Report Back from the Battle for Sacred Ground
http://www.crimethinc.com/texts/r/battle/Récit de la bataille pour la Terre SacréeDepuis des mois, des centaines de personnes, comprenant des membres de presque une centaines de peuples indigènes différents, sont mobilisées pour bloquer la construction du Dakota Access Pipeline. Le 27 octobre, la police a attaqué le camp de Sacred Ground, rencontrant une résistance acharnée. Nous venons de recevoir le récit suivant de camarades qui ont participé à la défense du camp. En décrivant les affrontements les plus violents que les mouvements indigènes et de défense de l'environnement de la région ont connu depuis de nombreuses années, ces camarades posent d'importantes questions sur la solidarité dans les luttes.
La Bataille Lorsque nous sommes arrivés le 23 octobre, nous ne parvenions pas à trouver nos contacts, les amis et amis d'amis qui ont été admis au sein du mystérieux camp Red Warrior. Les rumeurs autour du camp disent que l'expulsion de Sacred Ground - seul camp sur le tracé direct du Dakota Access Pipeline - est imminente. La tribu affirme que cette terre est partie du territoire que leur a accordé le Traité de Fort Laramie en 1851 et qu'elle a fait usage de son droit de préemption lorsqu'elle a installé le camp.Nous avons décidé de nous installer au camp de Sacred Ground et de réfléchir à comment nous rendre utiles pour empêcher son expulsion.
Sacred Ground est installé à environ deux miles au nord du camp principal, sur l'autoroute 1806. Le camp principal lui même est juste au nord de la Réserve de Standing Rock, où sont installés deux autres camps NoDAPL, Rosebud et Sacred Stone. Avant d'arriver, nous avons vu des photos de barricades bloquant l'autoroute 1806 au nord du camp de Sacred Ground.
Lorsque nous nous sommes rendus sur place, cependant, nous avons découvert que les barricades avaient été poussées sur les bas côtés de la route, celle la plus au nord transformée en une sorte de poste de contrôle. Selon les personnes qui s'y trouvaient,les dirigeants du camp leur avait ordonné d'enlever les barricades, ce qui revient à permettre à la police d'entrer et d'expulser le camp.
Les "dirigeants du camp" sont des consultants embauchés du Nonviolent Direct Action. Ils utilisent une stratégie classique de désobéissance civile non violente : ils espèrent que les images montrant la police expulsant des personnes en prière leur gagnera la sympathie de l'opinion publique. Les personnes avec qui nous parlons au point de contrôle ne partage pas ce point de vue de toute évidence. Mais qu'est-ce qu'ils y peuvent ? Leurs aînés ont embauchés ces gens pour organiser la lutte.
Après quelques conversations avec les personnes sur les barricades et avec les "dirigeants du camp", il a été décidé que nous laisserions la route ouverte jusqu'à ce que la police arrive et que nous érigerons aussitôt les barricades le plus rapidement possible afin de freiner leur avance. Cela permettra de gagner du temps pour que les personnes qui souhaitent être arrêtées en prière puissent se rassembler et se préparer. Çà vaut ce que çà vaut, mais le plan a été accepté par les "canaux autorisés".
Aussitôt ce plan d'action adopté, un nouveau groupe prend forme et, au milieu de la nuit, une trentaine de personnes que nous n'avions jamais vu charge dans des camions des rondins, des pneus et du fil barbelé. L'énergie est électrique. La possibilité d'une réelle défense physique de ce camp stratégiquement crucial est dans l'air et dans toutes les conversations des gens.
“Je ne sais pas qui sont ces 'dirigeants',” nous dit un gars indigène alors que nous jetons des pneuxs au bord de la route. “Ce ne sont pas mes aînés. Je suis venu ici pour défendre ce camp et je vais faire ce que j'ai à faire.” Nous ne savons toujours pas où se trouvent les légendaires guerriers rouges, mais nous sentons que nous avons trouvé les gens que nous voulions soutenir dans cette bataille.
Voilà le plan : les gens sur la colline, au point de contrôle, constituent la première ligne de défense. Lorsque les flics arrivent, ils occupent la route et commencent une cérémonie de prière. Ils nous informent qu'ils n'ont pas l'intention de bouger avant d'être arrêtés ou pire. Pendant qu'ils bloquent la route, notre travail sera de construire la barricade suivante un quart de mile plus loin pour permettre au cercle de prière de se rassembler dans le camp? Pour nous, ce n'est pas idéal, parce que cela signifie que l'expulsion aura lieu. Mais nous ressentons aussi que nous avons peu de pouvoir dans cette situation. Nous sommes blancs. Nous venons d'arriver. Nous nous disons que, au moins, nous aurons participé à organiser une résistance. La police ne sera pas juste invitée.
