Chroniques et présentations livres

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 13 Nov 2016, 16:21

Le petit livre noir des grands projets inutiles

Image

LE PETIT LIVRE NOIR DES GRANDS PROJETS INUTILES

Toutes les heures, en France, 10 hectares de terres agricoles sont artificialisés, soit l’équivalent d’un département tous les 7 ans. Les discours politiques emprunt de bons sentiments écologiques cachent souvent une folie des grandeurs écocide, énergivore et dispendieuse. Le Grenelle de l’environnement aura été le summum de cette duplicité institutionnelle. La crise économique n’a nullement ralenti l’investissement public, utilisé pour « stimuler la croissance ».

Un kilomètre d’autoroute coûte 10 millions d’euros. Alors que la France est l’un des pays les mieux doté en infrastructures de transport, chaque nouvelle construction n’est qu’un gain de vitesse, souvent dérisoire par rapport aux coûts faramineux. Il n’y a plus de région enclavée.

L’usage des Partenariats Publics/Privés qui offrent une solution au surendettement public, débouche toujours sur un alourdissement des coûts pour la collectivité.

Les projets de l’autoroute A65 entre Langon et Pau, l’aéroport Notre-Dame des Landes, la L.G.V. Lyon-Turin, postulent tous sur des prévisions de trafics irréalistes.

Le choix de la construction de ces équipements augmente la fracture économique, en subventionnant le mode de vie des plus aisés et pénalisant les autres (dégradation des petites lignes utilisées au quotidien pour aller travailler au profit des lignes TGV pour mettre les week-ends à Biarritz à 3 heures de Paris).

Les auteurs, réunis et cachés sous le pseudonyme collectif « Camille », recensent ensuite un certain nombre de Grands Chantiers Inutiles Imposés (G.P.I.I.).

Le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville, décidé en 1976 par Valéry Giscard d’Estaing, a coûté 13 milliards d’euros. Les nombreuses défaillances techniques ont conduit à son arrêt en 1997. Il n’est aujourd’hui démantelé qu’à 53%.

Le montant des travaux de la centrale nucléaire E.P.R. de Flamanville a dépassé 8,5 milliards d’euros. Outil de prestige pour appâter les clients étrangers, il n’est pas suffisamment innovant pour convaincre.

Après 50 ans de recherches, l’objectif d’I.T.E.R. semble inatteignable : contrôler une réaction de fusion pour produire 10 fois plus d’énergie qu’il n’en consomme… pendant 6 à 7 minutes !

Pour alimenter le centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure à 500 mètres sous terre, les riverains verraient passer deux trains de 10 wagons par semaine pendant 125 ans. La ventilation des 220 kilomètres d’alvéoles et les 15 km2 de galeries rejetterait des gaz radioactifs à la surface. La Cour des comptes doute du chiffre de 35 milliards annoncés pour sa construction tant sont encore floues les quantités à enfouir.

Mis en service en 1978, les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim ont depuis longtemps dépassé les 30 ans d’activité prévus à l’origine.

Les six semaines de guérilla populaire, pierres contre fusils, ont fait reculer le lobby nucléaire à Pogloff en 1980.

Le projet ne l’aéroport de Notre-Dame des Landes ne pourrait se faire qu’en infraction avec la loi sur l’eau.

Alors que la ligne actuelle est suffisante et sous-exploitée, utilisée seulement à 17% de sa capacité fret, le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin est estimé à plus de 26 milliards par la Cour des comptes.

Les projets de lignes T.G.V. Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne proposent encore de satisfaire dans 10 ans moins de 10% des usagers de la S.N.C.F., les voyageurs de T.G.V., au lieu de satisfaire rapidement 90% des voyageurs quotidiens.

Au-delà des projets des autoroutes Marseille-Grenoble et Lyon-Saint-Étienne, du contournement est de Rouen, du prolongement de la Francilienne, de la Route Centre Europe Atlantique, de la nouvelle route du littoral à la Réunion, c’est celui de l’autoroute Pau-Langon, l’A65, qui bat tous les records d’inutilité. Elle aura mobilisé des efforts rhétoriques pour être qualifiée de « première autoroute grenello-compatible ». Ce quatrième axe reliant Bordeaux à Pau aura coûté 10 fois plus que l’autoroute reliant Nairobi à Dar-es-Salaam, capitales du Kenya et de la Tanzanie, réunissant 80 millions d’habitants !

Le contournement ouest de Lyon propose de désengorger le tunnel sous Fourvière bien que les études montrent que 85% de ce trafic est local !

Le projet Ramery, dit des 1 000 vaches, n’est justifié que par une course effrénée au profit. En effet, la production de lait en France est suffisante et les pâturages ne manquent pas.

Sont également évoqués le projet Europa City, annoncé par le groupe Auchan comme le plus grand centre commercial du monde, le stade des Lumières à Décines, la tour Triangle, la méga-scierie-incinérateur de Sardy-les-Épiry, l’incinérateur de Clermont-Ferrand et la gare de Stuttgart.

S’appuyant sur des initiatives locales développées à partir de petits territoires, la transition propose une vision optimiste en choisissant de passer à l’acte pour changer de modèle.

Les luttes contre certains G.P.I.I., fédérées en Zones À Défendre (Z.A.D.), sont un pied de nez au Zones d’Aménagement Différé.

Repliés sur la sphère privée, laissant vacant l’espace démocratique, les citoyens ont laissé l’État et l’entreprise définir un projet de société où ils étaient réduits au simple rôle de consommateur-producteur-spectateur.

Partout se lève une contestation qui a su tirer les leçons du militantisme pyramidal.

Catalogue non exhaustif de grands travaux représentatifs des plus inutiles. L’exposé de chacun est concis mais pertinent même si bien sur tous mériteraient un livre à part entière.

Les contre propositions des auteurs ne sont pas le propos de l’ouvrage. Par manque de développement, elles n’ajoutent souvent rien et pourront parfois paraître un peu ridicules (« Alors que le solaire a fait ses preuves » !).

Bon panorama des principaux projets inutiles et nocifs, qui fournira quelques premiers arguments de contestation. Sont ici démontrés l’iniquité de bien des décisions politiques, le pouvoir de nuisance des grands lobbies industriels (sans trop de détails) et aussi la difficulté à imposer une contradiction au nom du bon sens.


LE PETIT LIVRE NOIR DES GRANDS PROJETS INUTILES
Camille
130 pages – 7 euros.
Éditions Le Passager Clandestin – Neuvy-en-Champagne – juillet 2013
http://www.lepassagerclandestin.fr/


http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... .html#more
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 20 Nov 2016, 21:17

Comment se fabrique l’hégémonie de l’humanité mâle ? – Nicole Roelens

Ce livre présente un condensé de la situation actuelle et planétaire d’asservissement de la moitié de
l’humanité sexuée femelle par l’autre moitié sexuée mâle. Cette situation qui concerne, à des degrés
variables, les 3,6 milliards d’humaines, est le fruit d’un processus de colonisation sexiste qui a été
décrit sous plusieurs angles dans les tomes précédents. Il est abordé ici sous un angle neuf, celui
du processus de fabrication de l’hégémonie de l’humanité mâle. En réalité, les humains sexués sont
interdépendants. L’humanité mâle dépend au moins autant de l’humanité femelle que l’inverse.
Pourtant, elle impose sa suprématie. Par quels moyens ? C’est ce que l’ouvrage décrypte très
concrètement, en suivant pas à pas, les transformations-falsifications successives des rapports
sexués d’interdépendance, comme on suit la transformation d’une matière première le long d’une
chaîne de production industrielle. L’acte 1 consiste à falsifier le réel de la double sexuation pour
fabriquer une virilité hégémonique fictionnelle et une féminité supplétive castrée. Chacun des
autres moments de cette chaîne de fabrication va ajouter une nouvelle étape dans la production du
pouvoir machiste d’exploitation des humaines. L’exercice de ce pouvoir implique un usage
systématique, subconscient, judicieux et gradué d’une palette de violences à l’encontre des femmes.
Ce descriptif précis de la fabrication collective de l’hégémonie des mâles permettra de baliser la
démarche autogérée et transnationale de décolonisation qui fera l’objet du tome 6.

