Vidéos : Manifestations à Madison contre les « bavures » policières
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http://www.anarkismo.net/article/28180Mettre le feu à la corde : sur la Révolte de baltimore et les autres à venir
Par Romina Akemi (Black Rose Anarchist Federation / Federación Anarquista Rosa Negra - USA), traduit de l’anglais par Paolo (Alternative Libertaire Bruxelles).
LOS ANGELES, CALIFORNIE
Au petit matin du 1er mai, Marilyn Mosby, procureure général de la ville de Baltimore, annonçait des poursuites pénales à l’encontre des six policiers responsables du meurtre de Freddie Gray. Les poursuites comportent le meurtre au second degré et l’homicide involontaire. Victoire amère qui illustre l’impact des manifestations de masse face à l’injustice. Durant son annonce Mosby a affirmé « citoyens de Baltimore et manifestants de toute l’Amérique. J’ai entendu votre appel ; pas de justice, pas de paix. Votre paix est pourtant nécessaire pour que je puisse livrer justice au nom de ce jeune homme ».
Alors que des milliers de manifestant.e.s marchaient dans les rues de Baltimore et à travers tout le pays, il parait évident que ce camouflet de justice n’est pas suffisant. Dans un article du New York Times, un habitant de Sandtown dans le Winchester affirmait “je pense qu’ils poursuivent les officiers de police juste pour calmer la population, mais je ne pense pas qu’ils seront reconnus coupables”.
Durant les deux dernières semaines, la communauté noire de Baltimore s’est mobilisée en réponse au meurtre brutal de Freddie Gray par la police de Baltimore. Les nouvelles images de jeunes noires de Baltimore résistant à la police anti-émeutes ne sont pas sans rappeler celles des manifestations de Ferguson l’été dernier. Elles ne sont également pas sans rappeler les émeutes de Los Angeles en 1992, tout comme les nombreux soulèvements populaires aux Etats-Unis contre les crimes policiers racistes en 1968. Et l’on pourrait remonter encore plus loin dans l’histoire de ce pays. Il existe de nombreuses histoires de ce genre. La liste des morts imputés à la violence d’un état raciste est longue. Beaucoup en viennent donc à se demander si n’est pas venu pour eux le moment d’abattre ce système capitaliste raciste ?
Durant les trois dernières années, un mouvement a vu le jour pour s’opposer à la violence d’état contre les noirs. L’assassinat en 2012, de Trayvon Martin (17 ans) par George Zimmerman – membre d’un comité de vigilance de quartier en Floride - a déclenché des rassemblements et des manifestations partout aux Etats-Unis. Zimmerman affirma s’être senti menacé par Martin parce que ce dernier portait un sweat à capuche, signe d’intentions « antisociales ». En réponse, la famille de Martin, et plus généralement le vécu quotidien des afro-américains, a mis en évidence que le seul problème était en réalité la couleur de peau de Martin.
L’acquittement de Zimmerman a mis en évidence la valeur accordée à la vie des noirs aux Etats-Unis. Elle est nulle…
Durant l’été 2014, deux assassinats policiers ont revigoré un mouvement qui répondait à la mort de Martin. Des témoins ont filmé l’exécution d’Eric Garner à New York et celle de Michael Brown à Ferguson dans le Missouri, transformant un événement individuel en mémoire collective. Les mots prononcés par Garner alors qu’il était en train de mourir, « Je ne peux pas respirer » (« I can’t breathe ») et la description faite par les témoins qui ont vu Brown les mains en l’air, sont devenus les mots d’ordre de ralliement du mouvement Black Lives Matter.
Mais alors que le peuple rageait contre les faux-semblants de justice, les exécutions policières continuaient de plus belle… En février dernier, une personne a filmé la confrontation et le meurtre par balles d’un sans-abri de 39 ans, Charley “Africa” Saturmin Robinet, habitant du quartier de Skid Row (Los Angeles) par des agents de police de Los Angeles (LAPD). En avril, une vidéo fit surface, elle montrait un policier du nord de Charleston poursuivre et abattre Walter Scott, 50 ans. La réponse inattendue du département de police de North Charleson fut de poursuivre Michael Slager, l’officier responsable de la mort de Scott pour meurtre au premier degré. Ce dernier est toujours en attente de son procès.
