Chroniques et présentations livres

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Messagede bipbip » 27 Juil 2017, 20:16

ENSEIGNEMENT D’UNE RÉBELLION : La Petite école zapatiste

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En août 2013, l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) a organisé la première cession de la Petite École zapatiste. Jérôme Baschet et Guillaume Goutte y ont tout deux participé. Tandis que le premier livre un témoignage brut de son expérience, le second propose une analyse de cette semaine de discussion, d’échange et d’apprentissage.

Parce que la pensée révolutionnaire, ses théories et ses pratiques, se doivent de s’ouvrir à des apports nouveaux et d’être régulièrement (pour ne pas dire sans cesse) remises en question, repensées, réactualisées si on veut qu’elles puissent adhérer aux réalités de notre temps et de notre géographie, qu’elles évitent les écueils (ghettoïsation, transformation en doctrine ou en profession de foi,…), Guillaume Goutte a décidé d’aller « à la rencontre d’un vieil Antonio » pour nourrir, approfondir, repenser ses conceptions d’une nécessaire transformation sociale radicale.
Le territoire zapatiste est partagé en cinq zones, cinq caracoles, conseils de bon gouvernement créés en 2003, instances de coordinations horizontales chargées de faire le lien entre différents municipios (ou communes) autonomes, lesquels rassemblent plusieurs centaines de communautés.
Guillaume Goutte raconte la fête chaleureuse des dix ans des caracoles puis son accueil au Centre Indigène de formation intégrale : l’Université de la Terre à San Cristobal de Las casas où lui sont remis quatre manuels. Il part ensuite avec son votan qui va l’emmener dans sa communauté, l’accueillir dans sa famille. Avec lui il va participer aux travaux des champs, étudier et échanger. La Petite école propose en effet un « enseignement » au plus prêt de la pratique de l’autonomie puisqu’il est dispensé par ses acteurs mêmes sous forme de conversations. Nous avons droit à un compte-rendu minutieux et factuel de ces cinq journées.

Jérôme Baschet a également participé à cette première session et livre son analyse de cette expérience de compréhension de la construction de l’autonomie, de réflexion sur sa portée, apprentissage politique avec sa dimension humaine et émotionnelle.
La Petite école n’est pas limitée à une salle de classe mais étendue à la communauté. La relation unilatérale et hiérarchisée entre maître et élèves est remplacée par un apprentissage ouvert, collectif et multidirectionnel. Il s’agit de « retourner la tortilla anthropologique » : au lieu d’étudier les indiens, les invités sont leurs étudiants. Par le tête-à-tête entre chaque élève et son votan qui guide la lecture des manuels et peut répondre aux questions à partir de sa propre expérience, le processus de transmission s’effectue dans une logique de partage. Le votan, « gardien et cœur du peuple » est à la fois la méthode, le plan de travail, la maîtresse-maître, l’école, la salle de classe, le tableau, le cahier, le crayon, le bureau, la récréation, l’examen, la remise du diplôme, il est « un grand collectif concentré en une personne ».

Les projets subissent toujours plusieurs allers et retours entre conseil, assemblée générale de zone et villages avant d’être considérés comme adoptés. S’ils ne sont pas analysés et discutés par les communautés, ils sont voués à l’échec.
Les bons gouvernements ne peuvent commander que dans la mesure où ils obéissent à la volonté exprimée par les communautés. C’est l’expression d’une conscience claire des risques de séparation et de substitution, inhérents à toute délégation de la capacité collective de décider, même lorsqu’il s’agit d’un gouvernement du peuple. C’est le mandar obedeciendo qui diffère radicalement de la logique de l’appareil d’État, en tant que mécanisme de dessaisissement de la capacité collective de décision et de concentration de celle-ci au bénéfice de l’appareil bureaucratique et des « experts » de la chose politique.

La construction de l’autonomie n’est en aucun cas l’application de recettes préétablies. L’expérience d’autogouvernement se présente comme une démarche permanente d’essai/rectification, qui cherche dans la pratique, la manière d’apporter des solutions spécifiques et concrètes aux problèmes rencontrés. C’est ce que les zapatistes nomment « chercher la manière », buscar el modo : « Tout ce que nous faisons est un pas ; il faut voir si cela fonctionne et, sinon, il faut le changer ». Le chemin n’est pas tracé mais il se fait en marchant. C’est la logique du caminar preguntando (avancer en posant des questions). La relation entre la théorie et la pratique ne subordonne pas la seconde à la première.

Affirmer l’impossibilité d’une réalisation achevée de l’autonomie garantit contre le risque de l’utopie normative, définie selon des normes abstraites et préalables. Chaque génération peut modifier ce qu’elle a reçu de la génération précédente.

L’un des quatre manuels est consacré à la résistance autonome. Il s’agit de résister aux provocations gouvernementales, directes ou indirectes, de ne pas céder à la tentation de réagir de façon violente pour ne pas offrir le prétexte d’une intervention plus frontale.

Le processus de construction de l’autonomie « met Hegel au tapis ». Elle ruine les fondements de la conception de l’État moderne selon laquelle c’est le propre du peuple que de n’être pas en condition de se gouverner par lui-même. L’État est une machine à produire et à amplifier la séparation entre gouvernants et gouvernés. À l’exact opposé, la pratique de l’autonomie s’emploie à donner au mot démocratie le sens radical sans lequel il continuera de sonner creux : le pouvoir dans son exercice même.

Ce condensé d’expérience est d’une limpidité exemplaire. Il contribuera sans aucun doute à prolonger la volonté de contagion à l’origine de cette transmission.

