Chroniques et présentations livres

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Messagede bipbip » 30 Juil 2016, 02:38

Les dispensaires autogérés grecs, résistances et luttes sociales pour la santé

Un livre issu du travail du collectif de solidarité France Grèce pour la santé

Depuis trois ans le collectif de solidarité France Grèce pour la santé organise le soutien aux dispensaires autogérés en Grèce. Le livre parle de l’activité des dispensaires et de leur histoire et des actions de solidarité.
Le collectif continue ses actions de soutien et organise en commun avec de nombreuses structures locales une caravane de solidarité à l’automne 2016.
N’hésitez pas à faire remonter vos commandes...


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https://www.solidaires.org/Les-dispensa ... r-la-sante
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Messagede Pïérô » 01 Aoû 2016, 02:29

Dictionnaire du mensonge

L’été est propice à la réflexion. Nous vous proposons de lire ou relire Le Dictionnaire du mensonge [1] de Pio Rossi [2]. On y trouve des observations précises sur les dévoiements du langage qui concourent à la duplicité générale des relations sociales.

"Les avantages de la dissimulation sont trois.
Le premier est d’endormir ceux qui s’opposeraient à nos intentions dès qu’elles sont rendues publiques. Le deuxième de nous réserver, à chaque occurrence, une belle retraite. Le troisième avantage est de nous découvrir l’esprit d’autrui ; d’où le proverbe espagnol : Dis un mensonge et tu trouveras une vérité. "

Avant-goût :

ACCUSER. Si l’autorité de celui qui accuse pouvait rendre brusquement l’innocence suspecte, vaines seraient les espérances et misérable la condition des hommes. Malheureux le monde, si les grands pouvaient authentifier leurs calomnies sous le seul prétexte de les avoir proférées. Il n’y aurait nulle bonté qui ne fût mise dans l’ombre et présentée comme coupable au tribunal de la mort.
Pour accuser autrui, encore faut-il être pur et innocent.

ADULER, ADULATION. N’est pas adulateur celui qui dit la vérité, tout comme ce n’est pas aduler le soleil que de déclarer que le soleil resplendit ou réchauffe.
C’est chose naturelle aux hommes que de désirer la louange : s’ils ne peuvent obtenir la véritable, ils tirent jouissance de la fausse.
L’apparence flatteuse de celui qui adule est le charme le plus puissant que la fraude prenne pour nous en rendre fous. L’adulation est ce monstre doux qui ne complote que de retirer au monde la vérité.
L’adulation, quoiqu’elle soit une peste atroce, n’offense pourtant que ceux qui la reçoivent et s’en délectent. Elle est en elle-même la parure de tous les vices.
Meilleur est l’homme et moins il a besoin d’adulation.
L’adulation est devenue un mal qui est doux, un vice civil. On masque l’intérieur avec l’extérieur. On voile le cœur avec le visage. On ternit l’aspect et le miroir de la vérité par le souffle d’une parole. Ainsi l’homme, que David le sacré avait figuré par l’allégorie de la cithare, ne tire son que de cordes fausses : il fait résonner une voix sans cœur ou qui trahit le cœur même. Instrumentiste de cette tromperie est le fausset de l’intérêt qui joue le rôle de grand maître de chapelle dans le concert de l’univers.

AMIS DE FORTUNE. Les amis de fortune courent là où elle est. Ils haïssent qui la possède parce qu’ils voudraient la posséder.
Les amis de fortune se laissent pousser par le souffle des vents et des aventures.


[1] Le Dictionnaire du mensonge est extrait de l’œuvre principale de Pio Rossi, Le Banquet moral (Convito morale per gli etici, economici e politici), publié en deux volumes en 1639 et 1657. Éditions Allia, 96 p

[2] (1581-1667), moine italien qui passa sa vie dans son couvent de Plaisance


Dictionnaire du mensonge. Extraits, PDF : http://www.autrefutur.net/IMG/pdf/dicti ... traits.pdf

http://www.autrefutur.net/Dictionnaire-du-mensonge
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Messagede bipbip » 02 Aoû 2016, 02:24

LA LUTTE CONTRE L'ETAT

Texte de Nestor Makhno (1926)

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"Le fait que l’État moderne soit le type d'organisation d'un pouvoir fondé sur l'arbitraire et la violence dans la vie sociale des travailleurs est indépendant de son caractère "bourgeois" ou "prolétariens". Il repose sur le centralisme oppressif, découlant de la violence directe d'une minorité sur la majorité. Chaque État utilise, pour affirmer et imposer la légalité de son système, outre le fusil et l'or, des moyens puissants de pression morale. A l'aide de ces moyens, un petit groupe de politiciens réprime psychologiquement toute la société et, en particulier, les masses laborieuses, les conditionnant de façon à détourner leur attention du servage instauré par l’État.

Ainsi, il est clair que, pour combattre la violence organisée de l’État moderne, il faut employer des moyens puissants, correspondant à l'importance de la tâche.

Jusqu'ici, les moyens d'action sociale employés par la classe laborieuse révolutionnaire contre le pouvoir des oppresseurs et exploiteurs - l’État et le Capital - , conformément aux idées libertaires, ne suffisent pas pour mener les travailleurs à la victoire complète.

Il est arrivé dans l'Histoire que les travailleurs vainquent le Capital; mais la victoire leur échappait ensuite, parce qu'un pouvoir D’État se créait, unissant les intérêts du capital privé et capitalisme d’État pour triompher des travailleurs.

L'expérience de la révolution russe nous a démontré à l'évidence nos insuffisances dans ce domaine. Nous ne devons pas l'oublier, nous appliquant à les discerner distinctement.

Nous pouvons reconnaître que notre lutte contre l’État dans la Révolution russe fut remarquable, malgré la désorganisation qui règne dans nos rangs; remarquable surtout en ce qui concerne le la destruction de cette hideuse institution.

Mais, en revanche notre lutte fut insignifiante dans le domaine de l'édification de la société libre des travailleurs et de ses structures sociales, ce qui aurait pu garantir son développement en dehors de la tutelle de L’État et de ses institution répressives.

Le fait que nous, communistes libertaires ou anarcho-syndicalistes, n'avions pas prévu me lendemain de la Révolution russe, et que nous ne nous sommes pas hâté de formuler à temps les nouvelles formes de l'activité sociale, a amené beaucoup de nos groupes ou organisations à hésiter plus d'une fois dans leur orientation politique et socio-stratégique sur le front combattant de la Révolution.

