Alex a écrit: d'islamo-gauchistes (aah, les termes piqués à l'ultra-droite...)
Puisqu’il parait qu’en tant que révolutionnaire il faut dépasser l’émotionnel dans l’affaire des attentats des 7-8-9 janvier 2015 et être politique pour ne pas tomber dans le piège de l’union nationale, voici quelques remarques politiques sur les manifs qui ont suivi et l’attitude des révolutionnaires vis-à-vis de l’affaire.
Mobilisation de gauche contre union nationale
Dans certaines villes, les rassemblements suite aux attentats ont été appelés par les organisations de gauche et pourtant ils ont été un échec symbolique pour celle-ci.
Au Mans, ancienne ville rouge avec une agglo de 190 000 habitants, ancrée à gauche, où les réseaux PCF et assimilés sont encore vivaces, dès le 7 janvier, la gauche a assumé la mobilisation autour des attentats. Le 1er rassemblement s’est fait à l’appel du PG, Ensemble, de la CGT, de la LDH.
La marche républicaine qui a eu lieu samedi a ensuite été appelée par un collectif d’organisations pré-existant appelé « Collectif Réagir pour la démocratie » créé en 2013, probablement sur proposition des premiers appelants. Etrange collectif puisque outre les orgas de gauche classiquement présentes dans ce genre de regroupement, on trouve aussi SOS racisme, des asso africaines et musulmanes, et, plus étrange, l’UDI et le Modem.
L’encadrement de ces rassemblements par des militants politiques s’est fait ressentir par plusieurs choix symboliques. La manif a commencé aux Sablons ZEP de 7-8000 habitants (un peu le Sanitas pour les Tourangeaux) éloigné du centre-ville pour ensuite passer devant la mosquée du quartier qui avait été victime de tirs et de jets de grenades dans la nuit du 7 au 8 janvier, quitte pour cela à faire un parcours peu habituel, la mosquée se trouvant à la bordure d’une zone pavillonnaire qu’il a ensuite fallut traverser pour aller en centre-ville. Ce choix politique a manifestement été négocié et partagé avec les autorités musulmanes puisque des musulman-e-s donnaient des roses aux manifestants qui passaient devant la mosquée et que les « autorités » musulmanes défilaient derrière la banderole de tête intitulée « contre tous les extrémismes, pour la liberté d’expression ».
Cette manifestation a regroupé 15 000 personnes au mieux. Il s’agit du chiffre bas donné par les manifestants, la presse locale ne donnant pas celui de la préfecture, ce qui est mauvais signe, donc probablement autour de 12 000 personnes avec comptable préfectoral.
Dans cette ville ouvrière, les manifs de 2006 contre le CPE avaient réunis au plus fort 18 000 (Pref’) à 30 000 personnes (syndicats). Il est arrivé en 2003 et 2010 que les syndicats comptent 45-50 000 manifestants, loin des 15-20 000 qu’ils annoncent ce samedi. Certains participants ayant connu ces manifs ont eu le sentiment que celle de dimanche 11/01 n’a pas fait le plein.
Comparés aux scores d’autres villes de la même taille, il s’agit de toutes façons d’un échec.
A Toulouse, les syndicats ont appelé au rassemblement. Les CSR31 (Comités syndicalistes révolutionnaires) ont tenté d’y diffuser un tract (tract pour le moins ouvriériste, à lire là ), diff vite abandonnée devant l’accueil plus que glacial des manifestants.
A Tours, les syndicats ont invité à rejoindre le premier rassemblement de mercredi. L’appel pour celui de jeudi est moins clair : appel à rejoindre les rassemblements spontanés ou appel constitutif à ce rassemblement ? La rédaction du communiqué est pour le moins floue.
Toujours est-il que jeudi, Solidaires a brandie des drapeaux syndicaux, déclenchant quelques débats avec certains manifestants.
A Orléans, dimanche, le NPA et AL ont organisé leur propre rassemblement l’après-midi en plus de la manif officielle du matin. 500 personnes s’y sont retrouvé (contre 22 000 le matin) avant que les organisateurs ne prennent la parole s’attirant les foudres de nombre de participants, qui, voyant qu’il en s’agissait pas d’un simple hommage « citoyen », sont alors parti de la manif, réduisant le rassemblement à 100 personnes.
Quel bilan tirer de ces divers rassemblements ?
Là où elle a tenté de mobiliser, la gauche a subit des échecs symboliques et/ou numériques. Son expression a fait fuir et engendré des réactions violentes comme à Toulouse et Orléans. Au Mans, malgré le point de départ dans un quartier HLM, les français issus de l’immigration n’ont pas été plus présents qu’ailleurs dans le cortège. On peut même se demander si la distribution de roses devant la mosquée n’est pas un signe de communautarisation sur le mode « c’est votre manif à vous, blancs/français, et on est solidaires du drame, mais on ne s’y mêle pas ».
Il faut également interroger le sentiment de spoliation qu’expriment certains camarades vis-à-vis de ces manifs. Certes, en de nombreux endroits, la gauche, plus ou moins radicale, a appelé à se rassembler, se considérant à l’initiative de ces rassemblements.
Mais il faut être réaliste, avec ou sans appel d’orgas de gauche, ces rassemblements auraient eu lieu de toute façon comme partout ailleurs.
Deux peuples se sont croisés dans la rue, un peuple de gauche (voire d’extrême-gauche), qui descend dans la rue de façon codifiée, avec ses rituels : appel, drapeaux, tracts, chants, etc, et un autre, apolitique, qui, choqué par une violence à laquelle il n’est pas habitué, avait besoin d’exprimer des sentiments collectifs pour conjurer l’angoisse.
