Note de lecture « Sous les plis du Drapeau noir » de Maurice Joyeux.
J’ai mis à profit un peu de temps libre pour finir le tome 2 du livre de Maurice Joyeux « sous les plis du drapeau noir »
Maurice Joyeux longtemps associé à l’histoire de la fédération anarchiste est un personnage souvent décrié et ces critiques m’ont poussé à connaître mieux son parcours et sa pensée à travers un de ses livres.
Cet enfant né en 1910 vient du peuple et même des couches les plus basses de la classe ouvrière. Très tôt le jeune Maurice s’affronte avec les patrons qui l’exploitent et sa réflexion l’amène très vite
A s’engager dans la lutte de sa classe. C’est la manifestation parisienne de protestation contre l’exécution de Sacco et Vanzetti qui le décide à contacter le mouvement libertaire.
Son engagement l’amènera au refus de partir à la guerre et il passera pour cela de longues années dans la prison de Montluc pour insoumission d’où il ne sortira qu’en 1945.
La première chose qu’il fait alors est de contacter les quelques compagnons anarchistes de Lyon puis après un saut à Tours pour rendre visite à sa mère, il monte très vite à Paris où la Fédération Anarchiste se reconstitue doucement et parvient à sortir le numéro 1 de son journal « Le Libertaire »
Joyeux réussit à trouver un petit boulot et se rend au local que la fédération anarchiste a ouvert au 145 quai de Valmy.
La boutique est minuscule et misérable mais il y a déjà beaucoup du passage : on vient y chercher dernier numéro du « Libertaire » ou un livre qu’on a pu préserver ; échanger des avis sur la situation nouvelle. Les anciens ont réussi à assurer la continuité du mouvement et de la pensée libertaire et, la guerre impérialiste et le stalinisme hégémonique dans la classe ouvrière n’ont donc pas réussi à éteindre complètement la flamme de l’anarchisme.
« Le libertaire » titre alors « la liberté n’est pas dans les urnes » et Joyeux fait vite sa place dans parmi ceux qui comme Bouyé réaniment la fédération.
Bien sur il y a des ténors et des personnalités fortes mais les jeunes redonnent du sang neuf , l’ambiance est fraternelle et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
La bonne volonté et l’énergie du petit bonhomme qu’est Joyeux sont indéniables .
Il la tire de sa conviction envers les principes de l’anarchisme qu’il conçoit comme étant la continuité de la première internationale. Son rejet du capitalisme et du stalinisme sont sans conditions.
A partir de ce moment, Joyeux va devenir très vite la cheville ouvrière de la fédération anarchiste associant la propagande politique à une activité syndicale il prend des responsabilités sur les deux tableaux.
Tout au long de son livre il décrit avec le talent d’un écrivain les difficultés et les succès de « sa » fédération anarchiste avec laquelle il s’identifie presque complètement.
Les succès de la FA résident essentiellement dans l’audience de la propagande libertaire qui dépasse largement la frange des militants et des sympathisants proches.
Ce sont aussi des intellectuels et des artistes comme André Breton, Albert Camus, Georges Brassens ou Léo Ferré pour ne citer que les plus connus qui s’associent au courant libertaire, participent aux meetings et galas de soutiens , écrivent même pour certains dans « le libertaire »
Mais les difficultés de la Fédération anarchistes ne sont pas gommées, et Joyeux le fait sans aucune complaisance . Elles se manifestent essentiellement par les luttes de clans dont Joyeux, animateur principal du groupe Louise Michel du 18ème arrondissement de Paris, devient d’ailleurs vite un chef de file .
C’est là que réside une des critiques de lui que j’ai souvent entendue : Joyeux était une personnalité forte voire autoritaire ce qui pour un anarchiste peut paraître mal venu.
Cet aspect de sa personnalité transparaît d’ailleurs assez clairement au fil de ses chapitres.
On peut se demander cependant si dans le contexte de l’époque il eut été possible d’en être autrement pour résister à toutes les pressions extérieures et internes qui s’exerçaient sur un mouvement anarchiste organisé si fragile.
Alors lutte d’ego ou bataille d’orientation que celle qui l’opposa dans le combat sans merci contre Georges Fontenis initiateur fractionniste d’un communisme libertaire dés le début des années 1950 ?
Difficile de trancher.
Un chose ma paraît cependant certaine : Maurice Joyeux était un homme de conviction qui ne faisait pas de concessions sur les principes auxquels il croyait .
Joyeux était également un érudit parfaitement autodidacte passionné de littérature et, lui-même rédacteur de talent.
Son livre relate, à travers sa propre histoire, l’évolution de la Fédération Anarchiste de 1945 jusqu’au évènement de 1968 et du congrès de Carrare où fut créé l’Internationale des Fédérations Anarchistes.
C’est un document sans égal et passionnant que l’on peut ranger sans se tromper aujourd’hui parmi les grands classiques.
(article pour "le ptit noir" numéro 1 octobre 2008)
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Une Vidéo de Maurice Joyeux]