La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Roro » 18 Juil 2008, 00:53

Un sujet qui me tient à cœur et qui d'une certaine manière a influencé ma façon de penser : mon quartier, La Bastide, sur la rive droite de Bordeaux (ça a son importance, vous le verrez). Vous verrez aussi que je vais faire part de pas mal de souvenirs de mon enfance, pour bien vous montrer en quoi le fait de vivre à La Bastide a influencé ma façon de voir les choses.

On va commencer par un peu d'histoire (très approximative).

Au départ, Bordeaux c'est installé sur la rive gauche de la Garonne. Pour rejoindre la rive droite, une seule possibilité : les barges. Au départ, La Bastide était une zone agricole, je vous le donne en mille, c'était des vignes. Puis, vers la Révolution industrielle, les premières usines ont fait leur apparition sur la rive droite. C'est sous Napoléon que le pont de pierre a été construit (ou Napoléon 3, je ne sais plus), reliant les 2 rives. Au début des années 1900, la ville de Cenon, elle aussi sur la rive droite et limitrophe de La Bastide actuelle, vend La Bastide à la ville de Bordeaux, permettant à cette dernière d'avoir un pied sur la rive droite. La Bastide comptait alors 16000 habitants dont beaucoup d'ouvriers. Puis, plus tard, vers les années 1960-1970 les usines ont commencé à fermer, quand je suis né, en 1987, l'activité ouvrière était devenu quasi-nulle.

"La Bastide c'était un quartier pourri" comme le dirait un ami qui lui a grandi à Lormont, autre commune de la rive droite, c'est un peu le 93 bordelais. Beaucoup d'espaces étaient occupé par des friches industrielles. De grands terrains vague, des usines à l'abandon. La voirie était assez pourrie aussi.

Quand j'étais gosse, mon terrain de jeu c'était la gare d'Orléans. La gare d'Orléans c'était des ruines aussi, avec un terrain vague équivalent à à peu près deux terrains de foot si ce n'est plus. Avant, elle servait à acheminer les produits qui sortaient des usines, elle avait été brûlé, 2 fois. On y faisait un peu ce qu'on voulait. Y avait les bouteilles de bières qu'on s'amusait à dégommer avec des pierres, et le terrain étant bien défoncé, on y faisait pas mal de vélos aussi. D'ailleurs on aimait bien quand il pleuvait, car au milieu de la gare, entre les deux ailes, il y avait une espèce de cour en U qui se remplissait de flotte. Du coup, on récupérait tout ce qui trainait aux alentours (pneus, planches de bois..) et on y faisait un pont pour y passer à vélo. Je peut vous assurer qu'il valait mieux pas se toller au milieu du pont...

Les gens se parlaient pas mal. Y avait pas mal de vieux. Le sujet de discussion et de commérage à l'époque c'était qui risquait de se faire expulser de chez lui car il/elle avait dût mal à payer le loyer. C'était avant le boom de l'immobilier dans le quartier évidemment. Beaucoup de vieux, je l'ai déjà dit mais c'était criant à l'époque. Mais les gens se parlaient. On hésitait pas à aller demander au voisin s'il avait pas un truc à dépanner. Y avait de l'entraide quoi.

De toutes les personnes que j'ai connu, il y en a une que j'aimais bien, non seulement car elle était de mon âge et qu'en plus elle était jolie. C'était Ismane, ma voisine d'en face. On était fourré soit chez l'un soit chez l'autre. C'était un peu ça aussi la vie à La Bastide avant, les gosses faisaient à peu près tout ce qu'ils voulaient et ils allaient les uns chez les autres. Un souvenir qui me revient et qui m'a marqué. C'était l'anniversaire de mes 8 ans. J'étais malade. Mais, la mère d'Ismane m'avait fait un gâteau (elle était boulangère). Un gâteau très particulier : en forme de 8, pour mes 8 piges... Quand j'y repense, c'était trop mignon. Je me rappelle plus s'il était bon ou pas. J'ai perdu de vue Ismane, elle a déménagé après deux ans passés dans ma rue.

C'est à cette époque là, je devais alors avoir 10 ans, que j'ai rencontré un autre rebeu, je me rappelle plus de son nom, juste qu'il habitait une cité à côté de chez moi. On s'était rencontré lors de l'incendie d'une entreprise de menuiserie. A l'époque, un incendie c'était la distraction a pas loupé. C'est dégueulasse, mais quand on a pas de passe-temps dans le quartier... Là, c'était plus des virées en vélo sur les terrains vagues et des journées à jouer à la play.

Je vais arrêter ici mon autobiographie socio/géographique, pour vous parler un peu plus de Bordeaux et des communes avoisinantes et de la dualité rive gauche/rive droite.

Ayant fait deux années de géographie je comprends un peu mieux aujourd'hui les différences qui existe entre les quartiers. Et, à Bordeaux la différence est criante entre les deux rives. Déjà, il y a 500 mètres à faire entre les 2 rives. Le fleuve fait donc office de frontière en quelque sorte. Frontière psychologique (j'y reviendrai), architectural, social et culturelle.

