser la situation. Michèle Alliot-Marie : renvoyée dans les poubelles du gaullisme pour une amitié trop sincère avec Ben Ali et ses forces de l’ordre. Christian Bichet, le RG qui nous aimait tant, tellement qu’il ne vivait que pour nous détruire : viré et en dépression. Sarkozy, n’en parlons pas : il a tant de chiens à ses basques qu’il court après le poste sans intérêt de président de la République. À ce compte, il ne manquera bientôt plus que Jean-Claude Marin, l’ex-procureur de Paris, l’homme de la « cellule invisible », qui, à l’heure qu’il est, doit être en train de préparer son réquisitoire contre nous devant la cour de Cassation, et dont le teint excessivement rougeaud nous fait craindre à toute heure une embolie cardiaque. Quel désastre ! Et quel ravage !

Mais surtout quelle catastrophe pour la République ! Comment allons-nous continuer à croire en la police de notre pays, si même le chef de la sécurité intérieure est un mafieu ? Comment allons-nous continuer à croire en la justice de notre pays, si même le chef du pôle antiterroriste est un menteur ? Comment allons-nous continuer à croire en la démocratie, si nos ministres gueuletonnent avec des dictateurs ? Tout cela n’aurait donc été qu’illusion ? La République n’aurait été qu’une mafia soigneusement entretenue, de décennie en décennie, et dont l’unique mérite aurait consisté à magouiller avec discrétion grâce à la complicité de journalistes pas trop regardants ? Imagine ce que cela peut induire dans l’esprit de tant de nos ex-codétenus d’imaginer que le chef du Quai des Orfèvres n’était qu’un corrompu parmi les autres ! Que le chef de l’OCTRIS organisait personnellement les plus grosses livraisons de cannabis du pays ! Rien ne va plus, décidément.

Permets-nous de t’adresser ce petit conseil, un conseil d’ami bien entendu, et gratuit pour une fois, car ta situation est relativement désespérée. Il n’y a plus, de nos jours, de véritable opération politique que policière et plus de grosse opération policière que politique, or ce ne sont pas exactement tes amis qui tiennent le manche actuellement. Il ne te reste donc plus qu’une seule chose à faire : par tes avocats, appelle à la constitution, partout en France, de comités de soutien à Bernard Squarcini, le crucifié du jour. Évidemment, nous ne prétendons pas qu’il s’en formera autant que ceux qui t’ont empêché de nous écraser comme des mouches au lendemain de nos arrestations. Mais enfin, ne peux-tu demander à tes amis, qui sont nombreux malgré tout, même s’ils doivent un peu se cacher en ce moment, de lancer discrètement, chacun dans leur ville, des réunions pour dénoncer l’injustice dont tu es victime et faire connaître ton cas ? N’hésite pas à utiliser le fichier des adhérents de l’UMP, qui ne manquent généralement pas de liquidités, pour abonder la caisse de soutien. Fais feu de tout bois. Et surtout ne pactise pas avec l’ennemi. Sois digne (Digne, tu sais, comme cette ville où tu allais encore passer tes vacances il n’y a pas si longtemps) ! Quitte ce petit air patibulaire et roublard, qui convenait bien au temps de ta superbe, mais joue terriblement contre toi maintenant que tu es au plus bas, en ajoutant à ta mine louche ! Cesse de faire le Corse ! Et surtout, dès ta sortie de garde-à-vue, dénonce une manœuvre politicienne visant à discréditer Nicolas Sarkozy, on ne sait jamais : sur un malentendu, ça pourrait marcher.

Voilà, tout ça en espérant que tu n’iras pas en taule, parce que la taule, c’est sympa, il y a plein de gens super chouettes, mais la bouffe est dégueulasse et pour obtenir des cigares, il faut graisser la patte aux matons. Et tu n’as pas besoin de cela en ce moment.
Allez, bonne route, mon gars. Si tu as besoin d’autres conseils, nous, on est toujours là pour aider : So-so-so-solidarité avec les prisonniers !

Des mis en examen dans l’affaire dite « de Tarnac »

https://lundi.am/Bernard-Squarcini-a-be ... re-soutien
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Denis » 14 Déc 2016, 22:10

Tarnac : la Cour de cassation doit statuer sur la notion de terrorisme

Les inculpés écrivent au président.
paru dans lundimatin#85, le 13 décembre 2016

C’est un dossier qui n’en finit plus. Le parquet antiterroriste ne veut pas en démordre, les mis en examen dans l’affaire de Tarnac doivent être jugés pour terrorisme. Comme le relate Le Monde, la Cour de cassation doit se pencher aujourd’hui sur le 3e appel du ministère public. Le livre L’insurrection qui vient suffit-il à qualifier une entreprise politique de terroriste ?
Le choix du rapporteur interroge, il s’agit du juge Ricard, ancien bras droit de Jean-Louis Bruguières, conseiller de Michèle Alliot-Marie en terrorisme.
Si les inculpés ont choisi de ne pas se présenter ni d’être représentés lors de cette audience, ils ont par contre adressé une lettre à la cour que nous reproduisons ici.