ENSEIGNEMENT D’UNE RÉBELLION
La Petite école zapatiste
Jérôme Baschet et Guillaume Goutte
122 pages – 8 euros
Éditions de l’escargot – Paris – Novembre 2014

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Messagede bipbip » 29 Juil 2017, 17:44

Le Monde comme si. Nationalisme et dérive identitaire en Bretagne, de Françoise Morvan

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Une langue qui meurt, c’est une culture qui disparaît. Les langues régionales sont dominées par une langue française élitiste, au service d’un pouvoir oppressant. Cela paraît une évidence. C’est en tout cas ce que pensait Françoise Morvan, originaire du centre de la Bretagne. Dévouée à la cause bretonne, elle fonde, avec d’autres, une école privée Diwan, qui enseigne le breton par immersion. Jusqu’ici tout va bien, ou à peu près. Certes, à la fin du millénaire, moins d’1 % des jeunes en Bretagne peuvent parler breton. Certes, ce sont surtout des parents qui ne parlent pas breton qui inscrivent leurs enfants à leur école pour qu’ils parlent breton. Certes, les vastes populations bretonnantes censées sauter de joie à l’annonce de l’école ne se manifestent pas. Pour cause : elles n’existent pas. Mais Françoise Morvan croit toujours. Ce n’est que lorsqu’elle se met à traduire et à éditer des poètes bretons qu’elle est forcée de se confronter à la réalité du mouvement breton. Un mouvement fondé par des maurrassiens, qui s’est distingué par sa collaboration lors de l’occupation de l’Allemagne nazie, et qui n’a pas renié des idéologues compagnons de route du fascisme, comme Roparz Hémon. Un mouvement dont l’idéologie explique la politique linguistique : il ne s’agit moins de défendre les langues régionales, que d’imposer un breton artificiellement « pur », quitte à réécrire les manuscrits ne correspondant pas à ce breton uni, quitte à oublier l’existence du gallo parlé en Haute-Bretagne, quitte à imposer des panneaux traduits en breton… dans des endroits où on ne l’a jamais parlé, comme à Cesson-Sévigné. Un mouvement qui a rapidement été soutenu par ceux qui ont vu là l’occasion de faire du profit : le sentiment d’une lutte pour une identité perdue est une bonne affaire pour le tourisme. En témoigne le succès, entre autres, du « Produit en Bretagne » ou de la chaîne TV Breizh produite par… Pinault, Berlusconi et Murdoch. Le livre de Françoise Morvan a fait l’effet d’une petite bombe en Bretagne, d’autant plus que pour l’auteure, la gauche du mouvement breton n’a que l’apparence du progressisme. Enquête humoristique, décapante et grinçante tout à la fois, cet ouvrage sonne comme un avertissement : attention à ne pas nous tromper quand certains jouent sur notre besoin de racines, attention au « folklore anesthésiant », à l’opium du « monde comme si » qui nous cache « le monde qu’il y a ». Peut-être qu’au moment même où nous croyons lutter contre la mondialisation en luttant pour les langues régionales, nous participons à l’idéologie ultra-libérale de l’Europe des régions. [L.V.]

https://www.revue-ballast.fr/cartouches-23/
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Messagede bipbip » 30 Juil 2017, 15:30

La Logique méconnue du « Capital », d’Alain Bihr

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Petit et dépourvu de superflu ! Sans doute serait-ce la plus brève manière de résumer un ouvrage qui dépasse à peine les 120 pages. Selon la familiarité du lecteur avec les thèses du philosophe allemand, l’effort à fournir ne sera identique. Car c’est bien du Capital, l’opus magnum de Karl Marx, dont il sera question ici. L’auteur nous propose une vision synthétique de cette œuvre majeure qui, rappelle-t-il, ne peut en aucun cas se substituer à la lecture de l’ouvrage initial. Le Capital est trop souvent réduit et vulgarisé à son livre premier. Alain Bihr nous rappelle, au besoin, que les livres suivants sont des montages de manuscrits réalisés par Friedrich Engels, puis par Karl Kautsky, et cela de manière parfois discutable. Si le développement de la production capitaliste est bien évidemment largement étudié et résumé (c’est à dire le livre I), le procès de circulation du capital (livre II), ainsi que le procès d’ensemble de la production capitaliste (livre III), prennent également toute leur place. L’auteur les relie minutieusement entre eux, nous en révélant la grande cohérence. Il faut resituer Marx dans son contexte d’écriture pour saisir sa réflexion d’ensemble et son évolution. Comprendre, en définitive, que ce chantier reste ouvert, l’œuvre étant inachevée. Il est donc impossible de parler d’un « marxisme fini ». Trop souvent, y compris dans les milieux dits « anticapitalistes », la connaissance de Marx reste fragmentaire ou déformée. Si l’extorsion de la plus-value semble être une notion largement partagée et comprise, la baisse tendancielle du taux de profit, la circulation du capital, ou même le « fétichisme » (de la valeur et de la marchandise), sont le plus souvent passés sous silence. [W.]

Collection Empreinte, 2010

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Messagede bipbip » 14 Aoû 2017, 13:45

La démocratie républicaine
de Sophie Wahnich

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La gauche intellectuelle et politique apparaît comme un tas de ruines. L'histoire et l'imaginaire universaliste de la Révolution française peuvent lui donner un nouveau souffle. Mais ce sont uniquement les luttes sociales qui permettent de transformer le monde.

Les enjeux de la période semblent difficiles à saisir. Depuis 25 ans, le racisme et l’extrême droite, la misère et la crise économique ne cessent de se développer. Mais un cycle de lutte s’ouvre, notamment à partir de 1995. Pendant le même temps, les intellectuels se retranchent derrière la spécialisation scientifique ou la soumission au capitalisme néolibéral.