Bordeaux rive gauche, dans l'imaginaire de la plupart des jeunes et des habitants de la rive droite, et qui n'en est pas pour autant infondé, c'est la rive des bourges. A l'inverse, pour les habitants de la rive gauche, la rive droite a peu d'intérêt (ce qui est vrai) quand pour certain(e)s c'est pas un coupe-gorge. Une anecdote là-dessus. J'ai été dans un lycée rive gauche et j'ai eut une discussion avec 3 bonnes bourgeoises de ma classe en terminale. Je leur disait qu'il m'arrivait d'aller faire mes courses au Carrefour de Lormont et que quand je faisais de la natation, il m'arrivait aussi d'aller à la piscine de Lormont pour des compétitions (voir ce que j'ai dit sur Lormont plus haut). Elles m'ont regardé avec des yeux ronds. Pour elles, Lormont c'est un quartier coupe-gorge où on s'y fait forcément agressé, elles m'ont d'ailleurs dit qu'aller sur la rive droite la nuit "c'est craignos". Vous voyez le genre de stéréotypes qu'ont les habitant(e)s de la rive gauche sur la rive droite...

La suite plus tard.
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Vilaine bureaucrate » 24 Juil 2008, 10:33

C'est marrant parce que j'habite dans un bled qui est coupé en deux par la nationale et il y a aussi deux cotés, un bourgeois, partie develloppée, chateau, tennis, stade.. ect.. l'autre populaire (ou il y avait une usine) avec moins de population et pas grand chose, mais ça ne se voit pas du premier coup d'oeil, pas comme a Bordeaux.
J'y suis allée, une semaine, au mois de juin, j'étais du coté de la Porte Dijeau, je pensais que c'était juste le quartier qui était bourges mais en faite c'est tout ce coté, je me suis baladée des Chartrons a la place de la Victoire (votre Bastille si j'ai bien compris) , j'ai vu le CAPC (ou ya des oeuvres des situs), esplanades quinconçes ect.. et la rue sainte catherine ou c'est carrement bourgeois,( dans certain magazin de vetement, tu trouves meme le livre de sarko en vitrine :roll: ) je me suis demandée ou est ce que j'étais, et puis je suis tombée sur une librairie caillassée ça m'a rechauffé le :coeur: surtout que c'était une librairie a theme, de droite, :haha: , avec en vitrine des trucs de catho, tout les livres sur sarko, des trucs de l'époque médiévale, le livre noir du communisme..
J'ai traversé le pont, tout ce que tu dis se ressents, j'étais curieuse de savoir ce qu'il y a avait de l'autre coté, je me suis arretée au niveau du jardin botanique. Sur les bords de seine LOL EDIT: la garonne!! lol, y'avait des petits vieux qui se tapaient leur petites reunions quotidiennes sur les bancs publics ..y'avait un chapiteau..
Bordeaux a son histoire, mais ce que tu decris c'est aussi une volonté des élus.

La suite pour quand? ^^
Modifié en dernier par Vilaine bureaucrate le 19 Oct 2008, 11:59, modifié 1 fois.
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Roro » 24 Juil 2008, 13:52

Pour le visiteur qui vient à Bordeaux, en traversant le pont de pierre, arrivé au milieu, il lui suffit juste de se tourner vers les 2 rives pour en voir les différences. Sur la rive droite, hormis sur la place Stalingrad, l'architecture des habitations, bien que semblable de celle de la rive gauche (maison en pierre ou en calcaire), elles sont plus petites au niveau de la hauteur. Pour celui qui irait faire un tour du côté de Cenon, Lormont, Floirac, ou tout simplement vers le fond de la Bastide, un peu avant la frontière administrative avec Cenon, on voit l'architecture typique des banlieues françaises. Quartiers pavillonnaires et cité HLM dont les centres de ces villes sont des centres commerciaux (Carrefour pour Lormont, Casino il me semble pour Cenon).

A La Bastide, le centre névralgique du quartier n'a guère changé, même avec le renouvellement du quartier. Ça reste la place Stalingrad. Avant, c'était surtout par rapport aux transports, c'est de là que partait les bus vers tous les autres quartiers de la rive droite. Ca reste d'actualité aujourd'hui, mais ça c'est développé, avec la réhabilitation de la gare d'Orléans en cinéma de 16 salles (qui attire les habitant(e)s des autres communes), l'aménagement des Quais des Queyries en espace vert, sorte de Promenade des anglais bastidienne, l'apparition du jardin botanique (ce qu'évoquait VB), la construction de nouvelles résidences (après la destruction de pas mal d'habitations et le départ de leurs habitants) et l'apparition de pas mal de bars et de restos, 2-3 guinguettes sont également arrivées avec l'aménagement des quais. Globalement, les habitants de la rive gauche y viennent pour y passer du bon temps (séance ciné, petit tour dans les restos qui restent relativement chers) entrainant de fait un embourgeoisement principalement du côté de la Place Stalingrad. Le projet de Juppé de faire construire des maisons/résidences écolos ne va pas arranger les choses, encore un peu plus de bobos à La Bastide.