Afin d'éviter de retomber à l'avenir dans les même erreurs, lors d'une situation révolutionnaire, et pour conserver la cohérence de notre ligne organisationnelle, nous devons fondre d'abord toutes nos forces en un collectif agissant, puis définir dès maintenant notre conception constructive des unités économiques et sociales, locales et territoriales, au besoin au besoin les nommer de façon déterminée (soviets libres), et en particulier définir dans les grandes lignes leurs fonctions révolutionnaires fondamentales dans la lutte contre l’État. L'époque actuelle et les leçons de la révolution russe l'exigent.

Ceux qui se sont mêlés au cœur même de la lasse ouvrière et paysanne, en prenant activement part aux victoires et aux défaites de son combat, ceux là doivent sans aucun doute arriver à nos conclusions, et plus précisément à comprendre que notre lutte contre l’État doit se mener jusqu’à la liquidation complète de celui-ci; ceux là reconnaîtrons par ailleurs que le rôle le plus difficile dans cette lutte est celui de la force armée révolutionnaire.

Il est indispensable de lier les forces armées de la Révolution avec les unités sociales et économiques, dans lesquelles la population laborieuse s'organisera dès les premiers jours de la révolution, afin d'instaurer une auto-organisation totale de la vie, en dehors de toutes structures étatiques.

Les anarchistes doivent concentrer, dès maintenant, leur attention sur cet aspect de la Révolution. Ils doivent être persuadés que, si les forces armées de la révolution s'organisent en armée importantes ou en de nombreux détachements armés locaux, elles ne pourront que vaincre les tenants et les défenseurs de l'étatisme, et par là même créer les conditions nécessaires pour la population laborieuse qui soutient la révolution, afin qu'elle puisse rompre tous ses liens avec le passé et mettre au point le processus d'édification d'une nouvelle vie socio-économique.

L’État pourra cependant conserver quelques survivances locales et tenter d'entraver de multiples façons la nouvelle vie des travailleurs , freiner la croissance et le développement harmonieux des nouveaux rapports basés sur l'émancipation totale de l'homme.

La liquidation finale et totale de l’État ne pourra avoir lieux que lorsque l'orientation de la lutte des travailleurs sera la plus libertaire possible, lorsqu'ils élaboreront eux-même leurs structures d'action sociale. Ces structures doivent prendre la forme d'organes d'autodirection sociale et économique, celle des soviets libres (anti-autoritaires). Les travailleurs révolutionnaires et leur avant garde - les anarchistes - doivent analyser la nature et la structure de ces soviets et préciser à l'avance leurs fonctions révolutionnaires. C'est de cela que dépend principalement l'évolution positives et le développement des idées anarchistes parmi ceux qui accomplirons pour leur propre compte la liquidation de l’État pour édifier la société libre."

Nestor Makhno
Diélo Trouda N° 17 - octobre 1926

http://www.socialisme-libertaire.fr/201 ... -etat.html
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Messagede Lila » 02 Aoû 2016, 20:40

Les religions contre les femmes,
pour l’Egalité et l’Emancipation du genre humain.

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Cet ouvrage est rédigé collectivement par des libres penseuses et libres penseurs. Il aborde toute une série de questions sur les religions et les femmes, le féminisme, la prostitution, la parité et le combat pour l’égalité. Lutte des classes ou lutte des sexes ? Faites-vous un point de vue basé sur des analyses et sur des faits.

http://www.fnlp.fr/news/269/17/Les-Reli ... etail.html
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Messagede bipbip » 27 Aoû 2016, 11:40

Brochure
Face au FN et à toute l'extrême droite, réponses et ripostes syndicales !

Parce qu'il est toujours nécessaire d'apporter des réponses syndicales face au FN et à toute l'extrême droite, VISA publie mi septembre un petit fascicule / argumentaire.

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Vendu 2 euros, il sera disponible sur notre stand au village du livre de la fête de l'Humanité du 9 au 11 septembre et sur commande en écrivant, avec un chèque de règlement, à notre siège, 80-82 rue de Montreuil 75011 Paris.

Cet argumentaire est destiné aux militant-e-s syndicaux pour qu'ils puissent répondre encore plus facilement, exemples à l'appui, aux salarié-e-s qui se trompent de colère en s'apprêtant à voter FN en 2017.

Face à la montée régulière des scores électoraux du FN et contre la « lepénisation » des esprits, les postures morales sont aujourd'hui insuffisantes.

Il faut sans relâche contre argumenter les prises de positions « économiques et sociales » du parti fasciste qu'est toujours le FN, illustrer par la mémoire des faits la continuité idéologique du FN assise sur le racisme, l'autoritarisme et le nationalisme, dénoncer les fausses solutions « nationales-sociales » préconisées par le FN, opposer aux slogans réducteurs du FN des analyses certes plus complexes mais néanmoins évidentes à comprendre et à faire comprendre.

Ce fascicule ne prétend pas apporter des réponses clefs en main à toutes les incursions de l'extrême droite sur le terrain social. C'est une boite à outils, un recueil d'expériences, un encouragement au travail syndical unitaire, un vaccin contre la résignation, un instrument pour le travail de proximité avec les salarié-e-s.

On y trouve l'analyse du positionnement du Fn sur la Loi travail, qui montre bien que ce parti va à l'encontre des intérêts des salarié-e-s. Un long chapitre est consacré aux orientations du Fn en matière d' Education Nationale, son dernier terrain de chasse. Dans la continuité du livre « Lumière sur mairies brunes », publié par VISA en 2015, la gestion municipale des villes gérées par l'extrême droite est passée au peigne fin, sur la période du premier semestre 2016. Et puisque les présidentielles 2017 sont dans le viseur des cadres du Fn, les premières annonces du programme électoral du parti fasciste sont décortiquées et assorties de réponses syndicales. Les analyser et les déconstruire sont essentiels dans l'intérêt des salarié-e-s, ce doit être une des priorités du mouvement syndical.

Mais ne perdons pas de vue que l'extrême droite aurait forcément moins d'audience si la situation économique et sociale était moins sclérosée par la crise du capitalisme financier et par le libéralisme arrogant.

Si le combat contre le fascisme doit être politique, syndical et associatif, il passe aussi par les mobilisations du monde du travail contre les politiques d'austérité et par la lutte contre les injustices.

