Lutte antiFasciste (réflexions, textes, appels généraux...)

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Messagede Pti'Mat » 20 Aoû 2011, 09:41

Combattre le FN avec le syndicalisme de classe

Les résultats électoraux du FN après les élections cantonales laissent présager une possible présence du FN au second tour des présidentielles de 2012. De nouveau, on nous appellera au « sursaut républicain », à « l’Union sacrée pour défendre la démocratie ». De nouveau, les syndicalistes sont désemparés : comment est-ce possible ? Que doit-on faire ?

De nouveau, il faut rappeler les évidences : la montée du vote FN parmi les classes populaires résulte de la situation sociale, conséquence des politiques de tous les gouvernements qui, depuis 30 ans, ont appliqué des mesures faites pour faciliter l’exploitation maximale des travailleurs par les classes bourgeoises.

Nouvelle stratégie syndicale du FN : l’entrisme ?

Ces élections ont aussi été l’occasion pour le FN de mettre en avant sa nouvelle stratégie syndicale. Après les échecs de création dans les années 90 de syndicats estampillés « FN », après l’échec de candidatures FN aux élections prud’homales de 2008, ce parti a décidé de mettre en avant des militants ayant des responsabilités syndicales.

C’est un choix délibéré, en sachant parfaitement les réactions que cela allait provoquer : des exclusions. Le but est double : mettre au devant de la scène médiatique le FN et sa présidente avant les élections ; faire apparaître le FN comme un parti proche des travailleurs, doté d’un programme social.

Les réactions dans le syndicalisme

Les exclusions des syndicats de militants du FN se dévoilant publiquement, voire des syndicats qui les cautionnent sont salutaires. Elles montrent au FN qu’il aura des difficultés pour construire une tendance « frontiste » dans le mouvement syndical actuel. Son association : le Cercle National de Défense des Travailleurs Salariés ne réussira pas à peser sur le salariat, et ne pourra se transformer en syndicat. Toutefois le syndicalisme de classe se doit d’être intransigeant face à l’utilisation de ce cercle comme embryon d’une tendance intersyndicale.

Notre première réaction doit donc être dirigée contre les militants FN et autres groupes d’extrême droite tentant de faire de l’entrisme. La seconde réaction doit être de sensibiliser les syndiqués qui, de plus en plus nombreux, partagent la thèse centrale du FN, celle de la préférence nationale. Elle consiste à « former les adhérents », « leur expliquer que le FN est l’ennemi des travailleurs »,… Cela dit, l’état des forces du syndicalisme actuellement rend impossible la formation de masse de ses adhérents, sans parler des millions de salariés non syndiqués. Cette orientation, certes nécessaire, risque d’être inefficace car elle ne s’attaque pas au fond de la question.

Redonner une perspective politique anticapitaliste au syndicalisme

C’est fondamentalement la désespérance et l’absence de perspective politique qui expliquent cette montée et un possible enracinement du FN parmi les travailleurs. C’est l’échec de la politique électoraliste des organisations politiques anticapitalistes qui ont eu une base de masse dans le prolétariat, comme le PCF, ou une présence bien moindre pour d’autres (l’extrême gauche : LO, NPA, POI,…). Et c’est au final l’échec du syndicalisme de classe qui a sous-traité depuis 90 ans aux partis politiques, censés représenter les travailleurs, son projet politique d’origine inscrit dans la Charte d’Amiens de la CGT en 1906 : le syndicalisme comme outil, non seulement de lutte quotidienne pour améliorer le sort des prolétaires, mais aussi d’émancipation pour construire une société socialiste à l’échelle mondiale.

OUI, le syndicalisme de classe est légitime pour défendre une véritable perspective politique, strictement à l’opposé de la cuisine électorale. Cela veut dire qu’il est légitime pour poser la question centrale de toute société : quelle est la classe sociale qui doit diriger ? Celle qui crée les richesses et qui représente l’immense majorité de la population ou celle minoritaire qui l’exploite (les capitalistes et les élites sociales bourgeoises) ?

OUI, le syndicalisme de classe est légitime pour affirmer qu’il dispose, étant la seule organisation naturelle des travailleurs, des outils nécessaires pour construire cette société socialiste et anticapitaliste, pour détruire l’exploitation, la domination, les guerres, pour empêcher la destruction de l’environnement,…

Ces outils, il les a construits depuis plus d’un siècle :

Ses bourses du travail que sont aujourd’hui les unions locales et départementales. Elles représentent la solidarité interprofessionnelle des créateurs de richesses. Elles sont les outils pour gérer localement la répartition des richesses, les services publics et décider du développement d’activités utiles au plus grand nombre (coopératives, activités de sociabilités autonomes à la société de consommation,...).

Ses syndicats locaux de branche : solidarité des travailleurs de la même branche mais d’entreprises différentes, afin d’en finir avec le "patriotisme d’entreprise". Unis dans leurs fédérations nationales de branche, leur but final est de gérer les entreprises et les services publics en tenant compte des intérêts de l’immense majorité. En coopérant avec les fédérations de branche d’autres pays, ils pourront décider de la répartition de la production des richesses au niveau mondial. Ils pourront ainsi garantir la solidarité internationale de tous les travailleurs, quelque soit le pays dont ils viennent, et quelque soit le pays où ils travaillent, garantissant les bases de l’égalité.

Recréer et renforcer des organisations qui s’occupent de la vie des travailleurs en dehors du travail : la santé, le logement, la culture, le sport, la consommation, l’entraide,… Ces organisations permanentes (mutuelles, associations de consommateurs et de locataires, clubs populaires sportifs, coopératives, sécurité sociale…) doivent permettre de combattre les effets du capitalisme dans tous ces domaines, de construire une contre-culture et un autre type de vie que le "tout consommation". C’est possible si elles sont en relation permanente avec les unions locales, les syndicats et les fédérations de branche. Elles permettront alors de créer des liens sociaux anticapitalistes, redonnant de l’espoir par la solidarité quotidienne.

Une confédération syndicale de classe coordonnant le tout pour planifier la production et la répartition des richesses. Il reviendra alors aux travailleurs, avec ces outils, de décider : que produire ? comment le produire ? avec quoi le produire ? où le produire ?

Sur ces bases, qu’il n’aurait jamais dû quitter, le syndicalisme de classe sera alors capable d’assurer l’unité des travailleurs. En effet, conscients que l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes, nous devons construire nos propres outils pour qu’enfin le socialisme ne soit pas un vain mot exploité et dévoyé par des groupements politiques, philosophiques et religieux.

La bataille pour l’unification du syndicalisme de classe est bien une priorité pour redonner une perspective anti-capitaliste. Ainsi, le désespoir et l’absence de perspective d’une vie meilleure seront alors combattus avec autre chose que des mots ronflants et des déclarations de larmoyantes. Cette orientation, l’auto-organisation pour notre projet politique, le Socialisme, nous donnera les outils pour mener la véritable bataille contre l’extrême droite. Les partis qui portent le slogan de la préférence nationale, arme de guerre contre tous les travailleurs, trouveront un ennemi de taille capable de les abattre car menant l’affrontement sur son propre terrain et ayant sa propre stratégie.

Tous ces outils d’émancipation, le syndicalisme de classe les possède déjà, même s’ils sont en plus ou moins bon état. C’est au renforcement et à l’amélioration de ces outils, dans une seule confédération de classe, que nous devons nous atteler sans tarder.


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Le pouvoir au syndicat, le contrôle aux travailleurs-euses !

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Messagede Pierre Noire » 17 Déc 2011, 17:09

Quelques réflexions à propos de la lutte antifasciste

Radicale ou non, la lutte antifasciste ne peut se contenter de la lutte contre les groupes d'extrême droite, certes de plus en plus radicaux, tout comme contre sa « vitrine propre », officielle, celle du FN de Marine le Pen, intégré, admis dans la vie, dite républicaine de ce pays.
Quand il arrive second au 1er tour des élections présidentielles de 2002, devant le PS, qui peut refuser sa légitimité, représentativité au Front National ?
La vraie question est d'analyser les raisons de cette réalité, les motivations amenant des électeurs à se réfugier dans les bras d'un parti ouvertement raciste et xénophobe, qui plus est calquant ses propositions socio-économiques sur la droite classique !
Surtout quand on sait que parmi son électorat, le FN a pu recueillir les voix de militants communistes et plus largement de travailleurs totalement désabusés et désemparés !
Pour cela il faut considérer l'histoire et la réalité de cette extrême droite dans l'analyse globale portée sur l'évolution du capitalisme moderne.
Celui-ci s'est d'une part, toujours, et par nature légitimement appuyé sur les droites conservatrices, réactionnaires, à son service et à la tête de l'Etat (de 1945 à 1981, puis depuis 2002), droites ayant eu recours à leurs extrêmes lorsque cela s'avérait nécessaire face à la montée d'un mouvement ouvrier revendicatif. Par exemple,1968 et les années suivantes ont vu ressurgir et se radicaliser les groupes extrémistes, tels qu'Occident, le GUD ou Ordre nouveau très actifs en particulier sous la présidentielle du néo libéral Giscard d'Estaing.
C'est d'ailleurs à cette époque que l'extrême droite a choisi de se recycler dans les partis de gouvernement (RPR de Chirac, RI de Giscard) et qu'on retrouve aujourd'hui dans l'UMP de Sarkozy, avec Patrick Devedjan entre autres..
La période socialiste 1981/1995 fut celle, où reconvertis à la loi du marché, à l'idéologie libérale, les socialistes, pour briser le PCF, n'ont pas hésité à favoriser le retour sur la scène politique du FN, tout en installant la rigueur et en remettant en cause le programme économique et social du CNR (ce que Giscard n'avait pas pu faire ou le temps de faire, les socialistes le firent).
Ainsi, le capitalisme a toujours su utiliser les partis politiques, de droite comme de gauche, lorsqu'ils étaient à la tête de l'Etat, pour continuer de se développer, l'extrême droite en profitant pour infiltrer les discours idéologiques des uns et des autres. Pour preuve, les 1ères lois et mesures sécuritaires furent prises par un Gouvernement socialiste et bien avant Sarkozy, un certain Chevênement traitait les jeunes des banlieues de « sauvageons » !
Tout cela pour insister sur le fait que le vrai enjeu est bien de mener la lutte sur le terrain idéologique, et non pas seulement en réaction à l'existence et aux provocations de groupuscules néo nazis.
Il s'agit de démontrer que le capitalisme, avec l'aide de ses fidèles serviteurs politiques à la tête de l'Etat a enfanté les extrêmes droites, dernier rempart face à la montée des contestations de son système par les mouvement ouvrier, étudiant.
L'extrême droite a toujours été le dernier recours à sa survie, il suffit de constater la place occupée par elle dans les guerres (toujours provoquées par le capitalisme) contemporaines, de la 2ème guerre mondiale à celles qui ont suivi (cf. conflits dans les balkans par exemple).
Aujourd'hui, dans une Europe en crise économique et sociale aigüe, l'extrême droite européenne se fait comme par hasard de plus en plus présente et de manière de plus en plus visible :
en italie où elle a ses vitrines tout à fait légales (habitat collectif, restaus, librairies etc.) dans la plupart des grandes villes,
en Hongrie où des milices ouvertement fascistes remplacent la police dans les zones rurales sous le regard impuissant des élus locaux,
en Serbie où les génocideurs passent pour des héros auprès d'une frange importante, ultra nationaliste de la population,
en France, où comme à Lyon elle se permet de plus en plus de dérapages (tabassage, viol de militants(tes),
aux Pays-bas, en Suisse etc.
Comment ne pas citer également la tuerie récente en Norvège ! A ce propos je suis persuadé que l'appartenance à la Franc maçonnerie du présumé responsable dévoilera un jour, le rôle joué par la « mythique » et mystique secte de Thulé présente dans toute l'Europe depuis des siècles, à laquelle appartenait un certain Adolph Hitler ainsi que l'élite de la SS au travers de son organisation « Soleil noir ».
Cette « franc maçonnerie » n'a bien sûr rien à voir avec les loges connues et reconnues dans toute l'Europe, malgré leur part d'ombre, mais recouvre une myriade d'organisations qui voient leur origine dans le fondamentalisme chrétien issu des Templiers, dans le culte de la race supérieure à venir, culte puisé dans tous les anciens ésotérismes, du mythe de l' « Atlantide » aux chercheurs du « Sacré Graal ».
Cette réalité actuelle d'un fascisme de plus en plus présent et aux aguets est bien, en France en particulier, le résultat de la faillite, tant des partis politiques tous convertis à des degrés divers au capitalisme, que de celle des grandes centrales syndicales plus préoccupées par leur volonté de cogérer le capitalisme avec le patronat, que de leur rôle originel de défense des intérêts des travailleurs.
Le capitalisme triomphant malgré ses soubresauts et crises, que les peuples payent de toute façon, ne peut que se satisfaire du champ libre ainsi laissé à l'extrême droite et dont le discours a depuis longtemps envahit les esprits en pointant les pseudos responsables de la situation : chômeurs, pauvres et assistés, jeunes des banlieues défavorisées et étudiants, fonctionnaires, femmes au travail, immigrés clandestins ou pas etc.
Lorsque Mme Ségolène Royal, lors de sa campagne présidentielle en 2002, proposait d'utiliser l'armée pour rééduquer les jeunes délinquants des banlieues, nous ne sommes pas loin d'un fascisme ordinaire, populiste, s'appuyant par définition sur ses polices, milices et armée pour traiter les problèmes sociaux, et au delà, contrôler à terme l'ennemi de l'intérieur, à savoir le peuple.
Il suffit d'écouter les réflexions de bistrot (« il y a trop d'étrangers », « il y a des chômeurs qui profitent », « il y a trop de fonctionnaires », « il n'y a plus d'argent ma brave dame ! ») pour se persuader de cette imprégnation rampante depuis des décennies, d' un discours relevant du fascisme ordinaire, réaction primaire certes, mais réaction qui interroge tout de même. La peur de l'avenir, l'angoisse et le désarroi par rapport à la non perception, impossibilité de possibles « alternatives républicaines » (on a tout essayé, à Droite, à Gauche et au Centre ! » amènent au repli sur soi, à la résolution individuelle des problèmes subis comme seule possibilité.
Le voilà, le lit du fascisme qui ne peut que croître en même temps que croît la crise du capitalisme avec toutes les conséquences économiques que l'on connaît pour les millions de travailleurs, précaires et chômeurs !
La désignation des coupables responsables de son propre malheur est d'autant plus facile qu'elle est proposée par le pouvoir, à force renfort médiatique, et faute de conscience de classe, voilà des travailleurs, pourquoi pas votant à gauche, pourquoi pas syndiqués à la CGT ou à FO, convaincus que l'ennemi est jeune, basané ou féminin...
Cela a toujours été le fonds de commerce du fascisme parce qu'il est à l'inverse des principes de solidarité, de lien social, de nécessaire lutte et action collective ;il se construit sur les principes d'individualisme, de corporatisme et de communautarisme, bref sur le principe de subsidiarité cher à la « Doctrine sociale de l'Eglise », le meilleur exemple ayant été la « Charte du Travail » sous le Gouvernement de Vichy durant l'occupation nazie.
La lutte antifasciste, c'est donc bien d'abord la lutte contre l'oppression du capitalisme soutenue par les Etats, soutenue par les religions (force est de constater les liens historiques entre l'extrême droite européenne et l'Eglise catholique en particulier).
A ne pas prendre en compte tous ces éléments on prend le risque de paraître aux yeux de la majorité de la population comme une partie de l'extrême gauche (à laquelle les anarchistes sont la plupart du temps assimilés) réglant ses comptes avec l'extrême droite, les deux étant en définitive renvoyées dos à dos, hors les inquiétudes quotidiennes de cette population qui se demande comment bouffer après avoir payé son loyer, son EDF et son gaz oil.
Le jour où l'on saura démontré aux travailleurs le lien direct entre l'oppression capitaliste et les discours de l'extrême droite, on aura fait un grand pas en avant, comme par exemple, démontrer que le soudain intérêt du FN pour la laïcité institutionnelle de l'Etat n'est qu'un leurre masquant son anti-islamisme aussi profondément ancré que son antisémitisme.
En attendant on peut plancher sur des slogans, tracts du type (et ce n'est pas l'iconographie qui manque !) :
- « Le capitalisme engendre le fascisme, les guerres » (relation fascisme/guerres),
« l'extrême droite, c'est la droite, rien que la droite » (discours économique et social identique),
« Eglise, fachisme, même oppression » (référence à l'histoire),
« l'extrême droite n'aime pas les jeunes, les femmes, les travailleurs » (référence aux propositions socio-économiques du FN)
etc.