L’historienne Sophie Wahnich décide de sortir de l’enclot universitaire à travers des textes d’interventions. Une compilation de ses articles politiques est regroupée dans le livre Le radeau démocratique. L’historienne s’appuie sur ses recherches sur la Révolution française pour alimenter une réflexion politique actuelle.

... http://www.zones-subversives.com/2017/0 ... n=politics
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Messagede bipbip » 16 Aoû 2017, 18:32

LES DOSSIERS NOIRS DE LA JUSTICE FRANÇAISE

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La société a érigé l’injustice en système. « Comment peut-on parler de justice alors qu’il existe des riches et des pauvres et que la loi, ainsi que les tribunaux, s’efforcent de préserver les privilèges des premiers ? Comment peut-on oser punir de prisons les menus larcins alors que notre système social et économique repose sur l’exploitation de l’homme par l’homme ? » Denis Langlois, avocat à la cour d’appel de Paris et ancien conseiller juridique de la Ligue des droits de l’homme, se propose d’éveiller le sentiment d’injustice de ses lecteurs et de démontrer l’hypocrisie du système judiciaire.

« Du temps de Jean Valjean, on allait au bagne pour avoir volé un pain. En 1972, on va encore en prison pour avoir chapardé une bouteille de lait. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en matière de justice, les progrès sont lents. »
L’auteur relate une centaine de dossiers particulièrement exemplaires et accablants sans pour autant être exceptionnels, en général classés dans la rubrique « faits divers » des journaux mais en réalité véritables drames pour ceux qui les ont vécus, affaires révélatrices de cette justice à sens unique qui frappe sans pitié les uns pour mieux épargner les autres. Un mois de prison ferme pour une bouteille de lait, 500 francs d’amende pour un kilo de châtaignes, un procès pour un timbre à 40 centimes, 4 ans de prison pour dix bouteilles vides. Voilà pour les pauvres.
Au contraire, la plupart des délits financiers, les fraudes fiscales notamment, se terminent par des transactions amiables avec l’administration des Finances qui s’empresse de passer l’éponge à bon compte. L’instruction traine bien souvent en longueur. Il n’est plus question de cette justice expéditive réservée aux va-nu-pied du flagrant délit. L’inculpé s’entoure des avocats les mieux en Cour et demande des expertises à n’en plus finir.
Expulsion de son logement de deux sœurs qui ne veulent plus payer un loyer illégalement élevé. Acharnement contre les constructions sans permis, cabanon de jardin ou garage en tôle, plutôt que contre les immeubles élevés par les gros propriétaires. Violence des condamnations par défaut, alors que les inculpés, parfois pour des faits particulièrement bénins, n’ont jamais reçu sur convocation et désespoir qui les conduit, eux ou leurs proches, à vouloir « en finir avec cette vie où les pauvres ont toujours tort. » Notion de légitime défense à double vitesse. Système dans lequel policiers et gardiens de prison bénéficient généralement d’une sorte d’immunité tandis que les plaintes des détenus sont rarement prises en considération.

Les dernières affaires rapportées révèlent plus les méthodes parfois malhonnêtes des gendarmes qu’elles ne dénoncent une impartialité liée à la classe sociale des protagonistes, mais elles contribuent tout de même à comprendre l’iniquité d’un fonctionnement.

Ce livre et ses exemples remontent à plus de quarante nous rétorquera-t’on. Et alors ? Il suffit de feuilleter n’importe quel journal pour constater que rien n’a changé. La préface de l’auteur résonne d’autant plus comme une injonction : « Je sais que l’on ne corrige ni ne répare une balance qui penche toujours du même côté, parce qu’elle a été construite précisément pour pencher de ce côté. Mon livre n’a pas pour but de proposer des solutions qui permettraient d’arrondir les angles et de perpétuer tant bien que mal, quelques temps encore, le système. (…) Et si je pouvais ainsi contribuer, tant soit peu, à la montée de la légitime révolte de tous les brimés, de tous les humiliés, de tous les opprimés, j’en serais heureux. »

LES DOSSIERS NOIRS DE LA JUSTICE FRANÇAISE
Denis Langlois
226 pages
Éditions du Seuil – Collection « Points Actuels » – Paris – Mai 1975

Le site de l'auteur : http://denis-langlois.fr/

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Messagede Pïérô » 17 Aoû 2017, 00:52

20 ans dans les geôles franquistes • Joan Busquets Verges

En souscription aux éditions du Coquelicot

20 ans dans les geôles franquistes
Joan Busquets Verges
Traduit par Renacer Soler

[...] J’ai suivi, enfant et adolescent en exil, les hauts faits de ces guérilleros mythiques qui donnaient leur vie à cet idéal qui sera aussi le mien. J’ai vu ma mère pleurer trop souvent lorsque un tel ou tel autre qui était passé à la maison la semaine dernière était “tombé”. Je me suis donc attelé à cette tâche avec beaucoup de tendresse et plus de cœur que de tête. Dés le début j’ai compris l’impossibilité qui serait la mienne de rendre l’extraordinaire ambiance de cette période dans ce milieu anarcho-syndicaliste, ambiance si bien décrite par l’auteur, où il suffisait d’arriver en disant que l’on était un compañero pour que la porte s’ouvre, et que la compañera ajoute de l’eau à la soupe (comme disait Kropotkine en exil à Londres).[...] [...]
Je ne sais si j’ai réussi à rendre la richesse de ce livre, contrepoint et interpénétration de l’autobiographie d’un homme, d’une période de l’histoire d’Espagne, de l’expression d’une idéologie inébranlable et d’une incroyable galerie de portraits.[...]

