la redaction de CHARLIE HEBDO decimée, et suites

Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede dom » 21 Jan 2015, 20:00

La fin d'un tract de SUD-Rail Tours avec 2 rdv importants

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 23 Jan 2015, 01:17

Les télés et Charlie Hebdo : devoir d’informer ? Mon cul !
Si je ne décolère pas depuis ce 7 janvier, c’est parce que le traitement des tragiques événements dans les médias me rappelle de mauvais souvenirs.
C’était il y a pratiquement 20 ans, je présentais le 20 h sur France 2, lors de l’attentat du RER Saint-Michel le 25 juillet 1995 (8 morts, 117 blessés). Même si les situations ne sont guère comparables (pas de vidéos ou de photos via les portables, pas de réseaux sociaux chauffés à blanc et surtout, pas de concurrence sauvage entre chaines d’information permanente), j’en demeure encore meurtri car nous avons alors commis les mêmes dérapages.
... http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/19/l ... cul-257203


Les propos sidérants de Najat Vallaud-Belkacem ou le vide des élites politiques
Pour la ministre de l’Éducation nationale, certaines questions sont « insupportables » de la part des élèves. L’aveu d’une conception autoritaire de la liberté d’expression, et de la vacuité du discours de nos élites politiques face aux enjeux de la période.
http://www.regards.fr/web/article/charl ... elkacem-ne
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 23 Jan 2015, 12:00

Ce n'est pas des élèves que nous avons peur
tribune publiée sur Mediapart
Ce n'est pas des élèves que nous avons peur

« De nouveau, la laïcité et la Marseillaise resurgissent comme une thérapeutique idéale, espérant formater les élèves selon un modèle standardisé et docile », constatent pour le regretter les enseignant.e.s et chercheurs/ses sur l’école Vincent Casanova, Grégory Chambat, Laurence De Cock, Laurent Ott, Ugo Palheta, Irène Pereira, Valentin Schaepelynck, Emmanuel Valat et Viviane Vincente, alors que les élèves ont besoin « d’éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante ».

Les attentats ignobles et injustifiables des 7, 8 et 9 janvier ont déclenché une émotion populaire d’une ampleur inégalée, mais aussi une tentative – de la part du gouvernement, des partis institutionnels, relayés par les « grands » médias – d’imposer à marche forcée une « Unité nationale », rendant quasiment inaudibles toutes voix discordantes.

Par décision du président de la République, le jeudi 8 janvier est ainsi devenu « jour de deuil national » et la minute de silence organisée ce jour-là dans les établissements scolaires a parfois suscité des questions, des remous voire des rejets. Nous ne cherchons pas à les ignorer, bien au contraire, mais nous aimerions en rétablir les justes proportions – il y a 64 000 établissements scolaires en France – et en discuter le sens. Certaines déclarations qui ont suivi les « incidents » indiquent de fait une orientation inquiétante :

• le 13 janvier, la journaliste qui dirige le service politique de France 2, Nathalie Saint-Cricq, a affirmé à l’antenne : « Il faut repérer et traiter ceux qui ne sont pas Charlie ». Ne pas s’identifier à Charlie serait donc déjà, sinon un délit, du moins un « trouble » ou, comme l’a écrit récemment le sociologue Hugues Lagrange, l’expression des « tares morales et des inconduites (…) des minorités issues des pays colonisés » ? Cette stigmatisation ne peut qu’alimenter l’idée d’une liberté d’expression réservée à quelques-uns ; une idée qui est probablement pour beaucoup dans le refus manifesté par une minorité d’élèves de se plier au rituel du recueillement collectif ; une idée nourrie aussi par la trop fréquente absence de condamnation des propos racistes et islamophobes qui irriguent régulièrement les débats publics. En outre, le mot d’ordre contestataire « Je ne suis pas Charlie » peut prendre des significations très variables. Toutefois, pour la grande majorité des élèves, il ne s’agit certainement pas d'un refus de condamner les attentats, mais d'une mise en question de l’évidente sélectivité de l’émotion médiatique et d'une critique des tentatives (réelles) de récupération politique.

• le 14 janvier, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, a déclaré à l’Assemblée nationale : « Même là où il n’y a pas eu d’incidents, il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves. Et nous avons tous entendu les "Oui je soutiens Charlie, mais", les "deux poids, deux mesures", les "pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là ?" Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école, qui est chargée de transmettre des valeurs ». Questionner serait donc devenu insupportable. Pourtant, pour nous, il n’y a pas d’enseignement possible sans le questionnement d’un certain nombre d’évidences partagées. C’est sur cette base qu’il est possible d’amener les élèves à penser autrement qu’ils ne l’auraient fait spontanément, au terme d’un échange de paroles, d’arguments impliquant une relation, une écoute réciproque. Il s'agit là d'un travail difficile, et dont les résultats ne sont jamais acquis, mais y renoncer équivaudrait à abandonner toute ambition pédagogique. En outre, cela ne peut guère se produire sous la pression d’une injonction institutionnelle, en condamnant a priori les propos dissonants ou sous la menace de la répression. Le métier d’enseignant n'est pas de « faire silence », puisqu’il implique bien au contraire de travailler avec les mots. Le silence effraie les plus petits et frustre les plus grands. Si le partage de l'émotion a sa place dans les salles de classe, notre travail reste bien d'interroger le réel.

De plus, dans un contexte où l’ « unité nationale » est censée s’étendre jusqu’au domaine éducatif, les valeurs de la République sont présentées comme un catéchisme d'autant plus éloigné de l'expérience des élèves que ses valeurs sont concrètement niées. De nouveau, la laïcité et la Marseillaise resurgissent comme une thérapeutique idéale, espérant formater les élèves selon un modèle standardisé et docile. Pour notre part, ce n’est pas des élèves ou des adolescents que nous avons peur, et nous avons confiance dans leur capacité à développer une pensée autonome et généreuse. Notre considérons en effet que notre rôle d’enseignant et d’éducateur ne consiste ni dans un exercice de dressage ni dans une entreprise d’adaptation au monde tel qu’il va (mal), mais de rendre les jeunes capables d’une pensée critique, exigeante, nourrie d'entraide et d'idéaux collectifs.

Si l’école dysfonctionne, ce n’est pas en raison d'élèves aux paroles provocatrices qu’il faudrait « détecter » et « traiter », mais parce qu’elle a été notamment dévastée par des économies budgétaires opérées sur le dos des personnels et des élèves, particulièrement dans les quartiers populaires comme le rappellent depuis des mois les mobilisations pour le maintien des réseaux d'éducation prioritaire. Des zones entières du pays concentrent un chômage endémique et n'offrent que des services publics dégradés, une partie importante de leurs populations subissant un racisme structurel. La République « une et indivisible » est ainsi une formule qui se vide quotidiennement de son sens. Nous refusons donc la stigmatisation et la criminalisation des adolescent.e.s qui se dessinent aujourd’hui. Elles se sont déjà traduites par l’ordre donné aux établissements de faire remonter la liste des « récalcitrants », et parfois par une répression policière et judiciaire disproportionnée. Les effets de ces mesures ne peuvent être que délétères et augmenter encore plus, et à juste titre, la défiance des jeunes envers l’institution.

Aussi, pour remédier à cette situation, les élèves n’ont-ils pas besoin comme on l'entend un peu partout d’un surcroît d’éducation civique ou cours de « fait religieux » qui ne seront qu’un inutile pansement supplémentaire sur un cadre et des programmes scolaires déjà largement inadaptés ; ils ont besoin au contraire d’éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante. Ils ont besoin de saisir qu’ils sont les co-bâtisseurs de la société de demain.

D’autres l’ont dit avant nous, il est temps de redonner du sens à la principale mission de l’école : l’émancipation, individuelle et collective. La démocratie de demain se prépare dans l’école d’aujourd’hui. Mais qui parie encore, au jour le jour, dans la démocratie et dans l’école ? Nous et tant d’autres avec qui nous travaillons !

http://blogs.mediapart.fr/edition/les-i ... avons-peur


Nantes,

Les organisations du Front Anticapitaliste (Alternative libertaire, Nouveau partie anticapitaliste, Organisation communiste libertaire, OCML Voix prolétarienne), réunies le 17 janvier, souhaitent réagir collectivement à l'attentat contre Charlie hebdo et le magasin Casher, mais aussi dénoncer l'union nationale voulue par le gouvernement.