L’auteure se définit comme analyste des interactions et éco-féministe. Son expérience de
psychologue clinicienne du travail et de la formation l’a amenée à présenter une thèse en 96, sur les
blocages contemporains dans l’intégration des nouvelles générations, intitulée : La crise de
l’habilitation intersubjective à l’existence sociale. Parmi ses publications, il y eut, en 2000,
Intoxication productiviste et déshumanisation des rapports humains qui analyse les processus de
disqualification en chaîne et de violence au travail. En 2003, Interactions humaines et rapports de
force entre les subjectivités qui traite des antagonismes inévitables dans l’interprétation du monde
et dans la construction de la réalité. Depuis 2005, elle s’attache à observer l’oppression la plus
massive, la plus cachée et la plus déterminante quant au devenir de l’humanité qui est celle de la
colonisation de l’humanité femelle. Nicole Roelens est aussi militante antinucléaire, artiste, mère et
grand-mère, libertaire et amoureuse de la vie.

L’Harmattan, Collection « Logiques Sociales » dirigée par Bruno Péquignot – 18 euros 50

https://marchemondialedesfemmesfrancedo ... 2b0324.pdf
Avatar de l’utilisateur-trice
Lila
 
Messages: 2322
Enregistré le: 07 Mar 2014, 12:13

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 04 Déc 2016, 21:41

La pratique féministe en récits

Un livre écrit à vingt-deux mains aborde le sujet des agressions sexuelles en milieu militant. Au cours de textes passionnants, il explicite les références théoriques féministes qui auront été utile à leur combat.

Le point de départ du livre est une agression sexuelle : lors du rassemblement d’un réseau d’éducation populaire, une membre a été agressée par un autre. Suite à cette attaque, qui fait hélas partie de l’histoire répétée des « groupes anticapitalistes », les onze femmes du collectif d’écriture ont décidé de politiser ce qui est supposé être une « affaire privée ». Elles ont choisi de « faire classe » contre les violences masculines. Elles déroulent alors un témoignage et une analyse des plus utiles, avec toute la complexité et le caractère éprouvant d’une telle démarche.

Dans une « situation limite » pareille : que faire ? qui est responsable ? coupable ? une mise à plat ne risque-t-elle pas de fragiliser ou de discréditer le réseau ? doit-on faire appel au droit ? quels sont les enjeux respectifs dans la mixité du réseau et dans la non-mixité du collectif-écrivain ? quelles sont les conditions structurelles et internes au réseau qui ont facilité l’agression ? Quelles résistances masculin(iste)s se déploient contre la dénonciation des violences ? Voilà quelques-unes des questions, lourdes d’implications, auxquelles le collectif s’est confronté.

Les récits – quasi 300 pages – sont d’une grande lisibilité et sans jargon prétentieux. Des apartés introduisent les méthodes utilisées en éduc’ pop’ : le débat en pétales, l’entraînement mental, les cadeaux de lecture, l’enquête conscientisante, etc. Les auteures montrent les points d’appui qui leur ont permis de gagner en force ; par exemple, la présence d’alliées ressources hors du réseau : AVFT, Questions d’égalité, ASSPA. Elles leur donnent la parole ici sous forme d’interviews. Et au sein des différentes parties, de courts récits autobiographiques viennent compléter et expliquer le « Pourquoi féministe ? » de chacune des participantes : Alexia M., Emilie Viard, Marie C., Diane K., Annaïg Mesnil, Natacha R., Katia Storaï, Cécilia G., Mélo P. G., Tiffanie D., Audrey P.

Le cadre théorique est celui du féminisme matérialiste, mais avec quelques échappées, entre autres, vers Butler ou Federici. Et, à travers le récit du combat mené, c’est finalement un outil pédagogique qui se dessine, avec des synthèses sur le droit, sur des textes éclairants, ou sur des concepts clés – genre, matérialisme, intersectionnalité, etc. L’ouvrage, qui mêle abondement pratique, théorie et vécu, est particulièrement tonifiant. Sa force est de proposer des réponses concrètes et des outils de réflexion.

Jusqu’à présent, à ma connaissance, il n’existait pas d’outil propre à l’éducation populaire spécifiquement sur le féminisme. Ce manque, révélateur, est désormais comblé. Le livre est indispensable pour les réseaux d’éduc’ pop’, certes, mais aussi pour l’ensemble des militantes et militants de gauche.

Yeun (ami d’AL)

• Collectif, Éducation populaire & féminisme – Récits d’un combat (trop) ordinaire. Analyses et stratégies pour l’égalité, éditions La Grenaille, 2016. Commandez-le pour 20,60 euros (chèque à l’ordre de La Trouvaille) : La Trouvaille, 11, square de Galicie, apt 4293, 35200 Rennes.


http://www.alternativelibertaire.org/?L ... ministe-en
Avatar de l’utilisateur-trice
Lila
 
Messages: 2322
Enregistré le: 07 Mar 2014, 12:13

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Pïérô » 08 Déc 2016, 22:10

LIVRE – Chômage, précarité: Halte aux idées reçues!

Coordonné par Jean-François Yon
COLLECTIF
Préfacé par Ken Loach

Image

Les vingt-cinq organisations réunies dans ce livre ont en commun de lutter, chacune dans leur domaine, contre le chômage et la précarité, ces réalités qui minent la société française depuis plus de quarante ans. Dans le prolongement de leur action, elles prennent ici la plume pour contrecarrer idées reçues et contrevérités, présenter des expériences novatrices et montrer le vrai visage des chômeurs, victimes et non coupables, mais surtout acteurs et citoyens engagés de notre société. Une invitation à la solidarité pour multiplier les initiatives et porter ensemble, grâce à une large mobilisation citoyenne, un véritable changement !

Un ouvrage coordonné par Jean-François Yon et écrit avec Agnès Willaume.

Militant et responsable associatif, Jean-François Yon a notamment été président, de 2004 à 2010, du Mouvement national des chômeurs et précaires ; il a également été à l’initiative de la création d’une des associations locales de ce mouvement, à Vannes en 1994, « Ensemble contre le chômage ».

Traductrice de formation, Agnès Willaume travaille dans l’édition depuis une dizaine d’années. Elle est également chargée de communication dans un mouvement d’éducation populaire.

Ken Loach a reçu la Palme d’or à Cannes en juin 2016 pour son film Moi, Daniel Blake, qui retrace le parcours du combattant des chômeurs et précaires au Royaume-Uni.

ORGANISATIONS PARTENAIRES :
AC !, ADIE, APEIS, APF, ATD-Quart Monde, ATTAC, CFE-CGC, CGT, CIP, CNIDFF, le mouvement Colibris, Collectif Roosevelt, Coorace, Crepi, DAL, Emmaüs France, FNARS, France terre d’asile, JOC, MNCP (et les Amis du MNCP-PARTAGE), Pacte civique, Secours catholique, SNU PE-FSU, Solidaire

http://www.droitaulogement.org/2016/12/ ... es-recues/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 10 Déc 2016, 16:45

"Rébellion et désobéissance, la Coopérative intégrale catalane",
d'Emmanuel Daniel

Image

« L’histoire commence il y a dix ans, quand un activiste catalan dérobe 500 000 euros à une quarantaine de banques pour les reverser à des mouvements sociaux. De cette action de désobéissance civile naîtra une des expériences d’autogestion parmi les plus importantes et intrigantes du moment en Europe. Avec 2 000 membres, un budget d’un demi-million d’euros et 70 personnes payées pour construire les bases d’un nouveau monde, la Coopérative intégrale catalane est un mastodonte de l’alternative. Santé, logement, éducation, transport… Les membres multiplient les initiatives concrètes pour établir leur autonomie localement et inventer un autre modèle. »

Le vieux monde est en train de mourir. Emmanuel Daniel raconte les expériences de celles et ceux qui tentent de créer celui qui viendra le remplacer. Il est l’auteur du Tour de France des alternatives (Seuil / Reporterre, 2014) et écrit notamment pour le site Reporterre, le quotidien de l’écologie.