Présentation pdf : http://gimenologues.org/IMG/pdf/busquet ... -mailw.pdf

http://gimenologues.org/spip.php?article734
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Pïérô » 22 Aoû 2017, 20:08

La novlangue néolibérale

Alain Bihr, "La novlangue néolibérale,
la rhétorique du fétichisme capitaliste"


Une coédition Page 2 (Lausanne) et Syllepse (Paris),
collection Avant-première , mai 2017, 280 p., 18,00 €

Cette nouvelle édition a été mise à jour et singulièrement augmentée, notamment pour tenir compte des glissements opérés par cette novlangue au cours de la dernière décennie, sous l’effet de la crise financière de 2007-2009 dont nous ne cessons de subir les séquelles.

Comme la précédente, elle scrute cette pathologie grave qui affecte des pans entiers du discours politique et médiatique contemporain qui qualifie, entre autres, de "plans sociaux" des licenciements collectifs générateurs de misère et de désespoir, d’"égalité des chances" la lutte des places qui permet la reproduction des inégalités structurelles et de "réformes" la casse systématique des acquis sociaux fruits de décennie de luttes syndicales et politiques. Je me suis tout particulièrement attaché à mettre en évidence la dimension religieuse de ce discours, dont le dieu caché n’est autre que le capital, ce vampire assoiffé de travail vivant, et dont les avatars visibles sont la marchandise, l’argent, la propriété privée lucrative, etc.

La dimension grotesque de ce discours n’est pas méconnue pour autant et se trouve fustigée dans un dictionnaire des idées reçues du néolibéralisme annexé à l’ouvrage, dans lequel nos Bouvard et Pécuchet contemporains en prennent pour leur grade de cuistres. Alain Bihr

Alain Bihr a participé à plusieurs numéros de Réfractions.

* * *
"Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que du vent. " La lucidité critique dont Eric Arthur Blair, alias George Orwell, a fait preuve dans cette sentence n’est pas surprenante de la part de l’auteur d’Hommage à la Catalogne, de La ferme des animaux et de 1984.

Visant en général tous ceux et celles qui gouvernent ou aspirent à gouverner les hommes, elle s’applique tout particulièrement, mot à mot, au discours néolibéral que pratiquent, depuis plusieurs décennies, l’immense majorité des chefs d’État et de gouvernement mais aussi le commun des chefs d’entreprise, sans oublier les journalistes qui leur servent de faire-valoir et de courtisans ou les universitaires qui leur apportent leur caution académique.

Opérant comme une idéologie justifiant les politiques néolibérales qui, à coups de déréglementation des marchés et de libéralisation des échanges, cherchent à asseoir la domination universelle du capital, synonyme d’exploitation aggravée du travail et de dégradation continue de la nature, ce discours constitue un nouvel avatar de cette perversion discursive pour laquelle Orwell a créé dans 1984 le néologisme de novlangue
.
En renouant avec la critique marxienne du fétichisme économique, dont la fécondité théorique est ici une nouvelle fois illustrée, il est possible de mettre en évidence l’essence religieuse de ce discours qui n’hésite pas à proposer d’immenses sacrifices humains pour assurer la survie de la marchandise, de l’argent, du capital, du marché, de l’État, de la propriété privée, etc.

(présentation de l’éditeur)

http://refractions.plusloin.org/spip.php?article1087
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Pïérô » 03 Sep 2017, 00:54

Apartheid Guns and Money : A Tale of Profit

Un gros volume de 600 pages, résultat de l’examen de 40 000 documents d’archives déclassifiés en Afrique du Sud et six autres pays, vient mettre à mal beaucoup d’idées reçues. Tous les pays occidentaux, et d’autres, ont soutenu le régime d’apartheid par des transactions secrètes violant les sanctions globales et obligatoires des Nations unies. Ces liens anciens alimentent corruption et transaction

... https://blogs.mediapart.fr/jacqueline-d ... ale-profit
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 09 Sep 2017, 18:51

La démocratie des conseils :
Aux origines modernes de l'autogouvernement
de Yohan Dubigeon (A paraître)

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"A travers l'apparition de communes, de comités, de conseils ou d'assemblées révolutionnaires, le tournant du XIXe et du XXe siècle charrie des expériences démocratiques qui, au-delà de leur importance pour le mouvement ouvrier, élaborent des composantes de la théorie démocratique moderne aussi riches que sous-évaluées. En se positionnant en extériorité vis-à-vis de l'Etat, ces expériences politiques participent d'une définition moderne de la démocratie radicale, envisagée comme autogouvernement ou démocratie par en bas. La démocratie des conseils invente un certain nombre de principes qui, par l'accroissement de la dimension horizontale et la limitation de la dimension verticale de la démocratie, font sens vers la déprofessionnalisation de l'activité politique. En articulant de manière originale les tâches de destruction des rapports de domination et de construction de rapports sociaux nouveaux, la démocratie des conseils réarticule la temporalité de transformation sociale, témoignant du fragile équilibre que représente l'horizon démocratique. Bien qu'occulté par la tradition socialiste, le courant conseilliste issu de cette période élabore une pensée originale, qui reste d'une grande actualité pour qui s'intéresse aujourd'hui aux nouvelles formes de transformation sociale et démocratique."

Editions Klincksieck 2017, Collection : Critique de la politique. 380p.



