David Graeber

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Messagede hocus » 02 Nov 2011, 21:19

traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières années"

Donc voila, c'est un article de 2009 que je traduit.
Depuis 2009, l'auteur a sorti un gros bouquin sur le sujet : "Debt: the first 5000 years"


L'auteur c'est David Graeber donc : http://fr.wikipedia.org/wiki/David_Graeber

Certains aspects de l'argument présentés ici sont un peu différent dans le bouquin et c'est évidemment beaucoup plus large et détaillé dans le bouquin, mais enfin cet article donne déjà un bon aperçu, et c'est déjà pas mal instructif.

Je vais poster ici au fur et à mesure de la traduction. pour aujourd'hui, l'intro:


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Dette : les 5000 premières années.
par David Graeber

Traduction/rip artisanal par hocus.


Ce qui suit est un fragment d'un projet de recherche beaucoup plus large sur la dette et l'argent de la dette [debt money] dans l'histoire humaine. La conclusion première et majeure de ce projet est qu'en étudiant l'histoire économique, on tend à ignorer systématiquement le rôle de la violence, le rôle absolument central de la guerre et de l'esclavage dans la création et la formation de ce que nous appelons maintenant « l'économie ». De plus, les origines comptent. La violence est peut-être invisible, mais elle reste inscrite dans la logique même de notre sens commun économique, dans la nature apparemment évidente des institutions qui n'auraient jamais et ne pourraient jamais exister en dehors du monopole de la violence – mais aussi, la menace systématique de la violence – maintenus par l’État contemporain.

Laissez moi commencer par l'institution de l'esclavage, dont le rôle, je pense, est central. Dans la plupart des époques et des lieux, l'esclavage est vue comme une conséquence de la guerre. Parfois la plupart des esclaves sont réellement des captifs de guerre, parfois ce n'est pas le cas, mais presque invariablement, la guerre est vue comme la fondation et la justification de l'institution. Si vous vous rendez au cours d'une guerre, ce que vous rendez est votre vie; votre conquérant a le droit de vous tuer, et souvent il le fera. S'il choisit de ne pas le faire, vous lui devez littéralement votre vie; une dette conçue comme absolue, infinie, impossible à payer [irredeemable]. Il peut en principe exiger [extract] ce qu'il veut, et toutes les dettes – les obligations – que vous pourriez avoir envers d'autres (vos amis, votre famille, les anciennes allégeances politiques) , ou que d'autres ont envers vous, sont vue comme absolument nulles [negated]. Votre dette envers votre propriétaire est tout ce que existe désormais.

Cette sorte de logique a au moins deux conséquences très intéressantes, bien qu'on puisse dire qu'elles tirent dans deux directions opposées. Tout d'abord, comme nous le savons tous, c'est un trait typique – qui le définit peut être – de l'esclavage que les esclaves peuvent être achetés ou vendus. Dans ce cas, la dette absolue n'est alors (dans un autre contexte, celui du marché) plus absolue. En fait, elle peut être précisément quantifiée. Il y a de bonnes raisons de croire que ce fût précisément cette opération qui rendit possible de créer quelque chose comme notre forme contemporaine d'argent pour commencer, puisque ce que les anthropologues avaient l'habitude d'appeler « monnaie primitive », celle que l'on trouve principalement dans les sociétés sans État (la monnaie de plume des îles Salomons, les wampun Iroquois), était principalement utilisée pour arranger des mariages, résoudre des vendetta [blood feud], et pour manipuler [fiddle with] d'autres sortes de relations entre les gens, plutôt que pour acheter ou vendre des marchandises. Par exemple, si l'esclavage est une dette, alors la dette peut mener à l'esclavage. Un paysan babylonien a pu payé une petite somme en argent [le métal] aux parents de sa femme pour officialiser le mariage, mais il ne la possède en aucun sens. Il ne pourrait certainement pas acheter ou vendre la mère de ses enfants. Mais tout ceci changerait si il contractait un emprunt. S'il se retrouvait en situation de non-paiement [were he to default], ses créditeurs pourraient tout d'abord prendre ses moutons et son équipement, puis sa maison, ses champs et vergers, et finalement prendre sa femme, ses enfants, et même lui en tant qu'esclave pour dette [debt peon] jusqu'à ce que l'affaire soit réglée (ce qui, comme ses ressources se sont évaporées, devient évidemment de plus en plus difficile à faire). La dette fut la charnière qui rendit possible d'imaginer une chose telle que l'argent au sens moderne du terme, et donc, aussi, de produire ce que nous aimons appeler le marché : une arène où tout peut être acheté et vendu, parce que tous les objets (comme les esclaves) sont désencastrés [disembedded] de leur anciennes relations sociales et existent seulement en relation à l'argent.