Enfin, ce fascicule est illustré par les dernières affiches de VISA, à commander gratuitement et sans modération par mel : assovisabis@gmail.com

http://www.visa-isa.org/content/face-au ... syndicales
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 03 Sep 2016, 17:25

Les communautés libertaires agricoles et artistiques en pays catalan (1970-2000)

Jean-Pierre Bonnel et Paul Gérard

Préface de Ronald Creagh

Editions Trabucaire, Perpignan, avril 2016, 180 pages, 15,00 €

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Récit et témoignages des différentes expériences communautaires en pays catalan entre les années 1970 et 2000.

Dans le sillage de mai 68, les années 1970 sont une formidable explosion de jeunesse, de désir, de libération. Le vieux monde craque de partout. C’est le temps rêvé des ruptures, des révoltes, des expériences.

Dans ces années-là, ils avaient 20 ans, ils voulaient échapper à la routine « métro, boulot, dodo », réagir contre le mode de production capitaliste et la société de consommation, s’associer avec d’autres pour vivre autrement et porter ensemble un projet commun libérateur. Ce fut le temps des communautés, rurales, urbaines, agricoles, artistiques et autres collectifs, d’esprit libertaire pour la plupart.

Dans ces années-là, en pays catalan, les 40 personnes qui racontent, dans ce livre, leur expérience communautaire, ont fait ce choix.
Ils ont loué des mas et des terres dans des espaces en voie de désertification. Ils y ont vécu, travaillé et mis en pratique leurs idéaux. Les Carboneras, le mas Julia, Vilalte, Montauriol, St Jean de l’Albère, Malabrac, Fontcouverte, Cailla, Opoul, le mas Planères, Canaveilles, Fillols… autant de noms qui claquent comme des symboles de liberté, de sens et d’humanité.

Ils témoignent, 40 ans après, des gestes simples, de la solidarité, des échanges, des rires et des drames, des rêves et de l’amour qui ont forgé leurs existences. Avec cette expérience, ils ont participé à l’évolution des mentalités, ils ont fait bouger les lignes et provoqué en quelque sorte les grands débats sociétaux de la fin du XXe et début XXIe siècles.

Ils sont les 40 auteurs de ce livre, un livre collectif, dont Jean-Pierre Bonnel a été le moteur, le scribe et le passeur et Paul Gérard le coordinateur attentif. Le temps d’une préface, Ronald Creagh a bien voulu joindre sa réflexion à la leur.
(présentation de l’éditeur)

https://refractions.plusloin.org/spip.php?article1038
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Messagede bipbip » 06 Sep 2016, 03:25

Chroniques de la zone libre

"Des zad au maquis : fragments de l’imaginaire autonome", de Cosma Salé

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« "On s’est promis que ça n’aurait pas de fin, qu’on ouvrirait des lieux en veux-tu en voilà, qu’on s’y retrouverait toujours, qu’on y rassemblerait, avec d’autres naufragés du béton, les plus fiers équipages de pirates.
(...) Dans les ministères de la parole publique, on refuse de comprendre ce qui se joue durant ces nuits. On reprend, pour la répandre une fois encore, l’image indécrottable et bien commode du casseur opportuniste.”

C’est dans la nébuleuse autonome que se recrute une partie des activistes contre les grands projets inutiles ou contre la loi Travail. Ce livre aurait pu s'appeler Dans la tête d’un zadiste. Il témoigne de la résolution et de l’imaginaire d’une génération qui a choisi les marges pour tenter de réinventer un monde à la hauteur de ses exigences. Il permet de saisir un peu de la représentation du monde de cette jeunesse en lutte radicale contre la société néolibérale.
On y trouvera un peu de ce que Cosma Salé a appris : à respirer et à sentir, à créer et à bâtir contre l’ennui. De la zad de Notre-Dame-des-Landes ou du Testet à la cuisine d’une maison occupée, d’une cabane dans les bois au tissu urbain des squats, on y éprouvera peut-être un peu de la fièvre et de l’enthousiasme, de la magie et de l’exil de sa génération. C'est un petit traité sur l'esquisse des marges, un manuel d'usage du monde libre, les fragments d’un imaginaire qui a désormais sa dynamique propre. »

Le passager clandestin, 180 pages, 15 euros.

http://utoplib.blogspot.fr/2016/09/nddl ... -zone.html
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 08 Sep 2016, 17:10

Éléments d’analyse des conflits sociaux en Argentine

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Il n’est pas besoin de partager les orientations politiques, « libertaires », de l’auteur pour apprécier ce récit des résistances et des luttes en Argentine, cette histoire « vue par le bas », cette restitution de la complexité et des contradictions qui traversent les résistances populaires, ces analyses de la place du péronisme…

Je souligne le choix judicieux d’un récit non linéaire. Guillaume de Gracia procède par allers et retours dans le temps, ce qui donne une épaisseur particulière aux événements. Une forme adéquate à la restitution des contextes.

Analyse du péronisme, des idéologies défendues par Juan Perón, de l’« adhésion populaire au péronisme », du caractère « fortement charismatique et extra-institutionnel d’une Eva Perón »…

L’auteur insiste sur des avancées sociales, conventions collectives, statut du péon, droit de vote des femmes: « Et puis, très prosaïquement, il paraît assez logique qu’un prolétariat qui se voit offrir la possibilité d’améliorer ses conditions de vie tout en se faisant brosser dans le sens du poil tous les jours par les médias, peut massivement adhérer au parti et au syndicat qui a lancé cette véritable OPA sur les classes populaires -d’autant plus que la carte du parti est obligatoire pour travailler. De là à considérer que l’adhésion est fondamentalement idéologique, il y a une certaine marge .» Tout cela est vrai. Mais ce qui reste déterminant, c’est bien l’action et l’organisation autonome des salarié-e-s et de la population, les expériences collectives menées et les débats permettant de les penser et d’envisager les possibles…

Guillaume de Gracia souligne le poids de l’immigration interne, les différences entre les nouveaux « ouvriers » et l’« ancienne classe ouvrière urbaine », les processus d’industrialisation, le développement de la syndicalisation, la place des femmes « gardiennes du foyer domestique » et sauvegarde du « foyer national » (rien de progressiste dans ces assignations patriarcales !), les cours d’alphabétisation pour adultes…

L’auteur détaille les organisations du mouvement syndical, les politiques menées, les scissions, les fondements « idéologiques », la personería gremial (représentativité syndicale) et ses conséquences, dont la corruption (« parfaite semence corruptrice que ce système ») et aussi « les hommes contre », celles et ceux qui se mobiliseront, y compris contre la bureaucratie syndicale. « Le péronisme n’est donc pas une période d’accalmie mais bien de forte conflictualité sociale. »