ALLE MACHT DEN RÄTEN ! « Tout le pouvoir aux Conseils ! »

RÉCITS, TÉMOIGNAGES ET OBSERVATIONS DES ACTEURS DES RÉVOLUTIONS D’ALLEMAGNE (1918-21)

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« Tout le pouvoir aux Conseils ! » compile des documents originaux rédigés par des participants actifs, représentant toutes les tendances impliquées dans la Révolution allemande, qu’ils soient communistes, anarchistes ou syndicalistes. Le livre a autant de chapitres que de révoltes/révolutions régionales. Il s’ouvre sur les révoltes des marins de Wilelmshaven et de Kiel début novembre 1918, et se termine sur l’épopée du « bandit communiste » Max Hölz en 1922. Dans cette compilation de textes très peu connus, les récits et documents priment sur les analyses. C’est la révolution telle qu’elle s’est faite, et non telle qu’elle aurait dû se faire.

Textes de Karl Artelt, Ernst Däumig, Max Hölz, Karl Jannack, Gustav Landauer, Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg, Richard Müller, Erich Muhsam, Karl Plättner, etc.

Les Nuits Rouges /ISBN : 9782913112537 / 448 pages – 18 €. Rassemblés et présentés par Gabriel KUHN.
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 14 Sep 2017, 20:01

L’anomalie sauvage

Compte-rendu du livre de Christian Ferrié :
Le mouvement inconscient du politique. Essai à partir de Clastres (éd. Lignes, 2017)
Par Ivan Segré (du Laboratoire Autonome d’Archéologie et d’Anthropologie - LAAA)

Le livre que Christian Ferrié a consacré à l’anthropologue Pierre Clastres est en tout point remarquable : écriture limpide, rythme enlevé, connaissance intime des travaux de Clastres, argumentation serrée, profondeur de vue. Comme l’indique le titre de l’ouvrage, il s’agit d’élucider « le mouvement inconscient du politique » ; et comme le signale le sous-titre, ce n’est pas un « essai » sur la pensée de Clastres mais « à partir » de cette pensée, ce qui signifie que Ferrié se propose d’en déplier certains motifs, quitte à risquer des développements « hyperboliques », non au sens de ce qui serait exagéré, mais au sens de ce qui est en excès (du grec huperbolê).

On connaît le principal argument de Clastres, qui donne son titre à son maître ouvrage : La société contre l’Etat. Par « société », il s’agit de désigner les forces sociales centrifuges ; par « Etat », les forces sociales centripètes. La question politique est donc appréhendée sous la forme d’un antagonisme dynamique, et Clastres a montré que la sagesse de tribus amazoniennes - qu’on qualifie de « sauvages » - consistait à prémunir les relations sociales d’une capture par l’Un, d’où la force « centrifuge », au sens d’un mouvement qui met en échec le processus d’unification par l’Etat. Et la « politique centrifuge des sauvages », c’est donc ce que Ferrié appelle « le mouvement inconscient du politique ». Voyons maintenant la distinction entre un essai sur Clastres et un essai à partir de Clastres, et citons Ferrié lui-même :

... https://lundi.am/L-anomalie-sauvage
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 16 Sep 2017, 16:37

La religion libérale

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« La novlangue néolibérale » reparaît augmentée pour tenir compte du renouvellement (faible), du discours dominant depuis l’entrée dans la crise systémique du capitalisme en août 2007. Une nouvelle interrogation surgit. La crise a totalement discrédité les théories néo-classiques sur lesquelles s’appuie le néolibéralisme.

Après le temps du choc, elles restent présentes, latentes souvent, références moins affirmées des politiques économiques. Les justifications changent un peu mais les croyances comme autant de fétiches restent. Alain Bihr construit des explications sur cette résistance. Stimulantes.

Alain Bihr : La novlangue néolibérale. La rhétorique du fétichisme capitaliste, co-édition Page 2/Syllepse.
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 30 Sep 2017, 15:32

Portrait d’une révolutionnaire syrienne

A propos de l’ouvrage De l’ardeur, de Justine Augier
Par Jules Crétois

Dans son dernier livre, De l’ardeur, Justine Augier retrace le parcours militant de l’avocate révolutionnaire syrienne, Razan Zaitouneh. Elle nous éclaire ainsi d’une lumière singulière le processus révolutionnaire syrien et sur les enjeux de la terrible année 2013, pivot de la tragédie.

Depuis décembre 2013, plus personne n’a de nouvelles de Razan Zaitouneh. Cette jeune avocate syrienne a disparu à Douma, dans la banlieue de la Ghouta, en compagnie de trois de ses camarades, parmi lesquelles Samira Khalil, épouse de l’opposant, intellectuel marxiste et ancien prisonnier Yassin al-Haj Saleh, qui témoigne dans De l’ardeur. Dans ce livre, publié en France par Actes Sud en septembre 2017, Justine Augier, auteure et humanitaire, retrace le parcours politique - mais dresse aussi le portrait humain - de l’avocate syrienne et « militante des droits de l’homme », selon l’expression consacrée que l’on retrouve sur la quatrième de couverture de l’ouvrage, Razan Zaitouneh.