Nous invitons largement organisations et individus à une réunion vendredi 23 janvier, à 18H à B17 (17 rue Paul Bellamy à Nantes, tram 1 arrêt 50 Otages)

Nous voulons diffuser un tract commun dans les quartiers populaires, dont la trame pourrait être la suivante :

1) dénoncer les attentats - pour ce qu'ils sont (à caractériser) - et prétexte à des agressions contre les musulmans, les juifs, et plus largement la fraction immigrée du peuple

2) contre l'union nationale: - manifestation avec Orban, Erdogan, le roi de Jordanie, Netnayaou en campagne électorale... - la France est un pays en guerre (Sahel, Irak...). L'impérialisme occidental favorise les mouvements les plus réactionnaires - lois liberticides en France

3) cette union nationale cache une guerre de classe (mesures de la loi Macron, opportunément oubliée, loi anti-migrants)

4) Une perspective positive pour finir, (contre l'union nationale et contre les théories du complot qui nous laissent spectateurs d'un monde sombrant dans l'injustice et la barbarie), unité populaire, résistance, pour défendre nos valeurs d'égalité etc.

https://nantes.indymedia.org/events/30946
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Banshee » 23 Jan 2015, 14:13

OCML-VP... my god...
Bref, ici un texte extrêmement fin et intéressant, car hors de toute chapelle, de Philippe Corcuff à lire absolument :

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Le Cri d’Edvard Munch-Je suis Charlie (Paris 16/Wikimedia Commons/CC)

Après Charlie : bal tragi-comique à gauche radicale-sur-Seine
Philippe Corcuff | Sociologue, libertaire, altermondialiste


Ce qu’on a appelé « gauche radicale » ou « gauche de la gauche » ou « gauche de gauche » a émergé au cours des années 1990, avec des composantes :

partisanes (LCR, puis NPA, plus tard Front de gauche, avec notamment le PCF, le PG et Ensemble, des courants de gauche du PS et des Verts, plus récemment Nouvelle Donne, et puis du côté postcolonial le Parti des Indigènes de la République),
associatives (Attac, créée en juin 1998, Fondation Copernic, mouvements des « sans », groupes féministes, Act Up, etc.)
ou syndicales (Union syndicale Solidaires, des secteurs de la FSU et de la CGT).




Cette gauche radicale commençait à se saisir tout à la fois de l’impasse du stalinisme, après la chute du Mur de Berlin en 1989, et de l’enlisement social-libéral du Parti socialiste depuis 1983. Elle mêlait entre autres une extrême-gauche issue de Mai 1968, devenue plus pragmatique dans l’attention aux contradictions de la société et aux mouvements sociaux, une galaxie communiste en recomposition, une gauche écologiste, des sensibilités critiques du PS ou un renouveau des thématiques « républicaines ».

Une de ses origines a été en avril 1991 le manifeste « Refondations », initié notamment par l’ex-ministre communiste Charles Fiterman. Les grandes grèves et manifestations de l’hiver 1995 ont constitué pour cette galaxie naissante un moment d’accélération. Des ré-élaborations marxistes, incarnées particulièrement par Daniel Bensaïd, et des sciences sociales critiques engagées, symbolisées par Pierre Bourdieu, l’ont accompagnée intellectuellement.
Débordée par l’extrême droite

Cette gauche radicale a eu principalement des effets sur le champ politique et sur l’espace idéologique public entre 1995 et 2006 ; 2005 correspondant à la victoire du « non » au Traité constitutionnel européen et 2006 à la victoire du mouvement social contre le CPE (Contrat Première Embauche).

Cependant, entre routinisations organisationnelles, faible imagination au niveau des pratiques politiques, prégnance institutionnelle de la présidentialisation, divisions ou appauvrissement intellectuel, elle a depuis largement perdu la main. Elle n’a pas réussi à constituer une alternative à la gauche sociale-libérale, ni dans le cadre des institutions représentatives existantes (Front de gauche), ni dans un rapport plus critique à ces institutions (NPA), ni vraiment réussi à inventer une politique citoyenne non partisane pesant significativement sur les enjeux du moment (Attac).

Elle a même été débordée par l’extrême droite, qui apparaît de plus en plus comme une possibilité électorale crédible par rapport aux alternances rituelles entre le PS et l’UMP. Par ailleurs, sur le plan culturel, un néoconservatisme xénophobe, sexiste, homophobe et nationaliste à deux têtes (islamophobe avec Eric Zemmour, antisémite avec Alain Soral) est en train de lui piquer ses mots (« néolibéralisme », « pouvoir des banques et de la finance », « mondialisation », « propagande médiatique », « peuple », « social », « République », « démocratie », « laïcité », « écologie »…) et ses postures critiques (dans une rhétorique « antisystème » vague associée à une rebellitude floue), dans la magie d’un « politiquement incorrect » débarrassé des appuis émancipateurs de la critique historique de gauche.

Et la gauche radicale, tout à ses évidences et à une certaine arrogance, ne semble pas vraiment s’en rendre compte.
Le lapin dans les phares et l’événement Charlie

Nous étions il y a encore quelques semaines face à l’extrême droitisation politique et idéologique comme des lapins fascinés et paralysés par la voiture qui va les écraser. Sans bouger. Tétanisés et fatalistes.


Et puis l’horreur est arrivée : l’assassinat de mes amis de Charlie Hebdo, puis les crimes antisémites. Mais des contrepoisons ont spontanément émergé via des émotions ordinaires manifestées publiquement : « Je suis Charlie », des bougies, des pancartes personnalisées... Dans des contradictions et des ambiguïtés propres à la plupart des mouvements sociaux, on pourrait même faire l’hypothèse que quelque chose comme une raison sensible, établissant des passages entre émotions et raison, se cherchait en mettant à l’écart, peut-être de manière simplement provisoire, les logiques xénophobes tendant antérieurement à polariser le champ politique et l’espace idéologique public. Les discours prenant à partie « les musulmans » dans leur ensemble se tenaient en dehors des manifestations.

On aurait pu penser que la gauche radicale se serait réjouie du coup d’arrêt porté à ce qui paraissait quelques jours avant inéluctable. D’autant plus que la gauche radicale, hors des effets de manche rhétorique et d’un certain folklore antifasciste, n’avait guère réussi à enrayer le moins du monde le processus jusqu’à présent. Sa mélancolie aurait pu devenir plus joyeuse dans la confrontation citoyenne avec la tragédie, comme ce qui s’est parfois passé dans les manifestations. N’aurait-elle pas dû se jeter dans la mêlée, pour faire de la politique autrement au milieu des manifestants, avec les manifestants, en se coltinant les contradictions dans le mouvement même ? Elle a été au mieux timorée.

Certes, en général, les communiqués des organisations passaient, en dehors d’un NPA poursuivant son auto-marginalisation, mais sans grand souffle, ni engagements pratiques solides. Le PCF a été le plus digne, même si sa mouvance a aussi été traversée par des débats biscornus. Cependant, son vieillissement militant et une certaine paralysie liée à ses ambivalences vis-à-vis du PS rendent difficile qu’il puisse devenir moteur dans une nouvelle dynamique.

Bien sûr, « le côté obscur de la force » n’a pas disparu pour autant par magie. Plus silencieusement, le Front national risque d’engranger de nouveaux gains électoraux, son pouvoir d’attraction sur les thèmes de l’agenda politicien demeurant. Les tendances islamophobes se sont exprimées, à l’écart des paroles manifestantes les plus visibles, dans les réseaux sociaux ou dans les actes contre les mosquées. La xénophobie d’État mise en œuvre de Sarkozy à Valls, notamment quant à la supposée « question rom », va perdurer. Dans certains discours médiatiques, intellectuels et politiciens sur les manifestations, l’injonction faite aux « musulmans » en général, dans son impensé islamophobe, de « se désolidariser » de l’horreur a même freiné les réactions spontanées de sympathie vis-à-vis des victimes des personnes de culture musulmane.

Impuissante et aveugle
Ailleurs, les discours antisémites ou l’héroïsation des assassins ont eu des échos. Dans certaines fractions de la jeunesse, la « vraie » critique « antisystème » n’est plus du côté de la gauche radicale, mais de Soral et Dieudonné. Dans le même temps, avec des intersections avec le phénomène précédent, les vapeurs romantiques ne s’imprègnent plus des mythologies propres aux guérillas d’Amérique latine des années 1960-1970, mais des fantasmes djihadistes.

Cependant, de nouveaux points d’appui, que l’on n’attendait pas, sont apparus dans un mouvement de masse inédit afin de résister. Or, la galaxie radicale a été agitée, dans ses différentes composantes, en particulier sur ses listes internet et sur Facebook, par des débats qui l’ont rendue largement impuissante et aveugle face à l’événement :

« Charlie Hebdo était-il raciste et donc être Charlie n’était-ce pas cautionner l’islamophobie ? »,
« La lutte contre l’islamophobie n’a-t-elle pas préparé de façon indirecte, du côté de la gauche radicale, les actes meurtriers en les justifiant de manière soft ? »,
« Fallait-il aller dans les manifestations à cause des récupérations ? »,
« Ne devions-nous pas ne pas être Charlie face à l’injonction d’être Charlie ? »,
« Les émotions exprimées-là n’étaient-elles pas coupables dans leur sélectivité par rapport à tous les malheurs du monde ? »,
« Les foules n’étaient-elles pas manipulées par les médias et les forces dominantes ? »,
« N’était-ce pas des manifestations de classes dominantes opposées au vrai peuple des banlieues ? »…

Les bulldozers du manichéisme face à l’événement

Dans ces échanges, des polarisations plus anciennes ont donné le la, des automatismes se sont enclenchés, des langues de bois ont aplati les spécificités et les complications de l’événement sous leur bulldozer. Je ne parle pas de ceux qui se sont posés légitimement des questions, ont émis des doutes, dans les fragilités ordinaires du for intérieur de chacun, mais de ceux qui arrivaient avec leurs réponses surgelées prêtes à cuire, indépendamment de l’évènement. Le Picard de la certitude !