Contribution au débat de Michel,
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede spleenlancien » 17 Déc 2011, 17:54

2007, la campagne de Notre Dame du Poitou. En 2002 c'était le trotskyste austère qui se marre...
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede bipbip » 28 Nov 2012, 03:55

Quel antifascisme aujourd'hui ?
Par la CGA, Coordination des Groupes Anarchistes

Quel antifascisme aujourd'hui ?

Le nécessaire bilan de deux décennies « d'antifascisme »

La lutte contre le fascisme a, jusqu'à son effondrement temporaire, été souvent amalgamée en France avec la lutte contre le Front National et les idées racistes et réactionnaires qu'il véhicule. Or le Front national n'est pas à proprement parler un parti fasciste, même s'il comporte une composante fasciste. C'est un parti d'extrême-droite nationaliste, qui a pendant longtemps fait coexister des tendances idéologiques différentes, depuis les nostalgiques de l'Algérie française, jusqu'aux catholiques intégristes, et pour un certain temps, les nationalistes révolutionnaires. Il a représenté pendant longtemps la face visible la plus nette d'un nationalisme qui irrigue la classe politique en France de la droite à la gauche, voire une partie de l'extrême-gauche. Il a représenté la formulation explicite des conséquences idéologiques de ce nationalisme : un discours raciste et xénophobe, mais aussi sexiste et homophobe. Il correspond au choix de la bourgeoisie française, dans le contexte de crise liée au second choc pétrolier, de promouvoir une grille de lecture raciste et xénophobe pour masquer les antagonistes de classe, et ainsi combattre le développement de luttes populaires. Il a également bénéficié des facilités accordées par la social-démocratie, dans une perspective politicienne, afin de briser sur le plan électoral l'influence de la droite.

La principale stratégie de riposte antifasciste pendant ces 20 dernières années a été la création de fronts antifascistes spécifiques, larges et unitaires, dont la dominante idéologique a été un discours moral fondé sur les valeurs humanistes dans lesquelles les références de classe et la nature du nationalisme comme outils des classes dominantes ont été diluées, voire complètement masquées.

Même si les libertaires, ou des groupes d'extrême-gauche, ont tenté de rendre visible cette dimension au sein de ces fronts, ils n'ont pu se faire entendre de manière audible, ce qui a conduit à une prédominance du discours républicain en matière « d'antifascisme ». Cela a souvent amené les libertaires à faire les « petites mains » de fronts antifascistes qui promouvaient une approche «aclassiste» du fascisme.

«L'antifascisme radical» n'échappe pas à ce constat. Malgré la volonté et les tentatives de relier la lutte contre le fascisme à la lutte contre le capitalisme, la dimension spécifique de ce courant a souvent évolué vers une tendance à réduire la lutte contre le fascisme à la lutte contre les fascistes, à se contenter d'une « riposte » qui plaçait nécessairement la lutte sur le terrain même du fascisme, lui laissant l'initiative politique, voire dans certaines de ses expressions, relevant davantage du folklore plus que de l'action politique. Une chose est sûre, c'est que le développement des idées nationalistes, racistes et xénophobes n'a pas été stoppé, il a même été donné crédit à la rhétorique du fascisme qui a ainsi pu se présenter comme «antisystème», comme «révolutionnaire».

Un autre aspect de ce bilan est qu'une telle approche focalisée sur une organisation - le FN - est passée à côté de la réalité idéologique du fascisme, à savoir sa stratégie d'implantation «métapolitique», c'est à dire en conquérant une influence idéologique par la culture. Elle a également eu pour effet d'empêcher de saisir les « nouvelles » formes et tendances du fascisme, celles de la réorganisation d'un courant fasciste authentique, alliant racisme, antisémitisme et rhétorique « anticapitaliste », alliant discours social et national, et se développant hors de la sphère classique et identifiée du fascisme français, puisqu'il s'enracine et se développe également au sein des minorités nationales.


Analyser le fascisme comme tendance, définir le fascisme

Qu'est-ce que le fascisme, historiquement ? C'est l'alliance entre discours social et national, c’est la formation d'une « droite révolutionnaire » qui remet en cause l'idéologie démocratique bourgeoise, qui se vit comme « révolutionnaire », mais sert les intérêts de la bourgeoisie en brisant les luttes populaires et toute perspective révolutionnaire. C'est aussi un discours voyant la société (amalgamée à une mythique «nation») comme un «organisme» qu'il faut purifier (des «ennemis intérieurs» que sont les minorités nationales et les étrangers, mais aussi les subversifs), diriger et défendre contre elle-même, en la guidant d'une main de fer. C'est un discours idéologique qui se fonde sur une vision raciste ou ethno-différencialiste identitaire (racisme biologique ou culturel) qui divise l'espèce humaine en groupes auxquels il assigne une « race », une identité essentialisée, c'est à dire un ensemble de caractéristiques qui ne dépendent pas de leur construction sociale, mais de ce qu'ils sont, de leur prétendue «nature». C'est enfin un discours assignant ces identités à un territoire, autour d'une mystique de la terre et des morts (cf Maurras, l'un des théoriciens français du fascisme) C'est une idéologie qui oppose le capitalisme industriel, corporatiste, considéré comme «authentique», au capitalisme financier, arbitrairement séparé et amalgamé aux juifs par le discours antisémite, ce qui permet de protéger la classe capitaliste par une stratégie de bouc émissaire.


Le fascisme et la crise

Dans une période de crise d'adaptation capitaliste, le fascisme est l'ultime recours du capitalisme et de la bourgeoisie : pour briser toute résistance des classes populaires à ses offensives, mais aussi pour « mettre de l'ordre » en son sein. Tant que son pouvoir n'est pas remis en cause, la bourgeoisie a intérêt à préserver le cadre de la démocratie représentative, car le pouvoir d'influence est la forme de pouvoir la plus efficace et la plus économique. Même pour les très riches, il est aussi certainement plus confortable de vivre dans un cadre de relative liberté d'expression. Mais dès lors que ce pouvoir est fragilisé, la tentation fasciste suscite rapidement l'adhésion de larges secteurs de la bourgeoisie.

Dans la période actuelle, la crise économique et sociale capitaliste a suscité un certain nombre de résistances populaires qui inquiètent la bourgeoisie. Cependant, elle bénéficie depuis plus de dix ans d'un avantage certain dans la lutte des classes, lié à la désorganisation du mouvement ouvrier à l'échelle internationale, et à l'absence de perspectives révolutionnaires émancipatrices. Dans le même temps, le fatalisme qui en découle conduit une partie des classes populaires à se tourner vers les mouvements populistes d'extrême droite en renforçant d'autant leur influence.


La situation sur le plan international

Cette situation est visible clairement sur le plan international. On assiste à un triple mouvement : le renforcement des outils de coercition des états et des régimes autoritaires, qui visent à réprimer les mouvements liés à la révolte des classes populaires contre leurs conditions de vie, le développement de ces mouvements populaires poussés par la nécessité, qui se heurtent aux privilèges de la bourgeoisie et des États en défendant leurs intérêts, enfin le développement de courants idéologiques qui s'inscrivent dans la défense des intérêts de la bourgeoisie confrontée à ces soulèvements et qui se présentent comme «révolutionnaires» et «anticapitalistes».


Ces tendances correspondent aux différentes formes que prend le fascisme.

• En Europe, on constate le développement de mouvements nationalistes, et notamment «nationalistes révolutionnaires», qui se traduit à la fois par des violences contre les minorités nationales (arabes, noirs, juifs, Rroms...), et contre les militant-e-s antifascistes et progressistes (agressions de camarades en Russie, en Serbie, etc.)
• Aux États-Unis, on constate le développement de groupes nationalistes et racialistes, depuis les suprémacistes blancs jusqu'aux «minute men» servant d’auxiliaires à la politique de répression de l'immigration américaine. En Amérique du sud, le développement de groupes paramilitaires de type nationaliste et de groupes néo-nazis répond aux mêmes dynamiques.
• En Turquie, les groupes fascistes tels que les loups gris mènent une politique de violence et de terreur fasciste contre les minorités nationales kurdes, arméniennes, les minorités religieuses (halevis), et les militant-e-s révolutionnaires.
• Dans un certains nombre de pays où la religion musulmane est majoritaire, les groupes qui assument ce type de politique se cachent derrière le masque de la religion : nervis fascistes iraniens se réclamant de l'islam qui répriment et attaquent les militant-e-s ouvriers et féministes iranien-ne-s, fascistes ou réactionnaires religieux tels que les frères musulmans, les salafistes, les militant-e-s du FIS en Algérie, qui servent de supplétifs à la répression anti-ouvrière et antiféministe, ainsi que d'une «fausse opposition» et d'une «fausse alternative» à des pouvoirs nationalistes discrédités, qui mènent eux aussi une répression directe des luttes populaires. Ce type de mouvement existe également dans bon nombre de pays catholiques ou orthodoxes, à travers notamment des mouvements réactionnaires religieux qui assument ce type de politique.


La situation en France

La période récente se traduit par une montée en puissance du nationalisme, entretenue notamment par le pouvoir politique, mais aussi les relais médiatiques et idéologiques de la bourgeoisie. Si ce nationalisme irrigue la quasi totalité des courants politiques, depuis la gauche coloniale jusqu'à l'extrême-droite, les courants fascistes sont le fer de lance de sa diffusion en milieu populaire, au moyen d'une rhétorique «sociale» pseudo-anticapitaliste.
Au sein des catégories de population désignées par l'idéologie nationale comme constituant le «corps national», le fascisme joue un rôle mobilisateur pour les intérêts de la bourgeoisie, en présentant la violence sociale non pour ce qu'elle est, le résultat du capitalisme, mais pour l'effet de l'action «d'ennemis intérieurs» ou «d'ennemis extérieurs». Ces «ennemis intérieurs» et «extérieurs» sont désignés comme étant les membres de minorités nationales, religieuses, sexuelles du pays, ou les étrangers. En contexte de crise, c'est la tendance «socialiste-nationale» qui se développe le plus rapidement, autour notamment d'un antisémitisme virulent (qui se masque derrière un discours prétendument antisioniste) réactivant la figure de bouc émissaire du juif, d'une islamophobie virulente (substituant ou le plus souvent ajoutant à la figure bouc-émissaire du juif celle du musulman), et plus largement d'un racisme «décomplexé».

Cette tendance «socialiste-nationale» est représentée par plusieurs organisations se réclamant plus ou moins ouvertement du nationalisme révolutionnaire :
• Egalité et réconciliation et ses alliés (Dieudonné et les relais de l’État d'Iran en France que sont les militants du centre Zahra), qui privilégient un front antisémite visant à mobiliser au côté des nationalistes français une partie des personnes appartenant à la minorité nationale arabe.
• Les identitaires qui privilégient un front «antimusulman» qui vise à mobiliser aux côtés des nationalistes révolutionnaires européens les courants racistes qui se cachent derrière une « laïcité » à deux vitesses, et une partie des personnes appartenant à la minorité nationale juive (notamment la frange fasciste du sionisme, comme en témoigne l'organisation d'une manifestation commune identitaires-LDJ devant l'ambassade d’Israël).
• Enfin, s'ajoute à cela la fraction mariniste du FN qui tente de développer un discours «national et social» proche de celui des identitaires, mais qui diffère en privilégiant un cadre nationaliste français au cadre nationaliste européen (suprémaciste blanc) des identitaires.

Toutes ces tendances tentent de dévier la révolte sociale vers une approche nationaliste, xénophobe et raciste, en se présentant comme «révolutionnaires». Leur radicalité formelle leur permet d'amener aux thèses nationalistes une partie des travailleuses et des travailleurs en révolte contre le système capitaliste, à travers un «anticapitalisme» qui se réduit à la défense du corporatisme contre le «capital financier», de présenter la nation comme un recours contre la «finance internationale», à une critique des valeurs consuméristes, sans contenu de classe, sans lien avec la réalité des luttes populaires. C'est en ce sens que ces courants diffèrent des courants nationalistes de la droite classique : en période de crise ceux-ci apparaissent trop ouvertement comme les représentants de la classe bourgeoise (en témoignent les affaires Bettencourt, etc.), et suscitent donc la méfiance au sein des classes populaires. Alors que la radicalité de postures des nationalistes révolutionnaires et leur conviction d'être «révolutionnaires», leur permettent d'attirer aux thèses nationalistes des individus appartenant aux classes populaires, en mobilisant les valeurs réactionnaires largement présentes dans la société (sexisme, homophobie, chauvinisme...).

Soral a ainsi d'abord construit son image de « rebelle» sur un discours antiféministe et homophobe, présenté comme un «refus du politiquement correct», puis sur un antisionisme antisémite qui a visé à instrumentaliser la question palestinienne pour re-légitimer l'antisémitisme historique des fascistes français.
Premièrement, l'outil internet a permis aux sympathisants et aux militants d'extrême-droite de pouvoir s'exprimer et diffuser leurs idées beaucoup plus librement qu'auparavant. En effet, la lutte sur le plan moral de l'extrême-droite a au moins permis de faire en sorte que le racisme n'était pas une opinion comme une autre. De plus, l'outil internet a donné une caisse de résonance importante à des courants au départ confidentiels, qui ont su utiliser les nouvelles technologies (vidéos sur dailymotion, youtube), pour diffuser leur pensée. Ils ont également su utiliser des passerelles, sous la forme de sites internet relayant en lien leur discours ou des personnes cautionnant leur discours au nom d'un «anti-impérialisme» hérité du stalinisme ou du tiers-mondisme, les pseudos laïcs relayant un discours raciste (par exemple l'officine raciste «riposte laïque») derrière une prétendue critique de l'islam.

