SYNDICALISME. Des représentants syndicaux d'usines liquidées ou en difficulté ont répondu à l'invitation de la CGT Ford, à Blanquefort (33). La création d'un collectif fait débat
Le collectif qui divise avant même d'exister
L'idée avait été lancée le 30 juillet dernier à New Fabris, usine de Châtellerault qui allait définitivement fermer le lendemain, laissant 366 ouvriers sans travail avec 12 000 euros d'indemnités. Entre exaspération et tristesse, Guy Eyermann, le délégué CGT, avait proposé aux 3 000 « camarades » venus participer à la manifestation nationale qu'il organisait, de créer un collectif de la base pour coordonner les luttes à venir. Xavier Mathieu, le médiatique fer de lance de l'opposition à la fermeture de l'usine Continental de Clairoix, profitait de l'occasion pour déverser sa bile sur les instances dirigeantes de la CGT qui, selon lui, laissaient tomber ceux qui avaient le plus besoin de soutien. Quelques jours plus tard, il ira jusqu'à traiter son président de syndicat, Bernard Thibault, de « racaille ».
C'est dans cette ambiance peu sereine que les cégétistes s'étaient promis de se retrouver à Blanquefort, à l'invitation de la CGT Ford et du comité de soutien de l'usine, le 5 septembre. C'était hier, salle Fongravey. 25 entreprises ont fait le déplacement, parmi lesquelles Free-scale de Toulouse, Fumel D, Cela- nese de Pau, Goodyear d'Amiens, Ford Valence et New Fabris. Les Molex, qui ont actuellement beaucoup d'échéances à préparer, et les « Conti », trop exposés ces derniers temps, étaient excusés.
Manque de confiance
Dans l'atelier de discussion, l'opportunité de la création du collectif de coordination des luttes est revenue sur le tapis. « On se bat tout seuls. Où sont nos dirigeants syndicaux ? À quoi servent-ils, si ce n'est à toujours vouloir mettre de l'eau dans notre vin ? Pour qu'une grève générale ait lieu et que le mot d'ordre "tous ensemble" ait un sens, il faudrait que nous puissions avoir confiance en ceux que nous avons élus. Le problème, c'est que nos instances syndicales n'ont pas de réelles perspectives. » Le ton est donné par ce syndicaliste remonté. « Je n'en ai rien à faire, de Bernard Thibault », dit cet autre, qui arbore un tee-shirt NPA. « Nous devons créer des liens, qu'il y ait collectif ou pas, que la fédé le veuille ou pas », assure Vincent, de Mulhouse, où il travaille pour Peugeot.
Finalement, c'est Guy Eyermann, l'homme par qui le coup est parti, qui se montre parmi les plus modérés. En aparté, il glisse : « Certains croient que c'est un truc anti-Thibault, mais c'est faux. Ce collectif, s'il voit le jour, ne sera pas là pour attaquer, mais pour envoyer des émissaires dans les entreprises qui en auront besoin. Quitte, évidemment, à faire remonter les infos recueillies sur le terrain et apporter des idées à la fédé. » Guy Eyermann se montre loyaliste et n'apprécie pas que, sur un site Internet faisant écho de la possibilité de création de ce collectif, apparaissent des liens pour LO et NPA. « Je n'ai jamais mélangé politique et syndicat. Je n'ai aucune carte de parti, même si, c'est évident, je ne vote pas UMP », dit-il.
« Une grève, ça use »
Parmi les hôtes du jour on compte Rodolphe, secrétaire adjoint du CE Ford et à la CGT depuis dix ans. Lui, il ne veut pas entendre parler de ce collectif et s'en explique : « C'est une idée saugrenue. La CGT est déjà un collectif. Le dialogue y est constant et on a toujours lavé le linge sale en famille. On n'est pas là pour dire : on casse tout. L'important, c'est d'avoir des idées, d'être une force de proposition. » Rodolphe reconnaît volontiers que, dans les instances, il y a des personnes qui ne travaillent plus en usine depuis longtemps et sont un peu coupées de la base. Il ne les accable pas. Il excuse aussi les dérapages verbaux de Xavier Mathieu vis-à-vis de Bernard Thibault. « Une grève, ça use physiquement et aussi moralement. Cela peut expliquer le coup de semonce de la base. Mais on est très loin du mot scission. Il n'en a jamais été question. » Avant de conclure sur une boutade : « Si tu n'aimes pas la CGT, tu la quittes. »
Au final de cette journée où bien d'autres thèmes ont été abordés lors d'un débat et qui s'est terminée par un concert, il a été décidé d'adresser une lettre à Bernard Thibault pour « mettre les choses à plat », selon les termes de Philippe Poutou, délégué CGT Ford. « Il y a des volontés un peu partout d'aller vers un collectif. Mais comment avancer ? Pour l'instant, cette question est sans réponse », avoue-t-il. Après la grève du 17 septembre, une nouvelle rencontre devrait permettre d'y voir un peu plus clair.
Sud-Ouest
Dimanche 6 septembre
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Vidéo de cette rencontre
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