Derrière les profits d’Ikea, la vie brisée des forçats de la route
La Fédération internationale des travailleurs des transports multiplie les actions pour faire reconnaître la responsabilité de la multinationale suédoise en ce qui concerneles conditions de travail déplorables de ses transporteurs sous-traitants.
Le 17 octobre dernier, un routier lituanien était retrouvé mort sur le parking d’Ikea à Metz (Moselle). Employé par la compagnie néerlandaise Samskip, sous-traitante du géant suédois, il est le macabre symbole d’un système inhumain qui a érigé la rentabilité en dogme, au mépris des conditions de vie et de travail de milliers de conducteurs. Un système rendu possible par la législation communautaire, via la directive sur le travail détaché, contournée allégrement par les multinationales.
Le scandale de la sous-traitance en cascade, dénoncé à de multiples reprises par les syndicats du secteur, a atteint, ce jour d’octobre, son paroxysme. En réaction, et à l’appel de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF), les actions revendicatives se sont multipliées cette semaine aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique… Hier, c’est à Metz, sur le site du plus gros entrepôt Ikea d’Europe, qu’une vingtaine de routiers se sont rassemblés à l’appel de la CGT, du syndicat belge FGTB et du néerlandais FNV. « Les conducteurs, qui garantissent l’économie d’Ikea, sont plus occupés à survivre au jour le jour qu’à conduire », déplore Lars Lindgren, président du syndicat suédois des travailleurs des transports, cité par l’ITF, qui appelle une nouvelle fois la multinationale suédoise à prendre en compte les conditions de travail des salariés qu’emploient ses fournisseurs. « Ikea est le donneur d’ordres, il doit passer à l’action pour stopper ces abus », assènent les syndicats européens.
Payés 800 euros pour travailler et vivre en France ou en Allemagne
«Ikea fait travailler pour son compte des dizaines de boîtes de transport routier. Une grande partie de ces entreprises ont leurs sièges sociaux en République tchèque, en Hongrie ou en Slovaquie, et embauchent aux conditions des pays de l’Est. Les autres sont des entreprises françaises, comme XPO Logistics – ex-Norbert Dentressangle –, qui créent des filiales dans les pays de l’Est au prétexte d’une activité économique sur place et envoient en réalité les salariés de ces filiales sur les routes d’Europe de l’Ouest », explique Alain Sutour, responsable internationale à la CGT transports. Victimes du contournement des règles européennes, « ces conducteurs sont payés au tarif du pays d’origine, soit environ 200 euros mensuels auxquels s’ajoutent 600 euros maximum de défraiement », poursuit le syndicaliste. En tout donc, 800 euros pour travailler et vivre en France ou en Allemagne. Leur mission dure « de trois à six mois », précise Alain Sutour, « ils dorment dans leur cabine, mangent au cul du camion, dehors même en plein hiver, préparent leur repas sur un réchaud, dans les odeurs d’échappement et de gasoil »… Pis, alors que la loi communautaire exige qu’une nuit de repos hebdomadaire soit prise à l’hôtel, « cette mesure n’est strictement jamais appliquée », poursuit le syndicaliste. Selon les dernières informations, le conducteur lituanien décédé à Metz a succombé à un infarctus. « Il avait 60 ans, trente ans de route derrière lui dans les conditions dont je viens de parler, loin de chez lui, sans pouvoir se soigner, seul toute l’année », déplore Alain Sutour.
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