Et puis, le temps de la sidération passé, sont arrivées les premières tribunes publiques, à l’enrobage demi-savant qui, au-delà des précautions d’usage (« c’est horrible mais… »), finissent par dénigrer plus ou moins indirectement les manifestations et les manifestants de façon paternaliste, à la manière des toujours vivaces politiques tutélaires (« le vrai peuple éclairé par les esprits éclairés et/ou l’avant-garde révolutionnaire ! »), dans une extériorité donneuse de leçons. Ceux qui ont pris la parole au nom des sciences sociales sont apparus particulièrement prétentieux et manichéens. Où sont passées les analyses à la fois nuancées et engagées d’un Bourdieu ou d’un Bensaïd ?

Le philosophe Maurice Merleau-Ponty rappelait en juillet 1948 :

« L’époque, c’est notre temps traité sans respect, dans sa vérité insupportable, encore collé à nous, encore sensible au jugement humain qui le comprend et qui le change, interrogé, critiqué, interpellé, confus comme un visage que nous ne savons pas encore déchiffrer, mais comme un visage aussi, gonflé de possibles. » (« Complicité objective », repris dans « Parcours 1935-1961 », éd. Verdier)

Et il ajoutait :

« Quand on évite toute rencontre avec l’exubérance et le foisonnement du présent, on sauve plus facilement les schémas et les dogmes. »

Souvent, les prêtres de la gauche radicale et leurs enfants de chœur ne se sont pas laissés interroger par l’événement. Un logiciel aurait pu produire leurs réponses stéréotypées quoi qu’il ait pu se passer. Cela ne les empêche pourtant pas de jouer aux malins et aux rebelles, lustrant leurs égos respectifs de la prétention au monopole de la lucidité. Charles Péguy avait décrit leurs ancêtres dans « Notre jeunesse » (1re éd. : juillet 1910, éd. Gallimard/Folio-Essais) consacré aux désillusions dreyfusardes :

« Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n’en remontre pas, de ceux à qui on n’en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles. Comme nous. »

Militant du Parti socialiste de 1977 à 1992, je me suis résolu à faire mes « adieux au PS » le 4 juillet 2003 dans Le Monde. Puis j’ai analysé sa quasi-mort cérébrale en 2012 dans un petit ouvrage.

Après une vingtaine d’années de militantisme en son sein, dois-je aujourd’hui faire de même avec la gauche radicale des années 1990 ? En tout cas, il apparaît qu’elle participe davantage des problèmes que nous avons à nous coltiner qu’elle ne fournit des pistes pratiques et intellectuelles pour les traiter de manière rénovée. Car l’événement Charlie a activé des polarisations qui s’étaient installées auparavant dans la galaxie radicale, jusqu’à la caricature.

Laïcité contre antiracisme ?
Premier couple infernal : les laïcs contre les antiracistes !

Certains, obnubilés par des affects anticléricaux et antireligieux, n’ont pas mesuré l’importance de la place prise par l’islamophobie dans les imaginaires publics, en Occident et en France en particulier, avec les premières affaires du voile, puis les suites du 11 septembre 2001. Islamophobie qui est associée à une série de discriminations structurelles (à l’école, dans le logement, face à l’emploi, dans le travail, dans la politique et les médias, etc.) affectant les postcolonisés dans la société française. S’est diffusée alors une vision étriquée que l’on peut appeler laïcarde, excluante et intolérante, du bel idéal de laïcité, qui peut être pourtant compris dans l’esprit de la loi de 1905 comme la séparation des institutions politiques et religieuses et comme la garantie publique de l’expression des croyances et des incroyances dans un espace commun.

Une des rares tribunes éclairantes publiées ces derniers temps par deux membres du conseil scientifique d’Attac, Pierre Khalfa et Gustave Massiah, rappelle opportunément sur Le Monde.fr qu’une telle approche ouverte de la laïcité « implique la cohabitation égalitaire des religions dans la société ».

Á l’inverse, les fatwas laïcardes ont souvent pris un tour discriminatoire vis-à-vis de l’islam. Rappelons-nous l’hystérie face à la candidature (en position non éligible !) d’une jeune femme, Ilham Moussaïd, dotée d’un discret foulard en Avignon sur les listes du NPA pour les élections régionales de 2010 ! Et l’ironie méprisante qui s’est déversée sur une star du rap, Diam’s, lors de sa conversion à l’islam...

Face à cela, des militants antiracistes ont mis en avant le légitime et nécessaire combat contre l’islamophobie. Mais trop exclusivement, de manière parfois obsessionnelle, dans une acception excessivement large de la notion d’islamophobie. La laïcité était portée en second rang, parfois réduite à une arme coloniale. Si la liberté d’expression publique des croyances était défendue, ce n’était plus un droit reconnu aux incroyants, stigmatisés automatiquement comme « islamophobes ». Le rapport de Charlie Hebdo à l’islam a ainsi souvent été travesti.

Charlie : ironie critique envers toutes les religions

Un authentique compagnon de route de la gauche radicale, mon ami Charb, a été insulté en toute méconnaissance de cause. Certes, il y a eu les tendances à l’amalgame entre islamismes et islam chez Fiammetta Venner et Caroline Fourest, ou les tentations chez Philippe Val d’un « choc de civilisations » type « démocratie contre islam ». C’est une des raisons principales pour lesquelles j’ai quitté Charlie Hebdo en décembre 2004.

Mais cela ne constituait pas le cœur des dessinateurs et des journalistes de Charlie, qui défendait la possibilité d’une ironie critique vis-à-vis de toutes les religions, sans logique discriminatoire particulière vis-à-vis de l’islam, donc sans islamophobie en un sens plus précis du terme. D’ailleurs, en nombre de dessins et de couvertures, l’Eglise catholique, en tant qu’institution religieuse dominante, était beaucoup plus prise pour cible, de très loin, avec des caricatures nettement plus trash.

Quelques-uns, dont les œillères idéologiques ne sont pas trop aveuglantes et qui tiennent compte de ces faits constatables, le reconnaissent, mais parlent de la nécessaire attention à « la susceptibilité » particulière des musulmans dans un contexte islamophobe. Malgré leur bonne volonté par rapport aux données observables, ces derniers mettent un pied sur une pente glissante. Car ils tendent à homogénéiser ainsi les rapports à l’islam de la variété des musulmans, un peu comme le font les islamophobes. Et leur argumentation prend même la tonalité d’un paternalisme colonial, avec une sorte d’implicite logique du type « vous savez, ils ne sont pas suffisamment avancés, contrairement aux catholiques, pour admettre une dose d’ironie vis-à-vis de la religion… ». Les rhétoriques anticolonialistes ont parfois du mal à en finir complètement avec les adhérences coloniales.

Cela ne veut pas dire qu’il n’était pas légitime de demander aux rédacteurs de Charlie de s’inscrire dans une éthique de responsabilité, au sens du sociologue Max Weber, c’est-à-dire prenant en compte les effets de ce qu’ils pouvaient écrire et dessiner dans un contexte particulier. La grande majorité des collaborateurs de Charlie, en évitant un usage discriminatoire de la critique de l’islam, s’est inscrite dans une telle éthique de responsabilité. Et l’idée géniale de Luz pour la couverture du premier numéro du Charlie des rescapés va dans ce sens : le refus de céder à l’injonction meurtrière de se censurer sur ce qui a trait à l’islam, dans la mémoire vive des victimes, tout en donnant au dessin du Prophète une coloration tendre et pacifique.

Combattre l’islamophobie et le fondamentalisme islamiste ?

Les tenants du droit à l’expression publique de l’ironie incroyante ont souvent mis le doigt sur un autre impensé de certains antiracistes patentés de la gauche radicale : leur sous-estimation de la violence fondamentaliste et de l’écho, limité mais réel, qu’elle peut rencontrer dans les pays européens. Oui, il faut tenir compte dans ce cas des facteurs géopolitiques (comme les terribles conséquences de la guerre américaine en Afghanistan et en Irak, avec son mépris des droits humains et des droits des peuples) et sociaux (inégalités, discriminations, chômage et précarité, etc.) ayant favorisé les crimes intégristes, à l’inverse de l’aveuglement néoconservateur à la Alain Finkielkraut dénigrant une prétendue « culture de l’excuse ».

