1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 20 Juil 2016, 10:20

À Cluny le vendredi 22 juillet 2016 à 20 heures

Ciné-débat autour de « Ortiz, général sans dieu ni maître »
film d’Ariel Camacho, Phil Casoar et Laurent Guyot

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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 21 Juil 2016, 20:47

Vendredi 22 juillet, Café La Commune de ST Laurent sous Coiron (Ardèche)

CONFERENCE « LES FILS DE LA NUIT »

Les Giménologues présenteront leurs deux ouvrages


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Il y a 80 ans, presque jour pour jour, les 17 et 18 juillet 1936, les troupes de Franco prenaient les armes contre la République espagnole.
Puisse cette soirée mettre en lumière ce qui s’est joué au cours des luttes anticapitalistes dans les années trente en Espagne.
Soirée proposée par Les Giménologues, collectif d’historiens, militants, chercheurs opiniâtres et auteurs de plusieurs ouvrages autour de la guerre civile et du mouvement libertaire espagnol qui l’a précédée. Une expérience souvent peu ou mal connue, voire occultée par le conflit, répétition générale de la seconde guerre mondiale.
La soirée se poursuivra autour d’un repas


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Participation soirée 15€- ou 5€ sans repas
Association « La Maison des Arbres «
Le village
07170 St Laurent sous Coiron
Réservations au Café La Commune : 06 80 84 68 39

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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede bipbip » 22 Juil 2016, 11:21

Ales (30)

Week-end Révolution espagnole (1936-1939)

Du 22 juillet 2016 au 24 juillet 2016
à La Rétive, 42 faubourg d’Auvergne Alès 30100


VENDREDI 22 JUILLET

Ciné-club : Libertarias
Vicente Aranda, 1996, 125 min.

19h auberge espagnole
20h30 projection

À Barcelone, en 1936, suite à la tentative de coup d’état de Franco, Maria, une jeune nonne, est forcée de quitter son couvent réquisitionné par les troupes républicaines. Elle se réfugie d’abord dans un bordel puis est recueillie par Pilar, une militante anarchiste et féministe appartenant à l’organisation anarcho-féministe des Mujeres Libres. Avec leur groupe de combattantes libertaires, en majorité composé d’ouvrières du textile et d’anciennes prostituées, elles rejoignent la Colonne Durruti (du nom du militant anarcho-syndicaliste Buenaventura Durruti) et partent pour le front de l’Ebre, près de Saragosse, pour lutter contre l’avancée des troupes franquistes…

Si le film prend délibérément parti pour des femmes qui se battent contre le fascisme et pour la révolution sociale sans mettre de côté leur lutte pour l’égalité des sexes, il ne fait pas l’impasse sur les questions qui dérangent : exécutions sommaires de franquistes, machisme de certains militants révolutionnaires, place des femmes sur le front, autonomie des milices ouvrières et stratégie militaire…


SAMEDI 23 JUILLET

Soirée discussion avec les Giménologues

16 h : Présentation du livre Cipriano Mera Sanz, 1897-1975, De la guerre à l’exil par l’auteur C. Magnier, précédée d’un retour sur les dix ans d’activité du collectif les Giménologues.

Au travers de la figure controversée de Cipriano Mera (1897-1975), militant éminent de la CNT, l’auteur s’attache à éclairer le processus de militarisation décrié par nombre d’anarchistes.
Processus que C. Mera viendra a défendre et avec son corollaire : la discipline militaire. Au travers et en parallèle du rôle de C. Mera l’auteur examine sobrement les différentes positions et tendances de cette CNT (faïstes, trentistes, syndicalistes, anarcho-bolchéviques…).

20 h : Présentation du livre ¡A Zara-goza o al characo!, Aragon 1936-1938. Récits de protagonistes libertaires par les Giménologues
Pour reprendre la ville de Saragosse, tombée aux mains des troupes franquistes en juillet 1936, de nombreux volontaires se mobilisent.
Cet ouvrage rassemble les récits d’hommes et de femmes engagés à divers titres dans ce processus à la fois militaire et révolutionnaire, que les anarchistes se retrouveront peu à peu seuls à poursuivre. Articulant histoires particulières et analyse des questions collectives, les Giménologues apportent leur propres réflexions sur la nature du projet communiste libertaire, ainsi que sur la polémique toujours vivace d’une supposée cruauté spécifique des anarchistes espagnols.

Les Giménologues :

Après la publication d’un premier livre (Les fils de la nuit) élaboré autour des souvenirs d’Antoine Gimenez, ce petit collectif poursuit, depuis plus de 10 ans, son méticuleux travail de recherche sur la révolution espagnole en rencontrant et en collectant mémoires et archives des ces rescapés ou de leur enfants.


DIMANCHE 24 JUILLET à 13 h

Cantine paëlla

https://laretive.info/?event=week-end-r ... -1936-1939
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 23 Juil 2016, 18:09

Florac
Lundi 25 juillet 2016, 19 heures
Soirée giménologique à La maison de la Commune de Florac
1, Place Paul-Comte
suivie de la projection du film « Vivre l’utopie »

Le processus révolutionnaire en Espagne dans les années trente

Les diverses falsifications orchestrées de droite à gauche au sujet de la dite « guerre d’Espagne » n’ont pu complètement recouvrir une réalité qui peut se résumer ainsi : cette guerre civile était une guerre sociale. Dans ce pays depuis le milieu du XIX° siècle, une rencontre inédite s’est produite entre une partie des classes populaires (à forte proportion paysanne encore en 1936) nettement antimilitariste, anticléricale et antiétatique, et les idéaux communistes libertaires. Dans les quartiers ouvriers et dans les communes rurales, une résistance de fond au conservatisme des classes possédantes et à la généralisation des rapports sociaux capitalistes émergea, à des degrés divers, au nom de la dignité et de l’émancipation.