Nous organisons des tours de garde toute la nuit, essayant d'identifier tous les objets volants dans le ciel. Est-ce un drone ou un satellite? Est-ce la lune derrière les nuages? Pourquoi est-ce que çà bouge alors? Pourquoi cet avion de surveillance éclaire - t'il par ici ? Pendant des heures, j'ai le sentiment que nous sommes entrés dans un courant historique profond, que ce moment est relié à tous les autres moments où des gens ont attendu pour défendre des barricades contre des ennemis supérieurs en nombre. Nous plaisantons et racontons des histoires, nous faisons attention à chaque mouvement sur la colline, nous spéculons et nous planifions. Nous recevons des nouveaux noms d'après les choses stupides que nous disons ou faisons. La nuit est longue et le soleil est le bienvenu à l'aube.
Le matin, nous apprenons qu'il y a une autre barricade en train de se faire sur un pont de la Route 134, la seule entrés par laquelle la police puisse accéder au camp de Sacred Ground, puisque toutes les autres traversent la réserve de Standing Rock. Apparemment, c'est ce à quoi étaient occupés les Red Warrior, qui n'ont pas l'intention de laisser passer la police. Si cela est réconfortant à entendre, nous ne comprenons pas néanmoins pourquoi la même détermination à défendre physiquement l'espace est absente ici, sur l'autoroute 1806.
Aux alentours de midi, une file de voitures de police apparaît, sirènes hurlantes, mais pas sur l'autoroute. Elles empruntent la voie d'accès à côté du chantier du pipeline, là où il n'y a pas de défenses. Des personnes commencent à stationner leurs voitures pour bloquer la route d'accès et des groupes commencent à se rassembler. Des rumeurs circulent, selon lesquelles la police amènerait des véhicules blindés par l'autoroute. Nous courons à nos postes à la seconde barricade et commençons à jeter des pneus sur la route. Juste à ce moment, un camion s'arrête et en sort un consultant salarié non violent consultant qui est en route pour négocier une arrestation de masse. Il rassemble en cercle les membres de la barricade et prononce un plaidoyer enflammé pour que nous laissions la route ouverte. “Lorsque les gens verront les images de la police nous arrêtant et faisant intrusion dans nos tipis avec des fusils, ils sauront que notre lutte est juste.”
Quelques personnes sont convaincues et commencent à enlever les fils barbelés. Notre groupe a une rapide conversation. Nous ne sommes pas convaincus par ce type, mais nous ne voulons pas être ceux qui désobéissent à ses ordres — nous ne voulons pas aider la police ou les médias à présenter une histoire "d'agitateurs extérieurs" et nous ne voulons pas saboter la possibilité pour d'autres anarchistes comme nous de participer à la lutte. Nous décidons de nous concerter avec les gars indigènes avec qui nus avons passé la nuit sur la barricade. Lorsque nous leur demandons leur réaction à ce discours, la réponse est sans équivoque: “qu'il aille se faire voir.” Exactement ce que nous pensions.
Alors que nous construisons la barricade, nos nouveaux amis nous imposent une règle : construisez autant que vous voulez mais nos aînés ont dit : pas de feu. Nous acceptons. A ce moment, les gens sont rassemblés en haut de la colline au premier point de contrôle; nous commençons à amasser les matériaux de la barricade sur la route, laissant une file ouverte pour que nos gens puissent passer de l'autre côté avant la police. Nous regardons de loin les véhicules blindés approcher de la foule.
Puis une voiture bleue, qui était stationnée près du premier point de contrôle, descend de la colline à toute allure vers nous. Elle se gare, bloquant la moitié de la route. Une femme indigène en sort et crève ses pneus avec un couteau. Un groupe retire ses plaques d'immatriculation, et, bientôt, une autre voiture arrive et bloque l'autre côté de la route de la même façon. Les flics se dirigent vers nous et le bruit courre que l'autre barricade est déjà en feu. Les gens et les chevaux sont rassemblés de notre côté. A ce moment là, le consultant salarié non violent monte sur le capot d'une voiture et essaie de prononcer un discours pour calmer tout le monde. Il peut à peine prononcer un mot avant qu'un jeune indigène ne monte sur l'autre voiture et commence à chanter :
“BLACK SNAKE KILLAZ! BLACK SNAKE KILLAZ!”