Comme le rappelait Max Weber :

« Non seulement “tout comprendre” ne signifie pas “tout pardonner”, mais en général la simple compréhension de la position de l’autre ne nous conduit pas d’elle-même à l’approuver. Au contraire, elle nous amène pour le moins tout aussi bien, et souvent avec beaucoup plus de probabilité, à reconnaître que l’on ne peut pas tomber d’accord avec lui, pourquoi et sur quel point on ne le peut. Cette connaissance est justement une connaissance de la vérité » (« Essai sur la “neutralité axiologique” dans les sciences sociologiques et économiques », 1e éd. 1917, repris dans « Essais sur la théorie de la science », éd. Plon).

Cependant, on devrait pouvoir aussi tenir un autre fil d’analyse en main : les dynamiques proprement identitaires auxquelles cette violence est associée, comme l’a étudié le sociologue Jean-Claude Kaufmann dans son petit ouvrage « Identités, la bombe à retardement » (2014, Textuel), qui finissent par lui donner une consistance propre et dangereuse. Ce qui devrait être aussi combattu politiquement par la gauche radicale, si elle savait s’émanciper des choix binaires.
Islamophobie ou antisémitisme ?

Une autre polarisation travaille la gauche radicale, dans une concurrence périlleuse entre les antiracismes : entre ceux qui donnent la priorité à la lutte contre l’islamophobie (vraisemblablement les plus nombreux) et ceux qui insistent sur le combat contre l’antisémitisme. Cette opposition a divisé le mouvement antiraciste dès le début des années 2000. C’est pourquoi nous avions lancé avec Nadia Benhelal le 13 octobre 2004 dans Le Monde « Nous sommes tous des juifs musulmans ». Nous n’avons guère été entendus et ce conflit s’est élargi depuis au-delà des milieux antiracistes.

Les partisans de la priorité à la lutte contre l’islamophobie perçoivent bien la place structurante qu’elle a acquise dans l’espace idéologique public, dans le champ politique professionnel et dans les pratiques étatiques. Mais ils tendent à relativiser la question de l’antisémitisme, certes plus minoritaire dans la société française, mais connaissant un regain doté d’une grande violence. Et ils soupçonnent fréquemment, dans des vapeurs conspirationnistes, le Crif et les médias de « gonfler » le problème.

Les plus rares attachés principalement à combattre l’antisémitisme voient bien ce problème, mais en relativisant la prégnance islamophobe. Cette polarisation est souvent associée à l’importation de catégories à destination du conflit israélo-palestinien. Et, dans le fracas des certitudes croisées, une éthique de la commune humanité susceptible de refaire converger les luttes contre les différents racismes, dans leurs similarités et leurs spécificités, est souvent oubliée.

Les émotions ordinaires sous la seule coupe des logiques dominantes ?

Il ne s’agit pas de nier ici les usages nationalistes et étatistes comme les récupérations politiciennes des manifestations, bien réelles. Ce qui n’est guère nouveau en matière de mouvements sociaux et d’événement d’ailleurs. Cependant des fractions significatives de la gauche radicale se sont focalisées sur ces seules contraintes venant des forces dominantes, en ne dotant pas les émotions citoyennes exprimées publiquement d’une autonomie propre. On a même pu écrire qu’on avait affaire à un « troupeau », à des « moutons » ou à une « foule manipulée par les médias et le Pouvoir ». Bref cela n’aurait pas été un « vrai » mouvement social, mais de simples « marionnettes » passives des logiques dominantes.

C’était peut-être « sympathique », mais « naïf » et « pas politique », expliquaient nos Maîtres ès Politique, qui font pourtant patouiller la gauche radicale depuis plus de vingt ans… C’est ce que les sociologues Claude Grignon et Jean-Claude Passeron (dans leur ouvrage « Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature », 1989, éd. Gallimard/Le Seuil, coll. Hautes études) ont appelé une vision misérabiliste ou domino-centrée du monde social, qu’ils distinguent du populisme, qui lui ne voit plus le poids des dominations.

Nombre de cadres locaux ou nationaux de la gauche radicale, qui n’hésitent pas habituellement à parler au nom du « Peuple » ou de « la classe ouvrière », voire valorisent « l’auto-organisation », apparaissaient ainsi incapables de partir des émotions populaires manifestantes, en excluant les potentialités décalées du mouvement, certes fragiles et ambiguës, des paramètres de leurs analyses. Ils préfèrent faire (une fois de plus !) la leçon de l’extérieur au « peuple » (avec un p minuscule cette fois) supposé entièrement « aliéné » et « manipulé ». En s’inspirant d’une formule de Bertolt Brecht, nos esprits les plus éclairés de la gauche radicale ne souhaiteraient-ils pas « dissoudre le peuple » et en reconstituer un à leur image ?

Les avant-gardes qui, elles, savent

Certains praticiens des sciences sociales, dans des tribunes publiques qui ont suivi, ont malheureusement renforcé ce misérabilisme, en se centrant sur la critique de « l’injonction d’être Charlie ». La possibilité même d’une raison sensible ordinaire n’a pas eu le droit de figurer comme au moins une dimension de l’événement. Seules les catégories dominantes ont compté, les dominés se présentant comme des masses informes, attendant d’être libérées par des avant-gardes intellectuelles, politiciennes ou « révolutionnaires », qui elles savent, en portant seules le poids douloureux (ah les pauvres, comme c’est dur d’avoir toujours raison !) d’une hyper-lucidité critique.

Les mêmes intellectuels et d’autres ont insisté également sur le caractère sélectif des émotions exprimées dans les manifestations, ce qui aurait occulté nombre d’autres malheurs du monde, en suggérant des manipulations médiatiques et politiciennes allant dans le sens des intérêts dominants. Or, dans sa recherche sociologique sur l’humanitaire (« La souffrance à distance. Morale humanitaire, médias et politique », 1993, éd. Métailié), Luc Boltanski a bien mis en évidence qu’il y a là un problème structurel : « la sélection des malheureux qui importent » est liée tout à la fois à « la rareté de l’espace des médias qui ne peut être occupé en même temps par la représentation de toutes les souffrances » et à « la rareté relative des ressources émotionnelles qui peuvent être mobilisées pour lui faire face ».

Les médias comme les agendas politiciens jouent certes comme des opérateurs de sélection, souvent non conscients, mais également les biographies individuelles et les trajectoires collectives, ou encore les dynamiques d’interactions émotionnelles au cours d’événements. Là encore les contraintes dominantes ne sont pas seules en jeu.

Supposés être favorables à l’auto-émancipation des opprimés (selon la formule classique reprise à leur compte aussi bien par les marxistes que par les anarchistes : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »), des figures nationales et des animateurs locaux de la gauche radicale semblent l’abandonner en pratique. On est là face à un passage subreptice et non revendiqué, historiquement courant à gauche, du verbe pronominal s’émanciper au verbe transitif émanciper (par des élites bien sûr « amies du Peuple »). N’était-il pas plus fidèle à ses idéaux de s’efforcer de fabriquer de la politique alternative avec les personnes ordinaires et leur raison sensible sous contrainte de logiques de domination qui nous affectent tous, y compris les esprits les plus éclairés et les militants les plus chevronnés ?

« Je suis Charlie » ?
Le slogan « Je suis Charlie » a aussi fait couler beaucoup d’encre négative au sein de la gauche radicale : suspicion de pressions unanimistes et d’injonctions à « l’unité nationale » notamment. De tels usages ont existé, en particulier du côté des forces politiciennes. La participation aux manifestations, la discussion avec des manifestants ou les reportages dans les médias indiquent que ce ne sont pas les seuls usages observables, et peut-être pas les plus nombreux.

Ainsi dans « Je suis Charlie », il y a des potentialités novatrices qui le rapprochent d’un logo qui a eu un certain succès lors des manifestations pour les retraites de 2010, tout en circulant en dehors des mots d’ordre officiels des organisations : « Je lutte des classes ».

Dans les deux cas, la possibilité se dessine de l’accrochage d’une subjectivité individuelle singulière (« je ») avec un espace commun (émotions partagées avec « Charlie » ou combat collectif avec « lutte des classes »), sans pour autant que l’individualité ne soit écrasée par le collectif. Cela a des parentés avec des réflexions philosophiques d’Hannah Arendt dans son livre « Qu’est-ce que la politique ? » (manuscrits de 1950-1959, éd. du Seuil). Elle avançait tout d’abord :

« La politique repose sur un fait : la pluralité humaine. »

Et elle ajoutait :

« La politique traite de la communauté et de la réciprocité d’êtres différents. »

Bref il s’agirait de créer des espaces communs à une diversité d’individus sans annihiler pour autant cette diversité. Un tel usage de « Je suis Charlie », à la différence des usages politiciens et médiatiques, apparaît en décalage avec l’écrasement unanimiste promu par les appels à « l’unité nationale » ou par le « Nous sommes tous Charlie » du journal Libération. La gauche radicale d’inspiration républicaine et/ou marxiste, dominée par ce que j’appelle un « logiciel collectiviste » faisant nécessairement prédominer le collectif sur l’individuel, a du mal à saisir les potentialités de cet usage décalé, pourtant si important dans les sociétés individualistes contemporaines.