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Messagede bipbip » 24 Juil 2016, 02:51

1936-1937 : les collectivisations dans la Révolution espagnole

La guerre d’Espagne, ce fut aussi, durant les premiers mois, une immense vague de collectivisations d’usines et de terre, sous l’égide de la CNT-FAI.
En juillet 1936, les anarchistes ripostent au coup d’État du général Franco. La Généralité de Catalogne (gouvernement régional) refusant d’armer les ouvriers, la CNT diffuse le 17 juillet, par voie de tracts, des instructions de regroupement aux travailleurs. Le 18 juillet on apprend que le coup d’état est prévu pour le lendemain matin. La CNT prévient qu’elle va procéder à la réquisition des véhicules et des armes, tandis que les militaires se préparent au coup de force.

Le 19 juillet 1936, les ouvriers écrasent l’insurrection fasciste à Barcelone.

Cette victoire devant être mise à l’actif du mouvement libertaire, celui-ci se renforce encore et constitue la première force politique dans l’Espagne de 1936. Dès lors, c’est à une véritable révolution que l’on assiste, qui bouleverse profondément la vie de millions d’Espagnols. La collectivisation de très larges secteurs de l’industrie, des services et de l’agriculture constitua l’un des traits les plus marquants de cette révolution. C’est cette conception de la révolution que les libertaires devront défendre aussi bien face aux fascistes que face au gouvernement républicain où les Staliniens deviennent dominants.

Des collectivisations spontanées

Le mouvement des collectivisations démarre aussitôt après la tentative de coup d’Etat fasciste, en même temps que la constitution de milices qui vont arrêter pendant des mois l’avancée des troupes franquistes. L’expropriation et la collectivisation des terres, l’autogestion des usines ne se font pas pour défendre le gouvernement de Front populaire mais pour réaliser une révolution. Pendant quelques mois, l’État républicain n’existe plus que sur le papier.

« Nous les anarchistes, n’étions pas partis faire la guerre pour le plaisir de défendre la république bourgeoise (…) Non, si nous avions pris les armes, c’était pour mettre en pratique la révolution sociale » [1] Les collectivisations naissent spontanément de la part des travailleurs. Aucun ordre ni aucun comité n’est à l’origine de ce mouvement de collectivisation, comme le dit si bien Jose Peirats (1909-1989) : « Les collectivisations sont nées spontanément des travailleurs. Pour deux raisons : d’abord parce qu’on pouvait les faire, ensuite parce que la bourgeoisie, en s’enfuyant, a facilité le terrain. Et l’on sait que lorsque quelqu’un ouvre un nouveau chemin, tous l’imitent ; la collectivisation s’amplifia et devint réalité. »

À Barcelone, les comités dirigeants de la CNT, avaient lancé l’appel à la grève générale le 18 juillet 1936, mais sans donner la consigne de collectivisation. Or, dès le 21 juillet, les cheminots catalans collectivisaient les chemins de fer. Le 25, ce fut le tour des transports urbains, trams, métro et autobus, puis le 26, celui de l’électricité et le 27, des agences maritimes.

L’industrie métallurgique fut immédiatement reconvertie dans la fabrication de véhicules blindés et de grenades pour les milices qui partaient combattre sur le front d’Aragon. En quelques jours, 70% des entreprises industrielles et commerciales furent saisies par les travailleurs dans cette Catalogne qui concentrait à elle seule les deux-tiers de l’industrie du pays. [2] Le mouvement des collectivisations aurait concerné entre un million et demi et deux millions et demi de travailleurs [3] , mais il est difficile d’en faire un bilan précis : il n’existe pas de statistiques globales et beaucoup d’archives ont été détruites.

Dans les entreprises collectivisées, le directeur était remplacé par un comité élu, composé de membres des syndicats. Il pouvait continuer à travailler dans son ancienne entreprise, mais avec un salaire égal à celui des autres employés. Dans la plupart des entreprises à capitaux étrangers (le téléphone, certaines grosses usines métallurgiques, textiles ou agro-alimentaires), si le propriétaire (américain, britannique, français ou belge) demeura officiellement en place pour ménager les démocraties occidentales, un comité ouvrier prit en main la gestion.

Collectiviser pour gagner la guerre !

L’effort se concentrant sur l’industrie militaire, la production s’effondra dans les autres secteurs, entraînant avec elle une flambée de chômage technique, une pénurie de biens de consommation, un manque de devises et une inflation galopante. Face à cette situation, toutes les collectivités n’étaient pas égales. Fin décembre 1936, une déclaration du syndicat du bois, paru dans le Bulletin CNT-FAI, s’en indigna réclamant « une caisse commune et unique entre toutes les industries, pour arriver à un partage équitable. Ce que nous n’acceptons pas, c’est qu’il y ait des collectivités pauvres et d’autres riches » [4] .

Sans que personne, aucun parti, aucune organisation ne donne de consignes pour procéder dans ce sens [5] des collectivités agraires se formèrent également. La collectivisation concerna surtout les grands domaines, dont les propriétaires avaient fui en zone franquiste ou avaient été exécutés. En Aragon, où les miliciens de la Colonne Durruti dès la fin juillet 1936, impulsèrent le mouvement, il toucha presque tous les villages : la Fédération des collectivités regroupait un demi-million de paysans.

Rassemblés sur la place du village les actes de propriété foncière étaient brûlés. Les paysans apportaient tout ce qu’ils possédaient à la collectivité : terres, instruments de travail, bêtes de labour ou autres. Dans certains villages, l’argent fut aboli et remplacé par des bons. L’entrée dans la collectivité perçue comme un moyen de vaincre l’ennemi, était volontaire. Ceux qui préféraient la formule de l’exploitation familiale continuaient à travailler leur terre, mais ne pouvaient exploiter le travail d’autrui, ni bénéficier des services collectifs.

Groupe AL Rouen

[1] Patricio Martínez Armero, cité par Abel Paz, La Colonne de Fer, éd. Libertad-CNT, Paris, 1997.

[2] Carlos Semprun Maura, Révolution et contre-révolution en Catalogne, éd. Lles Nuits rouges, 1974.

[3] Frank Mintz, Autogestion et anarcho-syndicalisme, éd. CNT, 1999.