Mais dans le même temps la logique de la dette comme conquête peut, comme je l'ai mentionné, tirer dans une autre direction. Les Rois, à travers l'histoire, tendent à être profondément ambivalent quant à permettre à la dette d'échapper à tout contrôle. Ce n'est pas parce qu'ils sont hostiles aux marchés. Au contraire, normalement ils les encouragent, pour la simple raison que les gouvernements trouve ça incommode de prélever tout ce dont ils ont besoin (soie, roues de chariot, langues de flamands roses, lapis-lazuli) directement auprès de leur population sujette; c'est bien plus facile d'encourager des marchés et d'ensuite acheter ces choses. Les premiers marchés [early markets], souvent, suivaient les armées et les entourages royaux, ou se formaient près des palais ou sur les bords des postes militaires. Ceci permet en fait d'expliquer le comportement plutôt énigmatique de la part des cours royales : après tout, puisque les rois contrôlaient habituellement les mines d'or et d'argent, quel était exactement le but de frapper des morceaux de ce matériau avec son visage dessus, de les déverser dans la population civile, et de demander ensuite qu'ils vous les redonnent en tant que taxe ? Ça ne fait sens que si le prélèvement des taxes étaient en fait un moyen d'obliger tout le monde à acquérir des pièces, afin de faciliter l'émergence de marchés, puisqu'il est pratique d'avoir des marchés sous la main. Toutefois, pour le présent propos, la question critique est : comment ces taxes étaient-elles justifiées ? Pourquoi les sujets les devaient, quelle dette remboursaient-ils quand ils les payaient ? Ici nous retournons encore au droit de conquête. (en fait, dans le monde ancien, les citoyens libres – que ce soit en Mésopotamie, en Grèce, ou à Rome – souvent n'avaient pas à payer des taxes directes pour cette raison précise, mais évidemment je suis en train de simplifier là.) Si les rois prétendaient détenir le pouvoir de vie et de mort sur leurs sujets en vertu du droit de conquête, alors les dettes de leurs sujets étaient, aussi, au final, infinies; et aussi, au moins dans ce contexte, leurs relations les uns aux autres, ce qu'ils se devaient mutuellement, étaient sans importance. Tout ce qui existait vraiment était leur relation au roi. Ceci en retour explique pourquoi les rois et les empereurs essayaient invariablement de réguler les pouvoirs que les maîtres avaient sur leurs esclaves, et les créditeurs sur les débiteurs [debtors]. Au minimum ils insistaient toujours, s'ils en avaient le pouvoir, pour que les prisonniers qui avaient déjà eu leurs vies épargnées ne puissent plus être tués par leurs maîtres. En fait, seuls les souverains pouvaient avoir le pouvoir arbitraire de vie et de mort. La dette ultime de tout un chacun était due à l'État, c'était la seule qui soit réellement illimitée, qui pouvait avoir des prétentions absolues, cosmiques.

La raison pour laquelle j'insiste là dessus est que cette logique est encore avec nous. Quand nous parlons d'une «société » (la société française, la société jamaïcaine) nous parlons en réalité de gens organisés par un unique État-nation. C'est le modèle tacite, en tout cas. « Les Sociétés », sont en réalité des États, la logique des États est celle de la conquête et est au final identique à celle de l'esclavage. Il est vrai, entre les mains des apologistes de l'État, ceci se transforme en une plus bienveillante « dette sociale ». Il y a là une petite histoire qui nous est racontée, une sorte de mythe. Nous sommes tous nés avec une dette infinie envers la société qui nous a élevés [raised], cultivés [nurtured], nourris [fed] et habillés, envers tous ces morts depuis longtemps qui ont inventé notre langage et nos traditions, envers tous ceux qui ont rendu possible notre existence. Dans les temps anciens nous pensions que nous devions ça aux dieux (c'était remboursé par le sacrifice, ou bien le sacrifice était en fait seulement le paiement des intérêts – au final, c'était remboursé par la mort). Plus tard la dette fût adoptée par l'Etat, lui même une institution divine, avec les taxes comme substitut du sacrifice, et le service militaire pour la dette de vie. L'argent était simplement la forme concrète de cette relation sociale, la manière de la gérer. Les keynésiens aiment cette sorte de logique. De même divers types de socialistes, de sociaux-démocrates, et même de crypto-fascistes comme Auguste Comte (le premier, autant que je sache, à avoir forger l'expression « dette sociale »). Mais cette logique court à travers une bonne part de notre sens commun: considérez par exemple, l'expression, « payer sa dette à la société », ou « je sentais que je devais quelque chose à mon pays », ou « Je voulais donner quelque chose en retour ». Toujours, dans ce genre de cas, les droits et les obligations mutuelles, les engagements mutuels – le genre de relations que les gens authentiquement libres peuvent créer les une avec les autres – tendent à être subsumés en une conception de la « société » où nous sommes tous égaux seulement en tant que créditeurs absolus envers la figure (désormais invisible) du roi, qui tient la place de votre mère, et par extension, de l'humanité.
Ce que je suggère, donc, est qu'alors que les prétentions des marchés et les prétentions de la « société » sont souvent juxtaposées – et ont certainement une tendance à balancer d'avant en arrière de toute sorte de manière pratiques - elles sont au final fondées sur une logique très similaire de violence. Ce n'est pas non plus une simple affaire d'origines historiques qui peut être écartée comme quelque chose qui ne porte pas à conséquence: ni les États ni les marchés n'existent sans une menace constante d'usage de la force.