Il détaille le nombre de grèves et de grévistes, dont les grèves de cheminots et de métallurgistes, les « assemblées intersectorielles », les traits de l’autonomie et de l’auto-organisation, les campagnes de libération des prisonniers…

Lutte anti-bureaucratique, plan de guérilla Cooke-Guillen, Revolución libertadora, interventions institutionnelles sur le droit syndical, Federación obrera de la construcción naval (FOCN), programme de la Falda (avec l’aimable autorisation des Éditions Syllepse, Le programme de La Falda, Córdoba, 1957. Assemblée nationale des délégations régionales de la CGT et de « 62 organisations », le-programme-de-la-falda-cordoba-1957/), commission intersyndicale des « syndicats récupérés », tactique de « vote blanc », impacts de la révolution cubaine, programme de Huerta Grande de 1962, luttes et occupations d’usines…

J’ai notamment apprécié les chapitres sur le Cordobazo de 1969, les grèves et les protestations populaires, la « nouvelle gauche » et les aspects « culturels », les violences étatiques et patronales, la critique de la société patriarcale…

L’auteur insiste sur les revendications « anti-autoritaires », les phénomènes d’auto-organisation, le renouveau syndical et les dimensions antibureaucratiques: « Les victoires du syndicalisme classiste sont conséquentes : réduction des rythmes de production sous contrôle ouvrier, suppression de la prime à la production, obtention d’une convention collective complète avec des délégués élus en assemblées, rupture du plafond salarial, suppression des licenciements suite aux accidents de travail, etc. »

Guillaume de Gracia aborde aussi l’« option militaire », l’Ejercito Revolucionario del Pueblo (ERP), les Fuerzas Armadas de Liberacion (FAL), les Montoneros. Un bilan détaillé de ces organisations, de leurs actions, de leurs orientations et des effets sur la société reste toujours à faire…

1973, le retour du « péronisme » au pouvoir. Triple A (officine secrète et armée) et renaissance d’une « internationale noire », expériences autogestionnaire (Luz y Fuerza), coordinations de lutte durant l’automne-hiver 1975… dictature des généraux…

De sueur et de sang. Mouvements sociaux, résistances populaires et lutte armée dans l’Argentine de Perón
Guillaume de Gracia
éditions Syllepse
Paris 2016, 286 pages, 15 euros
http://www.syllepse.net/lng_FR_srub_37_ ... -sang.html

http://www.autogestion.asso.fr/?p=6085
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 29 Sep 2016, 14:46

« Les dispensaires autogérés grecs.
Résistances et luttes pour le droit à la santé »

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L’effondrement du système de santé est certainement une des conséquences les plus tragiques de la crise économique et sociale qui secoue la Grèce. Selon Médecins du monde, 25 à 30 % des personnes qui se présentent aujourd’hui à l’hôpital sont refusées. Fermeture de dizaines d’hôpitaux, réduction drastique des effectifs, multiplication des suicides et des maladies mentales, pénurie de médicaments, pourcentage croissant de la population privé d’accès aux soins : face à cette situation les Grecs ont réagi en créant des structures solidaires gratuites et autogérées pour prendre en charge collectivement les questions de santé.

Ces nouveaux dispensaires gratuits couvrent l’ensemble du territoire et ce sont des centaines de milliers de patients qui ont recours à leurs services. Un autre système de santé émerge, une résistance sociale s’organise. Face au manque de médicaments et de matériels médicaux, désormais impossibles à importer, un réseau international de solidarité tente d’apporter son aide à ces dispensaires autogérés.

« Nous considérons notre initiative comme faisant partie d’un mouvement général de solidarité qui se développe au sein de la société grecque. Tous ensemble, nous luttons pour que les droits sociaux ne soient pas abolis et que le régime de la peur et de l’individualisme ne domine pas. Nous luttons pour établir des valeurs de solidarité, de justice et de dignité. »

Par Christine Chalier, Eliane Mandine, Danielle Montel, Bruno Percebois, Jean Vignes.
Membres du collectif Solidarité France-Grèce pour la santé, ils et elles se sont rendus à de nombreuses reprises en Grèce pour apporter aux dispensaires les médicaments et le matériel médical qui fait défaut. Ils nous proposent ici leurs carnets de voyage.

Editions Syllepse, 160 pages, 8 euros.
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 04 Oct 2016, 03:37

LIBERTAIRES ET ÉDUCATION
de Patrice Rannou

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Cet ouvrage a pour but de faire connaître des hommes et des femmes issus de la mouvance libertaire qui par leurs conceptions hardies, leurs idées novatrices et originales, leurs expériences et parfois leurs réalisations, ont apporté une pierre à l’édifice de la pensée humaine notamment sur les plans de l’éducation et de l’enseignement.
Sincère hommage à la mémoire de grandes figures de la pensée libertaire tels Paul Robin, Francisco Ferrer et Sébastien Faure, sans nul souci des opinions conventionnelles, l’éducation libertaire est présentée ici de manière plurielle car elle dépasse la sphère de l’école et de la famille.
Longtemps méconnus, il est temps de faire sortir ceux qui ont frayé des voies nouvelles du purgatoire auquel les ont condamnés les « bien-pensants ». Leurs combats pour le droit à une éducation intégrale, rationnelle et à la coéducation des sexes n’ont rien perdu de leur pertinence.
Les parcours pédagogiques esquissés au fil des chapitres de ce livre empruntent des cheminements différents et parfois inattendus. Ils nous permettent ainsi de questionner les enjeux présents de l’éducation à l’aune de cette pédagogie libertaire qui a guidé tant de penseurs et d’éducateurs partisans d’une école de la liberté, de l’égalité et de l’émancipation individuelle et collective.

Patrice Rannou a enseigné trente ans en Zone d’Éducation Prioritaire au Havre et à Harfleur en tant qu’instituteur. Auteur de plusieurs livres sur l’histoire du syndicalisme havrais, notamment La Grande grève de la métallurgie en 1922 et L’Affaire Durand, il s’attelle aujourd’hui à nous faire découvrir, au travers de cette étude, les réflexions et les pratiques de penseurs libertaires qui ont prôné à leur époque une pédagogie émancipatrice au service de l’enfance et du changement social.