[4] Carlos Semprun Maura, Révolution et contre-révolution en Catalogne, éd. Les Nuits rouges, 1974.

[5] Abad de Santillan, Por qué perdimos la guerra, Buenos Aires, Iman, 1940.

http://www.alternativelibertaire.org/?M ... revolution
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede bipbip » 27 Juil 2016, 17:08

Espagne 36 : l’école fait sa révolution

En ce 18 juillet 2016, 80 ans après le soulèvement antifasciste espagnol de juillet 1936, nous vous proposons la version intégrale du chapitre « Espagne 36 : l’école fait sa révolution », publié dans Pédagogie et révolution (Libertalia, réédition 2015).

... http://www.questionsdeclasses.org/?Espa ... volution-1
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 29 Juil 2016, 01:58

En Aragon avec la colonne Ortiz

Une INTERVIEW des giménologues par Bruno Mège, publié dans MAG dimanche, le supplément de La Montagne du 10 juillet 2016

http://gimenologues.org/spip.php?article674
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede bipbip » 05 Aoû 2016, 19:30

Espagne 36 : c’était une révolution autogestionnaire et un conflit international

Les éditions CNT-RP, émanant de la confédération anarcho-syndicaliste française et héritière notamment de la CNT espagnole, qui comptait 2 millions d’adhérents en 1936, publient deux ouvrages pour aborder les enjeux majeurs de la guerre d’Espagne : la révolution du communisme libertaire effective dès 1936 et le conflit avec les pressions des puissances européennes et soviétiques.

Deux nouveaux ouvrages aux éditions CNT-RP

La Collectivisation en Espagne

La Collectivisation en Espagne ou comment le peuple de régions entières de l’Espagne de 1936 met en place ce que l’on définissait encore comme une utopie : le communisme libertaire. Ce livre décrit concrètement cette révolution auto- gestionnaire animée en particulier par la CNT et la FAI, et l’illustre en détail par le témoignage de Miguel Celma, paysan de la collectivité de Calanda.

Le collectif Redhic, auteur de ce livre, s’attache dès les années 1960 à recueillir la mémoire de la révolution espagnole en réalisant de nombreux entretiens. Ils sont notamment partie prenante du documentaire Un autre futur.

Infos pratiques
◾ En librairie le 27 mai 2016
◾ 130 pages
◾ 11 x 17 cm
◾ 8 €
◾ ISBN : 978-2-9157-3138-5


La Tragédie de l’Espagne

La Tragédie de l’Espagne ou comment, dès 1937, Rudolf Rocker analyse l’aspect géopolitique du conflit, au niveau national et international. Comment les puissances européennes ont choisi de préserver leur capital investi en Espagne, laissant ainsi la place à une puissance soviétique qui avait pour objectif de détruire la révolution sociale et ce, par tous les moyens.

Rudolf Rocker, théoricien, propagandiste et homme d’action, est une figure majeure du mouvement anarcho-syndicaliste allemand. Fervent opposant au nazisme, il s’exile aux États-Unis où il poursuit son activité antifasciste et en faveur de la révolution espagnole. Il est également l’auteur de Nationalisme et Culture, considéré comme son œuvre maîtresse et salué notamment par Albert Einstein ou Bertrand Russel. Il est disponible en français aux éditions CNT-RP.

Infos pratiques
◾ En librairie le 27 mai 2016
◾ Préface : Miguel Chueca. Traduction : Jacqueline Soubrier. Réédition revue et enrichie
◾ 180 pages
◾ 11 x 17 cm
◾ 8 €
◾ ISBN : 978-2-9157-3137-8

http://www.cnt-f.org/espagne-36-c-etait ... ional.html
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 09 Aoû 2016, 11:20

La Colonne Durruti

Film d’époque sur la Colonne Durutti. La plus célèbre colonne de combattants anarchistes formée au cours de la guerre d’Espagne. Menée par Buenaventura Durruti de la mi-36 jusqu’à sa mort le 20 novembre de la même année, cette colonne joue un rôle crucial dans le maintien de la République à Madrid face à la montée du fascisme.

« Ce ne serait vraiment pas la peine de se déguiser en soldat si l’on devait se laisser à nouveau gouverner par les pseudo-républicains de 1931 ; nous consentons à faire de grandes concessions, mais n’oublions jamais qu’il nous faut mener de front la guerre et la révolution. »

http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1606

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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 15 Aoû 2016, 17:53

Entretien avec Miquel Amoros

Durruti dans le labyrinthe
Qui a tué Durruti ?

Miquel, on a beaucoup écrit sur Durruti : le révolutionnaire, le revendicatif, le premier à faire un pas en avant… Qu’est-ce que ce « nouveau regard », le tien, apporte à cette « figure » de l’anarchisme, des idées libertaires et du mouvement libertaire en Espagne… ?

Mon intention en écrivant Durruti en el laberinto [1] était de démythifier le personnage et de le situer dans son moment historique. Démonter un mythe idéologique, création « organique » d’un appareil bureaucratique effectif, pour rendre à l’individu réel son identité anarchiste et révolutionnaire, visible dans tous les aspects de sa pratique quotidienne. À cette fin, j’ai reconstruit presque jour après jour ses cinq derniers mois de vie.

J’avais plusieurs grands-parents qui avaient perdu la guerre et à plusieurs reprises certains d’entre eux m’ont dit : « Ah ! Comment aurait tourné la guerre si Durruti n’avait pas été tué ? » Qu’est-ce que tu en penses ?

Le dénouement de la guerre ne dépendait pas d’une seule personne, aussi charismatique fût-elle. Dans tous les cas, on peut risquer la conjecture que le recul de la révolution n’aurait pas été aussi rapide, que la stratégie de la CNT n’aurait pas été aussi défaillante et que la stalinisation de la République n’aurait pas été si profonde. Pour autant, Durruti vivant, un facteur de défaite comme celui de la démoralisation énorme qui s’est produite après sa mort et à partir de 1937 n’aurait pas pris une telle envergure.