En gros, l'embourgeoisement de La Bastide reste cantonné à un triangle Quai des Queyries/ église Sainte-Marie / Place Stalingrad. Dans le quartier de la Benauge, par exemple, à part quelques nouvelles résidences, rien n'a été fait. L'usine Cacolac, à l'abandon quand j'étais gosse, a juste était détruite, laissant place à un grand terrain vague. La salle Jean Dauguet aura juste été agrandi il y a une petite dizaine d'années. Au fin fond de La Bastide, au-delà de l'église Sainte-Marie, rien n'a été fait non plus, tout est resté inchangé. Idem quand on va au-delà du quai des Queyries : de vieux quais avec des hangars à bateau plus ou moins vétuste, et plus loin une vieille usine. Quand on va sur les quais du coté de la caserne des pompiers, on s'aperçoit là aussi que, outre la voirie qui aurait besoin d'un coup de jeune, pas mal de friches subsistent là aussi, ainsi que divers bâtiments, frisson garanti quand vous passez par là de nuit ! Autre chose "amusante" le commissariat de La Bastide a été déménagé en plein dans le triangle des bobos. Marrant cette coïncidence n'est-ce-pas ?

Globalement, le quartier revit tout de même. Il y a une certaine mixité sociale. Pas mal de beurs, de blacks, d'asiatiques (ces derniers ont monté un petit supermarché sur l'avenue Thiers, 2 restos japonais et 1 resto chinois qui fait buffet). C'est l'une des choses les plus bénéfiques qui soient arrivés au quartier : l'arrivée de population métisse. Il y avait déjà une bonne communauté portugaise et espagnole (je vous raconte pas l'accent à couper au couteau et les mots espagnols que peut glisser ma voisine quand on fait la causette, faut s'accrocher pour la suivre ! ^^), maintenant, c'est un métissage total. Idem au niveau du travail. Ici habite un type qui bosse dans le BTP, là un comptable, là un salarié d'EDF sa femme travaille dans les costumes au théâtre, etc. Un quartier de classe moyenne en somme, où la classe ouvrière est également présente.

Dans le triangle dont j'ai parlé, les petits commerces, garants des rapports humains entre les gens du quartier, meurent les uns après les autres, bien que le processus semble se stabiliser et s'arrêter. Tous les petits commerces qui ont baissé le rideau ont été remplacé par des agences (bancaires, intérim, immobilier). Là encore, le phénomène se cantonne au triangle bobo. Il y a 3 ans, la boulangerie a failli fermer, suite à un dépôt de bilan. Les salariés ont alors mis un grand panneau où elles demandaient aux habitants de faire en sorte que le reprenneur laisse la boulangerie. Un des commentaire : "on veut une boulangerie, pas des agences de merde !". Symptomatique de l'état d'esprit qui règne dans ce quartier où aux dernières élections l'extrême gauche a fait 10% et où Royal a ramassé 63% des suffrages au second tour des présidentielles.

La suite plus tard.
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Vilaine bureaucrate » 17 Oct 2008, 22:00

maintenant. ^^
Modifié en dernier par Vilaine bureaucrate le 19 Oct 2008, 11:59, modifié 2 fois.
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Alayn » 18 Oct 2008, 02:25

Bonsoir ! Bien, ces anecdotes ... Y'a un quartier à Limoges qui s'appelle aussi La Bastide: c'est le quartier le plus pourave de la ville, tout du moins le plus craignos: tours HLM, etc...

Salutations anarchistes !
Alayn
 

Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Antpirg » 22 Déc 2008, 21:37

Roro pourquoi tu raconte ta vie ?
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Roro » 22 Déc 2008, 23:35

Antpirg a écrit:Roro pourquoi tu raconte ta vie ?


Parce que c'est toujours mieux que d'annoncer des piratages et autres conneries du genre sur un forum public ?

Puis si t'es pas foutu de capter de quoi je cause, pas ma faute...
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede Roro » 22 Déc 2008, 23:44

Allez, juis sympa, je te file ça à lire, peut-être que tu capteras mieux ce que je voulais dire : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gentrification
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Re: La Bastide : histoire comptenporaine d'un quartier bordelais

Messagede joe dalton » 23 Déc 2008, 21:00

la suite plus tard ??
c'est interresant, et la gentrification(terme que je n'aime pas trop), c'est un phénomène qui se développe partout ! marseille, dans le genre, en 10 ans c'est ahurissant !
moi, a paris, c'est vraiment pas mal aussi, en trente ans, c'est c'est incontestable, mais en même temps il ont jamais réussis a chasser les pauvres totalement, même du 5e !
mais c'est tel que c'est maintenant les banlieues première couronne qui sont investit par les bobos ! une ville comme Montreuil, par exemple est devenue presque méconnaissable en quelque année!
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