Un Mal unique, un seul Ennemi ?
Les polarisations, les manichéismes et les simplifications, parfois sous des colorations demi-savantes, que j’ai passés en revue ont souvent une intersection. Ils tendent à rabattre l’ensemble des problèmes rencontrés sur un seul axe d’analyse. Il n’y aurait pas de complications dans la vie sociale, pas de pluralité de facteurs explicatifs, pas de diversité de dimensions, mais tout pourrait être aligné sur un fil unique, où tout finirait par se tenir. Par exemple pour certains : le capitalisme néolibéral, l’impérialisme américain, le colonialisme, la politique d’apartheid de l’État d’Israël, les racismes, les intégrismes religieux, etc.

On veut croire au conte d’un Mal unique et d’un seul Ennemi, alors que nous sommes confrontés à des maux et à des adversaires, qui peuvent avoir des interactions mais qui n’obéissent pas exactement à la même Logique, supposée toute-puissante et omnisciente. C’est en tout cas ce que nous rappelle l’humilité des sciences sociales contemporaines, en substituant au fantasme d’une totalité organisée autour d’un seul axe la cartographie d’un global pluriel. J’ai essayé d’expliciter cette différence entre le total et le global dans mon livre « Où est passée la critique sociale ? Penser le global au croisement des savoirs » (2012, éd. La Découverte).

La gauche radicale aurait bien besoin de troquer ses rêves totalisants d’une connaissance simplificatrice par une boussole pluraliste attentive aux complications du réel. Les organisations anarchistes auraient pu être mieux ajustées à cette tâche du fait d’un patrimoine historique valorisant davantage la pluralité. Pourtant, elles ont pu être rongées par des débats similaires à la gauche radicale, et quand ce n’est pas le cas elles peuvent être tentées par l’enfermement dans les habitudes, les chaleurs et les aigreurs de l’entre soi. Les pratiques et les idées libertaires ont vraisemblablement un avenir, mais les organisations anarchistes existantes ne sont guère à la hauteur.

Après Charlie ?
Nous sommes aujourd’hui devant un paradoxe : on a besoin d’organisations et de militants pour aider à donner une certaine durabilité à un mouvement social susceptible de se révéler éphémère, avec le risque supplémentaire que ne demeure que la logique sécuritaire impulsée par l’État. Et, dans le même temps, les organisations et les militants s’avèrent trop déphasés pour effectuer ce travail politique, voire constituent un obstacle dans cette perspective.

On ne peut pourtant pas en rester à ce constat déprimant, car un mouvement a bien eu lieu qui a enrayé momentanément la logique du pire. Un mot d’esprit puisé dans les cultures juives nous donnera ici un peu de baume mélancolique au cœur :
« Ne succombez jamais au désespoir : il ne tient pas ses promesses »

Nous avons donc à réinventer les chemins d’une politique populaire et libertaire, multiculturelle et laïque, insérée dans l’action locale et altermondialiste, fabriquant des solutions provisoires avec les opprimés à partir de la vie quotidienne, faisant émerger des lieux de convergence des mouvements sociaux émancipateurs et de mutualisation des expériences alternatives, dans la perspective d’une auto-émancipation des chaînes du capitalisme et des autres formes de domination.

Dans le contexte, cela suppose tout particulièrement de travailler à une politisation émancipatrice en rupture avec la politisation islamophobe et avec la politisation fondamentaliste. Créer un peu partout des collectifs « Je suis Charlie donc antiraciste » pourrait constituer une première étape permettant de mener une bataille sur ce qui vient de se passer, en offrant de nouvelles possibilités pour la suite.

Philippe Corcuff est notamment l’auteur de « La gauche est-elle en état de mort cérébrale ? » et de « Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard ». Il a été chroniqueur à Charlie Hebdo d’avril 2001 à décembre 2004. Il a écrit ce texte autour d’une intuition : « Les prémices d’une lente agonie de la gauche radicale pourraient constituer un des dommages collatéraux des événements tragiques que nous avons connus. »
Mathieu Deslandes


http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/19/a ... ine-257188
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Banshee » 24 Jan 2015, 01:44

FIN DE RÉCRÉ
Par Daniel Schneidermann le 23/01/2015 - 09h27 - le neuf-quinze


Barthès à Plenel, invité spécial du Petit journal : "cette Une de Charlie, beaucoup de musulmans la trouvent choquante. Et vous ?" Il lui montre évidemment "la" couverture, la dernière. Plenel élude. "Moi je défends le droit à la caricature. Mais je ne pense pas que toute la presse est la même. Pour ma part, je n'aurais pas..." "Est-ce que vous la trouvez choquante ?" "Je comprends que des gens puissent la trouver choquante. Je ne suis pas pour qu'on tue, et je trouve scandaleux comme beaucoup de nos compatriotes de toutes origines, qu'on tue pour ça..." "Est-ce que vous, vous la trouvez choquante ? " "Je ne suis pas concerné, mais je vais vous dire..." " Il y a beaucoup de mais, dans ce que vous dites" "Je ne pense pas que dans le débat public, on puisse tout prendre à la rigolade, à l'ironie, à la moquerie" "C'est pas justement le moment de défendre la rigolade et la moquerie ?" "Ca dépend si elle s'attaque à des personnes. La haine ne peut pas avoir l'excuse de l'humour".
"La haine" ! Diable. A qui s'adresse l'avertissement ? Pas à Charlie, bien entendu. Mais alors à qui ? Comment à la fois rester solidaire des caricaturistes assassinés, et siffler tout de même la fin de la récré, la fin des petits dessins incendiaires ? A la quatrième relance, le patron de Mediapart finit par trouver le passage : oui à la caricature, mais si elle reste sagement à sa place de transgression, et ne prétend pas constituer la norme. Donc, si on comprend bien, OK aux gribouillages, mais en marge de la Copie Majuscule du Débat Public. Et si possible, à l'encre sympathique. Une des cibles possibles de cette analyse ne serait pas très difficile à trouver : elle est exactement en face de Plenel. C'est Barthès, allégorie vivante de la Transgression devenue Norme. Mais Barthès ne pose pas la question.

Le lendemain matin, sur Europe 1, Thomas Sotto interroge Riss, le nouveau directeur de Charlie Hebdo. Il s'agit, avec les ménagements qu'impose son état de rescapé, de le rappeler gentiment, là encore, aux réalités du vivrensemble. Car le vivrensemble est de retour. Plus que jamais. "Après votre dernière couverture, il y a eu dix morts au Niger. Y aura-t-il des caricatures de Mahomet dans le prochain numéro ?" Non, sans doute pas. D'ailleurs, explique Riss, on ne sait pas encore quand sortira le prochain numéro. Quant aux dix morts au Niger, Riss rappelle simplement que les fous n'ont pas besoin de Charlie pour massacrer. Une tentative d'organiser le concours de Miss Monde au Nigeria, en 2002, avait fait 200 morts.

Fin de la récré. Retour aux hymnes, au drapeau, aux cérémonies patriotiques, à la recherche désespérée de causes communes. On n'aimerait pas être à la place "des Charlie", à la reparution, avec cette injonction schizophrène qui va peser sur eux. Continuez, mais surtout calmez-vous. Soyez sereins, au milieu des escadrons de CRS qui vont vous protéger. Transgressez tranquillement, sous le regard angoissé du monde entier. On n'a pas fini de rire.

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede bipbip » 24 Jan 2015, 01:54

Nouveau tract AL

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 24 Jan 2015, 12:31

Contribution de La Horde
15 jours après les attentats, ce qu’on peut en dire

Quinze jours ont passé depuis l’assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo et la tuerie dans un supermarché cacher : en dehors d’une condamnation de ces attentats, du relais de certaines réactions antifas et du suivi des réactions de l’extrême droite, de la dénonciation du caractère antisémite de la tuerie du vendredi et des actes islamophobes qui ont suivi, nous n’avions pas souhaité apporter notre contribution aux commentaires et commentaires de commentaires de l’événement. Nous pensons qu’il faut du temps pour réfléchir : c’est pourquoi nous avons attendu pour donner, en tant qu’antifascistes autonomes, noter point de vue sur ce qui s’est passé.