Sur internet par exemple, de nombreux sites diffusent l'idée d'un « nouvel ordre mondial » (expression qui provient à l'origine de la droite radicale américaine) dirigé par les « sionistes » et les «illuminatis». Il ne s'agit de rien d'autre que du bon vieux discours national-socialiste et fasciste sur le «complot juif et franc maçon mondial», qui a adopté une nouvelle forme pour contourner le discours antifasciste et la législation de l’État sur le racisme. Cette nouvelle forme du discours sur le «complot judéo-maçonnique» a des succès inattendus, au sens où de telles approches sont reprises par des musiciens de rap, y compris ceux qui affichent des sympathies libertaires, qui en ignorent peut-être l'origine, mais qui les banalisent et contribuent à leur diffusion dans la jeunesse populaire.

On retrouve ces influences dans les courants fascistes ou nationalistes spécifiques aux minorités nationales : ainsi, les sionistes de tendance fasciste de la Ligue de défense juive reprennent le discours raciste anti-arabe des identitaires ou la théorie du «choc des civilisations» et du danger islamique. A Belleville, des nationalistes chinois ont organisé une manifestation «contre l'insécurité» au cours de laquelle des passants noirs ou arabes ont été pris pour cibles, désignés comme des «voleurs» sur critères racistes, ce qui a provoqué les applaudissements des réseaux identitaires français (par exemple sur le site internet «français de souche»)

De même, une partie des courants fascistes panarabes et des courants fascistes se réclamant de l'islam politique reprennent la rhétorique antisémite issue du nationalisme français. Ces convergences expliquent le développement de fronts communs entre nationalistes français et nationalistes se revendiquant des minorités nationales, qui peut apparaître surprenante au premier abord, puisque c'est le nationalisme français qui, en excluant juifs et arabes du corps national, a créé de toute pièce les minorités nationales et, dans le même temps, les conditions de l'oppression raciste des individus qui y sont alors assignés par leur origine et/ou leur couleur de peau. Mais cela traduit au contraire la profonde parenté idéologique entre ces différents courants, et le fait qu'ils se nourrissent les uns des autres, au détriment des classes populaires, et particulièrement des individus victimes de l'oppression raciste parce qu'assignés à une «minorité nationale».

Cela montre qu'il n'existe pas d'alternative au racisme dans le développement d'un nationalisme au sein des minorités nationales, puisque celui-ci reproduit le discours raciste dominant et converge parfois avec le nationalisme dominant. Au contraire, l'alternative se trouve dans le développement d'un antiracisme populaire qui combat toutes les formes de racismes, sur le plan idéologique comme sur le plan pratique. Les différents courants fascistes ont progressé sur le plan organisationnel comme sur le plan de leur influence idéologique et culturelle : ils ont ainsi réussi à imposer leurs «sujets», leurs «approches» dans le débat politique : une approche ethno-différentialiste des questions politiques et économiques au détriment d'une approche de classe, une rhétorique fondée sur la menace « intérieure» ou «extérieure» que représenteraient les minorités nationales ou religieuses, au détriment de l'affirmation de la question sociale, etc.

L'influence de l'idéologie nationaliste a progressé, et celle de l'idée de la « guerre du tous contre tous » également. Dans le même temps, les discours ouvertement sexistes ou homophobes, qui constituent également une partie du corpus fasciste, ont gagné du terrain. L'influence de l'idéologie fasciste dépasse de loin celle des groupes constitués, mais ceux-ci progressent quantitativement et organisationnellement, notamment dans les campagnes, mais aussi en ouvrant des locaux pignon sur rue dans plusieurs grandes villes. Il est également significatif que des discours reprenant les canons de l'idéologie fasciste ne soient pas considérés comme tels y compris au sein de la gauche et de l'extrême-gauche, voir d'une partie du courant anarchiste. Ce qui explique par exemple la tolérance dont a longtemps bénéficié Dieudonné au sein de l'extrême gauche au nom d'une posture «rebelle», certains groupes le trouvant fréquentable jusqu'à ce que celui-ci invite Faurisson sur scène.

On peut trouver des éléments d'explication dans la faiblesse de réflexion sur le fascisme de «l'antifascisme des années 90», qui s'est focalisé sur les groupes fascistes plutôt que sur leurs idéologies (quand dans sa version gauchiste ou social démocrate il ne s'est pas contenté d'une dénonciation du FN), qui a négligé la lutte idéologique antifasciste pour se consacrer exclusivement à la nécessaire (mais pas suffisante) lutte contre les groupes fascistes constitués et à l’autodéfense. On peut aussi trouver une explication à cela dans l'amalgame fréquent entre nationalisme, fascisme et racisme. Or si le fascisme se nourrit et fait la promotion du racisme et du nationalisme, il ne s'y résume pas, et réciproquement : on retrouve l'idéologie nationaliste dans une grande partie du spectre politique, comme le discours raciste. La spécificité du fascisme réside dans le développement d'un discours social «antisystème» qui permet, en période de crise, de recruter au sein des milieux populaires des personnes qui auraient pu être attirées par un réel discours révolutionnaire.


Alternative anarchiste et riposte

La nécessité d’une contre-offensive idéologique ne fait pas question. Une réponse politique anarchiste est une évidence qui doit privilégier l’autoformation des militant-e-s au sein du Mouvement libertaire et, plus largement au sein du « Mouvement social », sur les formes prises par les discours racistes et fascistes.

Aussi, faut-il insister sur le fait que le fascisme n’a jamais été éradiqué par le biais des consultations électorales, ces dernières lui ayant même conféré une certaine dose de «légitimité».

La lutte contre le fascisme constitue un axe important du combat des prolétaires en même temps qu'une absolue nécessité, pour autant l’antifascisme ne doit pas constituer l’unique combat pour la défense des intérêts de classe du prolétariat face à la bourgeoisie.

Le développement de luttes populaires, qui reste l’unique moyen d'imposer la lutte de classe, la solidarité, le refus de la domination masculine et de l'homophobie dans les débats politiques, doit nous permettre de briser les tentatives d’hégémonie culturelle des nationalistes et des fascistes.
Il s'agit donc pour nous de combattre le fascisme et la bourgeoisie qui le sous-tend, quel que soit son ancrage : une bourgeoisie qui se pare des vertus démocratiques ou pas, qui se réfère au libéralisme ou à la social-démocratie…

L’antifascisme, en s’attelant à dénoncer les discours autour des «souverainetés nationales», ne peut se concevoir que par le biais d’une Humanité sans frontières et d’une solidarité internationale sans concession!
La lutte contre les «souverainetés nationales» ne doit en aucun cas se faire le relais de l’ultra libéralisme économique et/ou idéologie, lequel ne se préoccupe que de la satisfaction de ses propres intérêts, intérêts opposés à ceux de la grande majorité des individus…
Nous devons développer un antifascisme qui puisse faire tomber les barrières humaines tout en contrecarrant les plans économiques globaux du capitalisme à l'échelon national et/ou à l'échelon mondial.
Combattre le fascisme et l'extrémisme nécessite alors de le faire :
- au plan idéologique,
- au plan social,
- et quand cela est inévitable (voire souhaitable), au quotidien, dans les quartiers, les usines etc.
Sur le plan idéologique, l'organisation anarchiste qui préconise des valeurs d’entraide, de solidarité, d’égalité, d’autonomie individuelle et collective est armée pour regrouper les individus et les structures qui ne fondent pas leur horizon de société autour de la défense des hiérarchies, de la lutte pour le Pouvoir, de la force brute et de la croyance en des êtres supérieurs qui seraient appelés à diriger les masses.
L’anarchisme peut offrir les références et les outils nécessaires à la constitution d'un «regroupement antifasciste» autour des valeurs égalitaires et libertaires qui sont les siennes.
Si les anarchistes ne sont pas les seuls susceptibles de regrouper individus et groupes afin de lutter efficacement contre le fascisme, elles et ils garantiront à ce regroupement et la lutte qu’il sous-tend son entière autonomie. Il ne s’agira à aucun moment d'en prendre le contrôle. A contrario, au travers de cette lutte, ils oeuvreront pour bâtir, toutes et tous ensemble, une société débarrassée du fascisme et de ses fondements : le capitalisme, le libéralisme et l'étatisme.
Au plan des agencements sociétaires, l'égalité économique et sociale pour laquelle milite l'organisation anarchiste se traduit par la mise en oeuvre de l'autogestion généralisée. La participation des individus et des collectifs en tant qu'acteurs et non plus simples spectateurs supposent :
- une conscience aiguë des problèmes qui traversent la société,
- une responsabilisation face à ces problèmes,
- le rejet de toutes les idéologies qui aspirent à diriger les individus et à décider en leur nom, le fascisme étant de ce point de vue exemplaire au travers de ses pratiques autoritaires…

Concernant la lutte contre l’idéologie fasciste et sa traduction en actes, il ne peut être question pour l'organisation anarchiste d’être désignée comme l'avant-garde d'une armée antifasciste prête à faire le coup de poing avec la vermine extrémiste.

Ainsi, en vue du développement d'une autodéfense antifasciste, nous devons éviter le piège d'un tête à tête anarchistes contre fascistes, qui placerait l’État, et les courants politiques institutionnels dans le rôle d'arbitres, usant tour à tour de la répression pour les uns et pour les autres, ce qui n'empêche pas l’État par ailleurs de soutenir ponctuellement les fascistes (en leur garantissant l'immunité ou en les protégeant).

Les méthodes employées pour barrer la route aux fascistes doivent rencontrer l'assentiment de tous les individus et collectifs épris de justice sociale et de liberté. Il ne pourra être question de s'abriter derrière les Institutions - Justice, Police, décideurs et élus - pour éradiquer les idéologies rétrogrades.
L’autodéfense antifasciste que nous préconisons relève d’une culture d'autodéfense à développer dans les quartiers, sur les lieux de travail, les associations, les syndicats. Elle ne pourra se résumer à la seule dimension physique, dimension nécessaire et inévitable à certains moments, mais cette autodéfense devra faire sens et s’employer à aborder dans le champ idéologique la critique et la dénonciation des offensives fascistes masquées derrière des «passerelles».

Pour l’essentiel, le message que nous tenons à faire passer est celui-ci :
Nous devons tout mettre en oeuvre pour barrer la route à la vermine fasciste et à toutes les dérives autoritaires.
Pour cela, nous devons nous mobiliser, le plus largement possible, afin de créer les conditions favorables à l’éradication des idées et des actes fascistes et à leur installation au sein de nos sociétés.
La lutte sociale nous fournit le terrain privilégié du nécessaire affrontement aux «fascismes», dès lors que s’engagent en même temps, le combat contre la barbarie capitaliste, l’autorité étatique et la lutte pour l’émancipation des individu-e-s.

Relations Extérieures - Coordination des Groupes Anarchistes (novembre 2012)
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede bipbip » 16 Juin 2013, 13:15

qu’est-ce que l’antifascisme ? par REFLEXs

Nos camarades du site d’information et d’enquête REFLEXes ont été interrogés par Nicolas Lebourg pour son blog Fragments du Temps présent, http://tempspresents.wordpress.com/2013 ... ifascisme/ : voici leurs réponses à ses questions.

Depuis la mort de Clément Méric, de nombreux hommes politiques et journalistes ont renvoyé dos à dos les militants de l’extrême droite radicale et les militants antifascistes. Le propos s’inscrit dans la continuité d’un amalgame entre extrêmes, mais il reçoit un certain accueil public comme en a témoigné un sondage CSA. Il se répand d’autant plus aisément que la mouvance « antifa » étant non organisée, sans porte-parole, elle paraît inintelligible à nombre de commentateurs qui ne sauraient appréhender qui ne veut pas passer à la télévision…
Pourtant, il existe unae structure antifa perdurant depuis 1986 : REFLEXes. Le groupe mène un travail remarquable d’investigation sur les milieux de l’extrême droite, en particulier de cette extrême droite radicale aujourd’hui sous les feux de l’actualité. Outre son propre site web, il a participé au lancement récent de la plate-forme antifa-net.fr et à l’organe d’informations antifascistes La Horde. Son travail est d’importance et, depuis plus de vingt ans, provoque le courroux de l’extrême droite radicale qui crie au travail de police et entretient anathèmes et rumeurs quant à l’identité de ses membres.
Pour faire le point sur la réalité de la mouvance antifa, nous les avons interrogés. On verra qu’au-delà de cette question leur propos permet d’éclairer un certain nombre d’évolutions sociologiques à l’œuvre ces dernières décennies :

On dit que Clément Méric était un militant vegan. La galaxie « antifa » paraît aujourd’hui emplie de subcultures : vegan, néo-maos, personnes qui se revendiquent anarchistes mais relèvent d’un stalinisme de la gauche morale, etc. Est-ce que l’antifascisme n’est pas devenu un lien sociologique entre marges de gauches plus qu’une pratique révolutionnaire ?

Je ne pense pas. Je pense que la vision de l’antifa que tu as résumée dans ta question ressemble plus à ce qu’on peut trouver sur internet, où il existe une multitude de sites et de tendances, qu’à une réalité militante organisée sur le terrain. L’antifascisme comme nous le pratiquons dans le milieu libertaire s’inscrit dans une logique de solidarité et d’anticapitalisme, en lien avec des militants présents dans les mouvements sociaux. Donc pour répondre à ta question, nous sommes toujours dans une pratique révolutionnaire.

On est souvent très critique quant à l’antifascisme des années 80-90. Par ailleurs Sylvain Crépon a bien montré que les manifestations antifascistes de l’entre-deux-tours de 2002 avaient boosté les « marinistes » au sein du FN, leur donnant l’argumentaire pour dire qu’il fallait rénover de fond en comble la présentation du parti. Vous, vous en tirez quel bilan ?