Une disparue

Augier se garde de répondre de manière trop abrupte à la question de savoir qui a enlevé Zaitouneh, même si elle suit généralement la position la plus commune sur la question, qui consiste à attribuer cette disparition au groupe salafiste Liwa al-Islam, dont le célèbre leader, Zahran Alloush, est décédé dans un bombardement dans la Ghouta en 2015. Si elle ne cherche pas à enquêter, dès les premières pages en revanche, l’auteure fait comprendre qu’elle essaiera de donner tout au long de son récit une épaisseur aux évènements révolutionnaires et au parcours de Zaitouneh. Sur la question de l’enlèvement, elle écrit ainsi : « La double pratique de la disparition et de l’arrestation est inséparable du régime syrien, figure au cœur du génome. Toutes ces absences contribuent à défaire les liens, à morceler... »

Zaitouneh fascine Augier - elle l’appelle « Razan ». L’auteure précise ainsi qu’en tant qu’avocate et militante, Zaitouneh, pour rencontrer les familles des prisonniers islamistes, des années avant le déclenchement de la révolution de 2011, « pénètre ce monde très conservateur, se rend dans des endroits où aucune jeune femme de la classe moyenne damascène n’a jamais mis les pieds ». Avocate engagée, avec la révolution, Zaitouneh, et devant la férocité de la répression, rentre vite dans la clandestinité : « Elle change de planque dès qu’une arrestation menace de venir à bout des lignes de Défense, parfois plusieurs fois par mois... »

Figure de l’opposition avant la révolution, elle devient rapidement un nom important de cette dernière. Elle débat directement - se brouille même - avec Riyad al-Turk, ex-secrétaire général du Parti communiste syrien et porte-voix de la révolution à l’étranger.

Les plus belles pages du livre sont sans doute celles consacrées à un fait méconnu, qui pourrait paraître être anecdotique, mais bien rendu ici : le choix de se rendre dans les zones libérées. Augier affirme que Zaitouneh a du mal à se résoudre à l’idée de quitter Damas. « Elle doit choisir entre le départ et la réclusion, ne considère même pas - ce que de nombreux opposants trouveront incompréhensible et donc suspect - la possibilité de quitter le pays pour accepter de plus grandes responsabilités auxquelles elle pourrait prétendre. » Elle choisit de se rendre à Douma. « En gagnant les zones libérées, elle va pouvoir vivre et travailler au grand jour, sortir de son isolement, conduire et marcher dans la rue sans avoir peur, être en lien direct avec les rebelles, s’engager dans cette société nouvelle (...) participer à l’invention de la Syrie d’après le soulèvement... » Intimité - Zaitouneh est mariée à un homme à qui Augier prête un rôle majeur -, stratégie, contraintes, espoir... Dans la décision de rester à Damas, rejoindre un pays étranger ou une région libérée, on comprend que les données se multiplient et se croisent.

... https://lundi.am/Portrait-d-une-revolut ... e-syrienne
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 15 Oct 2017, 17:12

LES PRÉDATEURS DU BÉTON

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Vinci c’est 6 363 kilomètres d’autoroutes, 1,4 million de places de stationnement payant dans le monde, des aéroports, des TGV, mais aussi des stades, des hôpitaux, des prisons grâce aux partenariats public-privé (PPP). Derrière une communication centrée sur l’écologie, la responsabilité sociale, l’enquête de Nicolas de La Casinière révèle des pratiques de prédateur qui impose ses méthodes au monde économique et aux collectivités.

Les dirigeants de Vinci vont partie de cette oligarchie décomplexée qui a fait de l’État un marché. Antoine Zacharias, sous sa présidence de 1997 à 2006, a multiplié le chiffre d’affaire du groupe par trois et le résultat net par 21, relevé son salaire de 44% entre 2003 et 2005 : 2 500 euros de l’heure soit 4,2 millions par an, plus 173 millions de stocks options sur 5 ans. À tel point qu’il a été condamné pour « délit d’abus de biens sociaux assis sur un abus de pouvoir ». L’organisation en filiales du groupe, galaxie de petites PME, favorise le dumping sur la main d’œuvre par l’interim et la sous-traitance tout en l’évacuant de l’effectif direct, externalisant les risques, voire l’illégalité. Un salarié sur un chantier Vinci en France peut ainsi être rémunéré 610 euros par mois pour 40 heures de travail par semaine. Dans le même temps, une communication habile défend les valeurs d’humanisme et 15 000 euros sont versé chaque année au Comité contre l’esclavage moderne.

Nicolas de La Casinière revient sur l’histoire complexe des sociétés qui vont donner naissance au groupe Vinci, s’attardant sur celles que l’histoire officielle n’évoque jamais. L’un des fondateurs, Louis Loucheur, plusieurs fois ministre, notamment de la Reconstruction industrielle, fut tour à tour accusé d’être un « profiteur de guerre » puis un « profiteur de paix ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, 80% de l’activité du BTP français est effectué pour le compte de l’Allemagne. Mais, des protections politiques permettront de classer la plupart des poursuites pour collaboration. Pendant les années 1980, les marchés de l’eau, le BTP et les ventes d’armes sont les plus touchés par la corruption, contraignant la Générale des eaux à changer de nom pour devenir Vivendi en 1998. En 2000, celle-ci, pour se concentrer sur d’autres activités, se sépare de la SGE qui fusionne avec la GTM pour devenir Vinci, leader mondial du BTP devant Bouygues.
Le groupe se présente à la fois comme un géant international et comme une constellation de 2 500 entreprises « à taille familiale », faisant semblant qu’elles sont toutes indépendantes, sans préciser qu’elle doivent remonter 6% au groupe. Quatre pôles sont développés : la construction, la route, l’ingénierie électrique et les concessions (autoroutes, parking, aéroports, ponts.)… Si ces dernières ne produisent que 12% de chiffre d’affaires, elles régnèrent 46% des profits en 2012.
Avec les plans d’austérité imposés aux pays du sud de l’Europe, Vinci absorbe les 10 aéroports portugais.
« Le marché des autoroutes relève d’un capitalisme d’accointance. Une exception française. Après avoir imposé le système du péage, l’État a privatisé ses investissements, organisant la captation de latente au profit de quelques grands groupes. » Les bénéfices d’ASF, par exemple, vont bondir de 78% en six ans.