Ateliers Henry Dougier, 128 pages, 12 euros. Diffusion Le Seuil.
Pour le commander : https://www.librairie-publico.com/spip.php?article1984

https://utoplib.blogspot.fr/2016/12/la- ... ne-un.html
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 13 Déc 2016, 17:34

Cooperatives confront capitalism

Image

Ce livre de Peter Ranis, professeur émérite en sciences politiques au Graduate Center of the City University of New-York, écrit en anglais et paru aux Éditions Zed books, a un titre extrêmement proche du livre que j’ai rédigé, « Coopératives contre capitalisme » paru aux Éditions Syllepse. Ces deux livres interrogent le potentiel transformateur des coopératives de travail – que nous appelons Scop en France – partant chacun d’expériences diverses se déroulant, pour le livre de Peter, dans les Amériques et pour moi, en Europe. Si le phénomène des entreprises récupérées argentines nous est familier en Europe, le témoignage qu’il apporte sur le développement récent des coopératives de travail aux États-Unis et à Cuba vaut largement la lecture du livre en tant que tel. Si on assiste à quelques expériences de récupérations d’entreprises aux États-Unis (par exemple New Era Windows à Chicago), la majeure partie de ces initiatives sont des créations ex nihilo qui ont été initiées par des travailleurs licenciés et souvent soutenues par les collectivité locales au titre de la revitalisation industrielle. À Cuba, le fait coopératif est désormais directement soutenu par le parti communiste au pouvoir qui, dans le contexte de la normalisation avec les États-Unis et l’afflux prévisible des capitaux étrangers, y voit une alternative qui sera mieux capable de résister au capitalisme que le socialisme d’État aujourd’hui dominant.

La proposition politique centrale de l’auteur est la mise en œuvre de l’expropriation (eminent domain). Face à des groupes multinationaux qui ferment des unités de production, laissant derrière eux chômage et désespérance sociale, Peter Ranis défend l’expropriation à l’initiative de l’État fédéral, des États et même des collectivités locales. Exemples réels à l’appui, il démontre que l’expropriation est totalement constitutionnelle et se justifie au nom du bien commun. Le cinquième amendement de la constitution étasunienne confirme cet aspect lorsqu’il stipule que ce droit constitutionnel – parmi d’autres – ne doit s’appliquer que s’il y a « juste compensation » (just compensation) pour l’exproprié. Lorsqu’un groupe ferme une unité de production, le politique est alors totalement fondé à préempter l’usine afin d’y maintenir les emplois. N’était-ce d’ailleurs pas l’objectif de la loi Florange qu’avait formulée le candidat Hollande ? Celle-ci prévoyait que si un groupe ferme une unité de production, celui-ci doit alors rechercher un repreneur et s’il y en a un, doit la céder. Cette promesse n’a jamais été tenue ou tout au moins dans une version tellement édulcorée qu’elle en est inexistante : c’est l’absence de cette loi qui explique que le groupe UPM ait pu fermer la papeterie de Docelles en interdisant à ses 160 salariés de reprendre une activité pourtant non concurrente. Certains expliquent que cette promesse aurait été retoquée par le Conseil constitutionnel car non conforme au droit de propriété. Si tel est le cas, cela nous pose l’urgence de revoir notre constitution et d’y intégrer cette dimension : pourquoi, ce qui est possible dans la constitution du premier pays capitaliste du monde, ne le serait-elle pas chez nous ?

La question de la compensation financière est un débat en soi. Dans les discours les plus radicaux, on fait valoir que l’expropriation doit se faire sans indemnité ni rachat, sachant que la valeur comptable de l’entreprise a essentiellement été réalisée par les profits accumulés et que ceux-ci sont le produit de l’exploitation des travailleurs. Très souvent, les apports nets des actionnaires – apports en capital diminués des dividendes – sont même négatifs. Cette position est donc totalement fondée mais c’est sans doute le rapport de force qui fera valoir ce point de vue : il faudrait que les salariés désobéissent à la direction de l’entreprise et reprennent le contrôle de celle-ci pour que la propriété privée soit remise en cause sans avoir versé quoi que ce soit. C’est tout simplement le scénario du grand soir… Aura-t-il lieu un jour ?

Il y a une autre façon, plus pragmatique, d’aborder cette question. C’est celle de cette promesse mort-née de loi Florange que nous venons d’évoquer qui veut que la compensation soit égale au prix que quelqu’un est prêt à payer en sachant que s’il n’y a qu’un seul repreneur, celui-ci dictera son prix, l’entreprise devant obligatoirement la céder. Donc, si un seul collectif de travailleurs veut reprendre l’unité de production, il y a fort à parier que le prix ne sera pas important. Les travailleurs de Docelles proposaient 3 millions d’euros à la multinationale UPM pour la papeterie dans un contexte d’absence de loi Florange. En terme de coût d’achat, celle-ci valait bien sûr plus mais sa valeur actuelle est toujours le prix que quelqu’un est prêt à payer. C’est une problématique qui a aussi été abordée dans « Coopératives contre capitalisme » : la valeur d’une société de capitaux est égale à la somme de la valeur actualisée de ses dividendes futurs correspondant à une opinion moyenne du marché. Si l’entreprise ne se voit pas capable de dégager des flux de trésorerie d’une unité de production, il préfère alors la fermer et ce, même si celle-ci est utile pour la société. Quelle est sa valeur ? Pas grand-chose, en tout cas certainement pas sa valeur comptable. Il est donc juste d’exproprier en cas de fermeture d’unité de production pour permettre aux travailleurs de conserver leur travail ou de réindustrialiser la zone économique. S’il doit y avoir une indemnisation, puisque prévue par la constitution américaine, celle-ci ne peut pas être importante.

Nos deux livres partent a priori de deux approches différentes. Dans le mien, la reprise en coopérative est vue comme un processus d’aboutissement de la lutte de classes : la hausse de la part des salaires dans la valeur ajoutée détruit la valorisation des sociétés de capitaux et c’est la transformation de celles-ci en unités autogérées par les travailleurs qui conclura cette lutte. Dans celui de Peter, c’est le capitalisme qui agresse les travailleurs et les communautés locales en fermant des unités de production, souvent pour délocaliser, pour rechercher une force de travail moins chère. Mais dans les deux cas, la transformation coopérative est le résultat d’une situation dans laquelle le capital ne peut plus exploiter comme avant.

Je terminerai par une réflexion générale sur les multinationales qui sont clairement abordées dans le livre de Peter. On reproche souvent à la reprise en coopérative d’être cantonnée à des petites unités de production et jamais à des multinationales. La perspective que brosse Peter Ranis est celle du maintien d’activités que les multinationales ne veulent plus réaliser. L’organisation de ces activités est alors confiée au collectif de travailleurs et souvent suscitée par les collectivités locales. Est-ce que cela ne préfigure pas une nouvelle société dans laquelle les besoins humains seraient à l’origine de l’activité économique ? Dans un tel cas, l’organisation des unités de production entre elles sera forcément différente – déterminée par des besoins sociaux – de celle des multinationales dont l’objectif est de conquérir des parts de marché. La socialisation d’une multinationale a-t-elle encore un sens ? Ne devrions-nous pas nous interroger sur leur démantèlement ?

Avec une approche très différente de la mienne, le livre de Peter Ranis confirme que les coopératives de travail constituent un horizon politique pour la classe salariée, une nouvelle forme d’expression de cette classe dans le contexte d’un capitalisme qui laisse des pans entiers de la population dans le chômage et la misère. En filigrane, la possibilité d’une autre économie basée sur la décision politique. Un livre qui mériterait sans doute d’être traduit et publié en français…



Cooperatives confront capitalism,
Challenging the neoliberal economy,
Peter Ranis,
Zed Books, London – zedbooks.net
Politics / Economics
ISBN 978-1-78360-649-8
171 pages

http://www.autogestion.asso.fr/?p=6442
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 18 Déc 2016, 18:50

Préserver les acquis et développer les droits des femmes

Image

Égyptiennes, Libyennes, Palestiniennes, Irakiennes, Syriennes et Yéménites… Comme le rappellent Ghaïss Jasser, Amel Mahfoudh, Feriel Lalami et Christine Delphy, « Aux cours du XXe siècle, elles ont participé aux luttes d’indépendance, à l’opposition aux régimes autoritaires, à la construction de la démocratie partout où cela a été possible et, finalement, à l’intégration de « la question femmes » dans les agendas politiques ». Les auteures soulignent que la lutte féministe dans les pays arabes, comme dans le reste du monde, fait pleinement partie de la lutte politique. J’ajoute que toute lutte politique n’incluant pas les femmes et le féminisme ne peut-être que parcellaire et de ce fait incapable de poser l’émancipation de toutes et tous. Les auteures ajoutent qu’il convient de « comprendre comment les logiques patriarcales marginalisent, voire excluent les femmes de l’espace public et politique ».