On va peut-être remettre un peu les pendules à l’heure. Il est de bon ton aujourd’hui chez certains journalistes ou spécialistes, au détour d’un phrase, de critiquer l’antifascisme des années 80-90, en raillant au passage le travail ou les analyses politiques sur le FN de cette période. Sauf que les analyses citées sont plus souvent issues de l’antiracisme républicain du type SOS Racisme ou l’antifascisme moral des années 90, où les analyses se résumaient parfois à ‘FN = F comme Fascisme N Comme Nazis’, que de la mouvance radicale. Ça n’a jamais été notre vision des choses. On pourrait également se faire plaisir en étudiant la manière dont les médias ont traité le FN durant ces années, s’attachant plus à savoir si l’œil de verre de Le Pen était le gauche ou le droit, ou si l’héritage Lambert avait été volé ou non par le père, plutôt que s’attacher au fond. Mais, là, curieusement, pas d’autocritique.
Si l’on parle de bilan de l’antifascisme radical des années 80-90, tout n’est pas parfait, puisque le FN est toujours là et que l’extrême droite radicale connaît un nouvel essor. Mais avec le recul on peut se dire qu’on a réussi sur cette période à toucher une grande partie de la jeunesse et populariser certaines idées. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, où l’apolitisme et le refus de l’engagement règnent en maître.
L’une des victoires de l’antifascisme radical, même si cela peut sembler mince, c’est d’avoir réussi en partie à limiter le développement chez les jeunes d’une scène de contre-culture d’extrême droite (musique skin d’extrême droite, rock identitaire français …). Evidement elle existe, mais elle reste marginale, surtout si on la compare à ce qui a pu se développer dans certains pays comme l’Allemagne, l’Italie ou la Suède, où des groupes de musiques d’extrême droite ont pignon sur rue et peuvent se produire devant des milliers de personnes. Ce résultat est un travail politique de longue haleine, mais la mouvance antifa radicale n’a jamais relâché la pression sur l’extrême droite institutionnelle et radicale, et cela malgré nos moyens très limités. Pour revenir à 2002, si la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 nous a surpris, on ne s’est pas réveillé avec la gueule de bois comme bons nombre d’associations et partis de gauche, qui depuis la scission de 1998 avaient arrêté tout suivi de l’extrême droite

L’anonymat est-ce par principe révolutionnaire ?

Oui. Nous sommes pour la plupart à REFLEXes des communistes libertaires. De fait, nous sommes plutôt hostiles à toute idée de porte-parole ou de représentant officiel. Il n’y a pas de permanent chez nous. C’est aussi pour des raisons de sécurité, vis-à-vis de l’extrême droite.

Il y a beaucoup de discours à l’extrême droite radicale et chez les antifas quant à leur affrontement physique : quelle est la réalité ? Comment cela a-t-il évolué depuis les années 1980 ?

Déjà il faut comprendre que les années 80 marquent une rupture au niveau de l’antifascisme par rapport aux décennies précédentes, où cette lutte était incarnée par des syndicats et des organisations politiques, qui s’y impliquaient massivement (rappelons juste l’exemple de la Ligue Communiste). Il y avait en face une extrême-droite, très présente dans la rue, sous forme de groupes activistes très violents, alors que leur famille politique était quasi absente médiatiquement et dans les urnes.

Avec les années 80 on assiste à de profonds changements. Tout d’abord les mouvements radicaux de gauche, qui avaient participé à l’antifascisme actif dans les années précédentes, ont abandonné cette lutte. Le flambeau est alors repris par des mouvements se constituant spécifiquement sur cette lutte, avec pas mal de gens issus des milieux libertaires, mais également des milieux de l’autonomie des années 70. En parallèle se développe également un nouveau phénomène. Des jeunes originaires de banlieues ou de quartiers de Paris plutôt prolétaires, amateurs de rock, commencent à se balader régulièrement dans Paris, alors qu’auparavant ils avaient tendance à rester dans leur quartier.

Ces jeunes, dont une partie est issue de l’immigration, se retrouvent rapidement confrontée à des bandes parisiennes racistes de bikers, de rockers (les Rebels) et par la suite à des bandes de skinheads quand le mouvement basculera vers l’extrême droite, au milieu des années 80 pour la France. Quelques-unes de ces bandes, qui vont basculer dans l’antifascisme par réflexe d’auto-défense, seront en contact avec ces groupes antifas radicaux, par le biais des mouvements sociaux ou des concerts (sur cette période nous conseillons de lire Scalp 1984-1992, comme un indien métropolitain, où l’on retrouve également une interview de Marsu, le manager des Bérurier Noir et de deux anciens membres des Red Warrior). Donc oui il y avait des affrontements, parfois violents, dus au fait que tout le monde fréquentait les mêmes quartiers de Paris, ou parfois les mêmes concerts. Après il n’y avait pas non plus des batailles rangées de centaines de personnes tous les jours.
L’affrontement physique entra antifas et nationalistes a beaucoup baissé par rapport aux années 80 et 90. Plusieurs raisons à cela : tout d’abord le FN, dans pas mal de coins en France, n’est plus ce parti militant qu’on a pu connaître durant ces périodes. Ensuite les bandes de skins fafs ou de rockers racistes qui pouvaient sillonner les rues de Paris avaient pas mal disparu. Cela fait seulement 3-4 ans qu’il y a de nouveau des accrochages violents entre les membres de la mouvance antifa et les fafs, principalement le GUD version Edouard Klein et des éléments issus de la tribune Boulogne. Si les affrontements ont baissé, c’est également que nous vivons dans une société ultra sécuritaire, où au moindre débordement, avec les caméras de surveillance, les flics débarquent très rapidement.

Pour revenir sur la violence des années 80, il faut voir qu’aujourd’hui cette période est idéalisée dans pas mal de milieux, pas seulement dans le milieu politique. Chez pas mal de punks et de skinheads, toutes tendances confondues, les années 80 sont vues comme un âge d’or, presque mythique, où tout était possible. Mais je ne pense pas que les années 80, ou les années 2010, au niveau de la violence politique soient plus violentes que les années 70, les années 60. Au contraire. Les affrontements politiques des années 30, entre les ligues d’extrême droite et les partis de gauche étaient bien plus violents.

REFLEXes est né en 1986, on peut considérer que c’est la seule institution antifa pérenne et qui a formé des légions de militants des gauches radicales. Est-ce que les militants antifas sont mieux formés aujourd’hui qu’en 1986 ?

A notre grand regret, il n’y a pas des légions de gens qui ont été formés par REFLEXes. Si nous avons vu passer quelques centaines de personnes sur les trente dernières années, c’est le bout du monde. Ensuite REFLEXes n’a pas pour objectif de former les gens mais de les informer, même s’il nous arrive de faire des formations sur l’extrême droite ou sur l’antifascisme pour des groupes militants. Notre objectif avec REFLEXes est de sortir des infos et des analyses pour que les militants antifas puissent s’en servir dans leur lutte contre l’extrême droite. Est-ce que les militants antifascistes sont bien formés aujourd’hui, je pense qu’il faut poser la question aux différents mouvements qui ont une commission antifa. De notre côté, on espère tenir la route !

Quelle est la réalité quantitative et qualitative de l’Action Antifasciste (AFA) et des autonomes ?

Déjà il faut préciser de quelle AFA on veut parler. Il existe aujourd’hui une multitude de groupes revendiquant l’étiquette AFA, dont beaucoup l’activité se résume à une présence sur Internet ou Facebook. Si on parle de l’AFA-Paris Banlieue à laquelle appartenait Clément, c’est un groupe avec une existence et une activité militante bien réelle, avec pas loin de 60-80 militants/sympathisants. Ils proviennent de différents milieux dont le milieu antifa radical libertaire, les stades, mais aussi du rap. Ils ont décidé de se prendre en main et de s’organiser entre-eux pour monter leur initiative, donc oui en un sens se sont des autonomes. Ils participent à toutes les initiatives antifa radicales sur Paris depuis 3-4 ans. C’est la nouvelle génération de l’antifascisme radical sur Paris.

http://lahorde.samizdat.net/2013/06/15/ ... ifascisme/
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede pascal » 16 Juin 2013, 13:59

Pierre Noire a écrit:Quelques réflexions à propos de la lutte antifasciste

Radicale ou non, la lutte antifasciste ne peut se contenter de la lutte contre les groupes d'extrême droite, certes de plus en plus radicaux, tout comme contre sa « vitrine propre », officielle, celle du FN de Marine le Pen, intégré, admis dans la vie, dite républicaine de ce pays.
Quand il arrive second au 1er tour des élections présidentielles de 2002, devant le PS, qui peut refuser sa légitimité, représentativité au Front National ?
La vraie question est d'analyser les raisons de cette réalité, les motivations amenant des électeurs à se réfugier dans les bras d'un parti ouvertement raciste et xénophobe, qui plus est calquant ses propositions socio-économiques sur la droite classique !
Surtout quand on sait que parmi son électorat, le FN a pu recueillir les voix de militants communistes et plus largement de travailleurs totalement désabusés et désemparés !
Pour cela il faut considérer l'histoire et la réalité de cette extrême droite dans l'analyse globale portée sur l'évolution du capitalisme moderne.


C'est l'effet trompeur du discours National-socialiste qu'on ne présente plus. Les électeurs qui n'ont pas de colonne vertébral idéologique pour les étayer s'y trompent encore malgré les enseignements de l'histoire.
Pourtant ils savent sans savoir.
Ils voient sans voir.
Ils comprennent confusément sans comprendre.

Comme me l'a écrit un camarade:

Pas étonnant, dans un pays dans lequel des centaines de milliers de gens manifestent contre l’égalité des droits.

Pas étonnant, dans un pays dans lequel l’État traque les sans-papiers, les Rroms, expulse à tour de bras et couvre systématiquement les violences policières.

Pas étonnant, dans un pays dans lequel se multiplient les agressions contre les musulmans, tandis qu’éditorialistes et responsables politiques débattent poliment de savoir si l’islam est compatible avec « nos valeurs ».

Pas étonnant, dans un pays dans lequel le principal débat qui agite la droite, c’est de savoir quand et comment elle va s’allier avec l’extrême-droite, dont elle a depuis longtemps repris la plupart des idées.

Pas étonnant, dans un pays dans lequel la gauche gouvernementale a depuis longtemps renoncé à s’attaquer aux sources du mal et préfère « briser des tabous » pendant que d’autres rigolent en brisant des vies.

Font-ils semblant de ne pas voir que l’un des principaux effets de la crise, qui n’en est qu’à ses débuts, c’est de renforcer les logiques identitaires, chauvines, racistes, xénophobes ? Font-ils semblant de ne pas voir que partout en Europe, des courants et des discours politiques que l’on croyait appartenir au passé refont surface, se développent, s’organisent ? Font-ils semblant de ne pas voir que les néo-nazis sont aux portes du pouvoir en Grèce, grâce aux politiques d’austérité ?

Ils voient, mais ne veulent pas voir. Ils savent, mais ne veulent pas savoir. Ils n’ont rien retenu de l’histoire. Ils sont tellement aveuglés par leur fidélité au système qui les nourrit qu’ils sont prêts à tout pour le sauver, même à laisser la porte ouverte aux fascistes, qui ne veulent pas détruire ce système mais le réorganiser par la force.
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Ulfo25 » 18 Juin 2013, 20:30

Article du site Etat d'exception, "Antifascisme et luttes de l’immigration et des banlieues : parallèles et paradoxes"

« En vérité, y a-t-il donc une différence entre un racisme et un autre ? Ne retrouve-t-on pas la même chute, la même faillite de l'homme ? »
Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs.

Le fascisme tue.

Le racisme est tout aussi meurtrier.

Et pourtant…

« [Clément] a été tué comme pourraient l’être les non-blanc-he-s, les immigré-e-s, indigènes, musulman-e-s, qui sont l’objet du racisme le plus décomplexé. Sa mort émeut l’opinion comme rarement la mort des victimes non-blanc-he-s des crimes policiers, des ratonnades et autres assassinats racistes ont ému l’opinion. Malgré le poids de la douleur, nous ne pouvons pas l’ignorer[1]. »

Ces lignes évoquent bien l’énorme décalage existant entre l’ampleur des mobilisations consécutives au meurtre de Clément Méric, et celles bien plus modestes qui entourent d’habitude les victimes des crimes racistes, policiers et pénitentiaires.

Clément Méric était un étudiant blanc de Sciences Po, et un militant antifasciste. C’est sans doute cet engagement qui a provoqué un tel déchainement de violence de la part de son agresseur. En réponse, les proches de Clément Méric ont insisté sur sa qualité de militant antifasciste. Cette appartenance a provoqué l’émoi et la mobilisation de la plupart des mouvements, organisations et sympathisants de gauche. Beaucoup y ont reconnu l’un des leurs. Certains l’ont exprimé sans ambages :

« Lorsque j’ai appris, hier soir, la nouvelle, j’ai cru tout d’abord que je te connaissais. Ce n’était pas le cas. Je t’ai pris pour un autre.

Mais plus j’y réfléchis, et plus je me dis que oui, je te connaissais. Même si nous ne nous sommes jamais rencontrés. Même si, jusqu’à hier soir, j’ignorais ton existence. Oui, je te connais. Tu es mon camarade. Tu es notre camarade.

Et ils t’ont tué. Ils ont tué l’un des nôtres[2]. »

A la lecture de ces quelques lignes, il est difficile de nier que le clivage racial, qui structure l’ensemble de la société et traverse les organisations et collectifs de gauche, n’a pas joué un rôle décisif dans ce positionnement. La gauche sociale et politique a reconnu en Clément Méric l’un des siens, à tous points de vue.


La mobilisation, d’ampleur, n’est pourtant pas finie. Une grande manifestation nationale « Le fascisme tue. Ensemble, combattons-le ! » est prévue pour le dimanche 23 juin 2013. Elle est signée par la plupart des organisations de la gauche française, et par de nombreux collectifs antifascistes. Figure aussi, parmi les signataires, SOS Racisme, une organisation fossoyeuse de nombreuses luttes de l’immigration et des banlieues depuis les années 1980. Toutes ces organisations ont participé aux réunions préparatoires de la manifestation. L’idée a été émise d’inviter les collectifs qui luttent contre l'islamophobie ou contre les brutalités et crimes policiers, à faire partie du cortège de tête, mené par des collectifs antifascistes.

Cette invitation est-elle autre chose que de la cosmétique militante ? Une façon de mettre un peu de couleur dans un cortège qui risque fort d’être désespérément blanc ? Car les organisateurs savent bien qu’une manifestation « unitaire » contre l’extrême-droite, qui ne réunit que des Blanc-he-s, manquera cruellement de crédibilité en termes de lutte contre le racisme.

Mais si les partis, groupes et autres collectifs signataires de cet appel souhaitaient réellement soutenir les collectifs qui luttent contre le racisme, y compris contre celui que déchaine dans les banlieues l’Etat à travers ses forces répressives, il y aurait d’autres choses à faire qu’une invitation symbolique à venir manifester dans l’espace politique de la gauche.

En effet, si l’invitation de ces organisations est sincère, alors nous les appelons à venir soutenir sur le terrain les collectifs qui luttent contre l’arbitraire du pouvoir d’Etat. Nous les invitons à venir soutenir sur la durée les familles de victimes des crimes racistes, qui mènent dans l’isolement un long et couteux combat pour la justice et la vérité.