La distinction entre sponsoring et mécénat est avant tout fiscal. La loi Aillagon de 2003 va au-delà des recommandations du très libéral Institut Montaigne, encourageant les fondations, concurrentes de l’action des collectivités publiques, en défiscalisant 60% des sommes allouées au mécénat tout en autorisant l’entreprise à afficher toute visibilité voulue. Vinci saura utiliser cet outil de communication, se construisant une réputation tout en allégeant ses impôts ! 15 millions d’euros pour restaurer la Galerie des Glaces du châteaux de Versailles par exemple qui l’autorisent à s’autoproclamer « grand mécéne du Ministère de la Culture ». Pour contrebalancer sa réputation de bétonner, il est le premier financer de la Fondation de Nicolas Hulot.
Par ailleurs, le groupe finance également des associations d’insertion surtout dans les métiers directement utilisables et étale ces coups de main vertueux qui sont tout simplement imposés par les clauses d’insertions sociales du code des marchés publics. Le recours à ces salariés particuliers relève donc de la stratégie, pas de la bienfaisance. Il s’agit de faire avaler des grands travaux impopulaires à des populations rétives par des « dépenses assurantielles », des « techniques d’acceptabilité » « face à un risque de non-adhésion qui pourra bloquer la réalisation de l’équipement et engendrer des coûts bien plus élevés. »
Vinci, leader du béton et du bitume, veille à « verdir » artificiellement son image en utilisant le grennwashing, à grand renfort de chartes éthique sprintant les « solutions à valeur ajoutée environnementale », les « écoconceptions soucieuses du cycle de vie des constructions »,…

L’auteur termine son enquête par les Partenariats Public-Privé qui transforment les services publiques en espace de profits.

Vinci, profitant du retrait de la puissance public, a érigé en système le pillage des usagers et des citoyens. En quelques pages, Nicolas de La Casinière décortique les ressorts de ce « prédateur de haute volée. » Instructif !

LES PRÉDATEURS DU BÉTON
Enquête sur la multinationale Vinci
Nicolas de La Casinière
114 pages – 8 euros
Éditions Libertalia – Collection « À boulets rouges » – Paris – Septembre 2013
http://www.editionslibertalia.com/

https://bibliothequefahrenheit.blogspot ... .html#more
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 20 Oct 2017, 18:36

NOUS NE FERONS PAS MARCHE ARRIÈRE

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Un collectif de militants traducteurs marseillais a recueilli des témoignages de migrants et de militants à Vintimille pour que la barrière de la langue ne soit plus une frontière mais un outil de communication, de lutte contre la frontière.

L’espace Schengen est instauré en 1990 mais la liberté de circulation est restée limitée aux marchandises et à une certaine catégorie de la population : les résidents européens. Pourtant, les États de l’Union européenne percevant l’immigration comme une menace, certaines frontières internes sont restaurées et font de nouveau l’objet de contrôles fixes et systématiques. Pour bloquer les flux migratoires avant leur arrivée en Europe et surtout avant leur départ, des accords sont conclus avec le Maroc, la Libye, la Turquie (qui doit toucher 6 milliards), afin de créer des camps de rétentions. C’est une externalisation des frontières. La procédure de Dublin contraint les personnes désirant demander l’asile en Europe à le faire dans le premier pays où elles sont contrôlées. Peu souhaitent rester sur les côtes où elles débarquent, en Italie ou en Grèce, préférant gagner l’Allemagne ou l’Angleterre. Beaucoup choisissent de se brûler les doigts pour rester maître de leur destin.

Comme le centre d’accueil de la Croix-Rouge collecte les empreintes, un deuxième lieu se constitue à Vintimille : le Presidio permanente No Border Ventimiglia, espace autogéré de solidarité, de complicité et de lutte, qui dépasse le modèle assistancialiste de la Croix-Rouge. Les récits expliquent le soulagement inespéré d’être enfin « traité comme un être humain par d’autres êtres humains », de ne plus devoir sans cesse faire la queue pour obtenir quelque chose. Tout n’est pourtant pas idyllique et les auteurs ne cachent nullement les problèmes et les difficultés, bien au contraire. Ainsi lorsqu’un viol survient, ils relatent qu’une partie du Présidio, soucieuse de préserver l’image du campement, aura une réaction qui s’inscrit dans la « culture du viol ». Ils expliquent comment le système de dominations entrecroisées de race, de genre et de classe dans lequel nous vivons doit se combattre globalement : « affronter l’une de ses dominations, c’est se confronter à toutes les autres ».
Ils montrent également comment la militarisation de la frontière organise la répression sur une base essentiellement raciste : contrôles au faciès, arrêté interdisant la distribution de nourriture par mesure d’hygiène, les postes de police français tenus d’enclencher les demandes d’asile, raccompagnent les demandeurs à la frontière, sachant pertinemment qu’ils ne pourront se rendre au rendez-vous. L’État italien a recours aux interdictions de territoire pour éloigner les militants. En France, ils sont poursuivis pour « aide à l’immigration illégale ».
L’expérience, débutée en juin 2015, se termine le 30 septembre par l’évacuation et le démantèlement du campement par la police. Les migrants trouvent désormais refuge dans les églises. Celle de San Antonio de Roverino en accueille plus de mille.
Alfano, le Ministre de la Justice italien, va s’employer à évacuer le secteur de Vintimille, recommandant « un usage proportionné de la force » pour prendre les empreintes. Dès lors, les tentatives de passage vont se déplacer de la mer à la montagne, vers la vallée de la Roya. Plusieurs centaines d’habitants, sur les 7 000, s’impliqueront à différents degré pour aider.
En juin 2016, dans le cadre d’une manifestation, pour une vélorution sans frontière, l’ancien poste de douane de Fanghetto est occupé quelques jours. Une pancarte explique : « Apprenons à vivre ensemble comme des frères ou nous mourrons seuls comme des idiots ».
L’arrestation le 13 août de Cédric Herrou, rapidement devenu symbole de la lutte, donne une ampleur internationale à l’exposition médiatique.