https://lundi.am/Tarnac-terrorisme-ou-simple-delit

Paris, le 7 décembre 2016

Monsieur le Président,

Le Parquet antiterroriste qui, dans cette affaire, a fait montre d’une remarquable constance dans l’aveuglement, s’est donc pourvu en cassation contre l’arrêt de la Chambre, après avoir perdu son appel contre l’ordonnance des juges d’instruction. On peut y voir une marque de cohérence ou d’entêtement ; les observateurs les plus détachés y ont vu une folie furieuse. Nul n’ignore en France, du moins parmi ceux qui se sont un peu renseignés, que l’affaire de Tarnac est un montage politique. Des livres entiers, des centaines d’articles, des enquêtes-fleuves en ont mis à nu une bonne partie des dessous ; et ils sont tous scandaleux. Alain Bauer, l’un des initiateurs de l’affaire, en est réduit depuis des années maintenant à ironiser sur le sujet, et à railler sa qualification terroriste. La 17e chambre du TGI de Paris a relaxé notre conseil, Jérémie Assous, sur le fondement de l’offre de preuve, conformément aux réquisitions de la chef même de la section concernée du Parquet. Jérémie Assous était donc bel et bien fondé à qualifier l’OPJ Bruno Mancheron, l’auteur du faux PV D104 et de tant d’autres faux dans cette procédure, de « faussaire ». Il n’y a que du côté de la section C1 du Parquet que l’on refuse de se rendre à l’évidence : tout cela n’est qu’un immense et flagrant fiasco. À peine a-t-on réussi à sauver les meubles en faisant obstacle, au cours de l’instruction de Paris et de Nanterre, à toutes nos demandes d’actes comme, au reste, à tout ce qui aurait pu contribuer à la manifestation de la vérité. Et pour cause, cela aurait amené, tôt ou tard, à la mise en cause de parties entières des services de renseignement, de l’appareil antiterroriste et bientôt de l’appareil d’Etat. C’était en un sens eux ou nous. On a fait en sorte que ce soit nous, même si cela n’est pas allé sans quelques victimes collatérales. Un juge d’instruction, pris en flagrant délit de partialité et de manipulation, a dû déguerpir. Un agent de la SDAT, censé avoir suivi Yildune et Julien, a prétendu être à la même heure en deux points distants d’une centaine de kilomètres tandis qu’il apparaissait finalement que les présumés saboteurs étaient en fait déjà rentrés à Paris à l’heure supposée du sabotage. Et ainsi de suite. Chaque nouveau rebondissement de l’affaire a marqué aux yeux de tous un nouvelle chute de la Justice dans le ridicule. Et pour nous, nous avons quand même pu accumuler les preuves des faux successifs – ceux qu’il a fallu faire pour couvrir les faux initiaux. Mais de toute évidence, dans ce genre de procédures et sur ce terrain-là, il n’y a pas de lutte à armes égales.

Le non-lieu agrémenté d’excuses publiques de la part de l’État nous a toujours semblé être le minimum qui nous était dû. Cette affaire a suffisamment dévasté nos vies – d’une sorte de dévastation pour laquelle il n’est pas de contrepartie. Il est donc inconcevable que nous venions quémander devant vous le respect d’un arrêt de la chambre de l’instruction qui, tout en revenant sur la qualification terroriste, valide les mille autres aberrations de ce dossier. C’est un non-lieu total que nous revendiquons ; et chacun sait que nous l’aurions obtenu de longue date s’il n’avait pas fallu ici protéger des services et des intérêts auxquels on ne peut rien refuser, à commencer par la dispense d’une humiliation publique. Nous laissons donc la Cour démêler la façon dont la Justice va pouvoir se sortir du pétrin où elle s’est mise par sa propre faute.

Avec le temps, et parce que les mécanismes judiciaires sont manifestement faits pour vous exproprier de votre propre destin, nous sommes en quelque sorte devenus les observateurs de notre sort dans une affaire qui, au bout de dix ans, ne nous concerne plus vraiment. Et comme tout observateur, nous avons pris l’habitude de faire des observations. Nous vous les livrons ici.