Nous pourrions demander, alors, quelle est l'alternative ?

[à suivre]


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Modifié en dernier par hocus le 03 Nov 2011, 21:56, modifié 6 fois.
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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede Denis » 02 Nov 2011, 21:31

excellent, la suite, la suite !!!

:v:
Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede hocus » 02 Nov 2011, 21:43

un peu de patience. je fais une pause là. la suite bientôt, peut etre demain.
si vous voyez des fautes ou des trucs incompréhensibles faut le dire.
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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede Denis » 02 Nov 2011, 22:25

froutch !
Modifié en dernier par Denis le 03 Nov 2011, 22:07, modifié 1 fois.
Qu'y'en a pas un sur cent et qu'pourtant ils existent, Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous, Joyeux, et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout !

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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede hocus » 03 Nov 2011, 21:53

merci pour la relecture Denis, c'est bon j'ai corrigé. peut être tu peux effacer ton post pour faciliter la lecture du fil ?

et voilà la suite :

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Vers une histoire de la monnaie virtuelle


Je peux maintenant retourner à mon propos de départ : l'argent n'est pas originellement apparue sous cette forme froide, métallique, impersonnelle. Il est apparu originellement sous la forme d'une mesure, d'une abstraction, mais aussi comme une relation (de dette et d'obligation) entre des êtres humains. Il est important de noter qu'historiquement c'est l'argent-marchandise [commodity money] qui a toujours été le plus directement liée à la violence. Comme une historien le dit, « les lingots* [bullion] sont les accessoires de la guerre, et non du commerce pacifique ». [1]

La raison en est simple. L'argent-marchandise [commodity money], en particulier sous la forme de l'or et de l'argent, est distingué de l'argent-crédit [credit money] par dessus tout par un trait spectaculaire : il peut être volé. Puisqu'un lingot [ingot] d'or ou d'argent est un objet sans pedigree, à travers la majeure partie de l'histoire les lingots [bullion] ont eu le même rôle que les valise pleines de billets de dollars des dealers de drogue contemporains, en tant qu'objet sans histoire et qui sera accepté en échange d'autres objets de valeur, à peu près partout, sans questions posées. En conséquence, on peut voir les derniers 5000 ans d'histoire humaine comme l'histoire d'une sorte d'alternance. Les systèmes de crédit semblent émerger, et devenir dominants, dans des périodes de paix sociale relative, le long de réseaux de confiance, qu'ils soient créés par les États ou, dans la plupart des périodes, des institutions transnationales, alors que les métaux précieux les remplacent dans des périodes caractérisées par le pillage général [widespread plunder]. Les systèmes de prêt prédateurs [predatory lending systems] existent certainement dans toutes les périodes, mais ils semblent avoir eu les effets les plus délétères dans la période où l'argent [money] était le plus facilement convertible en liquidités [cash].