Et qu’en aurait-il été du processus révolutionnaire… si Durruti n’était pas mort… En quoi aurait-il consisté ?

Il n’y a pas de doute sur le fait qu’on aurait essayé d’acheter Durruti avec une fonction militaire type chef de division ou quelque chose de ce style. Comme pour Mera. Dans tous les cas, le premier pas de la contre-révolution, la militarisation des milices, se serait fait une fois celle-ci réalisée, dans d’autres conditions. La CNT ne se serait pas soumise aux « circonstances » aussi gaiement. D’un autre côté, les attaques de la division de Líster contre les collectivités aragonaises auraient été inconcevables avec Durruti en Catalogne ou en Aragon.

Les gens, en novembre 36, commencèrent à se demander qui avait tué Durruti et quelques interrogations restent ouvertes… Avec les années passées, y voit-on plus clair ?

Il y eut une conspiration des Soviétiques pour faire sortir Durruti du front d’Aragon et « désactiver » là-bas l’influence anarchiste. Des documents le prouvent. Quant à sa mort, on sait avec certitude que la version officielle de la balle perdue était aussi fausse que la version confidentielle du tir accidentel de son naranjero. Durruti a été tué de près, par derrière, probablement par un groupe de miliciens qui fuyaient la bataille. Que cette rencontre fût fortuite ou provoquée, on peut en avoir l’intuition mais pas le démontrer.

Durruti était-il pour tous, les uns comme les autres, plus un ennemi en tant qu’élément révolutionnaire et partisan d’un soulèvement social qu’un ennemi pour les militaires rebelles… ?

La contre-révolution, avec les communistes à sa tête en Espagne, considérait Durruti comme un obstacle pour la création d’une armée régulière avec une discipline de caserne, des galons à la pelle, et un sommet hiérarchique hors de contrôle des organisations ouvrières. En plus on avait peur de ses projets de « reconstruction libertaire » au front et à l’arrière-garde, qu’on qualifiait d’expérimentations utopiques et insensées.

L’important était de faire front à l’abus de pouvoir face à ceux qui avaient toujours eu moins, face à l’ouvrier, au travailleur, à l’agriculteur, au salarié… et faire une société égalitaire… Ce qui était important, c’était la révolution, et avec le soulèvement ce fut le bon moment… Ce n’est pas ça ?

Les responsables de l’organisation confédérale ne l’ont pas vu comme ça, qui dès le début se sont prononcés pour la collaboration dans des organismes hybrides avec d’autres forces politiques et appelèrent instamment les militants à retourner au travail et à ne pas aller plus loin.

Je pense, pour le peu que j’en ai lu, discuté et dialogué, que si des personnes comme Ascaso, Durruti n’étaient pas mortes… le printemps de 1937 à Barcelone (l’écho s’est étendu plus loin) ne se serait pas déroulé comme cela l’a été… Peut-être n’aurait-il même pas eu lieu de la manière dont on l’a « fabriqué » ?

J’insiste sur le fait que les personnes, aussi importantes qu’elles puissent devenir, ne sont que des personnes. Les journées de 37 auraient eu lieu sous une forme ou une autre. Déjà quand Durruti était vivant, un événement similaire s’était produit à Valence à la suite de l’enterrement d’un milicien de la Colonne de Fer. D’un autre côté, des personnes dotées d’un prestige indiscutable comme Federica Montseny et Juan García Oliver ont perdu toute crédibilité avec leur appel au « cessez-le-feu ». Évidemment, avec Ascaso et Durruti parmi les ouvriers derrière les barricades, la défaite de la révolution n’aurait pas été consommée. Leur abandon n’aurait pas impliqué, par exemple, la dissolution des Comités de défense et des Patrouilles de contrôle, l’emprisonnement massif des libertaires et l’écrasement du Conseil d’Aragon.

On dit souvent, toujours contre les idées anarchistes et libertaires, que ce sont eux qui mirent sur la table : « la révolution ou gagner la guerre »… Mais moi, je le vois plus depuis une autre perspective : pourquoi ne nous demandons-nous pas si ce n’étaient pas ceux qui craignaient les idées anarchistes et le développement de la révolution qui déclenchèrent deux guerres, une qui sabotait la révolution et l’autre qui essayait (comme dans un monologue) de gagner la guerre… Qu’en dis-tu ?

Le soulèvement des masses contre les militaires rebelles chassa l’État et les propriétaires de plusieurs lieux où la révolution gagnait rapidement : terres agricoles, usines, services publics, milices, santé, éducation… Cependant, les structures étatiques restèrent debout et grâce aux organisations libertaires elles purent se reconstituer en peu de mois. Les forces qui souhaitaient le retour à l’ordre d’avant le 19 juillet recoururent à la consigne « la guerre d’abord, la révolution ensuite ». Cela signifiait, pour un État renforcé de sa propre armée et de sa propre police, récupérer le contrôle et liquider les conquêtes révolutionnaires en premier lieu par la voie de la nationalisation. La première phase du processus se déroula pendant le gouvernement de Largo Caballero : la seconde pendant la période de Negrín.

Les colonnes Durruti qui se dirigeaient vers Madrid faisaient-elles si peur ?... (Je te pose la question en pensant autant aux militaires rebelles qu’aux communistes… Parce qu’ils auraient aussi bien pu tenter de consolider le front pour « prendre Saragosse », mais à un moment déterminé, ils s’en vont et se foutent dans le labyrinthe du front de Madrid et de la Cité universitaire, excuse-moi mais concernant tout cela j’ai beaucoup de questions en suspens). Que peux-tu nous en dire ?