Nous savons pourtant que cette invitation restera lettre morte. Non par pessimisme ou par un catastrophisme sans doute assez mal venu en cette période où tout le monde appelle au combat contre l’hydre fasciste. Nous ne sommes pas nés de la dernière manifestation. Nous savons pertinemment que parmi les organisations signataires, certaines œuvrent contre nous dans les combats que nous menons. Nous en avons fait l’expérience à maintes reprises.

Comment croire, en effet, en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations et des collectifs qui comptent dans leurs rangs si peu de musulman-e-s, d’immigré-e-s, d’habitant-e-s des banlieues ?

Comment croire en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations et des collectifs qui refusent en leur sein (statutairement ou dans les faits) des femmes qui affichent clairement leur appartenance à l’islam ?

Comment croire en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations et des collectifs qui ont soutenu le vote de lois racistes et islamophobes, comme celle du 15 mars 2004 sur l’interdiction du hijab à l’école, ou celle du 14 septembre 2010 interdisant le port du niqab dans l’espace public ?

Comment croire en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations et des collectifs, alors que certaines militent activement pour l’extension de ces législations islamophobes en cherchant, notamment, à empêcher les musulmanes portant le hijab de travailler ?

Comment croire, encore, en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations qui font tout leur possible depuis des dizaines d’années pour invisibiliser les luttes de l’immigration et des banlieues, dès lors que ces luttes souhaitent rester à bonne distance de la gauche blanche et de son paternalisme ?

Enfin, comment croire en la volonté de lutter contre le racisme affichée par des organisations et des collectifs qui refusent toute référence faite à l’islam par des militants pour qui la religion musulmane constitue pourtant un puissant levier dans leur engagement politique et social ?

Oui, comment croire…

Comme dit le hadith : « Le croyant ne peut être mordu deux fois à partir du même trou de serpent.[3] »

Les décalages existant entre le combat antifasciste et les luttes de l’immigration et des banlieues nous empêchent de croire naïvement à une soudaine « convergence des luttes », à un possible « front unique », synonyme à nos yeux de confusion des esprits et de déni de la réalité.

Car le racisme ne peut pas être réduit au fascisme et à l’extrême droite. Il existe bel et bien dans des organisations et des collectifs qui n’ont rien de « fascistes », ou qui s’affirment même ouvertement « antiracistes » ou « antifascistes ».

Pour paraphraser l’adresse de Fanon à Octave Mannoni[4], nous pouvons alors dire que si nous ne voulons nullement enfler le monde de nos problèmes, nous voudrions tout bonnement demander à la gauche si elle ne pense pas que pour nous, les différences entre le racisme de cette gauche et celui de l’extrême-droite sont impalpables ?

Y a-t-il, en effet, une si grande différence entre le racisme qui préside à l’exclusion de femmes voilées d’organisations politiques, de l’école ou des entreprises, et le racisme qui préside à l’interpellation ou à l’agression de ces mêmes femmes musulmanes, comme ce fut tout récemment le cas à Argenteuil ? Ne retrouve-t-on pas, à chaque fois, « la même faillite, la même chute de l’homme ? »

Pour autant, nous ne pouvons mettre tout le monde dans le même sac raciste. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que si « l’anticolonialisme et l’antifascisme sont deux combats distincts », « ils peuvent se rejoindre par moments, comme lors du combat d’Omar al-Mokhtar (1862-1931) contre la colonisation italienne de la Lybie dans les années vingt[5] ».

Plus près de nous et de manière plus modeste, à Saint-Etienne en mai dernier, des militants de collectifs antifascistes ont accueilli et mis à la disposition de membres du Collectif Vérité & Justice pour Jamal leur espace autogéré (La Gueule Noire) pour débattre notamment des mobilisations à Gennevilliers, des questions carcérales et de l’auto-organisation des Noir-e-s et des Arabes. Un concert s’est tenu dans la foulée et la recette a été versée au Collectif Vérité & Justice pour Jamal. Un exemple parmi d’autres de travail en commun, sans paternalisme ni évacuation de la question raciale.

Historiquement, pourtant, la jonction entre l’anticolonialisme et l’antifascisme se fait systématiquement « au détriment des colonisés, lorsque l’anticolonialisme est soumis à l’agenda occidentalocentriste de l’antifascisme européen[6]. »

C’est précisément ce qui se passe aujourd’hui dans la grande mobilisation antifasciste consécutive au meurtre de Clément Méric. Nous voyons fleurir un peu partout des « No pasaran ! ». Prononcé par Dolores Ibárruri Gómez, ce slogan était celui des républicains espagnols résistant aux assauts des troupes franquistes. Il symbolise, depuis la guerre civile espagnole, la lutte antifasciste.

Mais d'un point de vue anticolonialiste, que représente-t-il ? Pas grand chose. La République espagnole était une république coloniale. Elle occupait une partie du Maroc et elle a toujours refusé toute concession sur cette question. Nos prédécesseurs de l’Etoile Nord Africaine ne s’y trompaient pas en refusant de partir mourir pour défendre une république coloniale, alors même que leurs pays – le Tunisie, l’Algérie et le Maroc – étaient occupés.

Aujourd’hui, les mêmes perspectives occidentalocentristes s’expriment et s’écrivent. Le texte d’appel à la manifestation du 23 juin 2013[7] ne fait nulle mention de l’« islamophobie », ce terme qui n'existe pas pour la majorité des organisations signataires. D’ailleurs, parmi elles, ne figure aucune organisation musulmane ou de lutte contre l'islamophobie, ni même aucune organisation significative de l'immigration ou des banlieues. Pas une référence aux agressions racistes et islamophobes, ni évidemment au racisme institutionnel et aux lois racistes et islamophobes, que certaines organisations signataires ont soutenu.

Dernièrement, la Ligue de Défense Juive (LDJ) a revendiqué l’agression à Saint-Mandé (94) d’un jeune homme prénommé Mounir, qui est tombé dans le coma suite aux coups qui lui ont été assénés. Des musulmanes portant le hijab se sont faites agresser à Argenteuil le 20 mai et le 13 juin 2013. Une autre femme musulmane portant le niqab a été interpellée et violentée par la police dans cette même ville. Sans parler, pour les dernières années, des victimes de l'ordre social raciste, que sont Yassin Aibeche, Lahoucine Aït Omghar, Abdelhakim Ajimi, Zyed Benna, Mohammed Ben Maamar, Amine Bentounsi, Lamine Dieng, Wissam El Yamni, Jamal Ghermaoui, El Mahjoub Gmili, Nabil Mabtoul, Youcef Mahdi, Mahamadou Marega, Sofiane Mostefaoui, Lakhamy Samoura, Tina Sebaa, Moushin Sehhouli, Abou Bakari Tandia, Bouna Traoré, Ali Ziri…

Nous pourrions continuer longtemps à égrener la liste de ces victimes, pour lesquelles la mobilisation n’a jamais atteint celle qui prévaut aujourd’hui pour Clément Méric.

Dans cette situation, que peut bien signifier l’invitation évoquée plus haut faite à certains collectifs qui luttent contre l'islamophobie ou contre les brutalités et crimes policiers, d'intégrer le cortège de tête de la manifestation ?

Va-t-on trimballer les musulman-e-s, les Noir-e-s et les Arabes, au gré de l’agenda militant de la gauche, tout en ignorant le reste de l’année les luttes de ces mêmes musulman-e-s, Noir-e-s et Arabes, jugées non conformes à la praxis de cette gauche, qu’elle soit social-démocrate, marxiste ou libertaire ?

« En pays colonial, disait-on, il y a entre le peuple colonisé et la classe ouvrière du pays colonialiste une communauté d’intérêts. L’histoire des guerres de libération menées par les peuples colonisés est l’histoire de la non-vérification de cette thèse[8]. »

De même que l’histoire des luttes de l’immigration et des banlieues, avec son lot de récupérations, de diabolisations et d’invisibilisations, est celle de la non-vérification de la communauté de vues et d’intérêts entre la gauche et les immigrés.

C’est ce que nous apprennent, depuis l’Etoile Nord Africaine en passant par le Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA) et les Marches des années 1980, près de quatre-vingt-dix années de combats menés par nos ainés, et que nous essayons de poursuivre modestement.

Alors, oui.


Le fascisme tue.


Le racisme est tout aussi meurtrier.


Et pourtant…


Rafik Chekkat & Youssef Girard, le 17 juin 2013.


[1] « Pour Clément : La rage au cœur, ne jamais oublier, ne jamais pardonner ».

[2] Julien Salingue (militant du NPA), Clément.

[3] Rapporté par al-Boukhari.

[4] « Nous ne voulons nullement enfler le monde de nos problèmes, mais nous voudrions bonnement demander à M. Mannoni s'il ne pense pas que pour un Juif les différences entre l'antisémitisme de Maurras et celui de Goebbels sont impalpables », in Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, 1952, p. 69.

[5] Youssef Girard, « Éradiquer les « fascistes basanés » : la gauche et la répression (post)coloniale », etatdexception.net.

[6] Ibid. La conclusion du texte,que rend tristement d’actualité le meurtre de Clément Méric, rappelle que « Les colonisés et les postcolonisés possèdent leur propre agenda politique, qui diffère nécessairement de celui des antifascistes. Les libertés démocratiques défendues par ces derniers furent toujours des droits centripètes, s’appliquant aux seuls occidentaux. De ce fait, la libération des postcolonisés ne peut nullement passer par la défense d’une « démocratie » républicaine, qui a toujours légitimé leur subordination à un système racialement hiérarchisé. »

[7] http://www.lepartidegauche.fr/actualite ... s-le-23703.

[8] Frantz Fanon, « Les intellectuels et les démocrates français devant la question algérienne », El Moudjahid, décembre 1957, in Pour une révolution africaine, Paris, Ed. La Découverte, 2001, p. 91.
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Nyark nyark » 19 Juin 2013, 16:24

http://www.midilibre.fr/2013/06/18/nime ... 718594.php

Lisez les commentaires : si vous arrivez à ne pas gerber avant la fin... :peur:

On a du pain sur la planche.
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Nico37 » 19 Juin 2013, 20:50

Nyark nyark a écrit:http://www.midilibre.fr/2013/06/18/nimes-une-manifestation-antifasciste-aura-lieu-samedi-22-juin,718594.php

Lisez les commentaires : si vous arrivez à ne pas gerber avant la fin... :peur:

On a du pain sur la planche.


Ouaip, y a un camarade ici qui est du coin, il nous racontera s'il veut.
Important : d'ailleurs et à titre exceptionnel si vous voulez poster anonymement un témoignage envoyez le en mp à la modération histoire que nous puissions le reposter sous pseudo...
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede altersocial » 23 Juin 2013, 05:56

De la commission antifa du NPA :

Le 21 juin 1973 ? Une sacrée belle manif !

Image
Le service d'ordre antifasciste en action

Il s’était déjà tenu un meeting de l’extrême droite à la porte de Versailles en 1971 qui avait donné lieu à une contre manifestation spectaculaire. La police avait déjà protégé le meeting qui, sans cela, n’aurait pu se tenir.

L’annonce de ce meeting de l’extrême droite, à la Mutualité, en plein Paris, en plein quartier latin, « contre l’immigration sauvage », a été perçu largement comme insupportable et la décision de la contre manifestation a été vite prise.

Image
Le service d’ordire antifasciste, en marche vers la Mutualité

Préparation

Nous avions amené le matériel sur les lieux de la manifestation dans la semaine qui a précédé. Des caisses de chantier avaient été confectionnées, en bois, peintes en gris, 1,5x0,5x0,5 m, avec des logos d’entreprises du bâtiment. Remplies de barres de fer et de cocks, cadenassées, elles ont été déposées aux carrefours de regroupement de la manifestation, qui étaient entre les Gobelins et Censier-Daubenton. La livraison en camionnette de location, s’est faite dans les jours précédents (3 ou 4 jours), en milieu de journée. Nous étions en tenue de travail. Les groupes de service d’ordre sont donc venus les mains vides sur place, avec seulement les casques. Pour l’anecdote une caisse n’a pas été utilisée lors du regroupement (je ne me souviens plus pourquoi). Nous ne l’avons jamais récupérée mais on l’a surveillée pendant un ou deux mois ensuite jusqu’à ce qu’elle disparaisse…

La fac de Jussieu a fourni toutes les barres. J’ai vu disparaître toutes les tables de plusieurs salles pour récupérer les pieds. Ils étaient stockés dans les toilettes de la fac et gardés par des militants. Les maos, qui co-organisaient la manifestation, avaient leur chiottes et nous les nôtres. C’est là que les caisses de chantier ont été remplies avant d’être acheminées sur place.

D’autres camarades s’étaient spécialisés dans l’écoute des fréquences radio de la police. On avait appris leurs codes. Les responsables centraux, locaux, comment les ordres étaient donnés.

Image
Le service d’ordire antifasciste investit les locaux d’Ordre Nouveau

Manifestation

La manifestation n’a pas été interdite. On a pu se regrouper entre Censier Daubenton et les Gobelins, pour remonter la rue Monge vers la Mutualité. Nous avions des groupes de lanceurs de cocktails Molotov, suivis par plusieurs dizaines de rangs de manifestants casqués. L’objectif était de lancer les cocks avant le contact pour désorganiser les premiers rangs de flics. On peut dire que cela a parfaitement fonctionné ! A tel point qu’on aurait pu ramasser le matériel abandonné par les policiers en fuite. Des casques, des boucliers au sol. J’ai failli en ramasser comme trophée.

Ils ont riposté par des tirs intensifs de lacrymogène, en tir tendu, qui ont noyé la manifestation dans les gaz. Je n’avais pas de casque, un copain qui était juste derrière moi a reçu une grenade à la pointe du menton. Double fracture de la mâchoire, heureusement la sangle de son casque avait une mentonnière qui l’a considérablement protégé d’une blessure plus grave.

La séquence suivante c’est un gazage maximum de la manifestation. Plus personne ne se voit, on ferme les yeux, on pleure. J’étais incapable de me diriger, de voir quoique ce soit. Un copain m’a emmené vers l’arrière, et il a fallu un bon bout de temps avant que je retrouve mes moyens.

lire la suite :
:arrow: 40 ans après, le 21 juin 1973
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Pïérô » 25 Juin 2013, 11:05

Intéressant, l'idée et la pratique d'occuper le terrain

Pas de fascistes dans le 18ème !

Vendredi 21 juin entre 9h30 et 11h30, une vingtaine de membres du Collectif Antifasciste de Paris 18è se sont mobilisés pour signifier au Front National qu'il n'était pas le bienvenu dans leur quartier ; le collectif a diffusé un tract appelant à la manifestation nationale du dimanche 23 juin à Opéra, en hommage à Clément Méric, jeune militant antifasciste assassiné par des militants d'extrême-droite.