Illustration de couverture : « La Ruche », Rambouillet, 1914 (Sébastien Faure au centre)

ISBN : 978-2-343-09609-4 17 €

http://endehors.net/news/libertaires-et ... ice-rannou
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 13 Oct 2016, 17:30

¡ YA BASTA !

S’inscrivant dans une tradition de lutte de plus de 500 ans et après avoir tenté par tous les moyens légaux de faire entendre les droits du peuple mexicain, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (E.Z.L.N.) prend les armes le 1er janvier 1994 et déclare la guerre au mauvais gouvernement.

Dans la première Déclaration de la jungle Lacandone, les insurgés zapatistes posent leurs revendications qu’ils résument en deux mots « Ya basta ! » (« Ça suffit ! ») et qu’ils précisent par une série de lois :

- La loi sur les impôts de guerre abolit les impôts et en impose un à tous les civils tirant profit du peuple et de ses activités.

- La loi agraire révolutionnaire vise à restaurer la propriété communautaire des terres fixée par la Constitution de 1917, amendée en 1991 par l’introduction d’un droit à l’appropriation privée. Au-delà d’une certaine surface, les propriétaires sont expropriés et leurs terres rendues aux coopératives pour la production collective des aliments nécessaires au peuple mexicain.

- La loi révolutionnaire sur les femmes leur donne le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles désirent, de choisir librement leur conjoint.

- La loi de réforme urbaine supprime l’impôt foncier et le loyer, réquisitionne les bâtiments vides.

- La loi du travail, la loi sur l’industrie et le commerce, la loi sur la sécurité sociale et la loi sur la justice s’appliquent tout autant à protéger le peuple mexicain.

Les nombreux communiqués de presse qui suivent rendent compte, non sans humour, des nombreuses tentatives de manipulation du gouvernement fédéral, de l’intense répression subie, des conditions de vie des populations et des combattants, des campagnes de dénigrement, des assassinats. Le sous-commandant Marcos, rédacteur de ces textes débattus collectivement, s’adresse tour à tour aux journaux, à diverses personnalités nationales ou étrangères, aux étudiants, aux enfants, aux autres peuples indigènes,… pour éclaircir les exigences de Liberté, de Justice et de Démocratie. Il exige la tenue d’élections libres.

Les tentatives de cessez-le-feu seront sans cesse violées par l’armée fédérale. Les négociations du printemps seront l’objet de pressions incessantes et de contre-vérités diffusées par la presse, pour déstabiliser les rebelles. Finalement, les 32 propositions du Gouvernement en réponse aux 34 revendications zapatistes, seront soumises à une consultation nationale organisée par le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène (C.C.R.I.) et rejetées à 97,88%.

La deuxième Déclaration de la jungle Lacandone se réclame d’Émiliano Zapata qui affirmait que « c’est aussi en lançant des idées rédemptrices, des phrases de liberté et des anathèmes terribles sur les bourreaux du peuple que s’effondrent les dictatures, que s’effondrent les empires ». Elle décrète un cessez-le-feu unilatéral afin de permettre à la société civile de s’organiser pour parvenir à une transition démocratique par une convention nationale démocratique qui devra déboucher sur de nouvelles élections, un gouvernement de transition et une nouvelle magna carta qui reprendrait les principes essentiels de la Constitution de 1917, reconnaissant à l’ensemble des mexicains le droit à un toit, à la terre, au travail, à la nourriture, à la santé, à l’enseignement, à l’information, à la culture, à l’indépendance, à la démocratie, à la liberté, à la justice et à la paix.

L’ E.Z.L.N. ne se rend pas, elle résiste car la dignité ne se rend pas. Les insurgés zapatistes sont les ruisseaux de montagnes qui descendent dans la vallée pour faire gronder les rivières. Mais les ruisseaux n’ont pas de chemin de retour. Rien pour eux. Tout pour tous. Leur vrai choix est la paix digne ou la guerre digne.

Le mauvais gouvernement leur répond par le mensonge et la guerre.

La convention nationale aura bien lieu mais avec une pression militaire constante. Arrestations, tortures, attentats, assassinats se multiplient.

Les élections du 21 août connaitront des fraudes record. Le P.R.I. aurait dépensé 1 250 millions de dollars pour sa campagne, soit 25 fois plus que Clinton pour la sienne aux États-Unis !

L’E.Z.L.N. rompt alors le dialogue. Ainsi s’achève ce premier volume, avec les derniers communiqués et les dernières lettres d’octobre 1994.

Cette première compilation de toutes les proclamations de l’E.Z.L.N. et du C.C.R.I. est forcément parfois répétitive mais rend bien compte de la grande intégrité des insurgés, de leur désir de changer le monde sans prendre le pouvoir. À côté d'abondantes données chiffrées démontrant les injustices que subit le peuple mexicain, on trouve des textes plus poétiques, emprunts du réalisme magique caractéristique de la littérature d’Amérique Latine, ce qui leur donne un souffle original. Le sous-commandant Marcos les parsème de poèmes, d’anecdotes et d’histoires comme celle de Durito, le petit scarabée à lunettes qui fumait la pipe.

Véritables pages d’histoire d’une révolution contemporaine toujours vivante, indispensables pour se forger sa propre opinion face aux montagnes de contre-informations publiées ici ou là.


¡ YA BASTA !
Les insurgés zapatistes racontent un an de révolte au Chiapas.
Sous-commandant Marcos
Traduit de l’espagnol par Anatole Muchnik
482 pages – 150 francs
Éditions Dagorno – Paris – 1994

http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... .html#more
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 20 Oct 2016, 15:27

Histoire critique : Entretien avec William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, auteur.e.s du livre Les historiens de garde

Nos amis des éditions Libertalia rééditent en format poche Les Historiens de garde : De Lorànt Deutsch à Patrick Buisson, la résurgence du roman national. Dans cet essai d’historiographie et d’histoire critique, les auteurs s’inquiètent du réveil d’une histoire nationaliste dont Lorànt Deutsch est le poste avancé et où l’histoire n’est envisagée que comme support d’un patriotisme rétrograde.

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Questions de classe(s) : Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce livre ? Le fait de travailler à trois historiens répond-il seulement à une question de spécialisation ? Avez-vous une "histoire" commune ?