La Mort de Freddie Gray & le soulèvement de Baltimore
Au matin du 12 avril, des policiers en vélo de Baltimore prirent en chasse Freddie Gray, 25 ans dans le quartier majoritairement noir et ouvrier de Sandtown-Winchester dans l’ouest de Baltimore.
Une vidéo a rapidement circulé. Filmé par Kevin Moore, on y voit Gray tiré par les policiers alors que celui-ci agonise avant d’être placé dans une camionnette de police. En début d’après-midi, Gray est dans le coma à l’hôpital et décède neuf jours plus tard. Depuis lors, on a appris que la moelle épinière du jeune homme a été brisée et son larynx écrasé en cellule.
Alors que Gray était inconscient à l’hôpital, des rassemblements ont été organisés pour protester contre la police de Baltimore. Avec cette nouvelle victime noire par l'action de la police, la population noire de Baltimore était en rage.
Après les funérailles de Freddie Gray, le 27 avril dernier, les habitants de l’ouest de Baltimore furent confrontés à l’occupation militaire de leur quartier par des policiers anti-émeute. Les étudiants du secondaire qui quittaient l’école furent rapidement victimes de harcèlements policiers qui déclenchèrent des confrontations durant lesquelles de jeunes noirs affrontèrent les flics avec des pierres, chassant et repoussant les forces d’occupation.
Dans les jours qui suivirent l’Etat du Maryland déploya la Garde Nationale, créant ainsi les tensions supplémentaires au sein même d’un mouvement qui exprimait la perte de légitimité d’un système échouant de toute part.
La réponse des médias nationaux fut de représenter les intérêts de l’état et de ses représentants. Donnant principalement la parole aux quelques individus prônant la non-violence et traitant en criminels ceux et celles qui participaient à la révolte.
A la manière dont les médias mettaient en évidence les vitres brisées, on pourrait croire qu’il s’agirait presque d’idoles religieuses. Dans un pays où la propriété privée a plus de valeur qu’une vie humaine, cela reflète bien ce que le système capitaliste porte en estime.
Allen Bullock, suivant malheureusement les conseils de ses parents, s'est rendu lui-même à la police pour avoir brisé la vitre d’une voiture de police. Âgé de 18 ans, il est actuellement détenu avec une caution de 500.000 dollars pour, d’une part, participation à une émeute et destruction de propriété privée d'une valeur de plus de 1000 dollars et, d’autre part, pour vagabondage, trouble à l’ordre public et vol de moins de 100 dollars.
Dans un article écrit par Ta-Nehisi Coates intitulé « la non-violence est de la complaisance » paru dans The Atlantic, l’auteur affirme « lorsque la non-violence débute au milieu d’une guerre avec un agresseur appelant à un temps mort, il s’agit d’une ruse ». C’est une tromperie qui vise à stopper le développement de l’indépendance et l’auto-organisation des masses par le bas. Un mouvement qui cherche à briser la dépendance vis-à-vis de l’état qui n’apporte que de maigres allocations et une justice kafkaïenne mais qui, à la place, construit des politiques qui préfigurent et créent une forme de sociabilité qui bénéficient à l’humanité.
Plus encore, nous devons remettre en question ce que la société capitaliste appelle violence, alors qu’au moins 24% de la population de Baltimore vit en-dessous du seuil de pauvreté dans un pays où un homme noir sur trois sera emprisonné au cours de sa vie. Dans un article écrit par Mother Jones, il est mis en évidence qu’entre 1968 et 2011, les noirs étaient deux à huit fois plus sujets à mourir des mains de la police que les blancs.
La violence d’état est raciste et ce racisme est systémique, pleinement imbriqué dans le système capitaliste. Affirmer de manière récurrente que le problème avec la police réside dans « quelques policiers qui se comporteraient de manière raciste » revient à dire que le racisme relève de « mauvaises idées » qu’auraient quelques personnes. Ceux qui affirment cela s’étonnent ensuite de la recrudescence du racisme en 2015…
L’émergence et le développement du capitalisme libéral a été construit sur le génocide et le travail des Africains kidnappés par les blancs ainsi que sur les indigènes des Amériques. Alors que dans les premières années de l’ère coloniale, la suprématie de la religion chrétienne légitimaient les violences des colons, au fil du temps c’est un système racial et raciste qui s’est développé autorisant ainsi les descendants espagnols, portugais, britanniques ou hollandais (en fonction des colonies) à contrôler la politique et l’économie des colonies.