Depuis 2 semaines, le FN tente de venir diffuser son poison au métro La Chapelle. Par deux fois, sa diffusion a été interrompue par la réaction d'habitantEs du quartier hostiles à ces idées. Cette fois le FN n'a même pas osé venir et ne s'est pas non plus replié ni à Barbès, ni à Stalingrad, ni à Gare du Nord où des membres du collectif s'étaient également réunis.

Une dizaine de membres du collectif sont également allés à la rencontre des habitants du 18ème hier lors de la fête de la musique. Rappelant l'engagement antiraciste qui était celui de Clément, nous avons appelé à rejoindre la manifestation de dimanche et fait connaître notre collectif, recevant un très bon accueil dans tous les quartiers où nous sommes passés.

L'objectif du Collectif Antifasciste de Paris 18è est de faire du 18è arrondissement une zone antifasciste, libérée des idées et violences racistes, homophobes et islamophobes. L'action de vendredi matin a démontré qu'une simple présence peut faire barrage au FN ; et celle d'hier a confirmé que de nombreux habitants du quartier ne tolèrent pas leurs idées.

C'est pourquoi nous appelons les habitantEs du 18è arrondissement à multiplier ce type d'actions et à construire le collectif antifasciste. Une réunion d'information aura lieu mercredi 26 juin à 19h30 au Square Léon, Paris 18è.
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Nyark nyark » 25 Juin 2013, 19:24

Faut qu'y ait un mort pour qu'on parle de nous dans les "grands medias" :
http://www.lesinrocks.com/2013/06/25/ac ... -11404708/
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede altersocial » 27 Juin 2013, 16:40

A Toulouse, l'action des antifas au quotidien

Du rouge et noir dans la ville rose

Reportage Depuis la violente agression d'un étudiant par des nationalistes en 2012, les antifas toulousains sont sur le qui-vive contre l'extrême droite. Leurs méthodes: des contre-manifs, de la veille et un service d'ordre présent sur tous les fronts.

Image



Le 8 juin dernier, à Toulouse, près d’un millier de militants antifascistes rendait un dernier hommage à Clément Méric, militant antifasciste parisien. Les étendards du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) flottent aux côtés de nombreuses organisations de la gauche de la gauche venues à la rescousse : les « anti-impérialistes » de Coup pour Coup, SUD, Alternative Libertaire mais aussi la Confédération Nationale du Travail, un syndicat anarchiste.

Rick*, un jeune antifa :

« Dans la foule, ça va du précaire pur prolo au banlieusard, du fils de professeur au type qui n’a pas le bac. Après, on est un mouvement anti-capitaliste, alors évidemment il n’y a pas de bourgeois »

La plupart se disent « électrons libres ». Beaucoup en effet ne sont pas affiliés à l’organisation locale, l’Union Antifasciste Toulousaine (UAT), qui forme le trait d’union entre les militants et en coordonne les actions. « Je suis avant tout encarté à la JC [Jeunesse Communiste], je deviens militant antifasciste lorsqu’on manifeste tous ensemble », raconte Simon présent ce jour-là.

Je deviens militant antifasciste lorsqu’on manifeste tous ensemble

Champ de bataille Tout ce petit monde se connaît de longue date. « Camarades » de luttes autant que de fêtes, ils se retrouvent au « Communard », bar emblématique des milieux libertaires de la ville rose. A l’intérieur, un long comptoir et des grandes tables en bois. Aux murs, affiches punk, rock ou hip-hop et emblèmes politiques se mélangent dans un joyeux bordel. Queers, libertaires, anarcho-syndicalistes, red-skins, communistes, anti-capitalistes, tout ce que Toulouse compte de contestataire s’y retrouve. « Encore que ça s’est un peu boboïsé ces dernières années », se désole Rick.

« Les fachos viennent régulièrement faire chier à Arnaud B. Ces dernières années, ils ont cassé les vitres du Communard à deux reprises pendant les heures d’ouverture », raconte Thibault. Arnaud Bernard, quartier populaire et métissé, est le théâtre de violents affrontements entre l’extrême-droite venue pour faire des descentes et les antifas. « Les fafs font des rondes pour casser de l’antifa. Ils ne nous attaquent pas que nous, ils ciblent aussi les immigrés », témoigne Jean*, membre de l’UAT. Des agressions d’une rare violence, qui parfois en laissent certains sur le carreau.

Hémiplégique Le 31 mars 2012, grand rassemblement en faveur des langues régionales. Le Bloc Identitaire tente de s’associer à la manifestation. Les organisateurs refusent et font appel aux antifas pour assurer la sécurité. La manif se termine, dans une ambiance bonne enfant, place Arnaud B. Quand, au crépuscule, une vingtaine de hooligans du TFC, accompagnés de membres du Bloc Identitaire débarquent sur la place, armés de battes de base-ball. Ils lancent des insultes au visage des antifas, des saluts nazis, multiplient les provocations. Le ton monte, les antifas ripostent. Bien vite, ça vire à la rixe générale. Des chaises en plastique volent. Les vitrines des kebabs sont pulvérisées. La baston est d’une rare violence, elle fera plusieurs blessés. Un anonyme passe par là. Manuel Andres, 37 ans, étudiant chilien. Les fafs lui tombent dessus. Un coup de pied le projette au sol. Il a le crâne facturé et tombe dans le coma. Il est depuis hémiplégique.


Les anciens

A Toulouse, les années 1980 sont marquées par l’effervescence de la lutte antifasciste, portée par des stratégies coup de poing. Lorsque Jean-Marie Le Pen débarque dans la ville rose en 1984, les antifas voient rouge. L’avant-veille de l’arrivée du candidat d’extrême droite, en campagne pour les européennes, un attentat détruit la salle où il devait tenir son meeting. Ce sera l’acte fondateur du SCALP (sections carrément anti Le Pen), qui revendique l’action. Le SCALP s’est auto-dissout au début de l’année 2013.

Rick et Jean, militants antifa

Mariage pour tous Le débat autour du mariage homo fait encore monter d’un cran les tensions. Les antifas sont de toutes les manifs de soutien à la loi. Réunis en « bloc radical » pendant les cortèges, ils se tiennent « prêts à intervenir » en cas de dérapage. Samedi 19 janvier, un petit groupe de fachos provoque les manifestants. Plantés au sommet d’un échafaudage, ils brûlent un drapeau arc-en-ciel et lancent des fumigènes bleu-blanc-rouge sous les huées de la foule. Victor Lenta, responsable des Jeunesses Nationalistes, lâche quelques provocations homophobes au mégaphone. A ses côtés, une poignée de militants des Nationalistes Autonomes et du Bloc Identitaire. C’est l’union sacrée chez les fafs. Immédiatement, les antifas grimpent sur l’échafaudage pour affronter les fachos. Une course poursuite démarre, vite interrompue par la police.

Le Mariage pour tous a été un catalyseur de part et d’autres. L’extrême droite s’affiche au côté de l’UMP dans les défilés « anti ». Des groupuscules radicaux en pleine bourre depuis l’ouverture en 2012 dans le centre de Toulouse de « l’Oustal », « un foyer régionaliste », par le Bloc Identitaire auquel il faut ajouter la création d’une antenne des Jeunesses Nationalistes la même année.

Du côté des pro, c’est l’occasion de se fédérer. Les manifestations répétées brassent de nombreuses forces de gauche et d’ultra-gauche. Elles facilitent les dialogues : « À l’origine, je militais pour Licorne Déviante [une organisation queer]. C’est lors des rassemblements pour le mariage homo que je suis devenu antifa », témoigne Thibault. De nombreux militants queer, LGBT et TGB (transpédégouine), actifs lors des rassemblements pour le projet de loi Taubira, ont rejoint la lutte antifasciste, choqués par un discours homophobe qui d’un seul coup s’est exprimé à voix haute.


Veille Dans la nuit du 16 mai dernier, les nationalistes taguent le local de la CNT et le biératorium à coups de « White Pride » et de croix celtiques. Le soir même, un antifasciste s’est fait passer à tabac dans la rue des Lois par des identitaires. « Notre travail passe par la veille et la surveillance, pour éviter ce genre d’agressions », explique Thibault. « On est souvent présent la nuit, à l’affût des militants d’extrême-droite qui, évidemment, se cachent pour faire leurs coups ». Et pour cela il faut connaître son ennemi. Le site fafwatch Midi-Pyrénées, qui s’attache à dépeindre l’état des forces d’extrême-droite de la région, a été récemment lancé. De son côté, l’UAT a inauguré un fachoscope qui recense tous les groupes fascistes toulousains.

Objectif de ces sites : « rediaboliser l’extrême-droite ». « On ne doit jamais oublier qui ces gens sont » explique, joint par Streetpress, l’attaché de presse de l’UAT. « On sait où ils habitent, d’où ils sont, ce qu’ils font, leur emploi du temps », avoue Thibault. Et d’ajouter, provocateur : « Forcément, ça incite à des actions pas très légales. » Malgré une certaine frilosité à parler de leurs actions « à la limite de la légalité », ils annoncent la couleur : « Personnellement, les fafs, ça me débecte. On ne les laissera pas vivre tranquillement, il ne faut pas qu’ils se sentent chez eux, il faut que leurs idées soient tues », lance vertement Rick.

« L’interdiction, la dissolution, ça n’avance à rien. On n’est pas dans l’antifascisme institutionnel. Devant des agressions fascistes extrêmement virulentes, la réponse passe nécessairement par la violence physique », complète l’UAT. On n’en saura pas plus si ce n’est que durant les manifestations, ils se tiennent « toujours prêts à réagir », à rendre coup pour coup. « On ne sait jamais ce qui peut arriver. Lors d’un rassemblement, on range des battes de base-ball et des bombes lacrymogènes chez l’antifa qui habite le plus près », lance Thibault. Avant d’ajouter que « du coup en cas de perquisition, c’est assez tendu… »

On sait où ils habitent

Police Chez cette armée anonyme toujours vêtue de noir, masques à gaz ou tissus barrant leurs visages pour éviter d’être identifié sur les photos des journalistes sont de rigueur. Adrien, la gueule cachée par un foulard et des lunettes de soleil, explique qu’il a déjà eu des problèmes.

En 2010, il manifeste contre la réforme des retraites, et se retrouve sur des photos pendant les débordements, à la marge du cortège. Ce jour-là, la police essuie des jets de pierres. « Je me suis retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment », affirme le militant. Quelques jours plus tard, la police vient perquisitionner chez lui. À défaut de battes de base-ball, ils trouvent une bibliothèque aux rayonnages remplis de livres au net penchant libertaire — Kropotkine, Lafargue, Proudhon. Arrêté, les policiers invoquent ses lectures « subversives » lors de son procès. « Ils n’avaient aucune preuve ! J’ai été jugé pour mes idées et non pour mes actes », revendique Adrien. Il est finalement relaxé.

Contre-manif L’action la plus concrète menée par les militants antifascistes reste peut être la « pression » mise sur chaque rassemblement de l’extrême droite. « On est toujours présents à leurs manifestations et leurs conférences », explique Rick. Ils organisent des contre-cortèges. « L’idée, c’est de bloquer et de gêner leurs rassemblements ». Contactés par StreetPress au préalable des manifestations nationalistes prévues les 8 et 9 juin derniers, ils avaient même laissé échapper qu’ils n’excluaient pas d’en venir aux mains. Info ou intox ? Qu’importe, l’objectif est en fait de pousser la préfecture à interdire les manifestations d’extrême droite par peur des confrontations. Une stratégie de la tension qui s’est avérée payante cette fois-là.

Et la suite ? La peur d’une poussée de l’extrême-droite dans le prolongement de sa montée en Europe n’en finit pas de les alarmer. « Si la situation devient comparable à ce qui se passe à Athènes, franchement, je n’ai pas peur de dire qu’on prendra les armes », lâche finalement Rick. « Il faut comprendre que le jour où l’extrême-droite se sent forte, il n’y a plus de place pour aucun autre projet de société », complète l’UAT.


*les noms ont été modifiés à la demande des militants


lire aussi :

:arrow: L’antifascisme ne prend pas parti
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede Nyark nyark » 08 Sep 2013, 19:03

Appel à la mobilisation antifasciste à Sciences Po
7 SEPTEMBRE 2013

ImageNous avons tou-te-s constaté et vécu au cours de l’année passée une affirmation de plus en plus décomplexée d’une droite extrême et la banalisation de ses idées homophobes, racistes, sexistes, fascistes, etc… La « manif pour tous » a été l’occasion privilégiée de cette banalisation.

Ces idées nauséabondes ont ouvert la voie à un accroissement des violences et des agressions physiques, notamment à l’encontre des minorités sexuelles, des personnes trans’, des femmes voilées… Le 5 juin, c’est cette même violence fasciste qui a coûté la vie à Clément.

Nous pensons que l’antifascisme ne doit pas être le fait d’une minorité politique, mais qu’il appartient à toutes et tous. Nous pensons que l’on devrait pouvoir attendre de l’immense majorité de la population, y compris des non-militant.e.s et des personnes peu politisées, qu’elle s’oppose aux droites extrêmes et à leurs idées.

Nous tenons aussi à ce que la gauche politique, syndicale et associative de Sciences Po participe à la reconstruction d’un large front antifasciste. Tout d’abord, parce que Clément y était étudiant, et parce que son souvenir accompagnera nos actions à venir. Ensuite, parce que l’entre-soi élitaire de cette institution amène parfois des militant.e.s de gauche à fréquenter tranquillement les droites extrêmes, à participer de leur banalisation.

lire la suite
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Re: Lutte antiFasciste

Messagede altersocial » 03 Oct 2013, 18:59

Red Warriors : Interview de Julien et Rico (2005)

À l’occasion de la projection du documentaire « Antifa Chasseurs de skins » au ciné-club du CAPAB au CICP le dimanche 6 octobre, nous vous proposons un retour sur cette période.

Longtemps oublié, voir occulté, l’histoire du mouvement des « chasseurs de skins » des années 1980 a été remis sur le devant de la scène dernièrement avec la production du documentaire « Antifa : chasseurs de skins ». Ce film revenait sur l’origine et les développements de ce mouvement, à l’aide de témoignages de différents membres de ces bandes. Une histoire qui c’est développée en parallèle de la mouvance antifa radicale. Parmi les bandes les plus connues, on trouve dans ce programme les Red Warriors. Nous publions ici l’interview de deux de ses anciens membres, une interview parue en 2005 dans le livre Comme un indien métropolitain, une histoire du scalp (édition No Pasaran). En complément, une autre interview des Red Warriors est disponible ici.

Interview Julien et Rico, anciens membres des « Red Warriors »

Comment êtes-vous entrés en contact avec la scène des années 1980 ?

Julien : J’ai commencé par être punk, vers 13-14 ans en 1981 en traînant à Paris, en rencontrant des gens. Je suis issu d’une cité ouvrière de la banlieue est de Paris, et des punks dans une cité, il y en avait pas beaucoup à ce moment là. Au début des années 1980 pour les jeunes de banlieue, Paris c’était un truc très lointain. On y allait jamais. Si les mecs des cités prenaient les transports, c’était pour s’éloigner encore plus de Paris et de leur cité.