Luttes féministes et luttes anti-coloniales, émergence des mouvements de femmes et imbrication avec les mouvements nationalistes, « Mobilisées pour l’indépendance de leurs pays, elles avancent dans le même temps les questions de la suppression du voile, de l’éducation des filles, du droit de vote des femmes et de changer les lois du mariage et du divorce », solidarités entre femmes des différentes régions, rencontres internationales, défense de la Palestine…

Instrumentalisation de la cause des femmes par les régimes totalitaires prétendument laïcs, port du foulard comme signe d’opposition au régime… « L’islamisme aussi instrumentalise la cause des femmes en dénigrant et en rejetant les quelques droits acquis concernant en particulier le travail et la famille ». Sans oublier dans les versions les plus rigoristes et/ou réactionnaires la transformation de « leur statut personnel en huis clos », les discours sur l’ordre moral « dont les premières victimes sont les femmes et leurs libertés »…

Comme le soulignent Ghaïss Jasser, Amel Mahfoudh, Feriel Lalami et Christine Delphy « les régimes autoritaires et l’islamisme constituent un double infernal ».

Pouvoir des organismes internationaux et des bailleurs de fonds, transformation des associations féministes en ONG sociales, processus de dépolitisation rampant, professionnalisation et ONGisation, suppression des espaces non-mixtes et indépendants. Les auteures insistent sur les logiques patriarcales dans les espaces de luttes mixtes, « En hiérarchisant les engagements, la cause des femmes est exclue de cet objectif politique et devient un but secondaire dont on s’occupera plus tard ». Une ritournelle bien connue… qui implique de ne pas prendre en compte les « contradictions de sexe » ou des « intérêts antagoniques » des hommes et des femmes, « l’oppression spécifique des femmes est invisibilisée »…

Dans ce numéro sont, entre autres, abordés : la place donnée aux femmes et à la cause féministe dans les luttes politiques ; la question de la domination masculine exclue du « champ conceptuel du politique » ; l’idéologie de la complémentarité contre l’égalité ; les explications sociale et politique des violences exercées contre les femmes loin de tout naturalisme, « Les agresseurs ne sont pas travaillés par des « pulsions animales », ils savent très bien ce qu’ils font : ils barrent la route à toute participation des femmes aux débats politiques et, a fortiori, à toute inscription des « questions femmes » à l’agenda politique, révolutionnaire ou non… »

Je n’aborde que certaines analyses et éléments choisis subjectivement.

Naissance des mouvements femmes, combat contre les tutelles des puissances occidentales et les inégalités hommes-femmes dans « des sociétés levantines où l’homme a une place déterminante et dominante », fin de l’empire ottoman, colonialisme (France et Grande-Bretagne), renaissance de la littérature arabe – la Nahda -, libération des femmes et libération nationale, religion et traditions culturelles, éducation des femmes, question palestinienne, l’histoire écrite par les hommes pour les hommes, le mur des Lamentations…

Sandrine Mansour souligne l’ouvrage de Nazira Zein Eddine La jeune filles et les cheikhs, les liens entre anticolonialisme et antiféminisme ou anticolonialisme et « tradition », « Ce n’est pas sûrement pas ce chiffon de voile qui sera la force pouvant s’opposer à la ruine de la nation et à la colonisation du pays », voile et droit de vote, « L’asservissement de la femme ne peut donner une nation libre et la femme est un pilier aussi important que l’homme dans la famille comme pour la nation », égalité et recherche du « bien commun »,

Les revendications sur le droit de vote, le mariage, le voile, la place des femmes dans la société, contre « l’étroite surveillance », la Ligue sociale démocratique féminine (Liban), la manifestation à Damas (mai 1944) « pour réclamer le dévoilement de la femme musulmane », l’Union des dames arabes (Damas), l’Union féminine arabe (Liban), émancipation et allégeance au mari, le Congrès féministe du Caire(décembre 1944), la place particulière de la Palestine…

L’histoire des femmes, les luttes pour les droits, les conséquences actuelles de la période mandataire…

J’ai notamment été intéressé par l’article de Dina Beblawi sur l’invisibilisation du féminisme dans la lutte révolutionnaire de la gauche radicale égyptienne, la révolution comme « processus généralement asexué », la dénégation « de l’oppression spécifique des femmes et des rapports sociaux de sexe ». Je souligne les paragraphes sur les luttes contre les violences sexuelles comprises comme « protection » des femmes, « aucun des discours analysés n’envisage un éventuel mouvement non mixte et autonome contre les violences sexuelles », les pratiques ambivalentes affaiblissant le potentiel émancipateur des résistances, l’essentialisation d’une « supposée différence physique insurmontable », le parallèle fait entre protection et agression…

Féministe, révolutionnaire, compromis, contradictions, modes d’action… Reste qu’à juste titre, Dina Beblawi souligne la dépolitisation de l’oppression des femmes dans le « traitement » des violences qui s’exercent sur elles, l’oubli de l’aspect structurel de ces violences, du système de domination, de la division sexuelle du travail, de l’invisibilisation de « la sphère privée et de la famille),(Sur ces points, lire par exemple le récent ouvrage de Jules Falquet : Pax neoliberalia : la-violence-nest-pas-une-entite-transcendante-possedant-un-sens-et-des-effets-universels-et-atemporels/), sans oublier « la domination exercée au sein même de l’organisation interne du travail militant » et les discours donnant à voir un sujet politique pensé uniquement au masculin…

Espace contestataire au Liban, expressions et luttes LGBTIQ, ONGisation, reproduction des rapports de domination au sein des organisations, « Le fonctionnement genré des groupes militants favorise les hommes et valorise les rôles qui leur sont dévolus, consacrant l’idée d’une hiérarchie entre les sexes qui se calque sur les logiques récurrentes structurant la société libanaise »…

Sur le sexe du militantisme, voir par exemple, sous la direction d’Olivier Fillieule et Patricia Roux : Le sexe du militantisme : le-neutre-nexiste-pas/.

Les autres articles traitent de la Syrie, « Pas de démocratie en Syrie sans que les femmes soient totalement libérées », de la Tunisie et de l’engagement « transnational »pour les droits des femmes et la justice social, du cinéma en Syrie, l’Association Soura Houria, de la loi sur la parité au Sénégal, d’un collectif féministe libanais « Nasawiya », d’une association en Libye « The Libyan Women Union » …

Je souligne le cours texte de Silvia Ricci Lempen : Regardez cette photo. Regardez-la bien. Le nu féminin dans les musée et une invitation à interroger ces « yeux ouverts ».

Un ensemble d’analyses loin des essentialisations des femmes ou des rapports à l’islam. Des inscriptions historiques et situées des combats des femmes pour l’égalité et leurs difficultés à faire reconnaître leurs luttes comme des luttes politiques.

La suite : https://entreleslignesentrelesmots.word ... es-femmes/
Avatar de l’utilisateur-trice
Lila
 
Messages: 2322
Enregistré le: 07 Mar 2014, 12:13

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 18 Déc 2016, 19:45

Livre : Genre et rapport sociaux de sexe – Roland Pfefferkorn

Ce livre reprend et éclaire des discussions et débats dans le mouvement des femmes au cours des
trois dernières décennies. En effet, le mouvement des femmes a été à l’origine d’une effervescence
théorique qui s’est traduite par la production d’un corpus de concepts extrêmement riche. Par
exemple ceux de patriarcat, de mode de production domestique, de travail domestique, de travail
productif et reproductif, d’articulation production/ reproduction et de division sexuelle du travail,
sans compter ceux de sexe social, sexage, classe de sexe. Par ailleurs, les concepts de genre et de
rapports sociaux de sexe – qui forment le titre de l’ouvrage – s’inscrivent durablement non
seulement dans le paysage théorique, mais dans les débats présents ravivés par la crise politique,
sociale et économique et par les débats qui animent de même le monde anglophone.
Avec une postface de Catherine Vidal, neurobiologiste : principal est d’abord de présenter un
panorama historique fouillé du mouvement des femmes dans leurs luttes pour l’égalité. Surtout, il
relie brillamment les luttes féministes à “la production d’un corpus de concepts extrêmement riche”
dont elles ont été à l’origine» (Politis).