Il n’a pas manqué, dans ce dossier, de juges d’instruction farouchement partisans, d’experts mandatés pour dire ce que l’on attend, d’auditions arrangées, de contradictions qui crèvent les yeux et sur lesquelles on se garde bien d’enquêter, de subterfuges procéduraux et autres « reconstitutions » scandaleuses. Mais, avouons-le, nous ne nous attendions pas à ce que le rapporteur, supposément « neutre », « objectif », pour l’examen de ce pourvoi devant la cour de Cassation soit le juge Jean-François Ricard en personne. On a donc confié la synthèse « impartiale » du dossier de Tarnac à un homme qui fut le bras droit du cowboy Bruguière dont la postérité retiendra autant le soin à ensabler les procédures gênantes que le rôle dans le procès Chalabi. À un homme qui, aux dires de Marc Trévidic lui-même, dans son livre Au coeur de l’antiterrorisme, voit son rôle de juge d’instruction comme un « combat » contre un « adversaire » contre lequel il faut déployer des « stratégies », avec tout ce que cela suppose d’accommodements avec le droit - « Juger un terroriste, assume-t-il, c’est certes juger un acte terroriste, mais c’est aussi juger une conviction ». Un homme qui fut le conseiller informel à l’antiterrorisme de Michèle Alliot-Marie quand elle était ministre de la Défense avant que celle-ci ne tente de se propulser au poste de Premier Ministre grâce à nos arrestations. Le juge Ricard dont les câbles américains, révélés par WikiLeaks et jamais démentis par personne, ont exposé les singulières conceptions en matière de lutte antiterroriste. Pour rappel : « Le 9 mai 2005, l’ambassade [américaine] narre une rencontre avec le juge Jean-François Ricard. Celui-ci explique que les magistrats tel que lui, spécialisés dans l’antiterrorisme, bénéficient du "bénéfice du doute". Il prend comme exemple le dossier Djamel Beghal, arrêté en 2001 et soupçonné d’un projet d’attentat contre l’ambassade américaine à Paris. "Ricard dit que les preuves [contre lui et ses complices] ne seraient pas suffisantes normalement pour les condamner, mais il estime que ses services ont réussi grâce à leur réputation." » (Le Monde, 29 novembre 2010) Le juge Ricard, donc, qui non content de goûter le flou opportun de l’incrimination d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » (AMT), se vantait à l’ambassade américaine d’avoir acquis une si rare intimité avec les RG, la DST et la DGSE que ces services lui laissaient consulter toutes sortes d’informations non judiciarisables du fait des moyens peu scrupuleux employés pour les obtenir. Un homme, enfin, qui a livré aux autorités américaines quantités d’informations sur des dossiers en cours. On a donc confié la synthèse, pour la cour de Cassation, du dossier de Tarnac, une affaire d’État, à un homme de la raison d’État. C’est à cet apôtre de l’antiterrorisme que l’on a délégué la tâche d’établir les bases du débat quant à la qualification des faits. Quelqu’un a dû juger qu’il devait manquer une pointe de scandale au scandale que n’a cessé d’être, depuis son premier jour, le traitement judiciaire de ce dossier.

Sans surprise, le parti pris du rapport du juge Ricard crève les yeux. Ce qui importe dans ce rapport de part en part hostile, est l’argumentation portant sur l’AMT. Il n’y a en effet, en droit français, besoin d’aucune infraction caractérisée pour être condamné pour terrorisme ; le fait de « participer à un groupement » ayant vocation à « troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » est en soi déjà un « acte terroriste ». Et il suffit à cela d’un « élément matériel » qui peut-être un tract, un simple propos voire un silence. Et d’année en année, on voit ainsi s’étendre la liste des « actes terroristes » - consultation de site, fréquentation, train de vie « injustifié », « soutien », « apologie du terrorisme », etc. L’incrimination de terrorisme ne cesse de s’étendre, en amont, dans le potentiel, le « préventif », et en aval, dans l’infime, le quotidien. Il ne manque pas d’éléments de doctrine pour dénoncer comme une dérive voire comme un naufrage cette évolution du droit pénal, qui ne cesse de se rapprocher de ce que Günther Jakobs a théorisé comme « droit pénal de l’ennemi ». On se reportera ainsi avec profit au numéro 1 de la Revue de Science Criminelle et de droit comparé paru en 2009. On lira avec un égal intérêt le dernier numéro de la Revue de politique criminelle, et notamment l’article d’Olivier Cahn, « Cet ennemi intérieur, nous devons le combattre », ou celui de Virginie Sansico, qui rappelle que la première occurrence, dans le code pénal français, de la notion de « terrorisme » est bien évidemment le fait de Vichy. Curieusement, ce ne sont pas de tels éléments de doctrine, ni même les observations critiques de Julie Alix sur les évolutions de l’antiterrorisme, qui sont cités dans le rapport du juge Ricard. Ce dernier mentionne bien certains passages de sa thèse, mais omet, par exemple, celui-ci : « L’analyse de la criminalité terroriste met en lumière qu’en la matière, seule préside à la décision d’incrimination l’existence d’un besoin répressif. Le constat est donc celui d’une totale instrumentalisation de l’incrimination pénale au service de la politique criminelle antiterroriste ». On ne s’étonnera pas non plus que le juge Ricard ait préféré citer, pour seul philosophe, Raymond Aron plutôt que Michel Foucault, Gilles Deleuze ou Giorgio Agamben. Mais le juge Ricard ne répugne pas non plus aux falsifications mesquines, comme de mentir sur la distance entre deux villes afin de mettre en cause un non-lieu deux fois prononcé en notre faveur – non, monsieur Ricard, la distance entre Baccarat et Vigny est de 90 km par la route la plus courte et de 104 km par la route la plus rapide, et non de 70 km ! Décidément, ce monsieur a de beaux restes de ce talent inquisitorial qui fit sa fuyante gloire.

Nul doute que nous n’oeuvrions, dans la mesure de nos maigres moyens et parmi tant d’autres, à l’advenue d’une insurrection, ou du moins à la mise à l’arrêt d’une société qui va si manifestement dans le mur. Nul doute que cela puisse représenter, aux yeux de certains, un « grave trouble à l’ordre public ». Nul doute que la législation antiterroriste française soit au fond assez brumeuse pour permettre de couronner d’une cassation le monument de forfaitures qu’est ce dossier. Mais si vous deviez arguer de l’Insurrection qui vient pour nous renvoyer devant un tribunal antiterroriste, alors faites-le devant une cour d’assise, et non en catimini devant un tribunal correctionnel. Il vous est loisible de casser tous les jugements précédents, mais n’ayez pas la mesquinerie de priver notre défense d’un authentique procès où l’on peut enfin entendre juges d’instruction, policiers et politiques, que soit mis sur la place publique ce que tout le monde sait ou devine : les mensonges et les faux d’agents assermentés, les manipulations de l’instruction et toutes les intrigues politiciennes qui ont fait cette affaire. Or cela, seule la cour d’assise nous le garantit. Il est crucial que, si un écrit tel que l’Insurrection qui vient devait désormais constituer un « élément matériel » suffisant à caractériser une « entreprise terroriste », ses centaines de milliers de lecteurs à travers le monde en soient avisés. Il faut toute la publicité à une décision à ce point politique. Vous n’oublierez pas, alors, d’incriminer conjointement les lecteurs de Rimbaud :

Industriels, princes, sénats,
Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d’or !

Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
Mon Esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez,
Républiques de ce monde ! »

En vous priant d’agréer…,

Christophe Becker
Mathieu Burnel
Julien Coupat
Bertrand Deveaud
Manon Glibert
Elsa Hauck
Benjamin Rosoux
Aria Thomas
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Denis » 10 Jan 2017, 23:32

Affaire de Tarnac : la justice écarte définitivement la qualification terroriste

http://www.liberation.fr/france/2017/01 ... te_1540320

Par LIBERATION — 10 janvier 2017 à 14:21 (mis à jour à 14:35)

Depuis 2008, Julien Coupat est soupçonné d'être l’un des auteurs d’un sabotage contre des lignes SNCF. Retour sur neuf ans de feuilleton judiciaire.
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Fred1 » 13 Jan 2017, 09:15

Denis a écrit:Affaire de Tarnac : la justice écarte définitivement la qualification terroriste

http://www.liberation.fr/france/2017/01 ... te_1540320

Par LIBERATION — 10 janvier 2017 à 14:21 (mis à jour à 14:35)

Depuis 2008, Julien Coupat est soupçonné d'être l’un des auteurs d’un sabotage contre des lignes SNCF. Retour sur neuf ans de feuilleton judiciaire.


Le mot sécuritaire de la rubrique peut très bien être supprimé,tarnac démontre a quelle points l'organisation de l’antiterrorisme a était conçue autours "de la menace ultra gauche'. je note aussi que la ministre de l'époque proposait c'est service "sécuritaire" a la Tunisie.
Résulta idéologique catastrophique, les service de renseignement conçue avec un anticommunisme primaire "visé l'ultra gauche" et les mouvement sociaux. La préoccupation des renseignement de l'époque conçue dans un but de démolir les mouvement de grévent, ne pouvait pas être efficace ni prévoir se a quoi tout le mondes se doutait. Pourquoi il se sont révélé totalement inefficace contre le terrorisme avéré (et je dit terrorisme, pas la manipulation rhétorique qui visé en particularité une communauté spécifique, par idéologie plus que pour une menace réelle ou quelconque) qui ont agis a plusieurs reprise avec une apparente facilité, ou du moins un minimum d'entrave dans leurs entreprise.

Résulta: des service de renseignement conçue dans une démarche idéologique (de droite) parfaitement inefficace a prévoir des massacre de masses prévisible, 9 ans et un bilant que les direction de médiat ne semble pas trop pressé de publié.

Quant l'ultra gauche est arboré comme une menace intérieure, et qu'on minimise l'idéologie fasciste et raciste de la l'ultra droite, qui nous ont eux habitué au même pratique que les terrorisme, le massacre masse, que dois t'on en conclure?!
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Fred1 » 23 Jan 2017, 00:14

Si on mets en perspective l'affaire de tarmac et c'est dernière proposition, C'est une constante chez cette ancienne ministre de la Défense, Intérieur, Justice et Affaires étrangères de 2002 à 2011.
Source


https://fr.wikipedia.org/wiki/Mich%C3%A8le_Alliot-Marie

Chargée de la réforme des services de renseignement français, elle préside à la fusion de la Direction de la Surveillance du territoire (DST, essentiellement chargé du contrespionnage en France) et de la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG, renseignant le gouvernement sur tout mouvement pouvant porter atteinte à l'État) au sein de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), fondée le 1er juillet 200848, se voulant un « FBI à la française » en matière de renseignement49.


Le 11 janvier 2011 à l'Assemblée nationale, trois jours avant la chute de Zine el-Abidine Ben Ali et alors que la révolution tunisienne prend de l'ampleur, Michèle Alliot-Marie réagit en proposant que « le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type »88. Une grande partie de la presse française analyse sa proposition comme un soutien au régime de Ben Ali89. Elle est critiquée par des parlementaires de gauche ainsi que des associations90; certains demandent sa démission. Michèle Alliot-Marie affirme que ses propos ont été sortis de leur contexte91. Début février 2011, François Fillon admet que Michèle Alliot-Marie, en tant que ministre des Affaires étrangères, avait autorisé la livraison de grenades lacrymogènes à la police tunisienne92, autorisation qu'elle a rendue définitive le 12 janvier93, mais les douanes françaises retardent la livraison en demandant une confirmation93. La livraison est finalement annulée par la ministre le 18 janvier93, quatre jours après la fuite de Ben Ali.



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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Pïérô » 20 Avr 2017, 13:25

Paris, vendredi 21 avril 2017

Discussion
« La gestion policière comme mode de gouvernement »

avec un inculpé de l'affaire Tarnac
• Cantine prix libre toute la journée
• 16h au local de BetonSalon (esplanade Pierre Vidal-Naquet) où nous accueillerons l'un des inculpés de l'affaire Tarnac pour questionner les évolutions récentes de la gestion policière de nos sociétés
• A la fin de la discussion, apéro festif et sound system sur l'esplanade!