Les auteurs :
Nous sommes trois à avoir écrit ce livre. Nous avons certes nos différences, mais une chose nous rassemble, c’est la méthode historique. Pour nous, l’Histoire n’est pas un grand mythe qui sert à fédérer une population autour d’une patrie (le "roman national") ou d’un parti, mais bien une pratique d’interrogation critique du passé qui consiste à trouver des sources, à les interroger, à les comparer.
Nous sommes tributaires des réflexions déjà engagées il y a plus de trente-cinq ans par Suzanne Citron (voir son livre essentiel : Le mythe national : l’histoire de France en question, première parution en 1987) dont il faut saluer le travail ici, et qui ont été reprises par des collectifs comme Aggiornamento Hist-Géo ou le CVUH (Comité de Vigilance face aux Usages publics de l’Histoire) notamment lors du quinquennat Sarkozy qui a constitué le moment du retour en force du roman national.

QdC : Pouvez-vous définir la notion de "roman national" ?

Les auteurs :
Il s’agit d’une version mythifiée de l’histoire nationale, qui induit de l’unité et de la continuité là où il y a eu au contraire des ruptures constantes. Beaucoup d’historiens de garde insistent sur le fait que la France a toujours été "déjà là" pour reprendre l’expression de Suzanne Citron. Pour Max Gallo par exemple, dans son livre L’âme de la France (paru peu avant les élections de 2007 et qui est, plus on y pense, le véritable opus programmatique des historiens de garde), c’est le territoire, le terroir même, qui a sans cesse assimilé les hommes qui s’y sont installés pour les changer en des Français qui ont eu, de tout temps, les mêmes caractéristiques culturelles ou mentales.

Cette continuité souffre, pour tous les historiens de garde, d’une rupture récente qui menacerait selon eux l’identité nationale. Stéphane Bern va même jusqu’à parler de "crise identitaire". Pour les plus radicaux, comme Deutsch, cette brisure s’incarnerait dans la Révolution française qui aurait "coupé la tête à nos racines" [sic]. D’autres mettent ça sur le compte de "la pensée 68", notamment ceux qui, comme Dimitri Casali, se sont investis dans la polémique sur les programmes scolaires.

C’est justement cette polémique qui renseigne le plus sur ce que Nicolas Offenstadt (auteur de la préface du livre) a appelé le néo-roman national. En effet, depuis la fin de la décennie 2000, les programmes se sont ouverts (timidement) sur une histoire plus globale, en proposant d’étudier des civilisations extra européennes, comme la Chine des Han ou les empires africains [empires africains dont l’étude a disparu des programmes 2016]. Certains historiens de garde y ont vu une menace identitaire. Pour eux, l’histoire ne doit pas servir à éveiller une curiosité, à interroger des différences pour mieux se forger une opinion, mais bien à créer un sentiment d’adhésion patriotique basé sur une vision glorieuse de la France.

QdC : Votre livre consacre presque la moitié de la pagination au cas Lorànt Deutsch. Pouvez-vous parler de votre travail de critique sur le livre et les émissions de L. Deutsch, ses méthodes, son idéologie, sa vision de l’histoire ?

Les auteurs :
Lorànt Deutsch est un cas d’école. En guise de méthode, il n’hésite pas à inventer des faits afin d’embellir son roman national rétrograde tout en prétendant agir comme un historien et ne rapporter que des événements authentiques. Cela n’aurait pu avoir l’écho qu’on lui connaît si l’acteur et son éditeur avait usé des méthodes les plus agressives du marketing : packaging attrayant (la figure de l’acteur lui-même, qui est l’argument de vente principal) et un storytelling grossier mais efficace. Les résultats sont là : Métronome s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires, une adaptation télévisuelle a été produite sur une chaîne du service public (qui a coûté un million d’euros), et l’acteur a été invité dans des classes d’établissement publics afin de faire la promotion de son livre.

QdC : L. Deutsch sert de façade sympathique à un courant d’extrême droite incarné par Patrick Buisson et d’autres intellectuels. Pouvez-vous nous brosser le paysage passé et présent de ce courant réactionnaire ?

Les auteurs :
Précisons que L. Deutsch a été soutenu par le Bloc Identitaire. Quant à Patrick Buisson, il s’inspire largement de l’Action française qui fit de l’Histoire, au début du XXe siècle, un de ses chevaux de bataille. Il s’agissait à l’époque pour les monarchistes de remettre en cause l’histoire universitaire majoritairement républicaine en réinventant un récit glorieux célébrant l’action positive des monarques tout en fustigeant les mouvements populaires. Cela va passer par la création d’une véritable contre-université (l’Institut d’Action française), mais aussi par la rédaction de nombreux livres de vulgarisation. Parmi ces auteurs, le plus prolifique d’entre eux était certainement Jacques Bainville (1879-1936), dont les œuvres, - ce n’est pas un hasard -, connaissent depuis une dizaine d’années une nouvelle jeunesse.
Cette radicalité réactionnaire traverse le courant des historiens de garde. Évidemment, la plupart n’assument pas cette filiation. Elle est pourtant bien présente. Jean Sévillia est par exemple un proche des cercles monarchistes du Renouveau français. Dimitri Casali participe au site Boulevard Voltaire et n’hésite pas à en appeler au recours d’un "homme providentiel" à la tête de l’État.

QdC : Vous faites également référence au roman national "de gauche". Quelle analyse en faites-vous ?

Les auteurs :
Le roman national, dans sa forme originelle, est une création d’historiens républicains où domine notamment la figure d’Ernest Lavisse (1842-1922). Il s’agissait pour eux de faire de la Troisième République l’aboutissement logique de l’Histoire de France, qui finissait par se résumer à la longue marche d’un peuple pour son émancipation (avec, en point d’orgue, la Révolution française).

D’aucuns tentent aujourd’hui de ressusciter ce type de récit, comme Jean-François Kahn qui nous explique sans rire dans son dernier livre que les droits de l’homme ont été inventés par les Gaulois au Ier siècle de notre ère (voir cette analyse sur le site du livre)...

QdC : Dans le dernier chapitre, "L’histoire est un sport de combat", vous voulez répondre "au double phénomène qui relève à la fois d’un repli sur le roman national à des fins identitaires et par des stratégies marketing dont le but n’est ni plus ni moins que de transformer des citoyens libres en consommateurs d’image d’Épinal." Quelles sont vos propositions ?

Les auteurs :
Tout d’abord, réagir et sensibiliser le public. Ensuite, proposer une vulgarisation historique de qualité, qui sorte du carcan de l’histoire nationale. Cela passe par l’écriture de livre grand public, mais aussi par le développement de médias alternatifs, comme la radio.