Ces manifs d’union nationale n’étaient pas de gauche mais elles ont au moins ce mérite, celui d’avoir donné l’occasion à une population d’exprimer et de conjurer de façon collective une angoisse, de s’affirmer sans haine. Libé l’a bien compris, en titrant son numéro de lundi « nous sommes un peuple ». Mieux vaut un « peuple » uni dans le deuil, même si ce deuil n’est en partie pas le sien (qui dans ces manifs connaît le contenu de Charlie Hebdo?), qu’une masse amorphe prostrée devant BFM TV et qui se demande si le musulman habitant à côté ne prépare pas un attentat. En cela, Hollande et sa marche républicaine ont probablement plus fait pour le vivre ensemble des prochaines années que toute orga révolutionnaire.
L’absence de nombreux camarades aux manifs de dimanche, sous prétexte que ces manifs ne respectaient pas leurs codes de mobilisation et étaient donc une récupération républicaine/politicienne montre à quel point la théorie révolutionnaire peut couper des masses. Ces camarades n’ont pas compris la signification de ces défilés pour « l’homme de la rue » ni l’importance qu’ils avaient pour neutraliser la violence potentielle, ils n’en ont vu que les têtes de cortèges et leurs écharpes tricolores. Gorgés de certitudes, fiers de leurs analyses anti-impérialistes et/ou économicistes à outrance qui s’apparentent en fin de compte à des versions intellectualisées du « tous pourris ! » d’extrême-droite, ils sont restés au chaud dans leurs pantoufles intellectuelles.
Permettez moi de vous dire camarades, qu’y a la même distance entre théorie révolutionnaire et pratiques révolutionnaires qu’entre religion et foi. La première est un dogme, une suite de rituels, la seconde se vie. Les absents de dimanche ont mis leur robe de bure et prêché dans le désert…
Samuel Préjean, le 13/01/2015
Mieux vaut un « peuple » uni dans le deuil
qu’une masse amorphe prostrée devant BFM TV
Permettez moi de vous dire camarades, qu’y a la même distance entre théorie révolutionnaire et pratiques révolutionnaires qu’entre religion et foi. La première est un dogme, une suite de rituels, la seconde se vie. Les absents de dimanche ont mis leur robe de bure et prêché dans le désert…
plusieurs salariés et dessinateurs étaient proches d’organisations syndicales, celles qui défendent les travailleurs immigrés
Il y a encore vingt ans, les travailleurs étaient organisés et partageaient des pratiques culturelles et sociales d’entraide (dans les syndicats, dans les associations militantes, dans les clubs sportifs ouvriers,...)
beaucoup de militants ont abandonné le terrain social et se limitent à multiplier les discours philosophiques sur internet ou dans des "réseaux de vie" repliés sur eux
quand on a entendu un mec en congrès CSR expliquer que dans les quartiers aussi c'est le syndicat qui doit gérer les assos de solidarité, la phrase se traduit par: "syndicat, syndicat, syyyndicaaaat!!!"Nous la vaincrons en reconstruisant un mouvement syndical fort, dans les entreprises mais surtout dans les quartiers en réorganisant des solidarités de classe concrètes.
bah oui, le syndicat de branche gère les assos de solidarité de sa branche et l'ul gère les assos de solidarité de classe. ça s'appelle des activités d'entraide socialisé, et si c'est pas coordonné dans les organisations de classe du local vers l'international, si ce n'est que l'addition d'organisations localistes sans lien les une des autres, ce n'est pas du communisme, ça ne permet pas de combattre les repli nationalistes ou régionalistes ou culturels et cultuels. Les quartiers aujourd'hui sont organisé sous un modèle cultuel, après avoir été organisé sous un autre modèle affinitaire, le modèle social-démocrate historique.... voilà le beau résultat !quand on a entendu un mec en congrès CSR expliquer que dans les quartiers aussi c'est le syndicat qui doit gérer les assos de solidarité
Plus largement, à quoi sert de dire aux gens qu'ils sont dépolitisés, qu'il faut reconstruire le syndicat alors même que du fait de la dépolitisation les personnes à qui tu t'adresses ne comprennent pas ce discours, voire vont se sentir agressé? tu parles aux convaincus
En cela, Hollande et sa marche républicaine ont probablement plus fait pour le vivre ensemble des prochaines années que toute orga révolutionnaire.
Sur le fait que toutes ces charmantes personnes (les fameux 30.000 de Tours), on ne les voit JAMAIS aux rassemblements pour les kurdes, pour la Palestine (ben oui, forcément, quand c'est loin, que BFM en parle pas et que c'est des "bronzés", ça nous fait chier), ou sur toutes les mobilisations qui demandent de faire travailler son intellect, et pas juste de déclarer que "le terrorisme cey vraiment pas bien". Indignés d'un jour, qui nous cracherons à la gueule à la prochaine diff.
Ces camarades n’ont pas compris la signification de ces défilés pour « l’homme de la rue »
précision: ce que je critique ce n'est pas en soi le fait de ne pas être allé aux manifs dimanche mais le fait de s'en être venté, de l'avoir justifié idéologiquement. Ceux-là ont montré leur déconnection d'avec la réalité des gens
Ces camarades n’ont pas compris la signification de ces défilés pour « l’homme de la rue » ni l’importance qu’ils avaient pour neutraliser la violence potentielle,
En cela, Hollande et sa marche républicaine ont probablement plus fait pour le vivre ensemble des prochaines années que toute orga révolutionnaire.
Deux peuples se sont croisés dans la rue, un peuple de gauche (voire d’extrême-gauche), qui descend dans la rue de façon codifiée, avec ses rituels : appel, drapeaux, tracts, chants, etc,
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