Dans la salle BetonSalon (esplanade Pierre Vidal-Naquet de l'université Paris 7), nous accueillerons l'un des inculpés de l'affaire Tarnac pour questionner les évolutions récentes de la gestion policière de nos sociétés.

Les évolutions récentes de l'Etat avec notamment son recentrement assez évident sur sa fonction policière ainsi que son durcissement en tant qu'organe répressif, ne relèvent pas d'un changement de nature de celui-ci mais bien plutôt de l'affirmation même de ce qui est à son fondement : la violence constitutive du droit et de son maintien.

Etat d'urgence permanent, durcissement pénal, surenchère sécuritaire, stratégie de tension permanente dans les quartiers populaires et islamophobie décomplexée, un climat détestable s'installe progressivement dont les effets commencent à se manifester de plus en plus régulièrement dans nos vies.

Deux jours avant le premier tour d'une mascarade électorale dont on viendrait presque à regretter la fin prochaine tant le spectacle pathétique de sa vacuité nous en révèle la triste misère, nous vous invitons à nous rejoindre le vendredi 22 avril à 16h dans la salle Béton Salon de la Halle aux Farines à Paris 7 pour aborder ces questions.

Image

https://www.facebook.com/events/1862136010708745/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 01 Nov 2017, 18:46

Concert et projection de soutien aux inculpés de l’affaire Tarnac

Le comité de Toulouse organise deux soirées, les 2 et 3 novembre, à La Parole errante (Montreuil, métro Croix de Chavaux) en soutien à des inculpés de l’affaire Tarnac qui passent en procès du 14 au 26 janvier 2018 à Paris.

Image

Jeudi 2 novembre

20h : Concert de Jeanne Added

21h : Le Cinéma Voyageur présente Le Dossier Plogoff
Fin des années 1970 après Jésus-Christ. Toute la Gaule est mise au pas de la suprématie de l’énergie nucléaire et de son monde. Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles bretons.nes résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les garnisons de gardes mobiles des camps retranchés alentour. Ainsi, sans potion magique mais avec pierres, cris et recours administratifs, les habitants de Plogoff défient consciencieusement l’État Français. Dans Le dossier Plogoff, réalisé par François Jacquemain en 1980 et dépoussiéré par Synaps Collectif Audiovisuel en 2017, leurs gestes et leurs mots enjambent quelques décennies pour venir nous offrir une indispensable caisse de résonance aux luttes actuelles contre tous les saccages environnementaux. Ceux-là même qui, à Plogoff hier et ailleurs aujourd’hui, sont servis sur leur lit d’exactions diverses et perpétrés avec ferveur par les États et leurs fidèles nervis, comme autant d’offrandes au Dieu croissance.

Vendredi 3 novembre

19h : pizza, buvette et concerts :
- Les Moonshiners
- Gleizkrew et Aymeric Avice
- Aquaserge orchestra
- Baron Rétif & Concepcion Perez

Il y a 9 ans, le 11 novembre 2008, 10 personnes sont arrêtées et accusées d’avoir posés des caténaires sur des voies ferrées lors du passage d’un train castor transporteur de déchets nucléaires, en relation avec une entreprise terroriste.

Après 9 ans d’instruction et de dépôt de plaintes, notamment pour usage de faux, "l’entreprise terroriste" n’est plus retenue, deux des inculpés obtiennent un non-lieu et 8 des mis en examens sont renvoyés devant le tribunal correctionnel.

L’intégralité des recettes de ces 2 soirées est destinée au financement des frais de justice.

P.-S.
La Parole Errante
Dans la grande salle
9 rue François Debergue
Montreuil (93)
Métro Croix de Chavaux

https://paris-luttes.info/concert-et-pr ... utien-8949
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 21 Jan 2018, 16:31

Textes et documents relatifs à l’affaire dite « de Tarnac »

lundimatinpapier #2 – 2008-2018
Textes et documents relatifs à l’affaire dite « de Tarnac »
16 euros – 320 pages
ISBN : 978-2-7071-9887-7

« Détrompez-vous : ce qui nous arrive, à mes camarades et à moi, vous arrive aussi bien. C’est d’ailleurs, ici, la première mystification du pouvoir : neuf personnes seraient poursuivies dans le cadre d’une procédure judiciaire "d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ", et devraient se sentir particulièrement concernées par cette grave accusation. Mais il n’y a pas d’"affaire de Tarnac" pas plus que d’"affaire Coupat". Ce qu’il y a, c’est une oligarchie vacillante sous tous rapports, et qui devient féroce comme tout pouvoir devient féroce lorsqu’il se sent réellement menacé. »