L’arrivée de Durruti à Madrid fut assez discrète et n’eut pas trop d’écho dans la presse, pas même dans celle des libertaires. Il n’y a pas eu d’arrivée triomphale ; ce fut un montage de propagande a posteriori, et cela relève des disputes médiatiques entre les hiérarchies communistes et confédérales. Durruti est resté bloqué à 35 kilomètres de Saragosse par manque de munitions, d’armement, de formation en artillerie et de couverture aérienne. Moi, j’ajouterais également par manque de combattants (sa colonne ne disposait de guère plus que six mille, soit une cinquantaine de centuries). Le gouvernement n’a pas voulu les lui donner car il ne voulait pas armer « la FAI ». La diplomatie soviétique avait saboté tous les achats parce qu’elle ne voulait pas non plus que les milices anarchistes soient bien armées. Durruti est allé à Madrid parce que, à l’intérieur de la CNT, on l’avait convaincu qu’une intervention remarquée là-bas lui fournirait les armes qui faisaient défaut en Aragon. Mais il est parti avec seulement mille deux cents hommes (plus trois cents recrutés par Estat Català) et aucune des autres colonnes catalanes présentes qui lui avaient été assignées n’a voulu combattre sous ses ordres. Le résultat fut qu’avec des forces réduites, fatiguées par le voyage et inaccoutumées au combat sous le feu aérien et de l’artillerie, il dut colmater avec courage une brèche dangereuse sur un front tenu par cinquante mille miliciens et soldats. Ce ne fut pas une mission pour se faire valoir, mais bien plus une mission suicide. Ceux qui avaient tiré les ficelles pour l’envoyer là-bas ne pouvaient pas l’ignorer.

Quelle empreinte profonde le stalinisme et ses hommes ont-ils laissée dans cette Espagne de la Guerre civile ?

Dès septembre 1936 le stalinisme s’investit à fond dans la République espagnole. Les armes qu’il fournit lui permirent de diriger les opérations de guerre, de contrôler les services secrets, de faire la promotion du Parti communiste, de poursuivre les dissidents et d’en finir avec la suprématie anarcho-syndicaliste. La révolution espagnole fut sacrifiée et les révolutionnaires persécutés et assassinés parce que la politique extérieure soviétique d’alliance avec les démocraties bourgeoises réclamait en Espagne l’existence d’une République autoritaire et bourgeoise. Le stalinisme a laissé derrière lui une empreinte autoritaire, de la perfidie, du double jeu, des mensonges, de la manipulation et des crimes, en définitive du totalitarisme. Les partis communistes héritèrent de leurs méthodes et, dans la mesure de leurs possibilités, les appliquèrent.

Y a-t-il eu trahison, directe et indirecte, dans l’assassinat de Durruti ? Le gouvernement et les manœuvres de Staline et de ses hommes étaient-ils derrière… ?

On peut affirmer catégoriquement que les agents de Staline conspirèrent pour écarter Durruti du front d’Aragon. Le chef du gouvernement se prêta à cela de manière consciente ou inconsciente. Certains ministres également. Le Comité national de la CNT et le Comité péninsulaire de la FAI s’y employèrent chacun, à des fins politiques, peut-on supposer.

Les désaccords qu’il y a eus à l’intérieur de la CNT lorsque certains prirent position pour faire partie du gouvernement, dans ce que l’on pourrait qualifier de « bureaucratisation » de la CNT, alors que d’autres y étaient très opposés… Les épisodes de désaccord furent amers, il y eut ce que l’on pourrait considérer comme des « gros mots »… Cela a pu avoir une influence sur sa mort… On ne peut pas cesser de penser à ce que tu nous rappelles dans le livre : que Mariano Rodríguez Vázquez, Marianet, alors secrétaire général de la CNT, « avait réuni tous les témoins et leur avait enjoints de garder le silence », et tu conclus que « Durruti fut tué par ses camarades ; ils l’ont tué en corrompant ses idées ».

Durruti ne s’est pas prononcé publiquement sur l’entrée de la CNT dans le gouvernement républicain, comme il ne l’a pas fait sur l’entrée dans le gouvernement catalan. Il le fit cependant contre le sale jeu de l’arrière-garde (cf. son célèbre discours radiophonique du 5 novembre). Sa mort fut d’une certaine manière profitable au développement de la bureaucratie anarchiste. D’entrée, elle servit pour que la direction de la CNT se prononce sans ambages en faveur de la militarisation des colonnes libertaires ; ensuite pour lui faire tenir des propos qui incitaient à renoncer à la révolution et aux principes libertaires au profit de la guerre. La CNT-FAI se bureaucratisa au fur et à mesure qu’elle s’intégrait dans les institutions étatiques, que la guerre devenait plus problématique et que le prolétariat espagnol restait isolé, se voyant contrainte à un changement brusque d’orientation et à un rapprochement avec les communistes. La guerre de classes fut enterrée au profit d’une guerre d’indépendance. Les miliciens cessèrent de lutter pour leurs intérêts de classe pour le faire en défense de la « nation ». Leurs ennemis n’étaient plus les bourgeois, les curés et les militaires, mais les « envahisseurs étrangers ». Le verbiage mystificateur des dirigeants libertaires transforma Durruti en un héros prolétaire, en un caudillo national, un mythe populaire, et un militaire xénophobe. Ce fut là qu’ils le tuèrent pour la seconde fois.

Sussanna Anglès Querol
Cazarabet, 26 mars 2015.

Source de la traduction :
les Giménologues, octobre 2015.


Notes

[1] Durruti en el laberinto, Uturreko Burutazioak, Bilbao, 2006 ; traduit en français par Jaime Semprun, Durruti dans le labyrinthe, éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2007 ; nouvelle édition espagnole augmentée, Virus Editorial, Barcelone, 2014 (note de “la voie du jaguar”).


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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 18 Aoû 2016, 10:58

Enseignement de la révolution espagnole livre en PDF

« Je remercie avec retard les camarades de "Somnis llibertaris" qui ont mis en ligne cette étude de Vernon Richards, ancienne mais remarquablement lucide.

J’ai corrigé quelques coquille dues à la reconnaissance automatique de caractères, mais je n’ai pas rajouté les rééditions faites depuis les années 1970. Je suis, évidemment, responsable de la traduction.

Frank 06.08.16.