Si j’ai quitté un peu ma cité, c’est grâce à ma mère, qui m’a inscrit dans une école expérimentale, autogestionnaire, l’école Decroly. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré des keupons qui traînaient, plein de gens que j’aurais jamais connu si j’étais pas venu sur Paris. En ce qui concerne le contact avec la scène militante, j’ai mis du temps. Au départ c’est plus du feeling avec les gens.

Rico : Je suis plus vieux que Julien de presque 6 ans, alors pour moi, c’était un peu différent. Je n’ai jamais fauté, désolé, j’ai jamais été punk ! Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été skinhead. Je me suis cassé de chez moi vers 13-14 ans. Ensuite, j’ai traîné avec la bande des Halles des mecs comme Pierrot (le Fou), Ringo, Farid. Mon surnom, c’était « Blackskin ». Dans la bande des Halles, il y avait de tout, des Juifs, des Portugais, des Noirs. Je m’amusais bien, on embrouillait tout le monde, les punks, les skins, les fafs… C’était le délire de l’époque. Mais déjà à ce moment-là, il y avait des embrouilles avec les skins de Gambetta, parce qu’ils portaient le drapeau français. L’autre élément important, c’est que j’ai été au placard très tôt. En prison, j’ai rencontré plein de gens, des proches d’Action directe, mais aussi du mouvement autonome, des personnes qui faisaient le fanzine Otages. Il y a eu diverses émeutes en prison qui étaient assez drôles, qui m’ont ouvert ma conscience politique. Et en sortant je suis tombé à l’Usine.



C’est quoi l’Usine ?

Julien : C’était une ancienne usine de meubles de cuisine, à Montreuil, transformée en centre culturel autonome, un peu calqué sur les centres sociaux italiens. Il y avait un collectif résident, et les gens de passage. Au dernier étage on avait aménagé une salle pour les cours de Boxe, de Boxe-Thaï. Il y avait des salles pour les mecs qui graffaient, pour les réunions antimilitaristes. Et au sous-sol il y avait une salle de concert. Il y a eu des gros trucs, les Bérus, les LV88, La Souris. Tu ne venais pas aux concerts de l’Usine juste pour consommer de la musique. Tu venais aussi pour baigner dans ce milieu, où tu côtoyais des mecs qui avaient déjà fait de la taule pour les actions, d’autres qui étaient passés à la clandestinité. Tu n’y participes peut-être pas forcément de manière très active, mais ce te forge le caractère et tes opinions.

Rico : C’était pas les convictions par les bouquins. C’était la confrontation à la réalité. C’était instinctif, tu te sentais bien avec ces gens, et donc tu traînais avec eux. Sur la fin, l’Usine c’était un lieu récupéré par une association qui faisait des concerts tous les vendredis.

Julien : L’aventure de l’Usine s’est terminée lors d’un concert de La Souris Déglinguée. La mairie communiste de Montreuil a fait murer le squat, après que les musiciens ont fait les balances. Résultat, à l’heure du concert, tout le monde commence à démurer pour rentrer. Les flics sont arrivés et la chasse aux punks a commencé. Il y a eu une « Une » légendaire du Parisien avec en titre « 200 punks attaquent la police », et des photos de keupons en train de jeter des pierres sur les cars de flics. C’était une émeute de dingues. J’avais 15 ans et ça m’a marqué, ça correspond à mon entrée sur la scène alternative parisienne. Dans les faits, c’était la fin de toute une période pour les squats. Après la scène alternative, elle sera surtout musicale. Pour moi, ma vie militante, elle a commencé quand toute la vague autonome des années 1970, celle qui a hésité à passer à la lutte armée, s’est éteinte.



Comment vous-êtes vous politisés ?

Julien : Je dirai que je me suis politisé comme j’ai pu. A la même époque où je traînais à l’Usine, j’ai commencé à intéresser le PC de ma ville. Je sortais un peu du lot, j’étais le jeune qui bougeait sur Paris, qui allait à des manifs. Assez rapidement j’ai rejoint le PCF. Je ne regrette pas, parce que j’ai côtoyé des gens sincères, on a fait des trucs supers, comme empêcher des expulsions dans les cités. Et puis j’étais le pur produit de la mairie communiste de Fontenay. Né à Fontenay, je suis parti en colo à Fontenay, puis je suis devenu animateur à Fontenay pour ensuite finir directeur de colo à Fontenay. A l’époque pour moi en dehors du PCF il n’y avait rien. Et à côté de ça je continuais à militer pour l’antifascisme radical, la nuit sur Paris. Et quand ça a commencé à devenir sérieux avec les Red Warriors, qu’il y a eu des interpellations, des articles, ça a vite fait désordre. J’étais sur les photos et les tracts avec le maire, j’étais le responsable des Jeunesses Communistes du Val de Marne, le jeune mis en avant par la mairie : les gens n’ont pas apprécié que la nuit, avec des mecs pour eux pas fréquentables, je parte faire la chasse aux nazis dans les rues de Paris. En plus, je tenais un discours qui était pas forcement celui du parti.

Rico : On se politisait aussi à l’instinct et ça fonctionnait beaucoup par raya, l’affinitaire jouait beaucoup. Ma politisation, elle a commencé en prison, par des rencontres. Ensuite à l’Usine où je suis tombé sur des gens intelligents, qui m’ont pris et accepté comme j’étais. Des gens qu’on ne trouve plus aujourd’hui, qui te jugeaient par rapport à ton vécu, à ce que t’étais, et pas forcément à ton look.



Vous êtes issus de familles militantes ?

Julien : Mon père était un immigrant hongrois, peintre en bâtiment, payé à la pièce. Assez souvent on allait bosser avec lui, pour gagner plus d’argent. Ma mère, juive hongroise, était femme au foyer. Mes parents se sont séparés très tôt. Pour ma mère mai 68, elle savait même pas que ça s’était passé. Elle s’est politisée super tard, dans le milieu des années 70, avec la fin de la vague hippie. A 5-6 ans je me suis retrouvé en communauté. Au final elle s’est présentée aux municipales à Fontenay sur la liste du PSU .

Rico : Moi, j’ai coupé très vite les liens avec ma famille. Mon beau-père, il était responsable de l’Amicale des anciens légionnaires parachutistes et de la section du Front National de Rosny-sous-bois.



Vous pouvez nous parler des Red Warriors ?

Julien : Les Red Warriors, c’est arrivé vers 1986. C’est une période où la majorité du mouvement skin français est nationaliste ou faf. 99% des skins que tu croises à cette époque dans la rue, ils ont des croix celtiques, des drapeaux français, des croix gammées. Tu avais des quartiers entiers de Paris, où pour les punks, c’était zone interdite : Saint-Michel, le Quartier Latin, les Puces de Clignancourt, le XVe, Tolbiac, Les Halles. Quand tu étais keupon dans ces années-là et que tu étais looké, c’était déjà pas évident, tu étais une cible pour pas mal de monde. Alors si tu croisais une bande de skins, t’étais certain de te faire défoncer. Par rapport à ça on est un certain nombre à en avoir marre de devoir faire des détours pour se déplacer dans Paris pour éviter les embrouilles. Et avec Jeff, on décide de se prendre en main. Lui était de Nogent-sur-Marne et moi de Fontenay. On traînait pas mal ensemble, même si Jeff était un peu plus vieux que moi. A plusieurs occasions on avait fait courir les fafs dans des embrouilles. Lui était déjà skin, alors que moi j’étais une espèce d’alternatif à casquette et docs coquées. L’idée c’était de s’organiser un minimum, trouver des mecs qui étaient prêts à aller au carton face aux fafs. Rico nous a rejoint assez vite, on le connaissait de l’Usine. Peu à peu, la bande s’est construite par lien affinitaire et cooptation. La plupart des Red Warriors étaient tous plus ou moins des familiers de l’Usine. A la fin des années 1980 on était 14 « officiels ».

On s’est appelé les Red Warriors, parce qu’à l’époque, ce que les fafs semblaient détester le plus c’était le communisme. D’où une surenchère de notre part dans les oripeaux et le folklore soviétique. Et puis il fallait bien qu’on se démarque des fafs, parce qu’à part la coupe de cheveux (on se laissait un petit peu de cheveux sur le dessus), on ressemblait à n’importe quel skin (bomber, jean, docs coquées). Après, d’authentiques marxistes-léninistes dans la bande, il n’y en avait pas. Mais le nom est resté, parce qu’encore aujourd’hui les fafs et les apos nous disent « vous, les reds. ».

Rico : A cette période-là, je ne traînais déjà plus aux Halles. J’avais intégré le SO de l’Usine, où j’étais le plus jeune. Les autres avaient la trentaine. J’avais fait avec Sergio tous les concerts en Normandie, où il y avait pas mal de fafs, et j’accompagnais déjà les Bérus. Dans le même temps le milieu skinhead en France a commencé à se politiser de plus en plus, et pas sur mes bases. Je me considérais déjà comme redskinhead. En plus, j’étais catalogué par les fafs, qui avaient mis ma tête à prix depuis un bon moment. Il faut dire qu’avec quelques copains, on avait commencé à allumer pas mal à droite. Pour moi c’était drôle de dérouler du faf. Au niveau des Red Warriors, tout le monde dans la bande n’était pas forcement politisé comme Julien, qui défendait encore tant bien que mal le PCF ou Arno qui était prêt à passer à la lutte armée. Mais on était tous clairement antifas, prêts pour la chasse. A la base, on était une bande de crapules, de voyous, qui voulaient dérouler du faf.

Julien : On avait tous des conceptions différentes des choses, mais là il n’y avait pas de discussion possible, c’était l’antifa radical. L’action fondatrice du groupe, on était sept, ce n’était pas brillant, on s’est tous fait serrer. Rico a pris 1 mois ferme. C’est vrai que des fois, c’était fait un peu à l’arrache, mais d’habitude on mettait en place un minimum de stratégie, avec l’aide de quelques anciens dans la bande qui avaient l’habitude de ce genre de chose. L’idée c’était de repérer les bandes de skins (Pasteur, Tolbiac…) ou les lieux qu’ils fréquentaient. On fonctionnait par petits groupes de trois ou quatre, qui traînaient dans Paris. Chacun de son côté repérait des objectifs, on préparait la descente et on tombait sur les fafs.

Rico : Ça, c’est quand c’était préparé. Il faut reconnaître aussi que des fois, on savait pas quoi faire le soir, on prenait les motos, et on allait chasser à l’aventure. Les Red Warriors étaient un groupe très mobile, qui avait sept motos pour quatorze mecs. On se voyait pas forcément tout le temps. Si on était en ballade, et qu’on repérait un bar de fafs, on pouvait très bien leur tomber dessus.

Julien : Le fait de faire des actions carrées à plus d’une dizaine, et ensuite de chasser du faf par petits groupes, ça donnait l’impression aux fafs que les Red Warriors, ils étaient partout et qu’ils étaient super nombreux. Les mecs en face paniquaient, parce que personne savait où on traînait, qui on était. On était un peu un fantasme. A ce moment là en face de nous il y a les JNR de Batskin, la Division Saint-Georges, le PNFE , les restes de la FANE , la bande de Juvisy. C’est des mecs qui ont fini pour certains comme mercenaires en Croatie ou en Afrique.

Rico : Il y a eu des fusillades parfois. C’était des militants politisés et organisés, et les mecs quand ils te voyaient arriver, ils t’attendaient. C’est plus comme maintenant où tu as juste du neuski qui court.



A une période vous avez été pas mal médiatisé (télés, articles de journaux). Ca ne vous a pas posé de problèmes ?

Rico : C’est surtout Julien qui montrait sa tronche. Son nom a assez vite circulé chez les fafs.

Julien : Moi, à l’époque, j’avais à peine 20 ans et j’avais dans l’idée que plus on pouvait toucher de monde, informer de gens, plus on ferait avancer la cause. L’idée c’était pas juste de casser du faf à coup de barre, c’était de dire aux gens qu’il fallait réagir. Et pour ça j’étais prêt à utiliser les médias. En ça je m’opposais un peu aux autres, qui pensaient qu’on avait pas besoin des médias pour faire avancer notre combat. Aujourd’hui, je les ai rejoins sur ce point.



En ce qui concerne les flics ça se passait comment ?

Julien : On peut dire qu’on l’a senti passer. Heureusement pour nous à la même époque, les Renseignements Généraux et les flics avaient des groupes et des mecs qui les inquiétaient beaucoup plus que nous. Mais , il y a eu des blessés graves, et de nombreux mois, d’années de prisons pour ports d’armes, violence. Certains ont été clandestins pendant quelque temps.

Rico : La première interpellation en groupe, on était tous saouls, le procureur c’était Jean-Louis Debré Quand je suis rentré dans la pièce, il m’a dit : « vous c’est pas la peine de vous asseoir, votre mandat de dépôt est prêt. »



Ca s’est terminé comment les Red Warriors ?

Rico : Vers 1991. Il y a pas vraiment eu de fin. C’est la réalité du terrain qui a mis fin à l’histoire. Les gros skinheads qu’on déroulait, ils avaient disparu de la circulation dans les rues de Paris. Et puis chacun avait posé sa vie aussi. Certains avaient eu des gamins, d’autres ont quitté la France.

Julien : Au fil du temps on s’est tous plus ou moins éloignés, mais on a eu un tel vécu pendant ces années, que lorsqu’on se recroise, c’est comme si on s’était quitté la veille. C’est passé de gang de rue à la fratrie. On est tous en contact plus ou moins. Malheureusement il y a déjà des morts.

Et par rapport aux autres bandes de chasseurs ou de reds qui sont apparues un peu plus tard ?

Julien : Si nous aussi on marchait à l’affinitaire, notre but de base, c’était la chasse aux nazis, l’antifascisme radical. On a jamais dévié de ça, ce qui fait qu’on a évité les erreurs des autres bandes. On n’est pas devenu une bande de dépouilleurs comme ont pu devenir sur la fin certaines bandes. Les bandes de chasseurs, c’était la chasse pour la chasse. Et quand il n’y avait pas de problème, ils en trouvaient quand même. Bon pour les Ducky Boys, la première version était correcte.

Rico : C’était des bandes des cités, apparues avec les premiers groupes de Rap, c’était les premiers « zoulous ». Il y avait les Rudy Fox, les Blacks Dragons. Eux c’était que des cousins issus de la même cité. Auparavant, à part nous et les skins, les bandes c’étaient plutôt des rockers.