C’est ainsi qu’en mai 2009 Julien Coupat, détenu à la prison de la Santé, répond à la journaliste du Monde qui l’interroge sur ce qui lui arrive. En mars 2018, les mis en examen passent finalement en procès, au terme de rebondissements sans nombre. À cette occasion, lundimatin publie une sélection des textes, documents et interventions publiques ayant marqué ces dix ans de procédure, d’acharnement et de controverse. Dans ce recueil qui se veut de référence, on trouve aussi bien les tribunes des inculpés parues dans la presse qu’une conférence de Giorgio Agamben sur Tiqqun, des lettres de défi aux juges autant que des articles d’Eric Hazan, Serge Quadruppani ou François Gèze, un criminologue entarté autant qu’un selfie devant la résidence du patron de la DGSI, un gros singe jaune comparaissant devant un juge antiterroriste autant que des appels à soutenir les révoltés de Villiers-le-Bel ou à bloquer un convoi de déchets nucléaires. Ce qui se lit au fil du recueil, c’est aussi bien la chronique d’une affaire judiciaire que des dix dernières années de la vie en France – dix ans au cours desquels l’antiterrorisme est visiblement devenu ce qu’il est essentiellement : un mode de gouvernement. Voilà donc une lecture, et une affaire, qui éclairent le présent.

Présentation

Comme beaucoup à l’époque, notre rédaction a été passablement marquée par l’affaire dite « de Tarnac ». Les années ont passé, mais le souvenir en est resté tenace. C’était un 11 novembre, en 2008, vers six heures du matin, des lampes torches et des portes défoncées à coups de béliers, des dizaines et des dizaines de policiers cagoulés, l’arme au poing. Paris, Rouen, Baccarat, Limoges, Tarnac. Les meutes de journalistes et les routes barrées, l’hélicoptère qui supervise les opérations de la Sous-direction antiterroriste et de la Direction centrale du renseignement intérieur. Nous n’avons pas oublié, non plus, les gardes à vue de 96 heures ni la prison. Nous nous souvenons de Michèle Alliot-Marie jubilant sur toutes les chaînes d’information et des premiers mots du procureur Marin : « Association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. » Impossible d’oublier, aussi, le déchaînement médiatique, la presse, les radios et les chaînes de télévision, leur morgue unanime, leurs Unes satisfaites, leur scrupuleux suivisme. Le coup de filet était un succès, les terroristes débusqués, la menace neutralisée. On pouvait tranquillement faire les préparatifs pour le bûcher. Tout allait rentrer dans l’ordre.

Nous nous en doutions alors, mais la confirmation n’en vint que plus tard : tout cela ne sortait pas de nulle part. En amont, des années de surveillance, des mois et des mois d’écoutes téléphoniques réclamées de la main du Premier ministre, des filatures sans nombre, des rapports confidentiels dignes de la Série noire, des caméras dans les arbres et devant les maisons, un témoin anonyme de mèche, un espion britannique, les réunions hebdomadaires dans le cabinet de la ministre, les éléments de langage savamment distillés aux journalistes. Il s’agissait de produire la menace, de la profiler, policièrement, judiciairement, médiatiquement. Jusqu’au jour où il suffirait de venir détruire ceux que l’on avait pris soin d’ainsi construire.

Neuf ans plus tard, se replonger dans les archives de l’époque, c’est d’abord se souvenir de l’état de sidération, de stupeur et d’écrasement que produisit cette opération. Les premiers jours ou les premières semaines du moins.

Au lendemain des arrestations, un comité de soutien se réunit à Tarnac. Des jeunes, des vieux, des habitants historiques, des voyageurs de passage. Traînés au beau milieu du champ de bataille, ils ne s’en laissèrent pas conter et rejetèrent en bloc les accusations judiciaires et médiatiques de terrorisme. Très rapidement, des dizaines d’autres comités se constituèrent partout en France mais aussi à l’étranger. Agen, Alès, Amiens, Annecy, Arcizac, Ariège, Aveyron, Barcelone, Beauvais, Berlin, Blois, Bordeaux, Brest, Brive, Bruxelles, Cévennes, Chalon-sur-Saône, Clermont-Ferrand, Couvin-Chimay, Delémont, Dijon, Doubs, Forcalquier, Genève, Grenoble, Indre, Jura, La Roche-sur-Yon, Lausanne, Liège, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Méouge, Montpellier, Moscou, Nancy, Nantes, New York, Ouest-Cornouaille, Oulan-Bator, Paris, Pau, Périgueux, Perpignan, Poitiers, Portugal, Prague, Rennes, Rouen, Saint-étienne, Savoie, Sorbonne, Strasbourg, Suisse, Tarnac, Toulouse, Tours, Tulle, Vaucluse. Des dizaines de réunions publiques furent organisées mais aussi des concerts puis des manifestations. à Oulan-Bator, une banderole de soutien flottait devant l’Alliance Française. à Moscou, c’était l’ambassade de France qui était prise pour cible. à Athènes, huit rames de métro étaient incendiées et l’Institut français était attaqué au cocktail molotov après que toutes ses vitres ont été brisées. Un tag égayait le mur : « De Tarnac à Athènes, c’est l’insurrection qui vient. » C’est bien l’une des particularités de la défense des inculpés de Tarnac qu’elle ait vu s’agréger efficacement des députés écologistes et des incendies nocturnes, des organisations d’extrême gauche et des juristes ; et cela jusqu’à retourner la construction médiatique et policière en une remise en cause de la logique antiterroriste et de ses zélateurs.
C’est cette contre-offensive que racontent les documents compilés dans ce lundimatinpapier. Comment a été ridiculisée la figure monstrueuse des terroristes tapis dans l’ombre et prêts à passer à la lutte armée. Comment L’Insurrection qui vient est passé du statut de pièce à conviction à celui de best-seller. Comment un juge fanatique qui jurait qu’il aurait la peau des mis en examen a fini exilé à Papeete. Comment des contrôles judiciaires draconiens ont été publiquement enfreints. Comment les mis en examens et leurs amis sont parvenus à ne pas se laisser réduire, écraser et détruire au contact de forces qui s’annonçaient bien plus nombreuses, organisées et puissantes qu’eux.