Articuler les rapports sociaux. Rapports de sexe, de classe, de racisation - Roland
Pfefferkorn
– Humanité Dimanche - 23 novembre 2016

Dans le monde social réel aucun rapport social n’existe à l’état pur : chacun, qu’il s’agisse du rapport
de classe, de sexe, de « race » ou de génération, imprime sa marque sur les autres et de même
inversement est largement marqué par les autres.

Dès leurs premières élaborations les sociologues féministes ont conçu le concept de rapports
sociaux de sexe en l’articulant étroitement avec le concept marxien de rapports de classe. Il ne
s’agissait pas pour elles de proposer une lecture du monde social univoque centrée exclusivement
sur les rapports de sexe en ignorant les rapports de classe, mais bien d’articuler les deux. De la
même manière elles ont pris en compte par la suite les rapports de « race » ou de racisation.

Le rapport social est une tension : Selon Danièle Kergoat, le rapport social est une tension qui
traverse le champ social. Celle-ci érige certains phénomènes sociaux en enjeux autour desquels se
constituent des groupes sociaux aux intérêts antagoniques. Le travail et ses divisions – entre
classes sociales, entre sexes, entre « races » etc. – et le partage des richesses produites sont
deux des enjeux centraux autour desquels des groupes sociaux se constituent, notamment les
classes sociales ou les classes de sexe. Bien entendu d’autres enjeux sont aussi à prendre en
compte, comme par exemple la sexualité ou la filiation dans le cas des rapports sociaux de sexe.

Tout rapport social est source à la fois de cohésion et de conflit. D’un côté il unit (ou lie) les sujets
et groupements sociaux qu’il médiatise, il constitue un des éléments à partir desquels se constitue
l’architecture de la société globale. Mais, de l’autre, selon des formes et des contenus à chaque fois
spécifiques, tout rapport social se traduit, au moins potentiellement, par des conflits entre acteurs
ou agents, individuels ou collectifs. Enfin, l’articulation d’un rapport social avec d’autres rapports
sociaux au sein de la totalité sociale et historique est en même temps source potentielle de
nouvelles contradictions car ces rapports sociaux étroitement intriqués ne sont que partiellement
cohérents. En outre les rétroactions – ou effets de totalité – de cette unité inachevée et
contradictoire sur les rapports et processus partiels qui lui donnent naissance viennent encore
complexifier les processus. Les rapports sociaux sont donc par définition mouvants. L’élément
social, la réalité dernière à laquelle l’analyse doit s’arrêter, ce n’est donc pas l’individu (ou les
individus) pris isolément, mais bien le rapport social dans le sens entendu plus haut (ou mieux les
rapports sociaux et leur articulation).

Le social est le produit de plusieurs rapports sociaux : La problématique de l’articulation des
rapports sociaux donne donc du sens à l’hétérogénéité interne de chaque catégorie sociale (sexe,
classe, « race », génération). Par exemple si toutes les femmes partagent une position similaire à
l’égard du groupe des hommes dans les rapports sociaux de sexe, elles ne se ressemblent pas pour
autant du point de vue des rapports de classe ou des rapports de racisation. Une femme de patron,
une héritière ou une femme membre des professions libérales ne partage ni les mêmes conditions
matérielles d’existence, ni les mêmes représentations, qu’une secrétaire, une auxiliaire de vie à
domicile ou une femme de ménage. De la même façon tous les membres de la classe des travailleurs
ne sont pas à la même place dans les rapports de sexe ou de racisation. Il suffit de penser aux
inégalités de salaires entre hommes et femmes ou aux discriminations à l’embauche qui touchent
bien davantage les jeunes « issus de l’immigration » que les autres.
Si chaque catégorie est coproduite par plusieurs rapports sociaux, alors l’hétérogénéité qui la
traverse devient intelligible et logique. Par exemple, la classe ouvrière a du mal à agir comme un
seul Homme parce que les rapports sociaux de sexe fabriquent, en même temps que la classe, des
ouvriers et des ouvrières tandis que les rapports sociaux de race fabriquent, simultanément, des
ouvrier-e-s blancs et des ouvrier-e-s non blancs : la classe ouvrière est ainsi le produit d’au moins
trois rapports sociaux qui la forment. La question longtemps discutée de la constitution de la
classe, de la conscience de classe et de son unification politique, se trouve ainsi complexifiée et
éclairée. Cette remarque s’applique bien sûr de manière analogue au groupe des personnes racisées
ou encore à celui des femmes.

Les rapports sociaux : source d’oppression et porteurs d’émancipation : Il est nécessaire d’insister
aussi sur l’importante question de l’articulation de la situation objective (du groupe considéré :
classe sociale, sexe social, génération, « race », etc.) et de la subjectivité – et de l’expérience
vécue – des membres de ces différents groupes : dialectique clé que nous n’avons pas le temps et
l’espace de creuser ici, mais qu’il faut garder en mémoire notamment dès lors qu’on souhaite
échapper à une compréhension fixiste centrée sur la reproduction incessante des rapports sociaux
et qu’on a la volonté de penser le changement social malgré le poids des déterminismes qui pèsent
et qu’il ne s’agit en rien de nier. Une approche en termes de rapports sociaux de sexe permet en
effet d’éviter les impasses de certaines approches structuralistes entièrement polarisées sur les
déterminismes sociaux. C’est son insistance sur la « reproduction » qui explique pourquoi la
conceptualisation développée par Pierre Bourdieu dans La domination masculine tend à inscrire
cette domination dans l’éternité. L’attention ainsi portée à ce qui ne change pas risque d’empêcher
de penser le changement. Car les rapports sociaux non seulement se reproduisent, mais ils se
transforment aussi sans cesse, y compris à travers les actions réciproques les plus ténues. Une
sociologie des rapports sociaux n’essentialise pas les catégories, elle met en évidence leur
production sociale et leur reconfiguration incessantes en s’inspirant du principe marxien selon
lequel la lutte des classes produit les classes. Comme de la même manière le racisme produit les
races, socialement bien entendu, même si le concept de race n’a aucun sens d’un point de vue
scientifique.

En traquant le conflit, même sous des formes latentes, la sociologie des rapports sociaux redonne
du sens aux catégories en les rapportant aux dynamiques qui fondent dialectiquement la
catégorisation : celles de la domination, de l’exploitation, de la stigmatisation et de la
discrimination mais aussi celle de la résistance des catégories infériorisées. Les rapports sociaux
de classe, de « race» et de sexe doivent donc être pensés en même temps comme source
d’oppression et comme potentiellement porteurs d’émancipation


https://marchemondialedesfemmesfrancedo ... 2b0326.pdf
Avatar de l’utilisateur-trice
Lila
 
Messages: 2322
Enregistré le: 07 Mar 2014, 12:13

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Merricat » 19 Déc 2016, 02:01

Pax neoliberalia
Perspectives féministes sur (la réorganisation de) la violence

de Jules Falquet
aux éditions Ixe

Solidement ancré dans les recherches féministes sur la mondialisation et sur la dynamique des rapports sociaux de sexe, de race et de classe, ce livre est un essai sur l'emploi méthodique de la coercition au service de la mondialisation néolibérale.

L'instrumentalisation d'une violence en apparence "aveugle", mais en fait très contrôlée, dessine le fil rouge reliant entre eux les quatre textes qui le composent. Proximité troublante de la torture avec la violence domestique (au Salvador)… Création de la classe masculine des “frères d’armes” par le service militaire (en Turquie)… Diffusion des techniques de guerre de basse intensité (au Mexique)… Perpétuation (néo)-coloniale des violences contre les femmes indiennes (au Guatemala)…

Jules Falquet croise différents niveaux d'analyse pour rapprocher des perspectives généralement cantonnées à des sphères séparées. En révélant les continuités qui rattachent la violence misogyne aux méthodes coercitives militaro-policières, cette approche met à jour les logiques genrées de la « gouvernance » mondialisée, ici nommée, par antiphrase, Pax neoliberalia.