Donc comme point de départ de toute tentative pour discerner les grands rythmes qui définissent le moment historique présent, je propose la division suivante de l'histoire eurasienne selon l'alternance entre périodes d'argent virtuelle et périodes d'argent métallique :

I. L'age des premiers empires agraires (3500-800 av. JC )


Nos meilleures informations sur les origines de la monnaie remonte à la Mésopotamie ancienne, mais il semble qu'il n'y ait aucune raison particulière de croire que les choses étaient radicalement différentes dans l'Egypte Pharaonique, la Chine de l'Age du Bronze, ou dans la vallée de l'Indus. L'économie mésopotamienne était dominée par de grandes institutions publiques (Temples et Palais) dont les administrateurs bureaucratiques créèrent effectivement une monnaie de compte en établissant une équivalence fixe entre l'argent [le métal] et la culture de base, l'orge. Les dettes étaient calculées en argent [le métal], mais l'argent [le métal] était rarement utilisé dans les transactions. A la place, les paiements étaient faits en orge ou en n'importe quoi d'autre qui se trouvait être à la fois commode [handy] et acceptable. Les dettes majeures étaient enregistrées sur des tablettes en cunéiformes gardées en tant que garantie par les deux parties à la transaction.

Sans doute [certainly], les marchés existaient. Les prix de certaines marchandises qui n'étaient pas produites dans les domaines [holdings] des Temples ou des Palais, et qui n'étaient donc pas sujettes à la grille des prix administrés, tendaient à fluctuer selon les aléas de l'offre et de la demande. Mais la majeure partie des actes d'achats et de ventes quotidiens, en particulier ceux qui n'étaient pas effectués entre étrangers absolus, semblent avoir été fait à crédit. « Les femmes Ale », c'est à dire les aubergistes locales, servaient de la bière, par exemple, et louaient souvent des chambres; les clients avaient une ardoise [ran up a tab]; normalement, la somme entière étaient envoyée au moment de la récolte. Les vendeurs de marché agissaient probablement comme ils le font aujourd'hui dans les petits marchés en Afrique, en Asie Centrale, tenant des listes de clients dignes de confiance à qui ils peuvent faire crédit. L'habitude du prêt d'argent à intérêt a aussi son origine à Sumer – cela resta inconnu, par exemple, en Égypte. Les taux d'intérêts, fixés à 20 pour-cent, restèrent stables pendant 2000 ans. (Ce n'était pas un signe de contrôle gouvernemental du marché : à cette étape, les institutions comme celles-là étaient ce qui rendait possible les marchés). Cela, mena cependant à de sérieux problèmes sociaux. Dans les années de mauvaise récolte en particulier, les paysans tendaient à devenir désespérément endettés envers les riches, et avaient à céder leur ferme et, finalement, les membres de leur famille, en esclavage pour dette [debt peonage]. Graduellement, cette condition semble avoir mené à une crise sociale – n'entraînant pas tellement des insurrections populaires, mais l'abandon des villes et du territoire réglé [settled territory] par les gens du commun [common people] qui devenaient alors des « bandits » semi-nomades et des rapineurs [raiders]. Cela devint vite une tradition pour les nouveaux souverains d'effacer l'ardoise [wipe the slate clean], d'annuler toutes les dettes, et de déclarer une déclaration d'amnistie générale ou « liberté », de sorte que tous les travailleurs captifs pouvaient retourner auprès de leurs familles. (Il est significatif que le premier mot pour « liberté » connu dans une langue humaine, le sumérien « amarga », signifie littéralement « retour à la mère ».) Les prophètes bibliques instituèrent une coutume similaire, le Jubilé, par lequel, au bout de sept ans, toutes les dettes étaient effacées de la même manière. Comme l'a indiqué l'économiste Michael Hudson, il semble que ce soit l'un des malheurs de l'histoire mondiale que l'institution du prêt d'argent à intérêt s'est disséminée en dehors de la Mésopotamie, sans que, dans la plupart des cas, elle ne soit accompagnée par ses freins et contrepoids originaux [original checks and balances].


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* Note du traducteur : La notion anglaise de « bullion » n'a pas, je crois, de traduction exacte en français. Si j'ai bien compris, le mot peut désigner à la fois les lingots concrets, mais aussi de manière plus générale et abstraite la monnaie sous forme métallique, ou de manière encore plus générale encore, les métaux précieux comme l'or et l'argent. Je choisis donc de traduire dans ce texte « bullion » par « les lingots », ce qu'il faut donc comprendre non seulement comme des lingots concrets, mais aussi plus généralement comme les métaux précieux utilisés comme monnaie-marchandise en général.


[1] Geoffrey W. Gardiner, "The Primacy of Trade Debts in the Development of Money", in Randall Wray (ed.), Credit and State Theories of Money: The Contributions of A. Mitchell Innes, Cheltenham: Elgar, 2004, p.134.