Outre l’intérêt propre de ces archives pour tous ceux qui se sont intéressés à cette affaire et quelle que soit l’issue du procès, ces textes et documents, dont certains datent d’il y a dix ans, se révèlent d’une actualité à la fois saisissante et cruelle. Il est bon de se souvenir aujourd’hui qu’en 2009, intellectuels, figures associatives et politiques s’étaient réunis officiellement dans un comité dont le but premier était l’abrogation des lois antiterroristes ; de se rappeler que, des années durant, les services de l’antiterrorisme comme les lobbyistes du sécuritaire ont été tenus publiquement pour des guignols et des faussaires. Dès juin 2008, soit plusieurs mois avant les arrestations de Tarnac, Eric Hazan ne parlait-il pas déjà de l’antiterrorisme comme d’une « technique de gouvernement » ?
C’est bien là le paradoxe de ce recueil : si l’on se réjouit parfois des traits d’humour et de la relative audace des mis en examen face à leurs inquisiteurs, il nous permet aussi de prendre la mesure de tout ce que nous avons perdu depuis, face à l’antiterrorisme et l’hégémonie de la peur. Le scandale continué de l’affaire dite « de Tarnac » n’a pas empêché, pour finir, que l’état d’urgence devienne l’état de droit, ni que la « lutte contre le terrorisme » ne s’impose comme l’ultima ratio de tout gouvernement. Certes, après que le vent eut tourné, l’épouvantail absurde du militant « anarcho-autonome » ou d’« ultragauche » fut moqué jusque dans les rédactions mêmes qui, quelques mois plus tôt, avaient assuré sa promotion. Mais n’est-ce pas l’exacte même figure que l’on voit réapparaître depuis le mouvement contre la loi Travail ? N’est-ce pas la même cible que les éditorialistes convoquent lorsqu’ils se rengorgent à gloser sans fin sur l’expulsion imminente de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes ?
Ne nous y trompons pas, ce qui se joue dans ces dix années d’épopée judiciaire, médiatique et politique ne tient pas au partage entre coupables et innocents, terroristes glacés ou sympathiques militants. Ce qui se joue là, c’est plutôt la confrontation brutale et logique entre un ordre en crise et la possibilité d’activement lui échapper. Michèle Alliot-Marie voyait juste lorsqu’elle pressentait, en 2007, que la faillite éclatante de la gauche ouvrait la voie au retour d’un certain sérieux politique. à cela près que ce n’est pas seulement la gauche qui ne cesse de sombrer, depuis lors, dans le néant mais la politique tout entière ; et qu’il était donc vain de s’acharner sur un supposé « groupe » d’hérétiques au moment où c’est le dogme lui-même qui s’évanouissait.

La figure du « terroriste » est ce que sécrète un pouvoir mondialisé qui repose sur la surveillance de masse, la gestion spectaculaire des affects, les réseaux technologiques planétaires, la traçabilité généralisée et la dépolitisation méthodique. Le « terroriste » est la virtualité qu’il faut construire et partout présupposer pour justifier l’extension sans fin d’un tel pouvoir. Du temps de l’état moderne, c’était l’ennemi qui constituait une menace ; maintenant, c’est la menace qui constitue l’ennemi. D’où l’irréalité du « terroriste » au regard du « Boche », du « Rouge » ou de tout autre ennemi du passé. D’où aussi tout ce que la lutte contre une menace si plastique autorise d’exorbitant, et que rien d’autre n’aurait pu justifier. De la lecture de vos emails au contrôle de vos paiements en liquide en passant par la fouille de votre sac et de discrètes « visites » domiciliaires.
Seule une civilisation en décomposition peut pousser si loin la crainte que tout lui échappe. Seul un monde qui ne croit plus en soi peut à ce point vouloir tout contrôler. Cela le rend d’autant plus venimeux. Ce que l’affaire dite « de Tarnac » nous apprend, c’est que déserter ce monde, c’est autant déserter le rôle de l’ennemi prescrit que l’injonction à rentrer dans le rang. Par ses archives, le passé ne nous donne pas de leçon, seulement des exemples. Il n’y a, dans la guerre de l’époque, pas d’autre voie que de sans cesse contourner la stratégie de l’ennemi, qui cherchera sans cesse à contourner la vôtre. Rien ne nous dit quel est le prochain mouvement à opérer. Mais tout nous certifie que l’immobilité signifie la mort. Se métamorphoser est la seule fidélité à soi praticable. Tant pis pour les doctrinaires...



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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 24 Fév 2018, 19:35

Textes et documents relatifs à l'affaire dite « de Tarnac »

Présentation de lundimatin papier #2

Mercredi 28 février à Paris, Tschann Libraire, 125 boulevard du Montparnasse, 19h30
Mercredi 7 mars à Paris, Le Merle Moqueur, 51 Rue de Bagnolet, 19h30

https://lundi.am/Presentations-de-lundi ... -chez-vous
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 01 Mar 2018, 16:12

Télévision. La chute rocambolesque du château de cartes de Tarnac

Tarnac, quand tout déraille France 3, 23 h 20
Le documentaire d’Ivan Butel revient, dix ans après, sur l’affaire de prétendus terroristes interpellés en Corrèze. Bientôt jugée à Paris, elle s’est depuis vidée de sa substance terroriste.