[La deuxième partie de cet entretien a été réalisée en octobre 2016] Plus de trois ans après cette interview, la situation a-t-elle évolué ?

Les auteurs :
Oui, et dans le mauvais sens d’abord. Cette rentrée 2016 a été le théâtre d’une vaste offensive des tenants d’un récit identitaire et nationaliste du passé, comme Dimitri Casali. Pareillement, nombre de politiques, à droite notamment, affirment ouvertement vouloir promouvoir le retour du roman national à l’école, comme François Fillon ou Nicolas Sarkozy, mais aussi Emmanuel Macron. Mais, d’un autre côté, nous remarquons que de plus en plus d’historien-ne-s se préoccupent maintenant de proposer de la vulgarisation de qualité en passant par des médias populaires, comme la télévision, la radio ou la bande dessinée. Il faut que ces interventions se multiplient.

QdC : Votre livre a-t-il ouvert le débat dans les milieux enseignants ? Quelle a été la réception du livre ?

Les auteurs :
Difficile de répondre précisément pour les enseignants. Le livre a permis d’ouvrir un débat plus large sur les usages publics de l’histoire et on sait qu’il a pas mal circulé. Nicolas Offenstadt, dans L’Histoire un combat au présent (Textuel, 2014), écrit que notre travail a poussé les journalistes à questionner Lorànt Deutsch sur son rapport à l’histoire, et que l’ouvrage s’est « diffusé par capillarité », notamment dans des émissions comme les Guignols de l’Info et Groland, où le comédien a été moqué. Ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela a conduit entre autres Lorànt Deutsch à affirmer plus frontalement ses idées politiques, notamment son adhésion à la théorie du choc des civilisations, dans son livre Hexagone , publié fin 2013.

QdC : Vous avez actualisé votre travail dans une postface qui fait un bilan de l’influence des Historiens de garde, mais surtout propose une réflexion et des idées précises sur le rôle de l’historien dans l’espace public....

Les auteurs : Depuis la sortie du livre, les historiens de garde ont toujours une certaine influence. La polémique autour de Métronome a confirmé ce que nous écrivions sur la connivence entre historiens de garde et chiens de garde de certains médias de masse, comme Canal Plus et, malheureusement, France Télévisions. Malgré la disparition de l’émission de Ferrand, "L’ombre d’un doute", le constat n’est pas très optimiste, surtout dans un contexte qui favorise encore plus les usages publics de l’Histoire, comme on l’a vu récemment avec le "Nos ancêtres les Gaulois" de Sarkozy. Mais, d’un point de vue plus positif, de plus en plus d’historiennes et d’historiens refusent cet état de fait et agissent, notamment sur les réseaux sociaux, comme on l’a vu sur la sortie de Sarkozy, mais aussi celle de Valls à propos de Marianne. Dans cette postface, nous avons justement voulu réfléchir, aussi, aux réponses qu’il faudrait apporter aux historiens de garde, et plus largement au rôle de l’historien dans l’espace public, notamment en interrogeant le fonctionnement de l’Université et son rapport à la vulgarisation."

Propos recueillis en juin 2013 puis en octobre 2016 par François Spinner

William Blanc, Aurore Chéry, Christophe Naudin, Nicolas Offenstadt (préface), Les historiens de garde : De Laurent Deutsh à Patrick Buisson, la résurgence du roman national, Libertalia, 2016, 10 €.
Première éditions chez Inculte (Temps réels ; essai).
Site du livre http://www.leshistoriensdegarde.fr/


http://www.questionsdeclasses.org/?Hist ... tophe-3727
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 22 Oct 2016, 16:51

Livre : Moi, Viyan, combattante contre Daech

Moi, Viyan, combattante contre Daech

Nous sommes en 2008, Viyan a 18 ans. Elle est bergère dans un village kurde de la région de Kobanê – mais il faut dire Aïn al-Arab, son nom en arabe, parce que la langue kurde est interdite sous le régime des Assad. Viyan dépose à côté du lit de sa mère sa boîte à bijoux. Elle le fait sans bruit, pour ne pas la réveiller. Ce soir, elle va rejoindre la guérilla. Elle n’a rien dit à personne, ni à sa mère, ni à ses sœurs, ni à son frère qui fait office de chef de famille. Son frère, justement, voulait la marier à l’un de ses cousins alors que Viyan a d’autres désirs : apprendre, se battre pour son peuple, être libre.

Son départ est rocambolesque. Un couple vient la chercher dans une camionnette avec une autre fille de son village. À peine ont-ils parcouru quelques kilomètres que le frère de Viyan apparaît sur sa moto et les poursuit. La jeune fille prie : s’il les rattrape, c’est fini, elle ne deviendra jamais une combattante, elle ne sera jamais libre. Heureusement, la moto disparaît dansun virage, et la camionnette branlante continue son chemin en s’enfonçant dans les ténèbres. Pour sa famille, Viyan a été enlevée ; mais le lendemain, des miliciens viennent leur dire la vérité : leur fille a rejoint le maquis. Paradoxe de ces campagnes kurdes où brûle le désir d’autonomie, mais où les familles sont prêtes à en découdre pour empêcher leurs filles de rejoindre la lutte.

Après avoir gagné les camps du PKK dans les monts Qandil, en Irak, Viyan ne cessera plus de se battre. Contre elle-même d’abord, pour supporter l’entraînement et prendre conscience de sa responsabilité ; si elle flanche, ses camarades peuvent y laisser la vie. Contre Assad, et tous les potentats de la région. Contre Daech qui menace de les exterminer et de détruire une liberté chèrement acquise. Contre la mentalité des milices arabes, alliées des Kurdes mais réticentes à l’idée d’armer les femmes.

Cette histoire, c’est Viyan qui la raconte elle-même à la journaliste Pascale Bourgaux, auteure du documentaire Femmes contre Daech. Malgré un éditeur français qui a largement cédé au sensationnalisme (bandeau racoleur, faux suspense pour tenir le lectorat en haleine), malgré un texte étiré sur plus de 200 pages alors qu’il aurait aisément tenu sur 100, malgré tout cela, le témoignage est passionnant.

Découvrir la vie quotidienne des paysans kurdes, l’organisation des milices où on apprend aussi bien le maniement d’une kalachnikov que celui de l’alphabet et l’écriture, la guerre contre Daech au jour le jour, la terrible épreuve de la bataille de Kobanê… Le lectorat européen s’étonnera que les milices YPG-YPJ possèdent un système de commandement sans doute unique au monde : chaque poste d’officier est occupé à la fois par un homme et une femme, l’homme n’a pas le droit de donner d’ordre aux femmes de son unité alors que la femme peut donner des ordres à tous les combattants.