Sociologue, maîtresse de conférences à l'Université Paris-Diderot, Jules Falquet oeuvre depuis vingt-cinq ans à créer et consolider des ponts entre la France et l'Amérique latine et les Caraïbes. Elle a publié De Gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation (La Dispute, 2008).


Introduction en pdf :
https://editions-ixe.fr/sites/default/f ... uction.pdf
Bibliographie en pdf :
https://editions-ixe.fr/sites/default/f ... phie_0.pdf
Merricat
 
Messages: 19
Enregistré le: 29 Mar 2016, 23:33

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 13 Jan 2017, 20:01

JE N’IRAI PAS : Mémoires d’un insoumis

Image

Eugène Cotte, né en 1889 dans une famille de paysans du Loiret est très tôt révolté par une injustice infligée à sa sœur ainée qui, séduite puis abandonnée, sera stigmatisée y compris par ses propres parents pour avoir donné naissance à un enfant illégitime. La lecture des « Misérables » de Victor Hugo le bouleverse et l’éclaire sur le fonctionnement de la société en le laissant toutefois sur sa faim car ne proposant pas de solutions de changement.

L’observation de son milieu social avec l’inégale répartition des richesses et des misères, achèvera de forger sa conscience politique tant la propriété privée lui paraît inacceptable notamment sa transmission par héritage : « Un homme en venant au monde vaut-il mieux qu’un autre ? »

La rencontre de militants socialistes et anarchistes des villages alentours l’amènera à la lecture de la presse syndicaliste, notamment anarchiste, non sans jamais abandonner ses propres réflexions. Ainsi il reproche aux syndicalistes d’avoir instauré une bureaucratie supplémentaire et une centralisation, aux communistes d’escompter une révolution en renonçant à l’émancipation des ouvriers par l’éducation, aux individualistes d’être encore plus méprisant vis à vis des travailleurs et de chercher une justification politique à leurs larcins.

Insoumis, il fuira la conscription et ira travailler en Suisse. Arrêté lors d’un séjour à Lyon, jugé puis enrôlé, il s’infligera une grève de la faim discrète pendant plus de 130 jours, pour simuler une maladie et se faire réformer.

Titulaire du seul certificat d’étude, il livre le récit de sa vie, de ses engagements, avec un rare regard critiquer et une érudition politique parfois approximative mais extrêmement nourrie. On comprend le contexte historique de l’entrée en guerre avec une description précise des différentes tendances antimilitaristes ainsi que leurs évolutions. L’histoire d’Eugène Cotte nous permet surtout de saisir comment peut naitre une prise de conscience politique dans un milieu où, au début du XXème siècle, rien ne l’encourage, pas même l’instruction publique. Développant une pensée théorique personnelle, il veillera toujours à mettre ses actes en accord et ne sera jamais dupe de ses inévitables contractions, notamment lorsqu’il rejoindra le front en 1914 pour être aux côtés du peuple dans ses souffrances.

Blessé en 1916, c’est sur son lit d’hôpital qu’il rédige son texte et le conclu par un puissant plaidoyer pacifiste : « le seul moyen de vivre librement et paisiblement est d’abord de rendre les richesses du pays au pays lui-même et non à quelques profiteurs qui vivent grassement sur la misère des autres, et de vous organiser sans jamais prendre de chefs qui vous tromperont toujours, ni abdiquer la plus infime parcelle de votre volonté, ni de votre liberté, entre les mains de représentants et de gouvernants. » « Si tu veux la paix, prépare la paix ! »

Eugène Cotte impressionne par son érudition et sa lucidité. Son témoignage est autant une leçon de vie qu’un modèle d’exemplarité tant il veilla à ce que toujours son existence soit en accord avec ses profondes convictions.

JE N’IRAI PAS : Mémoires d’un insoumis
Eugène Cotte
242 pages – 15 euros
Éditions La Ville brûle – Montreuil – juin 2016
http://www.lavillebrule.com

À noter l’excellent travail éditorial et notamment de l’appareil critique qui vient préciser les nombreux détails contextuels et autres références, sans jamais étouffer le récit.

http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... .html#more
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 22 Jan 2017, 18:35

ÊTRE RADICAL

Image

Si Machiavel a écrit Le Prince pour expliquer aux riches comment conserver le pouvoir, Saul Alinsky décrit dans « Être radical » une méthode pour s’en emparer. Il s’adresse à ceux qui veulent changer le monde et le faire passer de ce qu’il est à ce qu’ils croient qu’il devrait être. Il explique comment créer des organisations de masse capable de prendre le pouvoir et de le donner au peuple.

« Ce pays avec ses institutions appartient aux gens qui le peuplent. Ses habitants pourront chaque fois qu’ils deviendront insatisfaits du gouvernement en place, exercer leur droit constitutionnel pour l’amender ou leur droit révolutionnaire pour le démembrer ou le renverser » déclarait Abraham Lincoln dans son premier discours inaugural en 1861, pourtant toutes les sociétés découragent ou pénalisent les idées et les écrits qui menacent le statu quo prévalant, si bien que les déshérités ne peuvent trouver des textes révolutionnaires que chez les communistes. Toute idéologie repose sur la croyance en une vérité première. Or, Saul Alinsky considère qu’il n’existe pas de vérité absolue, que toute vérité est relative et changeante. Il recommande le doute et l’incertitude. Il voit le monde tel qu’il est, pas comme il devrait être : une course au pouvoir où la moralité n’est qu’une justification purement verbale de l’opportunisme et de l’intérêt personnel. Il conseille de ne plus raisonner selon la théorie de la causalité selon laquelle une cause produit obligatoirement un effet et vice verse, mais d’adopter la théorie des quantas, qui explique qu’une action peut déboucher sur plusieurs probabilités. Dès lors, tout phénomène est perçu dans sa dualité. Rien n’est positif ou négatif car tout est lié à son contraire.

Saul Alinsky divise la société en trois classes :

- les possédants déterminer à geler le statu quo,

- les déshérités résignés et fatalistes mais prêts à remettre en cause le statu quo à la moindre étincelle,

- la classe moyenne déchirée entre le désir de préserver ce qu’ils ont et celui d’opérer un changement dans l’espoir d’obtenir davantage, ce sont des schizophrènes sociaux, économiques et politiques.

Profondément optimiste, il est persuadé que l’homme finira par comprendre qu’il n’y a d’autre issue que dans le partage et la tolérance, la moralité.

Il a une vision particulièrement pragmatique de l’éthique de la fin et des moyens, considérant, comme l’écrivait Goethe, que « la conscience est la vertu de l’observateur, mais sûrement pas celle de l’homme d’action » et qu’il n’y a pas plus immorale que le refus systématique de se donner les moyens d’agir. Son analyse de la question est particulièrement détaillée. Il remarque, exemples à l’appui, que les jugements en la matière varient selon la distance qui nous sépare de l’affaire, nos positions politiques, le degré d’urgence, les moyens disponibles, le succès ou l’échec de l’action, l’importance de l’enjeu,… Chacun veillant à toujours couvrir ses décisions d’un voile de morale, on ne doit jamais juger de l’éthique de la fin et des moyens en dehors du contexte de l’action. Il conseille de savoir surtout s’adapter à tout instant aux circonstances. C’est l’establishment qui écrit les lois et nomme les juges pour préserver le statu quo. Tout ce qu’entreprendront les déshérités pour le remettre en question sera tenu pour illégal. C’est pourquoi ceux-ci doivent veiller à faire appel à une « loi supérieure ».

Avant d’exposer les principes de sa méthode, Saul Alinsky s’attache à définir certaines notions.

Le pouvoir est l’essence même, la force dynamique de la vie. La corruption du pouvoir n’est pas inhérente au pouvoir mais elle est en nous.

L’intérêt personnel est le moteur de la vie politique. Toujours. Il faut l’admettre et cesser de penser que l’altruisme et l’abnégation puissent, même ponctuellement, le remplacer.

Une société libre et ouverte est fondée sur le conflit, périodiquement interrompu par des compromis. Une société dépourvue de compromis est une société totalitaire.