Doc pdf : http://www.fondation-besnard.org/IMG/pd ... en_PDF.pdf

http://www.fondation-besnard.org/spip.php?article2738
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede bipbip » 27 Aoû 2016, 14:27

Daniel Guerin - L'anarchisme dans la révolution espagnole

Document PDF : L'Anarrchisme_Guerin.pdf >> lire L'anarchisme dans la révolution espagnole_p41-51
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 27 Aoû 2016, 19:57

L'enquête sur l'exécution de Federico Garcia Lorca rouverte par une juge argentine

De nouveaux éléments pourraient être révélés autour de la mort du poète et dramaturge espagnol, Federico Garcia Lorca, assassiné le 19 août 1936 par des milices franquistes. Selon Reuters, Maria Servini, une juge fédérale argentine, a en effet décidé de rouvrir l’enquête.

Elle répond ainsi à la demande formulée en avril par l’Association pour la récupération de la Mémoire Historique (ARMH), qui collecte les traces des victimes du régime de Franco. En cause, des excavations menées en 2009 à Viznar (Espagne), où l’on croyait l’auteur enterré, mais qui n’avaient rien donné.

D’autres enquêtes

La magistrate argentine avait déjà lancé plusieurs enquêtes sur des crimes commis durant la période du franquisme, poursuivant même certains anciens ministres du régime.

Selon les historiens, 500.000 personnes sont mortes durant ce conflit qui a opposé les républicains aux nationalistes. Lors de violentes purges, des dizaines de milliers d’opposants au régime ont été tués ou emprisonnés.

... http://www.20minutes.fr/monde/1910067-2 ... -argentine
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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede Pïérô » 28 Aoû 2016, 23:12

1936 : Reportage sur le mouvement libertaire à Barcelone (en espagnol).

Archives d’époque de la CNT : des images de l’incontestable hégémonie des libertaires sur la région durant la période 1936-1938.

http://demainlegrandsoir.org/spip.php?article1608

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Re: 1936, une révolution sociale et libertaire en Espagne

Messagede bipbip » 11 Sep 2016, 03:16

1936 : L’Espagne entre guerre et révolution

Quand la guerre d’Espagne débuta, en juillet 1936, il y avait non pas deux, mais trois camps : fascistes, républicains et révolutionnaires. La question était : lequel des trois devait l’emporter sur les deux autres ? Par la force des choses, la CNT-FAI a dû s’allier avec le gouvernement républicain pour faire face à Franco. Mais n’a-t-elle pas été dupée ? Alexandre Schapiro détaille les erreurs commises.

Moins d’un an après l’insurrection fasciste et la révolution ouvrière qui lui a répondu, Alexandre M. Schapiro (1882-1946), militant anarchiste et syndicaliste révolutionnaire, publie dans Le Combat syndicaliste du 28 mai 1937 un article intitulé « Guerre ou révolution ».

Au lendemain de la semaine des barricades à Barcelone, il fustige l’impréparation et la candeur de la CNT devant les impératifs d’une révolution à construire et consolider. Il revient aussi sur les capitulations à répétition de la ­direction de la centrale anarcho-syndicaliste ibérique.

Schapiro est une des figures marquantes du mouvement libertaire international de la première moitié du XXe siècle. Banni de la Russie bolchévique, il s’est réfugié en Allemagne puis en France où il a contribué activement à la construction de l’Association internationale des travailleurs (AIT), fondée en 1922 à Berlin. Dans les années 1930, il adhère à la CGT-Syndicaliste révolutionnaire et collabore activement à son journal Le Combat syndicaliste.

Son article revient sur les erreurs stratégiques qui condamnent le processus révolutionnaire.

Dès l’automne 1936, l’entrée aux gouvernements de la Generalitat catalane et celui de Madrid de ministres anarchistes ; ensuite, en avril 1937, la complicité tacite de ces mêmes « camarades-ministres » quand est promulgué le décret de militarisation des milices qui met fin à l’idée d’une armée révolutionnaire sous le contrôle des organisations ouvrières ; enfin, les événements sanglants de mai 1937 à Barcelone qui voient les militants et militantes de la CNT, des Jeunesses libertaires, des Amis de Durruti et du Poum s’affronter avec les forces contre-révolutionnaires (en premier lieu les staliniens du PSUC).

Alors que les combats font rage, les ministres anarchistes Federica Montseny et Garcia Oliver, figures illustres de la CNT-FAI, appellent leurs camarades à rendre les armes et à fraterniser avec leurs opposants. La coupe est pleine, d’où le ton acerbe d’Alexandre Schapiro.

La participation gouvernementale conçue comme moyen de contrôler les velléités contre-révolutionnaires des « partenaires » républicains est jugée devant l’autel de l’histoire. Les « camarades-ministres » n’ont rien contrôlé. Par leur seule présence dans les cabinets de Caballero et de Companys, par leurs appels répétés à la « responsabilité » et au « calme », ils se sont faits complices des reculs stratégiques et des capitulations politiques.

Jérémie (AL Gard)



Alexandre Schapiro

« GUERRE OU RÉVOLUTION »

Le Combat Syndicaliste, 28 mai 1937


La formation à Valence d’un ministère de concentration républicaine à l’exclusion, nominativement, de l’UGT et de la CNT, n’est réellement qu’une manœuvre habile pour se débarrasser de la CNT, car l’UGT continue à y être représentée – et combien ! – par trois ministres socialistes et deux ministres communistes. Nous croyons, d’ailleurs, que la CNT aurait dû prendre les devants. Car, avoir commis une faute très grave en exigeant la participation gouvernementale ne signifie pas qu’il faille, en continuant à l’approfondir, en faire une vertu.

Cette erreur fondamentale avait suivi de près les événements du 19 juillet 1936. La CNT avait cru qu’elle gagnerait la révolution en Catalogne et dans l’Espagne en participant ministériellement, et dans tous les autres domaines, avec les ennemis les plus acharnés de la révolution. Elle a, au contraire, obligé la CNT à s’éloigner de cette révolution pour laquelle elle avait fait tant de sacrifices physiques et moraux.