Les nombreux extraits de témoignages donnent une réelle épaisseur vécue à ce brut rappel des faits. Les paroles que l’on retrouve, page après page, donnent un visage à ces anonymes, au-delà de leur nombre et de leur provenance.
Ils permettent aussi de comprendre les différentes approches militantes. L’association Roya Citoyenne recherche la médiatisation pour faire passer des discours de solidarité, ce qui renforce aussi la surveillance et rend les passages plus difficiles. Elle veut pousser l’État à assumer ses responsabilités.
Les No Border sont contre les frontières et contre l’État. Ils prennent des décisions collectivement en assemblée et s’auto-organisent, sans faire appel aux collectivités. Leur réflexion est plus politique, plus radicale, plus structurelle.
Les deux tendances se retrouvent pourtant dans la solidarité et sa mise en pratique individuelle. Ils cohabitent et collaborent la plupart du temps car c’est surtout leur objectif à long terme qui les différencie : améliorer le système existant ou le changer en bouleversant l’organisation sociale.

Expliquer en donnant la parole, tel est l’ambition de ce tout jeune éditeur. L’exercice est une fois de plus réussi.

NOUS NE FERONS PAS MARCHE ARRIÈRE
Lutte contre la frontière franco-italienne à Vintimille
Lucia Le Maquis
218 pages – 7 euros
Niet ! Éditions – Le Mas d’Azil – Juillet 2017
http://www.niet-editions.fr/
L’intégralité des entretiens et textes utilisés se trouve sur le site du collectif :
https://maquistraductions.wordpress.com ... ntretiens/

https://bibliothequefahrenheit.blogspot ... .html#more
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Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 01 Nov 2017, 19:23

Essai : La Novlangue néolibérale

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«  Le discours politique est destiné à donner au mensonge l’accent de la vérité.  » Le livre d’Orwell 1984 n’a rien perdu de son acuité tant on voit fleurir chez les professionnels de la politique une langue et un vocabulaire nouveaux, leur permettant de faire passer une chose pour son contraire. Mais, bonne nouvelle, Alain Bihr fournit des outils pour analyser la manière dont le pouvoir politique manipule le langage et les mots de manière à nous empêcher de développer une pensée subversive. Si nous ne pensons que dans les mots, le maître des mots est maître de la pensée...

On voit par exemple dans le livre comment la part socialisée du salaire devient une «  charge sociale  », la faisant ainsi passer pour un surcoût sans aucun lien avec le salaire. La «  liberté  », elle, n’alimente aucune pensée de l’émancipation dans les discours politiques dominants, mais sert au contraire à faire l’apologie de la soumission au capital et à l’État. Le livre se présente sous la forme d’un index dont chaque entrée analyse un des principaux concepts dont le sens a été soit inversé (il désigne alors le contraire de son sens originel) soit oblitéré (son usage émancipateur a été rendu impossible).

Livre universitaire fondé sur une grille d’analyse marxienne, il pourra paraître parfois difficile d’accès pour qui n’est pas initié à la critique de l’économie politique de Marx, que cela soit par le biais de l’université ou d’une structure militante.

Mais si la rigueur et la profondeur de l’analyse ne rebutent pas, quitte à accepter de ne pas tout comprendre immédiatement (il se peut qu’un concept non explicité dans une entrée le soit dans une autre), on trouvera dans chaque entrée de ce livre de quoi déjouer la langue du capital et des États.

Ce travail peut être utile pour le syndicaliste amené à expliquer une loi, par-delà les termes employés par le pouvoir pour la promouvoir, et lui permet d’encourager, au sein de son syndicat, la réappropriation d’un vocabulaire subversif qui a disparu totalement des discours politiques dominants et, malheureusement, également parfois des milieux militants, pollués contre leur grès par la « novlangue néolibérale ».

Plus qu’un simple dictionnaire critique, ce livre contient des analyses sociologiques rigoureuses qui permettent d’expliquer l’histoire des crises du capitalisme («  Crises  »), ainsi que leur lien avec l’endettement des États («  Dette publique  ») et la crise écologique («  Capitalisme vert  ») tout en revenant sur des concepts forts du libéralisme politique («  Liberté  », «  Egalité  », «  Flexibilité  », «  Société civile  »...) ainsi que sur des buzz-concepts médiatiques servant la soupe à la droite et l’extrême droite («  Insécurité  »).

Se terminant sur un «  petit dictionnaire des idées reçues du néolibéralisme  », l’ouvrage permet également de se former avec humour à l’usage de la novlangue en apprenant à manier le sens et le ton du langage du pouvoir pour mieux le tourner en dérision.

En somme, un livre bien stimulant qu’on peut consulter comme un dictionnaire et qui nous sera bien utile dans nos syndicats !

Bernard Gougeon (AL Tarn)

• Alain Bihr, La Novlangue néolibérale, Paris, Syllepse, 2017, 344 pages, 18 €


http://www.alternativelibertaire.org/?E ... eoliberale
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