Il a fondé une école de formation pour organisateurs dans laquelle ceux-ci suivent des cessions de quinze mois à plein temps pour étudier les problèmes de la pratique, l’analyse des schémas de pouvoir, la communication, la stratégie dans les conflits, la formation et la multiplication des leaders de communautés. Les évènements deviendront des expériences lorsqu’ils seront assimilés.

La fonction première d’un organisateur est de susciter des questions qui dérangent. Il doit faire preuve d’imagination constante, de sens de l’humour et d’irrévérence, être organisé, avoir une personnalité forte pour pouvoir se passer de la sécurité d’une idéologie.

La communication est un processus à double voie. Il n’y a communication que lorsque les gens comprennent. Pour cela il faut faire appel à leur expérience et donc prêter attention à ce qu’ils disent. Un discours purement théorique n’aura qu’un impact très limité.

Pour que les gens s’intéressent à un problème, il faut leur faire sentir qu’ils ont le pouvoir de changer une mauvaise situation. Le pouvoir d’abord, le programme ensuite.

L’organisation doit être utilisée au maximum comme un mécanisme d’éducation, mais éducation n’est pas propagande.

La tactique est l’art de savoir comment prendre et comment donner. Saul Alinsky résume ce principe par l’image des yeux, des oreilles et du nez. Si vous êtes nombreux, montrez le. Sinon, faites du bruit. Et si vous n’êtes que quelques uns, empestez les lieux. Le pouvoir n’est pas seulement ce que vous avez, mais aussi ce que l’ennemi croit que vous avez.

Il faut veiller à ne jamais sortir du champ de l’expérience des membres du groupe et au contraire entrainer l’ennemi hors du sien.

Il faut l’acculer à suivre à la lettre son code de conduite et, dès que possible, le ridiculiser.

Les militants doivent éprouver du plaisir à appliquer la tactique, c’est pourquoi elle ne doit pas trop trainer en longueur. Il faut donc savoir tirer parti de tous les événements et maintenir une pression constante pour provoquer des réactions.

La menace effraie généralement davantage qu’une action elle-même.

Un handicap peut devenir un atout.

Une attaque ne peut réussir qu’à condition d’avoir une solution de rechange.

Il faut savoir choisir sa cible, la figer, la personnaliser et la polariser.

Saul Alinsky apprend à pratiquer un jiu-jitsu de masse. Il illustre ces quelques règles d’exemples abondants et éclairants.

Il ne faut pas craindre l’emprisonnement qui permet déjà de prendre un peu de recul par rapport à l’enchaînement des actions, tout en dramatisant un conflit et renforçant considérablement la position des leaders et leur identification avec la masse.

En conclusion, Saul Alinsky lance un appel à une vie qui ait du sens en direction de la classe moyenne à laquelle s’identifient les trois quarts de la population. Son action sera déterminante pour le changement et pourrait provoquer la deuxième révolution américaine. Insécurisés dans un monde qui change vite, ses membres s’accrochent à des repères illusoires qui leur paraissent réels. Pourtant ils ont su s’organiser en utilisant la méthode des procurations qui a permis de contraindre le système économique libéral à se réformer. Les nombreux petits actionnaires ont su faire plier la société Kodak notamment, l’obligeant à renoncer en partie à la discrimination.

Parue en 1971, cette méthode est la théorisation d’une longue pratique. Sa lecture est d’autant accessible que de nombreux récits l’illustrent. Autant d'idées immédiatement applicables. Si l’optimisme de son auteur n’a pas entrainé de bouleversements complets de la société, il a certainement accompagné bien des conflits.

Un livre sans aucun doute utile.


ÊTRE RADICAL
Manuel pragmatique pour radicaux réalistes
Saul Alinsky
Traduit de l’anglais par Odile Hellier et Jean Gouriou
Préface de Nic Görtz et Daniel Zamora
280 pages – 16 euros
Éditions Aden – Bruxelles – janvier 2012
Édition originale : Rules for radicals, 1971

http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... .html#more
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Lila » 12 Fév 2017, 22:20

Hadjira, par Claire Mauss-Copeaux

Image

Il a fallu du temps,
il a fallu longtemps pour que Hadjira se souvienne de ses vingt ans…
Jeune militante engagée pour la liberté et l’indépendance de l’Algérie, elle a été arrêtée par les forces coloniales, détenue et torturée à la sinistre ferme Ameziane à Constantine.

Dans le récit qu’elle nous offre en partage, il n’y a ni haine, ni volonté de vengeance. Simplement le souci de témoigner au plus près de la vérité et de résister.

Malgré Ameziane et bien au-delà d’Ameziane.


Parution d’un nouveau livre de Claire Mauss-Copeaux : Hadjira. La ferme Ameziane et au-delà.

Claire Mauss-Copeaux, historienne, a publié plusieurs ouvrages sur les mémoires des conflits. Pour cela, elle a croisé des récits de vie aux archives. Son terrain d’investigation couvre les deux rives de la Méditerranée.

Après avoir donné la parole aux Français "appelés" en Algérie pour sa thèse en 1995, elle a tenu à entendre "l’autre côté" de l’histoire. Elle a parcouru l’Algérie pendant des années et enquêté sur des événements oubliés, niés ou travestis par la plupart des médias en France : l’insurrection du 20 août 1955 et un des crimes de masse perpétrés en 1956 par des militaires français, dans un village de la presqu’île de Collo [1].

Alors que les anciens stéréotypes s’imposent à nouveau et que l’amalgame Algériens/terroristes est réactivé, il lui a semblé important de donner la parole à une RESISTANTE algérienne.

Maintenant c’est Hadjira qui parle ...

Ce livre est en vente au prix de 15 €. Vous pouvez le commander par amazon.fr (hélas) en cliquant sur ce lien ➚, ou en envoyant directement un chèque de 15 euros + 2 euros de port à

Claire Mauss-Copeaux, Chemin des Galinards, 26110 NYONS


[1] Bibliographie :
- 20 août 1955, Insurrection, répression, massacres, Payot, 2010
- La Source, mémoires d’un massacre, Oudjehane, 11 mai 1956, Payot, 2013.


http://www.ldh-toulon.net/Hadjira-par-C ... peaux.html
Avatar de l’utilisateur-trice
Lila
 
Messages: 2322
Enregistré le: 07 Mar 2014, 12:13

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede Pïérô » 15 Fév 2017, 03:38

LIVRE – “La Bible de la rue” J.-P. Fantou dit Clocheman

Image

La Bible de la rue

Jean-Paul Fantou, dit Clocheman

“Dans son existence, Jean-Paul Fantou a vécu plusieurs vies, mais des vies d’enfer. En lui, il rassemble presque toutes les épreuves qui conduisent à la rue. Non qu’il en tire une fierté provocatrice, mais sa vie est ainsi faite.

L’enfance fut un terreau effroyablement fertile: les pères de substitution, alcooliques, violents, pratiquèrent des sévices avec la pire des cruautés, sur lui, son frère et sa sœur, mais aussi sur leur mère. Jean-Paul Fantou fut ainsi ballotté de famille d’accueil en famille d’accueil, avec des retours vers la mère. L’enfant qu’il était ne put se construire, ni psychologiquement, ni physiquement, et l’indigence alimentaire fut aussi une des constantes de sa misère.

Adulte, la route de l’échec est tracée: la zone, la prison, le divorce, la séparation de sa fille, l’alcool, le crack. Jean-Paul Fantou a tout subi jusqu’à se retrouver sur le trottoir sans rien, absolument rien, à l’état de loque humaine adonnée au crack, loque qui ne se souvient de son existence que parce qu’elle peut encore sentir sa puanteur.

Sa destinée aurait été celle d’un sans-nom parmi tant d’autres, s’il n’avait gardé dans son coeur l’amour qu’il porte à sa fille, Elisabeth, et ses prières à Jésus. Celles-ci, ainsi qu’un charisme et une volonté de justice hors du commun, l’amènent à faire des grèves de la faim. Il attire l’attention sur son sort, et surtout sur le sort des SDF, et devient alors un personnage médiatique qui parle au nom des délaissés. Il participe aux Etats généraux sur l’exclusion en tant que représentant des exclus.

Dans ce second livre, il donne un récit complet de sa vie.”