Quelques secondes d’images du petit village de Tarnac, au cœur de la paisible Corrèze, sur le plateau de Millevaches, et surgissent des dizaines de policiers en tenue de combat. Ainsi débute le documentaire d’Ivan Butel, sur cette affaire qualifiée par certains commentateurs de l’époque de mise en échec d’une opération terroriste menée par une dite « ultragauche », affaire qui va se dégonfler progressivement comme une baudruche. Les images d’actualité datent du 11 novembre 2008. Les forces de police appliquent les consignes du plan « Taïga », établi à la suite d’« une série de dégradations commises quatre jours plus tôt sur une ligne de TGV ». Précisément dans la nuit du 7 au 8 novembre à Dhuisy, en Seine-et-Marne, où un crochet métallique a été posé sur les caténaires. Le véhicule de Julien Coupat et de sa compagne, Yildune Levy, aurait été repéré aux abords de la voie ferrée. D’où les arrestations dans le village où ils demeurent. Le procureur de la République évoque « un groupe qui s’ancre dans la marginalité ».

Mais assez vite les questions surgissent : si pour les policiers de terrain, qui « suivent » le groupe depuis longtemps, la participation au « sabotage » ferroviaire ne peut pas être écartée, la préparation d’attentats meurtriers leur semble peu probable. La ministre de l’Intérieur du gouvernement Sarkozy-Fillon de l’époque, Michèle Alliot-Marie, entonne à son tour la chanson du dangereux groupe d’« ultragauche », alors que beaucoup pensent plutôt que, si à Tarnac ont trouvé refuge quelques personnes qui ont choisi un « retour à la terre », tout en contestant la politique économique et sociale du pouvoir en place, cela ne conduit pas à une piste terroriste solide. D’autant plus, souligne le film diffusé ce soir, alors que le procès devrait (enfin) s’ouvrir à la mi-mars à Paris, que le rôle très trouble d’un policier anglais, infiltré dans le groupe de Tarnac, aurait orienté l’enquête sur des chemins hasardeux. Divers témoignages viennent aussi souligner la fragilité de ce curieux château de cartes.

Gérald Rossi


https://humanite.fr/television-la-chute ... nac-651300
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede bipbip » 04 Mar 2018, 17:26

INTERVIEW : « Tarnac, quand tout déraille », le docu pour tout comprendre avant le procès

Pourquoi cet intérêt pour l’affaire de Tarnac ?

Yvan Butel : Je travaille régulièrement sur ces histoires d’engagements radicaux en tant que documentariste.
L’affaire de Tarnac a été très spectaculaire et médiatisée avec de multiples rebondissements. L’idée de ce documentaire est venue d’autant plus naturellement que beaucoup d’articles et de reportages existaient déjà. Je m’y suis intéressé tardivement.

Vous êtes très critique vis-à-vis de l’enquête menée par l’antiterrorisme. Pourquoi ?

Les failles de l’enquête judiciaire et la façon dont la justice les a adoubées sans les remettre en question sont unanimement reconnues. Autour de cette affaire, il y avait tout un climat. C’est ce qui fait que les enquêteurs, les magistrats et les responsables politiques ont déraillé. Cette affaire aurait dû être spectaculaire, or elle a traîné pour au final ne quasiment rien donner. J’ai le regard d’un simple spectateur.

... https://france3-regions.francetvinfo.fr ... 31907.html
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Re: Tarnac : quand la répression s’appelle anti-terrorisme

Messagede Pïérô » 09 Mar 2018, 12:59

Soirée de soutien aux inculpés de Tarnac avec concert et repas

Bordeaux samedi 10 mars 2018
à 20h, 7 place Renaudel

Le procès de l'affaire dite "de Tarnac" devrait finalement avoir lieu en mars 2018 après quasiment dix ans de harcèlement judiciaire.

Dix ans d'instruction c'est dix ans de pressions psychologiques, de tourmente médiatique, d'usure subjective, de costards mal taillés qu'il vous est impossible d'enlever et qui vous contraignent dans tout ce qui rend la vie digne d'être vécue...

C'est aussi trouver des sommes délirantes, qui seraient tellement plus utiles ailleurs, pour ne pas se laisser épingler comme des coléoptères pris dans le filet d'un entomologiste maniaque. Bref trouver des sous pour continuer à se défendre, sur ce terrain vicié là, dans cette dernière ligne droite. Et ne pas laisser la ritournelle judiciaire s'en tirer à si bon compte.

L'anti-terrorisme s'est pour une fois peut-être pris les pieds dans le tapis. Reste que d'autres pantomimes judiciaires continuent de s'abattre sur des camarades un peu partout, de Notre-Dame-des-Landes à Beaumont-sur-Oise, de Rennes à Bure, au Quai de Valmy...

Et au vu des derniers mois, des derniers jours, il est à parier que les procédures labyrinthiques et les procès en sorcellerie n'ont pas fini de pleuvoir sur notre saine colère...

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