« Je suis Charlie », « Je ne suis pas Charlie » : tout semble s’être réduit ces deux dernières semaines à ces deux positions. Affirmer l’un ou l’autre ne signifie pourtant pas grand-chose : « Je suis Charlie » peut-être à la fois un hommage aux victimes des attentats et une injonction de l’État, l’expression sincère d’une émotion comme un appel à « l’unité nationale » ; « Je ne suis pas Charlie » peut tout aussi bien être défendu par des antiracistes que des militants d’extrême droite pour des raisons diamétralement opposées… L’une des raisons de cette situation est que la référence à « Charlie » repose sur deux confusions.
D’une part, il faut distinguer le Charlie Hebdo des années 1970, qui était un brûlot provocateur, véritable grain de sable dans la société française, et le Charlie d’aujourd’hui, un journal satirique certes, mais sur une ligne social-démocrate, qui s’était fondu dans le paysage médiatique. Pour ce qui est de l’antifascisme, le Charlie Hebdo contemporain avait par exemple fait campagne pour faire interdire le FN : en ce qui nous concerne, nous défendons un antifascisme autonome, qui n’attend pas de l’État, qui est lui-même porteur d’inégalités et de discriminations, qu’il règle le problème de l’extrême droite. Ce conformisme est sûrement l’une des raisons qui ont empêché ce journal de voir que l’image dégradante et stéréotypée qu’il renvoyait des musulmans n’avait rien de subversif, car elle faisait chorus avec un discours réactionnaire et raciste qui était en progression constante dans les médias et les conversations.
D’autre part, il faut distinguer le journal de ses dessinateurs, qui, pour certains et à titre individuel, ont soutenu des luttes d’émancipation et de résistance, par leurs dessins ou par leur notoriété, et à cet engagement, nous rendons hommage : mais ce n’était pas celui de Charlie hebdo. D’ailleurs, en voyant le drapeau français, la Marseillaise et une brochette de chefs d’État dans une manif à leur mémoire, certains ont dû se retourner dans leur tombe !

Antifascisme vs. islamophobie

Le mouvement antifasciste autonome est issu en grande partie des milieux libertaires : à ce titre, il porte donc légitimement un discours critique à l’égard de toutes les religions. Par ailleurs, l’un des courants les plus importants de l’extrême droite française est le courant national-catholique, qui a une capacité de mobilisation importante, et qui tente d’imposer à la société ses valeurs et sa vision du monde. Aussi, certains antifascistes estiment qu’il faut traiter l’islam et son implantation en France de la même façon, et soutenir toute critique faite à cette religion, au même titre que les autres, sans distinction. Mais d’autres antifascistes, dont nous sommes, pensent aussi qu’il importe de ne pas stigmatiser celles et ceux qui le sont déjà pour leurs origines et surtout leur statut social. En France, aujourd’hui, les musulmans, au même titre que les jeunes des quartiers populaires (d’autant que les deux catégories parfois se superposent) sont associés aux « classes dangereuses ». Or le tour de passe-passe de l’islamophobie, c’est justement de détourner ce discours de classe pour en faire un enjeu de civilisation : c’est ce que nous devons dénoncer en tant qu’antifascistes. Pour ce qui est des partisans du djihadisme, il n’en existe pas d’expression politique en France, comme c’est par exemple le cas en Grande-Bretagne : sinon, nous aurions à cœur de les combattre au même titre que les autres intégristes.

Demain nous appartient

Nul ne sait quelles seront les conséquences exactes des attentats, mais ce qui est sûr, c’est qu’on peut s’attendre à un renforcement des mesures sécuritaires, dans la continuité de ce qui s’opère maintenant depuis plusieurs années. Le discours « la sécurité avant la liberté » va certainement devenir la norme. Pour ce qui concerne les activistes, quels qu’ils soient, il va être de plus en plus difficile de s’exprimer : ce sera le cas pour les antifascistes, au même titre que les autres. Mais ce sont surtout les sans-papiers (les immigrés clandestins) qui en seront les premières victimes : d’ors et déjà, il leur est beaucoup plus difficile par exemple de prendre les transports en commun à cause des contrôles, et les délits de faciès vont être encore plus nombreux, au nom de la lutte contre « le terrorisme ».

Pour ce qui est du reste, en particulier en ce qui concerne la lutte antifasciste, il est bien sûr trop tôt pour le dire, mais on peut envisager deux hypothèses, l’une pessimiste, l’autre optimiste, sachant que la réalité sera certainement quelque part entre les deux.
La première, c’est d’envisager que la partie de la population qui, surtout à gauche, était encore réfractaire au discours islamophobe, va se laisser séduire par les sirènes du racisme et va accepter sans rien dire, au nom de la sécurité et de « l’unité nationale », des atteintes sans précédent aux libertés individuelles et des mesures discriminatoires à l’encontre d’une partie de la population. Dans le même temps, renvoyées à des stéréotypes dans lesquels ils finiront par se reconnaître, les populations d’origine immigrée des quartiers populaires continueront à fournir d’autres candidats au djihad, alimentant ainsi le cercle vicieux d’une guerre intérieure que les extrémistes de droite comme les fanatiques religieux appellent de leurs vœux.
La seconde, c’est d’espérer un sursaut de celles et ceux qui défendent l’idée de justice sociale, et qui ont laissé le terrain de la rue et des médias au courant réactionnaire et raciste depuis plusieurs années. Pour renouer le contact avec les premières victimes du racisme, que ce dernier soit celui de l’État, de groupuscules agissants ou des discours médiatiques, pour replacer les débats non plus autour de la question de la culture, de la religion ou de l’origine des uns et des autres, mais autour de celles des rapports de classe et de la justice sociale, il n’y a pas trente-six solutions : il faut s’organiser pour résister, s’émanciper et proposer une alternative à la société capitaliste. En tant qu’antifascistes, c’est dans ce sens, avec les moyens qui sont les nôtres, que nous essayerons de faire avancer les choses.

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Alex » 24 Jan 2015, 22:43

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Pïérô » 25 Jan 2015, 02:12

C'est d'une assez grande misère tout ce blabla qui fait impression d'essai de dissertation pour petit donneur de leçon fumeux qui rend son exercice tout fier d'avoir pondu le texte qui apportera la lumière sur tant d'esprits jugés confus. Bon, en même temps c'est issu d'une bande de potaches qui sur le plan politique nous habituait à encore pire... En tout cas sur le plan du confusionnisme dénoncé, il y aurait à redire sur le texte, mais je pense que dans la mesure où leur importance se situe surtout dans des productions internet de ce type, en plus d'un forum qui tient du cirque, ce n'est pas vraiment la peine d'y attacher de l'importance.


Une figure de la résistance poitevine dans le collimateur de l'Etat "unité nationale"

Le rectorat suspend le prof et saisit la justice
Accusé par des parents d’élèves d’avoir perturbé la minute de silence, un professeur de philo du lycée Victor-Hugo à Poitiers est mis à pied. Il se défend.
... http://www.lanouvellerepublique.fr/Vien ... ce-2197590
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede mimosa rouge » 25 Jan 2015, 03:29

A part sur le fait qu'il ne qualifie pas les attentats d'attaque fasciste, je suis plutôt en accord avec ce texte .

Mais sur le détail de savoir si le jihadisme est un fascisme ou pas, je trouve quand même qu'ils en on une analyse trop franco-française de l’événement et ne s'interressant pas, ou ne connaissant pas, les mouvements jihadistes, il ne voient pas que leur définition du fascisme (que je partage) s'applique bien en Afghanistan, au Moyen Orient ou en Afrique . Mais ils on bien raison sur un point : le qualificatif de fascisme a été trop souvent employé de manière incorrecte depuis le 7 janvier, fascisme ne veut pas dire "gros méchant" et là il y a un problème .

Et puis ils ont eux aussi une lecture franco-française de l’événement, car dire que c'est une attaque fasciste ne veut pas dire que le territoire français court un risque a plus ou moins long terme de tentative de prise du pouvoir par ces fascismes jihadistes. Ça ne peut pas être un critère d'analyse et pourtant je l'ai souvent lu ou entendu : " on ne courre pas de danger de voir s'implanter l'islamisme en France" .... sm 26 et alors ? donc ce n'est pas un problème on est pas concerné :siffle: En gros il serait dangereux de qualifier de fasciste les jihadistes car il ne veulent pas prendre le pouvoir en France ... J'ai envie de dire qu'on s'en fout de ça, évidemment que c'est pas un risque pour nous (et en 2017 le parti majoritaire sera loin de se référer au coran :lol: )
Par contre ils renforcent leur victoire symbolique, ils renforcent leur capacité de recrutement en se faisant passer pour des vrais winner, des courageux qui savent se battre et même gagner contre l'Etat français . En cela les copains qui les combattent au quotidien ont d'autant subis un coup dur car eux vont devoir encore subir l'afflux de nouvelles recrue tout en voyant se rétrécir encore un peu plus la solidarité internationale en leur faveur.

