L’université capitaliste n’est pas “sauvable” : luttons pour l’université de l’émancipation !Le pouvoir multiplie les régressions : ANI, retraites, “pacte de responsabilité”, projet de loi Macron… Dans l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR), les textes d’application de la LRU2 en ont aggravé la portée (“cadre national des formations”, accréditation des établissements, décret statutaire EnseignantEs-ChercheurEs, Communautés d’Universités et d’Établissements…) en parachevant le programme de la LRU1, dans l’optique d’un “marché européen de la connaissance”. Il en résulte une dégradation sans précédent des conditions de travail et d’études : services restructurés, postes gelés ou supprimés, statuts contournés, précarité croissante ; maquettes d’enseignements modifiées, filières supprimées, cours mutualisés ou dématérialisés, sélection ou classes surchargées … Ce gouvernement programme bien une université soumise aux intérêts capitalistes (discours et actes d’allégeance au MEDEF) et aux pouvoirs politiques locaux et autres lobbies (choix de la Conférence des PrésidentEs d’Université pour interlocutrice privilégiée…). À l’opposé d’un syndicalisme d’adaptation au capitalisme, il faut défendre les revendications portées par les luttes des dernières années dans l’ESR, en particulier celles de 2009, et les dépasser pour remettre en cause la totalité marchande et prendre le contrôle de tous les aspects de nos vies.
Combattre la LRU (1 et 2) et non l’aménagerLa loi “Fioraso”, en cohérence avec l’Europe capitaliste, approfondit le processus de territorialisation et de marchandisation à l’œuvre dans l’ESR comme ailleurs. Nous devons continuer à la combattre et en revendiquer l’abrogation, avec celle de la LRU1 et son “autonomie” budgétaire (“Responsabilités et Compétences Élargies”).
. Éradiquer la précarité et la logique d’individualisation et de dépossession du travail La précarité est devenue une pièce maîtresse de la nouvelle université capitaliste, et doit donc être une priorité pour le SNESUP. Il faut revendiquer la suppression de l’Agence Nationale de la Recherche, pour le retour à un financement pérenne de la recherche à la hauteur des besoins, s’opposer à toutes les formes de privatisation (services d’entretien, d’imprimerie, etc.). Se battre contre la précarité implique un soutien sans faille aux luttes des personnels précaires (y compris par les recours juridiques contre les “fausses” vacations, contrats “adaptés”, non-renouvellements…) et la revendication de leur titularisation sans condition de concours ni de nationalité. Éradiquer la précarité, c’est contribuer à stopper l’offensive gouvernementale contre les statuts.
Les pratiques managériales, l’individualisation, les impératifs de “productivité”, dégradent les conditions de travail des personnels, allant jusqu’à atteindre leur santé morale et physique. Les combattre implique de :
- recentrer l’action syndicale sur la défense collective et l’amélioration pour touTEs, des garanties qui limitent la concurrence entre les personnels et leur permettent de travailler en s’organisant eux/elles-mêmes
- s’opposer à toute évaluation ou “suivi de carrière”, toute modulation des services, aux primes et à la politique d’“excellence”, aux contournements locaux des statuts, aux flicages en tout genre
- s’opposer à une organisation du travail dictée par la bureaucratie ministérielle (cf. “conseils de perfectionnement”) ou les hiérarchies locales (groupes de travail, de pilotage et réunions imposés)
- recréer des collectifs de lutte appuyés sur des collectifs de travail définis à la base, pour que chacunE reprenne le contrôle de son travail et puisse lui redonner du sens.
. Combattre la privatisation et la soumission à l’État sous toutes ses formes Les “regroupements” sont la pierre angulaire de la LRU2. Ils menacent les statuts, les diplômes nationaux, l’indépendance de la recherche et de l’enseignement… et visent surtout les économies d’échelle (suppression de “doublons” dans les formations, dématérialisations, mutualisation de services…) et le retrait de l’État. D’autres attaques menaçent : intégration d’établissements privés, notamment confessionnels, portant atteinte au principe de laïcité ; mise en concurrence des sites d’ESR et aggravation des inégalités territoriales en matière d’accès à la recherche et aux formations (“Initiatives d’Excellence”). Ce processus va marginaliser davantage les disciplines non directement “rentables”. Il est aussi question d’un statut de personnel des Communautés d’Universités et d’Établissements (ComUE), qui achèverait de dégrader les conditions de travail (tâches “diversifiées” et non payées, contrôle pédagogique, promotions, mobilité…).
Toutes ces luttes ne pourront se mener qu’en dehors du “dialogue social”, ce qui exclut toute forme de cogestion dans les établissements comme dans les différentes instances de “concertation” nationales. Seul un syndicalisme d’action directe, ouvert à l’ensemble des personnels et étudiantEs, est en mesure de favoriser la construction, à la base, des mobilisations qui s’imposent pour créer un véritable rapport de force, au niveau local comme à l’échelle nationale et en lien étroit avec les luttes européennes à l’Université.