Dès le 19 juillet, le mot d’ordre était : Guerre contre le fascisme et révolution sociale à l’arrière. Les collectivisations agraires et industrielles, prenaient un essor admirable parmi les ouvriers et paysans. L’organisation des milices sous le contrôle de la CNT garantissait au peuple en armes la souveraineté de la classe ouvrière et paysanne dans la conduite de la lutte contre le fascisme. La création du Conseil économique, indépendant de toute emprise politique, permettait au prolétariat l’extension, jusqu’à ses limites ultimes, d’une collectivisation provisoire, préparant le chemin pour une socialisation totale de la terre et des moyens de production.

La révolution marchait vers la victoire, malgré les difficultés énormes, qu’elle devait rencontrer inévitablement de tous côtés : sur le front et à l’arrière.

Complicité de la Direction CNT

La participation de la CNT aux gouvernements de Barcelone et de Madrid a aussitôt changé la face des choses. Sous le prétexte de concentrer tous les efforts sur la lutte armée contre le fascisme, les éléments bourgeois et étatiques de ces gouver­nements – qui forment, après tout, contre les représentants de la CNT, une majorité écrasante – exigeaient le ralentissement des mesures révolutionnaires que le peuple entendait bien mener à bonne fin.

La CNT se plia à ces exigences : elle remplissait ainsi les conditions du pacte de collaboration. Ce fut ­d’abord la militarisation des milices qui amena, bien entendu, à leur complète abolition. Le prolétariat n’avait plus en ses mains l’arme principale qui le garantissait contre les traîtres de demain. Ce fut ensuite, avec l’assentiment, voire sur l’initiative d’un ministre de la CNT, que fut crée un ministère de l’Économie nationale faisant double emploi avec le Conseil économique, organe direct du prolétariat. Ce dernier dut plier bagages, sur l’ordre même du ministre anarchiste.

La CNT rentrait, petit à petit, dans le sillon législatif délaissant chaque jour davantage, la grande route révolutionnaire, non pas par la volonté de ses alliés qui étaient en majorité. « La guerre d’abord, la révolution ensuite » devint le mot d’ordre nécessité par les soi-disant exigences du moment, mais qui réellement étaient les conditions posées par la bourgeoisie et par les socialistes autoritaires à la collaboration de la CNT.

Celle-ci se plia de nouveau à ces exigences au nom du pacte de collaboration. Il ne restait, en somme, qu’à faire la guerre et à oublier la révolution. Or la guerre se faisait en dehors des frontières de Catalogne ; c’était le gouvernement de Valence qui en était responsable. Mais ici, les leviers de commande n’étaient pas aux mains de la CNT ? On affamait le front d’Aragon – clé de voûte de toute la guerre – parce qu’on ne voulait pas donner aux anarchistes qui détenaient ce front les armes qui auraient pu servir la révolution ?

La situation est donc celle-ci : en Catalogne, où la CNT avait, de l’avis de tous, les possibilités d’un développement révolutionnaire à la base du conseil libertaire, la révolution fut volontairement étranglée pour ne pas nuire à la conduite de la guerre. Dans le reste de l’Espagne républicaine, la guerre contre le fascisme fut, en premier lieu, une guerre contre la CNT, puisque la clef de la victoire, Huesca et Saragosse, était délibérément ignorée.

On est donc en train de vouloir délibérément perdre la guerre comme on a délibérément étouffé la révolution. D’ailleurs, le gouvernement Prieto-Negrin, loin d’être un gouvernement de guerre jusqu’au bout, s’avère déjà être un gouvernement de médiation, d’abord, de paix ensuite. Les événements des 4 et 5 mai à Barcelone ont hâté l’avènement de ce gouvernement de contre-révolution.

Mais la faute en est à ceux qui, le 5 mai, ont fait appel aux anarchistes en révolte de mettre bas les armes. Le gouvernement contre-révolutionnaire Negrin a été précédé par un appel antirévolutionnaire du front populaire de Barcelone. Car si cet appel n’avait pas été fait, nous aurions eu à Barcelone la révolution.

Mysticisme de la guerre

Aujourd’hui la conduite de la guerre tombe à l’arrière-plan de nos préoccupations. La révolution étouffée à Barcelone le 5 mai, toute victoire sur les fronts ne peut autrement se terminer que par la défaite complète de toute nouvelle tentative révolutionnaire au lendemain d’une telle victoire. Nous sommes donc aujourd’hui – si nous ne voulons pas un jour être traités de traîtres à la révolution – devant l’impérieuse nécessité de proclamer hautement : la révolution seulement, et elle seule, décidera du sort de la guerre.

Mais nous nous heurtons chez nos amis d’Espagne, à une nouvelle vague de mysticisme : la mystique de la guerre. Avant le 19 juillet, c’était la mystique de la révolution qui empêchait nos camarades de comprendre ­qu’une révolution s’organise. Incapables de la réaliser au moment psychologique du 19 juillet, ils la remplacèrent par la mystique de la guerre. Et comme toute mystique fanatise, nous sommes, aujourd’hui aussi, comme avant le 19 juillet, devant une incapacité de raisonnement. Dans le numéro du 4 mai, la Solidarirad Obrera, l’organe de la CNT catalane, publiait en manchette l’appel suivant :

La guerre, camarades ! Par- dessus toutes les misères de l’arrière, par-dessus la politicaillerie indigne, par-dessus les rivalités entre partis, il y a la guerre ! De dures journées se préparent pour la Catalogne que seulement ­l’union étroite de tous pourra surmonter. Camarades : la guerre, la guerre, la guerre !

L’union étroite de tous ayant été rendu impossible par la trahison complète et absolue de toutes les parties contractantes du pacte du 19 juillet, à l’exception de la CNT, l’appel de la Soli est plutôt celui d’une voix clamant dans le désert et que le peuple lui même ne comprend plus.

L’heure est aujourd’hui à l’audace révolutionnaire. Par-dessus tous les dangers d’une rupture, tous les dangers d’une rupture brutale avec les politiciens, par-dessus toutes les embûches semées par les traîtres socialistes, communistes et républicains, par-dessus tous les risques d’une guerre civile sur les fronts et à l’arrière, il y a la révolution !