Alors que les chants de la foule couvre les paroles du gars qui venait de négocier une arrestation de masse soigneusement orchestrée, la barricade est enflammée et la bataille commence. Des bouteilles et des pierres sont jetées sur les véhicules de police. Mais cela ne dure qu'un instant, avant que un groupe d'aînés et de la sécurité du camp ne commence à repousser les combattants de la barricade. Des invectives et des bagarres éclatent. Des indigènes de tous âges sont de chaque côté de cette longue et attristante bagarre. Ceux qui s'opposent à la confrontation physique réussissent à nous repousser, permettant à la police de former une ligne autour du côté nord du camp où sont rassemblés d'importants groupes.
A ce moment là, un camions se gare au milieu de la route, avec deux personnes dedans. Des madriers sont entassés autour du camion et deux tipis sont montés. quelques-uns essaient de former une ligne contre la police, une douzaine de personnes barrant la route en tenant des poteaux de tipis. D'autres jettent des pierres et des madriers sur les flics et leurs véhicules. Le chaos est indescriptible. Un jeune guerrier à cheval est touché par un tir de tasser et tombe au sol. Tout autour de nous, les gens crient sous les effets du gaz au poivre. Des grenades assourdissantes explosent en l'air, mêlées aux balles de caoutchouc et aux
beanbag rounds 1. Les invectives continuent entre ceux qui veulent résister et ceux qui veulent être arrêtés en priant. Les flics sont déjà dans le camp.
Après une heure pénible, nous sommes expulsés vers ke sud du seul camp qui bloque la construction du Dakota Access Pipeline. Plus d'une centaines de personnes sont arrêtées, beaucoup d'entre elles accusées de "complot de menaces avec incendies" sans tenir compte de leur proximité avec la barricade enflammée. Cela semble calculée pour assécher le fonds d'aide juridique puisque les cautions sont fixées à 1 500 $ par tête. Sacred Ground est perdu.
Émeute dans la prairieAlors que nous nous dirigeons vers le sud, de la fumée s'élève d'une colline à l'est. Quelques personnes clairvoyantes ont tiré avantage du chaos pour incendier du matériel de construction. Cette initiative est accueillie avec des cris de joie. Dans la direction opposée, de la fumée s'élève, provenant d'un camion incendié sur le pont de la Route 134. Des personnes courent au sommet de la colline vers l'est. Il sont les témoins d'une course poursuite: des policiers en tenue militaire poursuivent deux guerriers à cheval, qui ont apparemment ont rassemblé un troupeau de buffles conduit sur la ligne de la police. Les policiers tirent sur les chevaux, tout en essayant de les isoler, pendant que d'autres personnes se démènent pour enlever les fils barbelés pour que les chevaux puissent s'échapper. Ils y réussissent à quelques secondes près. Les ATVs de la police font demi-tour sous nos injures.
Une autre barricade est érigée au croisement de l'autoroute 1806 et de la Route 134. Une foule se rassemble à cette intersection. Il est clair que c'est un nouveau front. Alors que les gens sont en train de manger et de préparer la bataille, un cri s'élève: “Arrêtez le pickup blanc!” Nous courons sur la route pour bloquer un pickup blanc qui arrive du nord. Il bifurque sur la route et accélère. Des pickups amis le prennent en chasse et il est bientôt poussé au bord de la route. Le conducteur, un agent de sécurité du DAPL, qui avait pointé un fusil sur des manifestants sur la colline, sort du pickup, un fusil AR–15 à la main rifle. Il est poursuivit jusqu'à un étang et s'ensuit une heure de face à face. Pendant ce temps, son pickup est pillé, conduit sur la colline et ajouté à la nouvelle barricade. Il est incendié parmi d'autres véhicules donnés à la cause.
Les policiers du Bureau des Affaires Indiennes arrivent du sud, désarment l'agent de sécurité du DAPL et l'arrêtent. Ils laissent tous les autres tranquilles et s'en retournent vers le sud. Pour nous, anarchistes, c'est un événement extraordinaire. Nous avions entendu dire que les policiers du BAI "soutenaient" les manifestants mais nous ne ne nous attendions pas à ce qu'ils traitent le mouvement avec autant de respect. Plus tard, nous avons entendu la rumeur selon laquelle ils avaient vraiment empêché la police d’État d'entrer dans la réserve par le sud, l'empêchant effectivement de nous nasser.
Alors qu'un défilé de véhicules blindés et de Hummers approche, venant du nord, tout le monde se replie sur un pont de l'autoroute 1806. Celui-ci n'est pas sur la réserve mais c'est la seule entrée côté nord. Des troncs entiers d'arbres sont déchargés de camions, constituant une barricade solide. Elle comprend un panneau routier à énergie solaire, dont les batteries ont été habilement expropriées. La barricade prend feu. La police approche et se met sur une ligne.