Sur la nécessaire discussion dans les organisations de classe (et donc de leur rôle sociabilisateur):
Outre ce travail de clarification intellectuelle, un immense travail de militantisme de terrain reste à fournir, dans les syndicats ou les collectifs, pour éviter que le prolétariat ne cède aux tentations de l’extrême-droite française, antisémite et raciste, comme aux groupuscules de tous bords qui vont tenter d’instrumentaliser les tensions identitaires présentes au sein de la population.

aujourd'hui a la permanence de mon syndicat on n'a pas vraiment parlé de droit du travail ou de la loi Macron ou autre sujet lié au travail, mais justement des attentats de janvier; Et il apparait nécessaire de mener ces discussions dans les organisations de classe, dans les lieux de sociabilité de classe, les seuls endroits ou la confrontation des communautés, des religions, des nationalité est possible car débordé par l'appartenance a la même classe sociale. Et cela à été très, très bénéfique. La lutte antifasciste passe par là en priorité, j'en était sur, j'en suis encore plus convaincue. Entre les réflexions islamophobes des uns, les réflexions "complotistes" et soi disant "anti-sioniste" des autres, l'expérience personnelle de la vie au proche orient et au moyen-orient pour certains ce qui enrichit la compréhension du phénomène jihadistes et sa réelle signification ...mais aussi de la réalité de la lutte palestinienne... et on a vu que le pire serait que chacun reste seul avec ses réflexions et ses préjugé dans son coin ...
Et on s'est quitté sur la conclusion que malheureusement trop peu de collègues de voisins ou de parents ont ce genre de discussion en ce moment, que le manque de réflexion et de formation collective est telle en ce moment que chacun voit autour de lui, dans des milieux d’immigrés ou fils d'immigrés majoritairement, la force d'attraction du FN.
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede PN Poitiers » 25 Jan 2015, 17:25

http://pn86.noblogs.org/?p=13072


[Poitiers] Bas les pattes sur Jean-François !

Tandis que les élu.e.s et hauts fonctionnaires de la région Poitou-Charentes communient pour les “valeurs de la République”, l’arsenal policier et judiciaire est renforcé, les militant.e.s des droits sociaux sont réprimé.e.s. Minute de silence, silence des pantoufles ? Prendre du recul, refuser la récupération politique, prendre le temps du débat de fond indispensable pour comprendre et combattre la violence structurelle à l’oeuvre dans notre société, c’est risquer la répression d’Etat ! Notre camarade, Jean-François, vient d’en faire les frais.

Les gouvernants nous disent que les “valeurs de la république” sont menacées. Mais quelles valeurs, quelle république, menacées par quoi ? Parle-t-on des valeurs historiques de la république sociale, à savoir le fédéralisme, la démocratie directe, l’émancipation autonome des opprimé.e.s, l’éducation populaire, la socialisation des biens et des savoirs ? Parle-t-on des valeurs démocratiques des sections de sans-culottes de l’est parisien, défendant le mandat impératif contre la Convention ? Des valeurs d’égalité sociale des ouvrier.e.s révolté.e.s de 1848 ? Des valeurs émancipatrices des communard.e.s de 1871 ? Des valeurs des anti-colonialistes luttant contre l’Empire français ? Non : ils et elles ont été réprimé.e.s, massacré.e.s sans pitié par la République française. Parle-t-on des républicains espagnols, pour la plupart libertaires, qui libérèrent Paris en 1944 ? Non : la République française les avait d’abord enfermés en camps de concentration, puis elle les a plongés dans l’oubli. Inutile de chercher dans les programmes scolaires de la République française la mémoire de celles et ceux qui ont participé à la conquête de nos droits sociaux : ces anonymes ont toujours dû se battre contre l’oppression de l’Etat pour les obtenir.

Dès lors, faut-il accepter l’injonction à nous rassembler autour des “valeurs” de la république bourgeoise, cette oxymorique “démocratie représentative”, héritière en droite ligne des Thiers et autres Ferry, assassins et bourreaux des révoltes populaires, défenseurs inconditionnels de l’exploitation capitaliste, du militarisme, de l’impérialisme, du colonialisme, du patriarcat, de la répression policière et judiciaire des pauvres et des révolté.e.s ?

Pour cette République-là, la liberté réelle des individus dépend du porte-monnaie, et la “liberté d’expression” est à géométrie variable. Aujourd’hui encore, nos libertés s’arrêtent à celle des riches de nous exploiter, à celle des gouvernants de nous imposer des lois injustes que nous n’avons pas choisies, à celle des flics et des juges de nous réprimer quand nous luttons collectivement. “L’égalité” à la sauce étatiste est le cache-misère de l’inégalité économique et sociale, au fondement de la société capitaliste.

Jean-François est professeur de philosophie au lycée Victor Hugo de Poitiers. Il a déjà été poursuivi plusieurs fois par l’Etat, dans le cadre de son soutien aux luttes sociales des plus démuni.e.s, des sans-parole, des sans-le-sou, des sans-toit, des sans-papiers. Il a été suspendu de ses fonctions par le Rectorat le 21 janvier dernier, pour quatre mois. Une enquête a été diligentée. Cette nouvelle répression ferait suite à la plainte de parents d’élèves, dont le contenu ne lui a même pas été rapporté. On lui reprocherait son absence à la minute de silence, suite aux événements tragiques du début du mois, et même une “apologie du terrorisme” (sic !), accusation révoltante de bêtise malveillante et de mauvaise foi, quand on connaît un tant soit peu les positions de Jean-François, qui a toujours affirmé le primat du droit sur la force, son refus de la violence armée, et son refus des délires intégristes de tous bords.

Qu’entend donc le Rectorat par cette hallucinante accusation d’apologie du “terrorisme” ? Bien des juristes se sont cassé les dents sur ce terme, mais tous conviennent que cette notion est vouée à disqualifier. La notion de “terrorisme” est pour le moins confuse dans le droit français, et a aussi bien servi à l’Etat pour condamner les exécutions sommaires perpetrées début janvier par des fanatiques religieux, que pour réprimer des luttes sociales. Rappelons-nous que l’ensemble des résistant.e.s au nazisme, avant d’être célébré.e.s comme héros, étaient traqué.e.s comme “terroristes” pour le régime de Vichy, né des pleins pouvoirs accordés à Pétain par les institutions de la troisième République.

Jean-François serait donc sanctionné pour avoir contrevenu aux “valeurs de la République” ?Si oui lesquelles ? Celle de la liberté ? L’Etat intimide, censure et réprime régulièrement les militant.e.s des droits sociaux, bafouant parfois ses propres lois. Ces derniers jours, il profite cyniquement de l’émotion légitime pour fourbir son arsenal judiciaire sécuritaire et répressif, et accroître son emprise sur l’espace social. Jean-François, lui, depuis des années, participe à la vie sociale de son quartier, organise des cafés-philo, éveille ses élèves au débat philosophique, soutient les libertés de tou.te.s, y compris celles et ceux que l’Etat prive de liberté !

Parle-t-on des valeurs du “vivre-ensemble”, de l’égalité et de la fraternité ? Quand l’Etat stigmatise, opprime les pauvres et les militants, expulse des campements roms, traque, enferme et expulse, Jean-François lutte pour l’égalité, notamment à travers le droit au logement ou le soutien aux migrant.e.s., n’hésitant pas à dénoncer l’hypocrisie des gestionnaires de la misère. Jean-François, contrairement à ce qu’affirme la presse, ne milite pas à “l’extrême-gauche” : il n’a jamais été encarté, il n’a même jamais voulu s’enfermer idéologiquement. Il a toujours refusé que les intérêts et sectarismes des chapelles politiques prennent le pas sur la réflexion et l’action politiques collectives.

L’hypocrisie gouvernementale s’appuie aujourd’hui sur l’émotion légitime causée par le massacre de 17 personnes, pour réprimer un peu plus une partie de la population… dont celles et ceux qui luttent pour la liberté, l’égalité et la solidarité au quotidien. L’Etat instrumentalise la mort d’êtres humains pour mettre la pression sur les pauvres, et mettre au pas des militant.e.s sincères. C’est une récupération insupportable, répugnante, sordide.

Nous exigeons le rétablissement immédiat de Jean-François dans ses fonctions.

Solidarité avec Jean-François !

Nous nous tenons disponibles pour participer à toute action collective.


Pavillon Noir, 25 janvier 2015

***

Pour info, l’article de la Nouvelle République :

http://www.lanouvellerepublique.fr/Vien ... ce-2197590

Le rectorat suspend le prof et saisit la justice

Image

Jean-François Chazerans a reçu le courrier lui, notifiant sa suspension. Aucun motif n’est indiqué. – (Photo Patrick Lavaud)

Accusé par des parents d’élèves d’avoir perturbé la minute de silence, un professeur de philo du lycée Victor-Hugo à Poitiers est mis à pied. Il se défend.