Et les dures journées qui attendent la Catalogne seront surmontées par la volonté ferme du prolétariat des villes et des campagnes de réaliser sa seule planche de salut, aujourd’hui, comme elle aurait dû l’être hier, comme elle le sera certainement demain : la révolution, la révolution, la révolution !

Alexandre Schapiro



1936-2016 :
ACTUALITÉ DE LA RÉVOLUTION ESPAGNOLE


Le 19 juillet 2016, cela fera 80 ans que le « peuple en armes », de Barcelone et des principales villes de la péninsule ibérique, mit en déroute le coup d’État militaire de Francisco Franco.

Même si l’épilogue, en 1939, de ce qui allait devenir la guerre d’Espagne, est douloureux, cela n’en représente pas moins, pour nous, un événement important. En effet, du moins durant plusieurs mois (juillet 36-août 1937), le caractère révolutionnaire, sous le pli de la bannière rouge et noire de la CNT, est indéniable.

Exposition « La Révolution libertaire »

Loin de commémorer des temps révolus, notre ambition est de revenir sur cette révolution espagnole afin d’en tirer des enseignements pour enrichir notre pratique militante présente.

C’est dans ce sens, que nous avons décidé de proposer, pour le courant de l’automne 2016 et de l’hiver 2017, une série de réunions publiques dans les villes où des groupes de l’AL sont présents.

À cette occasion, au-delà de films et de débats portant sur ce thème, il sera possible de découvrir une exposition intitulée « La révolution libertaire ». Elle a été produite et nous a été prêtée par nos compañeros et companeras de la CGT de l’État espagnol.

Cette exposition, riche de 26 panneaux, aborde différentes thématiques, entre autre : les collectivisations agraires, l’autogestion ouvrière, les ­femmes et le mouvement des Mujeres Libres, les expériences pédagogiques antiautoritaires, un autre cinéma et théâtre, les publications de la CNT-FAI, l’exil…

Jérémie (AL Gard)



TRENTE ANS DE RÉVOLUTION
ET DE CONTRE-RÉVOLUTION


Février 1902 : Grève générale à Barcelone.

Juillet 1909 : « Semaine tragique » à Barcelone. Exécution du pédagogue libertaire Francisco Ferrer.

Octobre 1910 : Fondation de la CNT (voir « 1910 : la CNT, naissance d’une légende » dans AL n° 200 de novembre 2010)

10 mars 1923 : Assassinat du leader anarchosyndicaliste catalan Salvador Segui par des pistoleros du patronat. Le groupe Nosotros, composé de figures du mouvement libertaire ibérique (Francisco Ascaso, Buenaventura Durruti, Garcia Oliver), multiplie les représailles.

Septembre 1923 : Prétextant l’agitation anarchiste, coup d’Etat militaire et dictature de Miguel Primo de Rivera.

1927 : Au sein d’une CNT condamnée à la clandestinité, création de la Fédération anarchiste ibérique (FAI) censée regrouper les éléments les plus radicaux de la centrale syndicale libertaire.

14 avril 1931 : Proclamation de la république.

Janvier 1933 : Soulèvements en Catalogne et en Andalousie. Massacre du village andalou de Casas Viejas.

Octobre 1934 : Insurrection des mineurs de la CNT et de l’UGT et Commune des Asturies. L’armée conduite par Francisco Franco réprime le mouvement. L’Espagne compte alors 30.000 détenus politiques.

Février 1936 : Victoire du Front Populaire aux élections générales. Loi d’amnistie des prisonniers politiques.

Pronunciamiento et révolution sociale

18 juillet 1936 : Le soulèvement de l’armée au Maroc se propage à la péninsule.

19 juillet 1936 : Échec du pronunciamiento (coup d’État) dans les principales villes du pays, sauf Séville et Saragosse, pourtant bastions de la CNT.

Été-automne 1936 : Départ des milices ouvrières (principalement de la CNT-FAI et du Poum) constituées en Colonnes vers le front d’Aragon. Création du Comité central des milices antifascistes de Catalogne. Vague de collectivisations des terres et de l’industrie en Catalogne, en Aragon et dans le Levant.

25 septembre 1936 : Création du Conseil de la Generalitat (gouvernement catalan) avec la participation de la CNT.

Octobre 1936 : création du Conseil d’Aragon dominé par la CNT et s’appuyant sur les Colonnes anarchistes.

Priorité à la guerre

4 novembre 1936 : Largo Caballero forme un nouveau cabinet, surnommé le « second gouvernement de la Victoire », qui compte des membres éminents de la CNT tels que Juan García Oliver (Justice), Juan López (Commerce), Federica Montseny (Santé) et Joan Peiró (Industrie).

Avril 1937 : Décret de militarisation des milices.

2–7 mai 1937 : « Semaine des barricades » à Barcelone. Des militants de la CNT, du Poum, des Jeunesses libertaires et du groupe Les Amis de Durruti s’affrontent aux staliniens du PSUC. Garcia Oliver appelle au calme. Les libertaires italiens Camilo Berneri et Francesco Barbieri sont exécutés par des agents du NKVD.

Juin 1937 : Interdiction du Poum et assassinat par les staliniens d’Andres Nin.

Août 1937 : la contre-révolution est triomphante dans la zone républicaine. Le Conseil d’Aragon est définitivement dissous. Joaquín Ascaso, son président, est emprisonné. Création du SIM, police politique formée et encadrée par le NKVD.

Défaite de la république

Juillet-novembre 1938 : Bataille de l’Ebre et débâcle républicaine.

26 janvier 1939 : Chute de Barcelone. Les armées franquistes défilent sur les Ramblas. Début de la Retirada et fuite vers la frontière française de centaines de milliers de réfugié-e-s.

24 février 1939 : Le gouvernement français reconnaît le régime franquiste. Le maréchal Pétain est nommé ambassadeur de France en Espagne.

28 mars 1939 : Chute de Madrid.

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