Pendant les huit heures suivantes, les pierres et les cocktails molotov défendent la barricade; un mur de boucliers en contreplaqué protège des balles en caoutchouc et des grenades lacrymogènes. Les partisans de la non violence sont partis, et l'énergie combative que détenait Sacred Ground apparaît dans sa pleine force.La bataille dure jusqu'aux premières heures du matin, lorsque la police tire un grand nombre de grenades fumigène et utilise cette couverture pour se retirer et battre en retraite, laissant deux camions de transport militaires bloquant la route au nord du pont.
Ces camions sont incendiés et et la bataille du pont est gagnée.
Par la suiteAprès un peu de sommeil, nous nous sommes rendus au pont le lendemain matin et avons trouvé des gens assemblés en ligne au nord des véhicules militaires incendiés. La police et la Garde Nationale étaient en train d'ériger de solides barrières d'autoroute à environ 8 mètres de la ligne - condamnant l'autoroute 1806 en tant que route fonctionnelle mais empêchant aussi les opposants au pipeline de ramener leurs véhicules sur l'ancien site du camp de Sacred Ground.
Il y avait seulement une vingtaine de personnes à tenir la ligne avec des boucliers en contreplaqué; la plupart d'entre eux étaient très jeunes. Des médias et autres fouilleurs de merde rôdaient autour du pont, examinant les restes incendiés de la veille? Au bout d'un moment, un indigène plus âgé est apparu, se plantant devant la ligne et nous a parlé : “J'ai 78 ans. Je suis un aîné. Je suis venu ici pour conclure un accord avec la police pour vous faire tous quitter ce pont.” Un autre vieil homme indigène , qui tenait un bouclier, lui a crié en retour: “J'ai 73 ans et je suis aussi un aîné. Et je dis que nous nous défendrons! Nous tiendrons notre position!”
Bientôt, la "sécurité" du camp est arrivée avec des ordres de leurs aînés pour nettoyer le pont et nous repousser. Ils se tenaient par le bras et formaient une chaîne pour nous obliger à quitter le pont. La tension montait alors que ceux qui voulaient le tenir, indigènes et non indigènes, discutaient les uns avec les autres. Une fois encore, les gens qui étaient"de notre côté", agissant au nom "des aînés", ont fait le travail de la police.
“C'est ce qu'ils ont toujours fait!” nous ont dit ceux qui essayaient de tenir le pont. “Ils nous dressent les uns contre les autres pour nous pacifier”
Les personnes qui nous expulsaient du pont n'avaient pas d'arguments, seulement leurs corps agissant au nom "des aînés", ignorant la contradiction d'expulser des aînés parmi nous.
A la fin de la journée, le pont n'avait pas été seulement évacué mais la sécurité du camp avait aussi formé une ligne à un quart de mile sur la route et empêchait quiconque d'approcher. Les tensions étaient vives à l'intérieur du camp, alors que les partisans de la résistance physique au pipeline étaient en désaccord avec ceux qui croyaient que des arrestations symbolique l'arrêteraient et ceux qui s'intéressaient uniquement sur le rassemblement historique des tribus indigènes divisées par des siècles d'hostilité.
Lorsque nous sommes retournés au camps, nous avons été pris à part par une femme indigène. Elle explique qu'elle a entendu dire qu'il y avait des "agitateurs" dans le camp et qu'elle allait nous garder à l’œil. Elle est convaincu que ce n'étaient pas des indigènes qui s'étaient battus la veille mais des gens de l'extérieur. Un camarade blanc, qui était ici depuis des mois,nous a dit qu'il était surveillé et menacé par quatre hommes indigènes et qu'il n'avait été sauvé que par le fait qu'il connaissait le nom de chacun d'entre eux et qu'il pouvait trouver des guerriers indigène pour se porter garants de lui. D'autres contacts chez les Red Warriors nous firent savoir combien la situation était délicate, nous expliquant que les débats en cours s'étendaient bien au delà de ce que nous pouvions comprendre en tant que non indigènes. Toute action que nous entreprendrions de façon autonome pourrait aggraver les choses pour tout le monde. Nous nous sentions paralysés, ne sachant pas comment contribuer aux efforts de ceux avec qui nous avions ressenti une si fort affinité la nuit d'avant.
Tard cette nuit, du sommet de la colline de Sacred Stone, nous avons regardé du haut de la colline un feu large de deux miles qui brûlait dans la direction du chantier. Nous ne savions pas si les gens de notre bord l'avaient allumé dans un ultime geste d'intimidation ou si les forces de l'ordre l'avait fait pour effrayer les gens du camp. Nous avons décidé de croire le premier parce que nous étions certains de ne jamais connaître la vérité.
(A suivre ci-dessous)