Au travers des Amériques, la race et le racisme se sont développés différemment. Aux États-Unis, c’est une politique de suprématie raciale blanche qui fut construite et qui fut adoptée par des pans entiers de la classe ouvrière blanche (comme le montre l’ouvrage The Wages of Whiteness de David Roediger), empêchant toute solidarité de classe et poussant la classe ouvrière noire dans la pauvreté la plus abjecte. C’est le spectre des pendaisons du Klu Klux Klan qui continue à terroriser les gens de couleurs aux quatre coins de la soi-disant « Terre des Libres » (Land of the Free). Cependant, c’est un spectre tangible et réel, vécu quotidiennement au travers de la réalité systémique et matérielle du racisme qui catégorise des groupes entiers sur base de la couleur de peau et du phénotype. Catégories raciales qui permettraient d’expliquer les inclinaisons criminelles d’un groupe dont le travail a été dévalorisé et considéré comme apte au seul travail non-qualifié.
La pauvreté proclame une violence psychologique et physique, rappelant à tout individu qu’il est marginalisé et que rien ne changera. Pourtant, nous sommes supposés ressentir un attachement aux aspirations des États-Unis. Ce même état-nation qui utilise et dispose de nos corps lorsqu’il en a besoin pour ses guerres à l’étranger comme sur son territoire. Alors que la population s’organise et pas uniquement pour desserrer le nœud de la corde qui l'étrangle mais aussi pour le brûler, il y a un sentiment de plus en plus partagé de perte de légitimé vis-à-vis de ce territoire appelé Amérique et qui rassemble un nombre croissant de ceux et celles qui construisent une sociabilité dans nos rues. C’est à travers ces luttes – qui s’opposent au racisme anti-noir et au capitalisme – que nous reconstruirons une nouvelle société et détruirons à jamais la suprématie blanche.
Related Link: http://www.blackrosefed.org
traduit de l’anglais par Alternative Libertaire Bruxelles
Baptiste Duclos, The Dissident a écrit:C’est une foule nombreuse qui est venue au « Lieu unique », lundi dernier, pour assister à la marche de l’Histoire. Grande militante américaine des droits de l’homme, Angela Davis était là, à Nantes, ex-premier port négrier français, pour commémorer l’abolition de l’esclavage. « J’apprécie que la ville de Nantes n’ait pas tenté de cacher le rôle qu’elle a joué durant cette période de l’histoire », a d’emblée déclaré le professeur Davis, qui enseigne actuellement à l’université de Santa Cruz (Californie). Rappelant, au passage, qu’une large part de la prospérité nantaise repose en effet sur la traite négrière. Des enjeux de mémoire et de justice pour lesquels cette activiste se bat maintenant depuis des décennies…
Le FBI aux trousses
Figure majeure du combat pour les droits civiques aux États-Unis dans les années 60 et 70, féministe, communiste, membre des Black Panthers : les engagements d’Angela Davis lui ont valu d’être placée sous l’étroite surveillance du FBI, alors sous la direction de l’intraitable J. Edgar Hoover. En 1970, accusée de meurtre dans un attentat visant à libérer des prisonniers politiques Afro-américains, les « Soledad Brothers », elle part en cavale et devient l’une des personnes les plus recherchées par le FBI. Jusqu’à être inculpée par l’État de Californie, en janvier 1971, de meurtre, d’enlèvement et de conspiration. Des crimes passibles de la peine de mort. Sa liberté ? Elle la devra finalement à l’exceptionnel mouvement de soutien qui s’est spontanément créé. Un modèle d’organisation militante qui fit vibrer le monde entier autour d’un slogan : « Free Angela ».