Nous battre pour une autre société, dans une perspective anti-autoritaire et anticapitalisteLes gouvernements démantèlent les droits sociaux et politiques, jusqu’à briser des sociétés entières (Grèce, Espagne, Portugal…). En France, la même politique d’austérité est à l’œuvre. Le syndicalisme doit de son côté préparer les ripostes nécessaires, et à plus long terme préparer les conditions d’une rupture avec le système capitaliste. Le SNESUP doit s’engager dans ces luttes :
. dans l’éducation, pour défendre et réinventer l’école publique : une école et une université égalitaires et démocratiques, fondées sur la coopération et non plus sur la compétition, sans hiérarchie entre les savoirs, sans sélection précoce ni inféodation aux intérêts du patronat. L’université n’est pas au service de l’“insertion professionnelle” d’étudiantEs transforméEs en armée de réserve du capital. Tous les moyens (postes, formation, organisation pédagogique…) doivent être mis en œuvre pour lutter réellement contre l’échec scolaire et universitaire, à commencer par la gratuité totale des études. Seule une éducation populaire émancipatrice, une laïcité de culture générale, de pluralisme dissensuel, de discussion critique, pourra mettre fin à la paupérisation socioéconomique et culturelle inhérente au capitalisme.
La mise en place d’une véritable formation des enseignantEs doit s’articuler à ce projet. Or la mise en place des ÉSPÉ n’a en rien constitué l’instauration d’une formation de qualité pour les enseignantEs : pas de structures de formation dotées de moyens propres, dépendance des tutelles pédagogiques, hiérarchiques et territoriales. Mastérisation et concours en fin de M1 ont aggravé la situation des étudiantEs : précarité, sélection sociale. Il faut des pré-recrutements massifs (fin de L1) avec statut d’élève-professeurE salariéE, et concours de recrutement en fin de L3 accessibles à touTEs en lien avec un plan de recrutement pluriannuel.
. dans la société aussi, pour une vraie rupture avec le système capitaliste — d’abord par l’abrogation des lois s’attaquant aux statuts, au code du travail, à la sécu, aux retraites… mais aussi en posant la question du contrôle de l’économie par les salariéEs : la “dette” publique doit être dénoncée et non pas payée à coups de plans d’austérité, la propriété capitaliste des moyens de production doit être contestée. Des luttes unitaires sont indispensables pour le blocage des licenciements et l’éradication de la précarité. Il faut aussi s’opposer au culte de la “croissance” et à l’emprise de la marchandise sur la nature et sur nos vies.
À l’heure où l’État utilise les tueries de janvier pour appeler à une “union nationale” et ensuite renforcer son arsenal juridique “anti-terroriste” de contrôle et de répression, d’armement policier, le SNESUP doit s’opposer à cette nouvelle dérive national-sécuritaire, qui se manifeste d’ores et déjà sur les campus (restrictions d’accès).
Pour la défense des libertés fondamentales : fin des lois d’exception, arrêt des violences policières et désarmement de la police (flashballs, grenades offensives…), fin de la répression des mouvements sociaux, arrêt des rafles anti-Roms… et solidarité effective avec celles et ceux qui, ailleurs dans le monde, luttent pour les libertés les plus élémentaires : combat du peuple palestinien, du peuple syrien face à Assad, ses alliés et les forces obscurantistes telles Daesh…
. pour l’égalité des droits , contre la politique xénophobe d’“immigration choisie”. Le séjour des étudiantEs étrangerEs est soumis à des critères discriminatoires (ressources, progression des études…). Ils/elles sont aussi privéEs des mêmes droits que les étudiantEs françaisEs (bourses sur critères sociaux…). Il faut revendiquer un titre de séjour pluriannuel sans condition pour toutE étrangerE ayant une carte d’étudiantE, libre accès à l’enseignement supérieur, à toutes les aides sociales, au travail… Et au-delà : fermeture des centres de rétention administrative, régularisation de touTEs les “sans-papiers”, abrogation du CESEDA, ouverture des frontières…
Émancipation défend une université publique, laïque, gratuite, égalitaire, émancipatrice, à l’opposé de l’université marchandisée par l’“économie de la connaissance” de l’Europe capitaliste. Loin de revenir à l’université d’avant la LRU, il s’agit d’œuvrer à la construction d’une mobilisation interprofessionnelle d’ampleur porteuse d’espoir et d’utopies.
Contre une université soumise au capital et à l’État,
Pour une société sans exploitation ni oppression,
Pour que le SNESUP soit au service de cette mobilisation er@emancipation.frDanièle André (La Rochelle), Claude-Michel Braud (La Rochelle), Thierry Champion (Toulon), Émilie Devriendt (Toulon), Valérie Gillot (Toulon), Martin Haiden (Lille 3), Alfred Knapp (La Rochelle), Yannick Lefranc (Strasbourg), Stéphane Mounier (Toulon), Anne Roche (Aix-Marseille), Najwa Sahloul (Lyon 3), Didier Torset (ESPÉ Bourgogne)…