Julien : C’étaient les premières bandes de cités qui commençaient à s’organiser et à descendre sur Paris. Les mecs sortaient en bande et foutaient le bordel en boîte, dans les bars. Le rapport à la politique était inexistant. Après, ça a donné les Requins Vicieux, les Requins Juniors. Très vite toute une partie de ces bandes ont trempé dans des trucs sordides, histoires de viols, rackets, vols organisés. Avec ces mecs là t’avais plus de chance de te faire brancher si t’avais une crête rose que si t’étais habillé en faf. Ils se disaient tous chasseurs de skins, et le problème c’est que des skins, et des skins fafs il n’y en avait pratiquement plus dans les rues. C’étaient des mecs violents, sexistes qui n’avaient rien à faire dans la scène militante.

En ce qui concerne les autres bandes redskins, genre les Lénine Killers ou les Red Ants, à part un mec croisé une fois dans un concert avec patch, on les a jamais vus.

L’époque, la rue vous semblent plus violentes aujourd’hui ?

Julien : Non, parce que les années 1970 avec les blousons noirs, et les années 1980 avec les skins, les punks, les rockers, les bandes de chasseurs, c’était nettement plus violent qu’aujourd’hui. Le truc c’est que maintenant la violence est très médiatisée. Et puis comme c’est devenu un thème de campagne, dès que c’est des Blacks et des Beurs en majorité, souvent musulmans, ça prend plus d’ampleur. Mais les embrouilles entre mecs de différents quartiers ont toujours existé.



Comment vous avez vécu les mouvements étudiants de 1986 contre la réforme Devaquet ?

Julien : J’étais en seconde quand ça a commencé, et je me suis retrouvé parachuté leader de mon lycée en grève sur TF1. Au niveau « guérilla urbaine » ça vraiment été mon baptême du feu. A l’époque on allait tous en manif avec des casques de moto, des barres de fer, et on voyageait dans le métro. En plus je me baladais avec un teddy vert-pomme, bonjour la discrétion ! À l’époque le mouvement étudiant était téléguidé par l’UNEF-ID , et j’en n’avais pas conscience. C’est après, avec les autres mouvements que j’ai compris les histoires de mecs parachutés dans les AG, les magouilles. Je me souviens de la première grande manif en 86 qui se terminait par un concert de Renaud sur les Invalides, où l’objectif initial c’était le Parlement. En arrivant devant le bâtiment, il y avait les CRS. Tous les mecs du SO de l’UNEF ID s’étaient mis en ligne pour diriger le cortège vers les Invalides. On était une poignée à dire l’objectif de la manif c’est le parlement. On s’est mis à charger les flics, et c’est parti en vrille. L’UNEF-ID a parlé de casseurs.

Rico : Moi j’étais à Jussieu. Je me souviens de cette manif : il y avait un SO mobile de plus de 300 personnes avec des t-shirts blancs. On est tous hyper matossés, parce qu’on se dit qu’on va peut-être se retaper les fafs. A un moment l’UNEF-ID a demandé à tout le monde de mettre son matos dans une camionnette. Ce qui fait que lorsqu’on est arrivé face aux CRS, on n’avait rien. Les seuls qui restaient organisés et équipés c’étaient les mecs de l’UNEF-ID.

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La mort de Malik Oussekine, le 6 décembre 1986, c’était après une de ces manifs ?

Julien : La mort de Malik est intervenue à une période où le mouvement étudiant prenait de l’ampleur. Le gouvernement avait décidé de jouer la carte de la matraque, et ils ont attaqué une AG qui se passait à la Sorbonne. Ce soir là, ça été violent. J’étais devant la Sorbonne le soir où les voltigeurs ont débarqué et je peux te dire qu’on a surtout couru. Les voltigeurs, qui n’étaient pas ressortis depuis 1968, ont été dissous par la suite. On a vu arriver 30 motos, avec à chaque fois deux mecs dessus, tout habillés en noir, en ligne. Au début tu crois que c’est des fafs et après tu réalises que c’est les flics. Et là les mecs commencent à monter sur les trottoirs et ils se mettent à allumer tout le monde, passants comme étudiants. Ils ont ordre de nettoyer l’avenue.

Le lendemain de la mort de Malik, il y a eu une manif silencieuse, c’était super impressionnant. Il y avait une tension dans le cortège qui était palpable. Pandreau avait fait une déclaration au sujet de la mort de Malik Oussekine où en gros il disait que c’était de sa faute ce qui lui était arrivé. Pour cette manif le deal de l’UNEF-ID c’était qu’il n’y ait pas de flics sur le parcours. Mais au passage du boulevard de l’Hôpital, il y avait un énorme commissariat, protégé par les flics en tenue. Ca été l’étincelle, et en une demi-heure, les flics se sont pris les 100 premiers mètres de pavés dans la gueule. Il y avait des centaines de personnes qui chargeaient les flics, des autocars de flics ont été retournés. Il faut pas oublier qu’il y avait eu plusieurs jeunes tués par la police, comme William Normand par exemple. Normand s’était échappé par le toit ouvrant de sa 2CV pour éviter un contrôle de police parce qu’il n’avait pas le permis. Un CRS, Gilles Burgos, le course et l‘abat de deux balles dans le dos. Il y a d’ailleurs une affiche célèbre du Scalp où on voit Burgos, lors de la reconstitution Il y a eu comme ça toute une série de meurtres commis par des flics et Malik Houssekin, ça été le point culminant. Il a été massacré à coup de battes par les voltigeurs : je suis allé sur place le lendemain, tu voyais encore du sang jusqu’au plafond ! Deux des voltigeurs ont été arrêtés et ils ont dû juste recevoir un blâme. Et les flics n’ont jamais pu identifier le troisième .

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Il y avait des liens avec les groupes politiques comme le Scalp ?

Julien : Non pas trop. Tout le monde savait que le Scalp existait, on connaissait les autocollants, mais au niveau organisation, on savait pas qui c’était.

Rico : Objectivement, on avait pas de lien avec les orgas libertaires. On en avait plus avec les totos.



Quelles sont les orgas qui sont venues vous recruter ?

Rico : Les premiers, c’était SOS-Racisme.

Julien : On les a utilisées autant qu’ils nous ont utilisés. Et puis ils avaient le chéquier. Comme on était un peu le seul groupe antifa radical sur Paris, ils sont venus nous chercher. SOS avait un gros problème, leurs colleurs d’affiches avaient la trouille de coller la nuit, ce qui fait que le jour, SOS n’était pas visible sur les murs de Paris. A ce moment là le FN colle aussi pas mal, genre trois camionnettes avec deux bagnoles, une vingtaine de gars, avec chiens et armes. On a été contacté par des mecs un peu lookés redskin comme Mamoud, Scalpel. Julien Dray , qui venait de quitter la LCR et de rentrer à SOS et au PS avait mandaté des mecs qui traînaient un peu dans les concerts pour nous ramener vers eux. A l’époque, on ne connaît pas encore tous les histoires entre SOS-Racisme et le PS. Personne dans le groupe n’était un militant politique averti. On leur dit : « OK, c’est combien », et là les mecs sont vachement surpris, ils pensaient qu’avec leur discours, on allait se taper tout leur boulot tranquille à l’œil. Chacun touchait 200 francs par nuit de collage, avec deux camionnettes à notre disposition.

Rico : Moi j’ai fait pire, j’ai été au Parti des Travailleurs. Le PT, c’est toute une embrouille. Les potes là où j’habitais, ils étaient tous au PT, et ils voulaient absolument que je vienne avec eux. Finalement j’y suis allé. Franchement, ça m’a vite gonflé. Mon premier dimanche matin, ils m’ont convoqué pour que Lambert m’apprenne l’histoire de la classe ouvrière. Et puis un jour avec un pote, on était complètement bourrés sur le parvis de Jussieu, j’ai fait l’apologie de la lutte armée, après avoir fait cramer des affiches de l’UNEF-ID dans leur local. Au bout d’un moment, les mecs du PT sont venus me voir en me disant : « Bon Rico, ça serait bien que tu sois plus chez nous », et du coup je suis parti. Mais j’ai encore plein de potes chez eux.

Julien : Moi j’ai été exclu du PCF vers 1989, j’ai vagabondé et j’ai atterri au PT, parce que j’avais de potes qui y étaient aussi. Ca m’a vite gonflé, parce qu’avec mon expérience au PCF, j’avais passé l’âge de prendre les ordres dans le bureau du chef. Le PT cherchait des cadres. Ils sont paranos, ils ne font rien.



Et la LCR ?

Rico : Moi la LCR ça m’a jamais branché.

Julien : La LCR ne nous a jamais contacté, parce qu’on était un peu marqué avec l’histoire de SOS, Dray venait juste de se barrer de la Ligue. Et puis on a jamais eu une image très flatteuse de la LCR. Il y a ce côté « petit bourge à keffieh » qui parle de communisme révolutionnaire, mais dès que ça part en baston avec les fafs, c’est les premiers à cirer « pas de violence, pas de violence ». Pour moi ça fait vraiment école de cadres pour le PS. Je respecte les mecs de la Ligue du début des années 1970, mais c’est tout.



Et dans le même temps, est-ce que vous continuez à garder des contacts avec la scène musicale ?

Julien : On participe à tous les concerts de soutien, aux concerts sauvages des Bérus. On a aussi été ramassés lors de la rafle après les attentats « Black War ».



L’intégration au SO Bérus, elle s’est faite comment ?

Rico : C’est un truc qui date de l’Usine. Les Bérus voulaient être sûrs que dans leur concert il n’y ait pas de fafs, et que le public se fasse pas tabasser, comme c’était souvent le cas. Avec l’Usine, on faisait aussi la sécu pour des pièces de théâtre, pour les premiers Warhead, on avait l’habitude de cette scène et de ce public. Aux concerts de l’Usine, les punks se faisaient pas taper dessus. Donc c’est là où il y a eu la rencontre avec les gens du Scalp, des gens qui bougeaient avec eux. En gros le SO Bérus, c’était des jeunes cons qui en voulaient qui ont rencontré des vieux cons qui en voulaient, et à qui on rappelait pleins de choses.

Julien : Les Bérus drainaient un public que les boîtes de sécurité n’avaient pas l’habitude de gérer, en particulier en province. Et puis en plus les boîtes de sécu privée à l’époque comme aujourd’hui, elles ont des accointances avec les milieux fafs. Les mecs laissaient rentrer des gens qui n’avaient rien à faire dans un concert Bérus. Au final les Bérurier Noir ont imposé leur SO.

Rico : En province parfois c’était chaud. Au début il y avait des fafs à chaque concert. A Lyon on a bien rigolé, à Bordeaux on s’est fait des bikers. Les mecs venaient faire les malins près de la salle, on faisait rentrer le public et après on allait faire courir les fafs. Dans le SO il y avait des rouges et des noirs, mais il y avait une bonne fusion. Il y avait de pures engueulades dans la camionnette sur la route, mais tout le monde était hyper carré pour la sécurité du public.



Le public des années 80, qui venait aux concerts, il était plus politisé, plus conscient qu’aujourd’hui, où il y a pas mal de monde pour les concerts, mais peu dans les actions et les manifs ?

Julien : Plus politisé, non, parce que je pense pas que les mecs et les nanas dans les années 80 étaient très liés aux orgas politiques. Par contre les gens se bougeaient sans doute plus, et ils étaient plus réactifs. Les gens venaient, prêts à y aller, à fond la caisse, ils se foutaient de savoir par qui ça avait été organisé, et il y avait toujours 300 personnes prêtes à aller au carton avec les flics. J’ai l’impression qu’ à l’époque on était enragé contre tout. On avait vachement moins peur des flics qu’aujourd’hui : les gens ne veulent plus assumer, et puis la peur de l’uniforme a été intégrée.



Quelle place pour les femmes à cette époque dans toutes vos histoires ?

Julien : Franchement, pas large.

Rico : Le principe il est con. Tu pars la nuit pour te taper, avec des risques de te prendre des coups de couteau. Si tu mets une nana, on va focaliser sur la sécurité de la nana. Et puis le truc des Red Warriors, c’était de la violence pure. Des militantes sur des trucs précis, elles vont y aller, mais dans ce trip là, elles sont assez réticentes.

Julien : Il y a eu une nana qui traînait avec nous, il y a même eu une bande de nanas, Princesse et ses copines, qui lattaient les mecs à coups de batte de base-ball. Après il faut se remémorer l’époque. A ce moment-là, nous les mecs, on commençait à peine à sortir de nos cités pour aller sur Paris, alors imagine les nanas. C’était pas une décision, genre on ne veut pas de filles. Il n’y en avait pas, tout simplement. Et puis fatalement, les premières nanas qui ont commencé à traîner avec nous, c’étaient les copines des mecs de la bande. Il n’y a eu que très tard une ou deux nanas qui bougeaient avec nous, mais qui ne sortaient avec aucun de nous. De toute façon à cette époque là, il n’y avait de nana nulle part, même dans le mouvement alternatif. Regarde la vidéo des Bérus à l’Olympia, il n’y a pas des masses de filles dans la salle. Leur absence n’a rien à voir avec une volonté machiste.



Et des histoires de came, vous ne nous en avez pas tellement parlé ?

Rico : Parce qu’il n’y en a pas tellement. On a pas vraiment été confronté à ça. On fumait tous, mais ça s’arrêtait là.

Julien : Il y a un membre des Red Warriors qui a eu de sérieux problèmes de came, mais c’est le seul. Il a frôlé la mort. Mais c’était après la fin des Red Warriors. Pour lui, c’était le contre-coup de cette période hyper-active. Il était effrayé par l’idée de changer d’univers. Il a toujours été à la recherche d’une nouvelle bande, d’un milieu qui pouvait lui rappeler ce qu’on avait vécu. Il traînait avec des mecs qu’il connaissait même pas. Il a fait de la prison à cause de ça. C’est le seul problème qu’on a connu avec les Reds Warriors.

Rico : Et puis le fait de traîner aussi dans des milieux politisés, dans le SO Bérus où tu rencontres des mecs plus vieux que toi, t’empêche de dériver. Les gars te racontent des histoires, te font partager leurs expériences, sans te faire la leçon.



Il reste qui de cette période, chez vous et en face ?

Julien : Du côté des fafs, il reste les gars qui étaient déjà militants dans des orgas. Même si on tapait tous les mecs dans un groupe, on sait bien qu’il y avait les suiveurs, et des mecs qui étaient plus que motivés. De cette époque, il reste Chatillon du GUD qui est passé au FN… Quant à Batskin, de ce que je sais, il a plus ou moins lâché l’affaire.

Après, il y a eu une suite. Aujourd’hui il y a jamais eu autant de skins qui se revendiquent red, alors qu’à mon époque, on était une vingtaine sur toute la France. Il n’y a plus de hordes de skins fafs dans les rues. Il faut pas non plus focaliser sur la délire skinhead ou redskin, j’en ai un peu rien à foutre, je sais très bien que c’est pas les skins qui vont faire la révolution un jour. Mais j’aime le folklore skin, parce que je suis tombé dedans tout petit. On n’est pas nombreux à avoir tenu le coup, à avoir réussi à traverser les années 1990, qui ont été pour moi la traversée du désert pour le milieu militant et le rock alternatif.
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