« La majorité de l’histoire des États-Unis est une histoire de l’esclavage »
Pour autant, ce n’est pas pour parler de son parcours qu’Angela Davis a fait escale à Nantes. À 71 ans, la militante poursuit bel et bien le combat :
« Aux USA, on découvre tout juste des moyens de commémorer l’abolition de l’esclavage, confie-t-elle. Nous n’avons pas été capables de trouver un jour pour se remémorer, non seulement la brutalité du système, mais aussi les décennies de lutte abolitionniste. »
D’autant que cette année, c’est le 150ème anniversaire du 13ème amendement de la constitution américaine, qui a officiellement aboli l’esclavage. Rien, pourtant, n’a été prévu pour célébrer l’évènement. Ce qu’aimerait Angela Davis ? Un jour de mémoire qui rendrait hommage au « Juneteenth », le 19 juin 1865. Date à laquelle les esclaves du Texas ont appris qu’Abraham Lincoln les avait rendus libres deux ans plus tôt, le 1er janvier 1863…
« Si on part du principe que l’esclavage a vraiment été aboli en 1865, et que l’arrivée des premiers esclaves sur les terres du Nouveau Monde date de 1619, alors cela fait 266 ans de servitude légale. Celui-ci n’ayant été aboli qu’il y a 150 ans, on pourrait légitimement dire que la majorité de l’histoire des États-Unis est une histoire de l’esclavage. »
L’analyse du professeur Davis va même plus loin. Selon elle, cette abolition a en effet débouché sur la généralisation d’un nouveau système de servitude, le Convict lease, qui visait alors à pallier la force de travail des esclaves devenus libres, dans les États du sud des États-Unis. Des Black codes ont été votés pour restreindre les libertés des Noirs et les condamner aux travaux forcés, en punition des infractions les plus mineures. Un système qui perdurera jusqu’à son abolition, en 1942, par Franklin D. Roosevelt. « L’histoire américaine se compose en fait de plus de 320 années d’esclavage », résume-t-elle. Un chapitre refermé il y a à peine 70 ans… du moins en partie.
L’esclavage, vraiment aboli ?
À la tribune, la philosophe s’est en effet livrée à une analyse aussi lucide que percutante sur l’esclavage contemporain et les formes qu’il revêt… en dénonçant l’existence de l’industrie carcérale américaine. En témoigne le fameux 13ème amendement de la constitution des États-Unis, qui autorise l’esclavage lorsqu’il s’agit de punir un crime :
Neither slavery nor involuntary servitude, except as a punishment for crime whereof the party shall have been duly convicted, shall exist within the United States, or any place subject to their jurisdiction.
En Français :
Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction.
Section II
Congress shall have power to enforce this article by appropriate legislation.
En Français :
Le Congrès aura le pouvoir de donner effet au présent article par une législation appropriée.
Et Angela Davis d’expliquer :
« Le 13ème amendement a permis à un nouveau système de punition de naître. L’emprisonnement est comme l’esclavage, dans le sens où un grand nombre de personnes de couleurs vivent dans les mêmes conditions que des esclaves, dans les prisons. Pourquoi les États-Unis ont-ils le plus grand nombre de personnes incarcérées au monde ? Parce que le capitalisme, notamment à travers les entreprises américaines, a tout simplement besoin de main d’œuvre bon marché ! Les prisonniers sont devenus très rentables. » De l’abolition des prisons
Imagine-t-on un monde sans prison ? Certains se figurent sans doute une société où les pires exactions se généraliseraient, en toute impunité. Angela Davis, elle, en a une toute autre vision : celle d’un « monde où l’on s’attaque aux racines des crimes que la prison ne fait que sanctionner ».
En l’espace d’une petite heure, le professeur a ainsi démontré le lien ténu qui place l’un des fondements de nos sociétés occidentales, l’emprisonnement, comme un processus hérité directement de l’esclavage. Et si Angela Davis croit fermement à l’abolition du régime carcéral, celle-ci demandera des sacrifices, rappelle-t-elle. D’où la conclusion de sa conférence, sous la forme d’une leçon d’engagement et d’humanité :
« La résistance à ce système n’est pas seulement nécessaire, elle est légitime. Il faut cependant que vous preniez conscience que c’est un combat qui se fait sur le long-terme. Peut-être plus long que votre propre espérance de vie. Nous devons reconnaitre que nous ne serons peut-être pas ceux qui expérimenteront pleinement le fruit de nos luttes d’aujourd’hui. À mes yeux, c’est excitant. J’ai la sensation d’être une petite partie d’un ensemble bien plus grand. Si nous organisons notre lutte de cette manière, nous serons sans doute capables de produire une transformation de nos sociétés pour les générations futures. »
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