Editions de l’onde.
ISBN: 2371580627
Prix: 18 €

Presse :
http://www.20minutes.fr/rennes/2001843- ... -exclusion

https://www.droitaulogement.org/2017/02 ... clocheman/
Image------------ Demain Le Grand Soir --------- --------- C’est dans la rue qu'çà s'passe --------
Avatar de l’utilisateur-trice
Pïérô
 
Messages: 22436
Enregistré le: 12 Juil 2008, 22:43
Localisation: 37, Saint-Pierre-des-Corps

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 26 Fév 2017, 13:54

MANIFESTE POUR UN XXIe SIÈCLE PAYSAN

Image

L’économiste et sociologue Silvia Pérez-Vitoria dénonce avec ce manifeste une société industrielle qui écrase les individus, les mettant sous dépendance et contrôle pour les transformer en sujets économiques. Livre après livre, elle dénonce la disparition des paysans et soutient leur combat.

Elle exprime ses colères, contre la marchandisation et la financiarisation des phénomènes naturels, contre l’accaparement des terres agricoles pour produire des agro-carburants, des cultures d’exportation ou à des fins simplement spéculatives, contre l’industrie extractives dont 75% des sociétés à caractère international ont leur siège au Canada, contre le verrouillage des échanges agricoles en lieu et place de « libéralisation des marchés » fondée sur la théorie des avantages comparatifs (dans l’échange, chacun y gagne !) alors que la très forte concentration des multinationales laisse peu de place à la « libre concurrence » (quatre entreprises dominent le commerce des matières premières agricoles et contrôlent 75% du marché des céréales), contre la criminalisation de l’utilisation des semences et des préparations naturelles traditionnelles alors que les effets négatifs des pesticides sont reconnus au plan sanitaire et écologique, contre la transformation de l’élevage en production animale, contre le formatage intellectuel d’experts qui prônent une idéologie du développement ne laissant aucune place aux paysans.

Elle livre des exemples pour le moins édifiants, en Europe mais aussi en Afrique et en Amérique Latine.

Les paysans du Ghana abandonnent leur production de tomates face à l’importation de sauces tomate chinoises et italiennes bon marché et se retrouvent ouvriers agricoles dans les Pouilles !

Le Mexique qui était autosuffisant en 1960 importe aujourd’hui 50% de son alimentation (un tiers de son maïs, 50% de ses haricots rouges et 80% de son riz) à cause du Traité de libre-échange signé avec le Canada et les États-Unis.

L’imbrication entre l’économie et l’écologie est telle que les marchés du carbone, par exemple, institués par le protocole de Tokyo en 1997, ne sont qu’un leurre pour créer de nouveaux marchés lucratifs.

Silvia Pérez-Vitoria dénonce ensuite ce qu’elle considère comme des impostures.

Les fondateurs de l’agriculture biologique avaient inscrit leur démarche dans des principes philosophiques et sociaux forts : critique d’une science de laboratoire coupée de la réalité de terrain, valorisation des connaissances paysannes, prise en compte des processus naturels, remise en cause du primat de l’économie et de l’argent. Mais l’idéologie du développement, de la compétitivité, de la performance, ainsi que la survalorisation de la technique ont aussi contaminé les agriculteurs biologiques.

La question de la faim dans le monde constitue une véritable pierre d’achoppement dans un système de surabondance alimentaire puisqu’aujourd’hui un milliard d’êtres humains ne mangent pas à leur faim. Il existe un lien direct entre le processus de modernisation agricole et l’extension de la faim due à une triple exclusion : des terres, du travail et du marché.

Elle refuse les propositions de « transition » et suggère plutôt des ruptures, en commençant par le rejet du dogme du développement. Pour les économistes, un pays développé est un pays sans paysans. Le développement durable n’est qu’un nouvel oxymore qui drape la rentabilité du voile d’une écologie alibi. Il ne faut plus laisser aux experts le soin de définir nos besoins fondamentaux. Elle propose également de rompre avec la toute puissance des sciences et des techniques, de revenir aux savoirs et savoir-faire paysans qui ont su inventer pendant des milliers d’années des moyens de se nourrir.

Partant du constat de la perte de maîtrise sur nos conditions de vie, elle préconise de retrouver des formes d’autonomie pour sortir de la logique de marché en citant l’exemple des A.M.A.P. françaises, en restaurant le dialogue des savoirs. Elle préconise la reconquête des territoires, seul moyen de rétablir l’autonomie des processus de production à grande échelle, prenant l’exemple du Chiapas où les Zapatistes produisent principalement des cultures vivrières avec une forte prégnance des savoirs traditionnels. Cette dissidence territoriale reste cependant ouverte sur le monde.

L’auteur exprime l’urgence d’infléchir le cours des choses. Notre société de consommation a réduit la notion de bonheur à la possession d’objets. Les forces économiques et militaires, indissolublement liées, ont pris le contrôle des territoires et des richesses de la planète. Partant des initiatives existantes, il est temps d’amorcer la reconquête. Sans doute faudra-t-il choisir entre industrie et agriculture. La nature reste indispensable à la survie de l’humanité. Silvia Pérez-Vitoria compte sur une force sociale, appuyée sur les paysans, pour ébaucher de nouvelles formes de société. Elle cite souvent en exemple les campagnes de Via Campesina, organisation internationale décentralisée qui regroupe des millions de paysans à travers le monde et défend une agriculture durable à petite échelle comme moyen de promouvoir la justice sociale et la dignité :

https://viacampesina.org/fr/

Sa connaissance du secteur, avec un champ de vision mondial, alimente ses réflexions qui ne peuvent qu’enrichir les nôtres.

MANIFESTE POUR UN XXIe SIÈCLE PAYSAN
Silvia Pérez-Vitoria
194 pages – 18 euros.
Éditions Actes Sud – Collection « Questions de société » – Paris – octobre 2015

http://bibliothequefahrenheit.blogspot. ... .html#more
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

Re: Chroniques et présentations livres

Messagede bipbip » 09 Mar 2017, 14:08

Récit d’un réfractaire au service militaire dans les années 1970

Image

Datant de la Révolution française, le service militaire qui a une longue histoire a suscité bien des polémiques. Dans la foulée de Mai 68, un petit groupe de militantEs décide qu’il est temps de changer les choses. En 1974, il diffuse l’Appel des Cent qui remet en cause l’immuable institution en exigeant l’instauration de syndicats de soldats et la liberté de la presse à l’armée. Ce livre raconte cette histoire, quasiment oubliée aujourd’hui, et nous plonge au cœur de ce qu’était le service militaire à travers l’aventure singulière et haute en couleur d’un des 6 ?000 signataires : manifestations en uniforme sur tout le territoire, grèves de la faim, résistances quotidiennes... afin que le gouvernement prenne enfin conscience du refus de la jeunesse de se laisser embrigader.

Contingent rebelle , Patrick Schindler, éditions L’échappée, janvier 2017, 192 p., 18 €.



Un crime d’État Métro Charonne 8 février 1962

Image

Ce livre évoque la manifestation qui s’est déroulée à Paris le 8 février 1962 à l’appel des syndicats de salariéEs, d’étudiantEs, de différentes organisations de jeunesse et des partis de gauche. Le gouvernement ayant interdit la manifestation, le préfet de Paris, Maurice Papon en organise la répression qui sera très violente (neufs morts et des centaines de blesséEs). Les obsèques des victimes rassemblent un million de personnes le 13 février. Le lendemain, les négociations avec le GPRA reprennent, pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie. Cet ouvrage est constitué de nombreux témoignages inédits de participantEs à la manifestation, de contributions de personnalités diverses dont l’historien Alain Ruscio et de documents d’époque.

Un crime d’État Métro Charonne 8 février 1962 , ouvrage collectif dirigé par le comité Vérité et Justice pour Charonne, éditions Le temps des cerises, janvier 2017, 200 p. 15 €.

http://www.emancipation.fr/spip.php?article1524
Avatar de l’utilisateur-trice
bipbip
 
Messages: 35413
Enregistré le: 10 Fév 2011, 10:05

PrécédenteSuivante

Retourner vers Editions, livres et textes, salons/fêtes du livre

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun-e utilisateur-trice enregistré-e et 5 invités