Moi, Viyan… est, avant tout, une histoire humaine. Ici, pas d’analyse politique de l’orientation du PYD ni de considérations géopolitiques sur le Rojava. Viyan parle des épreuves, des joies, de tout ce qui fait de cette lutte une lutte d’êtres en chair et en os. Elle montre d’ailleurs des facettes de sa personnalité ou de la cause kurde qui peuvent choquer sous nos latitudes : culte de la personnalité d’Abdullah Öcalan, philosophie du martyre et du sacrifice dans le combat contre Daech, présentation un peu rapide de l’idéologie kurde comme « marxiste-léniniste », répression stricte des relations sentimentales au sein des milices, etc.

En refermant le livre, on est saisi d’un double sentiment : humble solidarité face au courage des combattantes et combattants kurdes d’une part ; questionnement renouvelé sur leur projet de société.

Julien Clamence (AL Bruxelles)


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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 23 Oct 2016, 21:23

Les Gros Mots, abécédaire joyeusement moderne du féminisme.

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C’est pas joli dans la bouche d’une fille…

Je suis très, très heureuse de vous annoncer la sortie de mon premier livre, Les Gros Mots, abécédaire joyeusement moderne du féminisme. Il inaugure la collection féministe des éditions HugoDoc, joliment nommée “Les Simone”, et sera en librairie dès demain !

A l’heure où “féminisme” est considéré comme un gros mot, où l’on entend parler d’une flippante “théorie du gender”, où de nombreuses femmes rejettent le mouvement tout en jouissant de ses victoires, où il parait qu’on ne peut “plus rien dire” de peur de se prendre une volée de bien-pensance dans les maxillaires, bref à l’heure où tout ce qui touche aux questions féministes est sujet à confusion, j’ai voulu redonner des couleurs à tous les “gros mots” flamboyants qui permettent de comprendre les inégalités et donnent des outils pour les dégommer.

Entre concepts toujours d’actualité (double standard, socialisation genrée, plafond de verre), nouveaux enjeux (culture du viol, marketing “féministe”, harcèlement de rue), apports de la pop culture (badass, girl power, auto-objectification), carcans bien actuels (slut shaming, essentialisme, corset psychologique) et vocabulaire d’initié-e-s (bingo, mansplaining, intersectionnalité), il propose un joyeux tour de la question.

Pour concocter ce livre, j’ai travaillé avec mon amie Lucie Birant, illustratrice au talent fou, qui a conçu des lettrines à l’esthétique léchée jouant avec les éléments du texte façon jeu de piste.


Blog : https://pouletrotique.com/2016/10/19/ce ... #more-4564


Entretien

Clarence Edgard-Rosa ne veut plus que le féminisme soit un gros mot

À 27 ans, Clarence Edgard-Rosa, la créatrice du blog Poulet Rotique, publie Les Gros mots, un abécédaire du féminisme à glisser entre toutes les mains.

à lire : http://cheekmagazine.fr/societe/clarenc ... feminisme/
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 25 Oct 2016, 16:19

L’Arme à l’œil

Police : L’Arme à l’œil

Pierre Douillard-Lefevre, sociologue et historien, a perdu un œil suite à un tir de lanceur de « balles de défense ». Dans un petit livre paru aux éditions du Bord de l’eau, L’Arme à l’œil, il retrace l’histoire de la création de l’arsenal policier français, en détaille la composition, et met en évidence la militarisation croissante de la police.

En 1995, le directeur général de la police nationale, Claude Guéant, décide d’équiper ses hommes d’une nouvelle arme : le fusil Flash-Ball. Le tournant est symbolique : la troupe tire à nouveau sur la foule. Dès 2002, Sarkozy, ministre de l’Intérieur, s’engagera dans ce virage avec enthousiasme et les armes non létales se multiplieront. Elles permettent de viser un manifestant déterminé, et d’appliquer une stratégie fort efficace : en blesser un pour en dissuader mille.

Testées dans un village fantôme en Dordogne, puis dans les périphéries (les pauvres et les non blancs constituent l’écrasante majorité des blessé-e-s graves victimes de la police) ou lors d’événements sportifs, ces armes sont conçues pour un champ d’action : la révolte. Le déploiement d’hommes et de matériel contre les mouvements sociaux est de plus en plus imposant, alors même que les pratiques de contestation se pacifient. La rupture entre gouvernants et gouverné-e-s se radicalise, et nos dirigeants y répondent par une intensification de la violence sécuritaire.

Parallèlement, la logique capitaliste vient se greffer sur la question du maintien de l’ordre : la France, on le sait, est un des principaux pays vendeurs d’armes, létales et non létales… L’utilisation sur le terrain est un bel argument de vente, et la possibilité d’obtenir de nouvelles commandes, une bonne raison de massifier encore des équipements déjà colossaux.

Mais le combat est également sémantique... Clin d’œil à Klemperer, P. D-L nous offre une savoureuse analyse du terme de « lanceur de balles de défense », un chef-d’œuvre de litote ! Plus largement, tout terme qualifiant l’arsenal policier nie la violence déployée, tandis qu’à l’inverse, les manifestants et manifestantes sont diabolisé-e-s (« casseurs »…), voire réifié-e-s par les discours des agents en service et de leurs supérieurs. Bien plus, la complaisance servile de politiciens qui parient sur une alliance avec les syndicats de la police pour parvenir (ou rester) au pouvoir, les pousse à ajuster leurs interventions sur ce paradigme. Et la droitisation galopante des médias de ces dernières années aide la doxa sécuritaire à fleurir, et les blessé-e-s graves à disparaître des discours.

S’ouvrant sur la mort de Rémi Fraisse, et sur un examen de l’appareil d’État immédiatement mis en branle pour en étouffer les conséquences politiques, ce texte écrit avant les attentats du 13-Novembre, et avant les mouvements contre la loi travail, dresse un état des lieux glaçant de la situation aujourd’hui. Et s’achève sur l’idée que la question n’est plus de savoir si de nouveaux seuils seront franchis dans les violences policières, mais de trouver comment nous organiser pour y résister.

Mélanie (amie d’AL)

• Pierre Douillard-Lefevre, L’Arme à l’œil – Violences d’état et militarisation de la police, 2016, 86 pages, 8 euros.

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