Jacques Moret organisait hier après-midi la mobilisation pour les valeurs de la République (lire plus bas). Dans son introduction il rappelait : « Le 8 janvier, il y a eu aussi l’inacceptable commis par quelques enseignants qui n’ont pas observé la minute de silence avec des arguments dérisoires invoquant une absence de nécessité. Ou des arguments plus contestables estimant que ce n’était pas le moyen le plus approprié. Mais aussi des arguments inadmissibles pour des fonctionnaires cautionnant plus ou moins les attentats. » Et le recteur de promettre des sanctions si ces faits étaient avérés. Ainsi, un professeur de philosophie du lycée Victor-Hugo à Poitiers est suspendu à titre conservatoire pour 4 mois (*) depuis mercredi. Il a été remplacé. « Sur ce cas, il y a eu des plaintes de familles, nous a confié le recteur. L’enseignant aurait tenu des propos déplacés pendant la minute de silence. J’ai immédiatement diligenté une enquête. Le professeur a été suspendu. Il fallait l’éloigner de ses élèves. La procédure suit son cours. Le conseil de discipline statuera sur la suite de sa carrière. » Par ailleurs, Jacques Moret a porté l’affaire en justice hier soir. « Le recteur m’a effectivement dit qu’il me saisissait sur le fondement de l’article 40, nous a confirmé le procureur de la République Nicolas Jacquet. Je n’ai pas à cette heure les éléments en main. » L’apologie du terrorisme est évoquée. Mais le rectorat n’en dira pas plus.

Jean-François Chazerans par contre nous a livré sa version. Ce professeur de philo mis en cause est connu pour son militantisme d’extrême gauche. Enseignant à Victor-Hugo depuis 2005, il est apparu très ému hier midi. Sous le choc. Voici sa vérité. « J’ai été interrogé lundi par deux inspecteurs d’académie. Ils m’ont dit que leur rapport serait le soir même sur le bureau du recteur et le lendemain sur celui de la ministre. Je ne sais pas ce qu’on me reproche. Je ne sais pas quel cours, quel débat est concerné. On m’a juste dit “ ce sont des propos qui ont été tenus en classe “. On évoque qu’il y avait eu des plaintes d’élèves et de parents qui sont montées directement au rectorat. Je suis sonné, je m’attendais à tout sauf à ça. Ce fameux jeudi, j’ai organisé des débats avec mes six classes de terminale. Le but était de comprendre les causes du terrorisme en sortant autant que possible de la passion et de l’émotion du moment. »

“ Les djihadistes sont des fascistes ”

Jean-François Chazerans poursuit. « Ce sont les élèves qui étaient demandeurs. J’étais réticent. Je n’aime pas évoquer à chaud de tels sujets. Devant leur insistance et leur état de choc, j’ai décidé de mettre en place ces débats. » Eludant la fameuse minute de silence (**) – « Je n’y étais pas » -, le prof engagé condamne aujourd’hui sans ambiguïté les attentats et leurs auteurs. « Ma réaction de citoyen est de dénoncer avec force ces actes odieux, horribles. On ne peut quand même pas m’accuser d’avoir la moindre sympathie pour les djihadistes. Ce sont des groupes fascistes que je combats. Il n’y a pas eu une quelconque apologie du terrorisme lors de mes cours. Au contraire… » Le prof fait montre d’incrédulité. « Je ne comprends pas. Je décide de m’exprimer car je ressens un fort sentiment d’injustice. »

(*) Pendant sa suspension, le professeur bénéficie de l’intégralité de son traitement. Il peut former des recours gracieux, hiérarchique ou contentieux pour contester cette décision. (**) Au moment où nous avons interrogé le professeur, il ignorait qu’on lui reprochait d’avoir perturbé la minute de silence.

Loïc Lejay , Nouvelle République, 24 janvier 2015

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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede PN Poitiers » 26 Jan 2015, 20:01

Rassemblement de soutien à Jean-François, mercredi 28 janvier à 13h, place de l'hôtel de ville, à l'appel des lycéens :
http://www.npa86.org/spip.php?article3217

Mise à jour : enquête judiciaire ouverte cet après-midi contre Jean-François pour "apologie d'actes de terrorisme".

http://www.lanouvellerepublique.fr/Vien ... me-2199836
Modifié en dernier par PN Poitiers le 26 Jan 2015, 21:34, modifié 1 fois.
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede abel chemoul » 26 Jan 2015, 20:44

L'islamo-gauchisme se porte bien.
images de la manif contre le rassemblement de Riposte laïque dimanche 18 janvier:

des slogans comme "j'y suis j'y reste, je défends ma culture","allah akbar!", des drapeaux marocains, algériens, tunisiens, profession de foi musulmane écrit en grand sur des panneaux, un appel à manif expliquant qu'il faut se battre pour la "liberté" de porter le niqab (voile intégral), le tout avec le soutien de l'OCML-VP, des antifa du CAPAB, de la CGA...
il y aurait eu une manif avec l'équivalent "français/chrétien" de tout ça, que les manifestants se seraient fait traités de fachos.
Un jour il faudra interroger ce différentialisme dans la façon de traiter des nationalismes et des revendications religieuses selon qu'elles viennent de groupes "dominants" ou de groupes "dominés". une revendication ou attitude oppressive chez l'un peut-elle avoir un équivalent libérateur chez l'autre? apparemment oui...
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede Blackwater » 26 Jan 2015, 22:11

abel chemoul a écrit: le tout avec le soutien de l'OCML-VP, des antifa du CAPAB, de la CGA...


Pourquoi tu ne cites pas AL? Parce que ça ne t'arrange pas de savoir que tu es ultra-minoritaire chez les communistes libertaires à penser comme tu le fais?

abel chemoul a écrit:il y aurait eu une manif avec l'équivalent "français/chrétien" de tout ça, que les manifestants se seraient fait traités de fachos.
Un jour il faudra interroger ce différentialisme dans la façon de traiter des nationalismes et des revendications religieuses selon qu'elles viennent de groupes "dominants" ou de groupes "dominés".


Pour moi c'est très simple à expliquer.
Oui je me bats pour que les femmes qui veulent se voiler puissent le faire si tel est leur choix. De même que, en tant qu'antisexiste, je me bats pour que les femmes qui veulent ne plus le porter contrairement à ce que veulent certains hommes, puissent le faire.
Et oui, je revendique le différentialisme dans la façon de traiter les musulmans et les chrétiens. En fait, tout d'abord je suis pour le droit à chacun à avoir des croyances et à le dire haut et fort. Par contre, les chrétiens ne sont absolument pas opprimés aujourd'hui en France, contrairement aux musulmans dont chaque agression islamophobe, chaque contrôle au faciés, chaque discrimination me révoltent totalement, et c'est effectivement à leurs côtés que je souhaite me battre. Pour leurs droits, pour la dignité, pour le refus des amalgames, par antifascisme, par défense des opprimés.
C'est justement parce qu'on délaisse encore trop les populations musulmanes que les plus désespérés de cette population (de part la misère grandissante/conditions matérielles d'existence et l'islamophobie qui ne cesse de grandir) se font avoir par les cartels djihadistes qui viennent recruter dans les quartiers.
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Re: la redaction de CHARLIE HEBDO decimée 12 MORTS

Messagede abel chemoul » 26 Jan 2015, 22:45

BlackBombA a écrit:Pourquoi tu ne cites pas AL? Parce que ça ne t'arrange pas de savoir que tu es ultra-minoritaire chez les communistes libertaires à penser comme tu le fais?

parce que je n'ai pas vu de com' d'AL appelant à y participer, tout simplement, alors que j'ai vu un appel de la CGA parisienne. je pense que tu te crois majoritaire là où tu ne l'es pas, la preuve, la manif islamo-gauchiste n'a pas été un grand succès chez les libertaires.
BlackBombA a écrit:chaque contrôle au faciés

alors là on confond pour la énième fois race et religion.
BlackBombA a écrit:C'est justement parce qu'on délaisse encore trop les populations musulmanes que les plus désespérés de cette population (de part la misère grandissante/conditions matérielles d'existence et l'islamophobie qui ne cesse de grandir) se font avoir par les cartels djihadistes qui viennent recruter dans les quartiers.

y a pas que des musulmans qui sont abandonnés, tu hiérarchises les souffrances là. Les banlieues c'est aussi plein de chrétiens (mais on s'en fous, tu le dis toi-même, les chrétiens ne sont pas discriminés en France) et d'agnostiques. Pour ne pas mélanger race et religion comme toi, je ne préciserais pas que ces chrétiens sont africains, mais je vais le penser très fort. Je vais même penser très fort que "l'islamophobie" invisibilise les souffrances spécifiques des africains chrétiens en tendant au monopole de la souffrance post-coloniale. :mrgreen:
En utilisant l'islamophobie, on se tourne vers une partie de la population des quartiers. En plus, la partie qui manifeste en se revendiquant de cette identité religieuse, on le voit, n'est pas la plus progressiste.
Sans compter que la misère n'est pas que dans les quartiers et n'a pas que l'islam pour religion (une partie significative des jihadistes sont des convertis, ils n'ont donc pas subit l'islamophobie toute leur vie et si l'islam était si discriminé que ça ils ne l'auraient pas choisi comme religion).
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