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[prochain épisode : II. L'Age Axial (800 av. JC – 600 ap.JC ). Forme dominante d'argent : Pièces et lingots métalliques [coinage and metal bullion]. ]
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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede hocus » 16 Nov 2011, 21:46

donc, la suite :


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II. L'Age Axial (800 av. JC – 600 ap.JC ). Forme dominante d'argent : Pièces et lingots métalliques [coinage and metal bullion].


C'est l'âge qui a vu l'émergence de la frappe de pièces de monnaie [coinage], ainsi que la naissance, en Chine, en Inde et dans le Moyen-Orient, de toutes les religions mondiales majeures. De la période des Royaumes Combattants en Chine, à la fragmentation de l'Inde, et au carnage et la mise en esclavage de masse qui a accompagné l'expansion (et plus tard, la dissolution) de l'Empire Romain, ce fût une période de créativité spectaculaire à travers le monde, mais d'une violence presque aussi spectaculaire. La frappe de monnaie [coinage], qui a permis l'usage actuel de l'or et de l'argent comme medium d'échange, a aussi rendu possible la création de marchés dans le sens maintenant plus familier, plus impersonnel du terme. Les métaux précieux étaient aussi bien plus appropriés pour une période de guerre généralisée, pour la raison évidente qu'ils pouvaient être volés. La frappe de monnaie, certainement, n'a pas été inventée pour faciliter le commerce (les Phéniciens, commerçants accomplies du Monde Ancien, furent parmi les derniers à l'adopter). Il semble qu'elle a en premier lieu été inventée pour payer des soldats, probablement en tout premier par les dirigeants de la Lydie en Asie Mineure pour payer leurs mercenaires grecques. Carthage, une autre grande nation commerçante, commença a frapper des pièces très tardivement, et alors explicitement pour payer ses soldats étrangers.


Tout au long de l'Antiquité on peut continuer à parler de ce que Geoffrey Ingham a nommé le « complexe militaro-monétaire » [military-coinage complex]. Il aurait peut-être été mieux de l'appeler « complexe militaro-monétaire-esclavagiste » [military-coinage-slavery complex], puisque la diffusion de nouvelles technologies militaires (hoplites grecques, légions romaines) était toujours liée à la capture et la commercialisation d'esclaves. L'autre source majeure d'esclaves était la dette: comme désormais les États n'effaçaient plus régulièrement les ardoises, ceux qui n'étaient pas assez chanceux pour être les citoyens des Cités-États militaires majeures – qui étaient en général protégés des prêteurs prédateurs – étaient des proies légitimes [were fair game]. Les systèmes de crédit du Proche-Orient ne se sont pas effondrés sous la compétition commerciale; ils furent détruit par les armées d'Alexandre – armées qui nécessitaient une demie tonne de lingots d'argent par jour pour les salaires. Les mines dans lesquelles les lingots étaient produits étaient en général travaillées par des esclaves. Les campagnes militaires en retour assuraient un flot incessant de nouveaux esclaves. Les systèmes de taxes impériales, comme noté plus haut, étaient largement conçus pour forcer leurs sujets à créer des marchés, pour que les soldats (et aussi, évidemment, les fonctionnaires de gouvernement), puissent utiliser ces lingots [bullions] pour acheter tout ce qu'ils voulaient. Le genre de marchés impersonnels qui autrefois tendaient à surgir entre les sociétés, ou dans les lisières des opérations militaires, commença alors à imprégner la société entière.

Aussi indignes que soient leurs origines, la création de nouveaux médias d'échanges – la monnaie [coinage] apparu presque simultanément en Grèce, en Inde, et en Chine – semble avoir eu de profonds effets intellectuels. Certains sont allés jusqu'à soutenir que la philosophie grecque fut elle-même rendue possible par les innovations conceptuelles introduites par la monnaie [coinage]. Le motif le plus remarquable, ceci dit, est l'émergence, presque exactement aux moments et dans les lieux où l'on voit aussi l'expansion précoce de la monnaie [coinage], de ce qui devint les religions mondiales modernes : le Judaïsme prophétique, le Christianisme, le Bouddhisme, le Jaïnisme, le Confucianisme, le Taoïsme, et, finalement, l'Islam. Bien que les liens précis sont encore à explorer complètement, de certaines manières, ces religions semblent avoir surgi en relation directe avec la logique du marché. Pour dire les choses de manière un peu crue : si on consacre un espace social donné simplement à l'acquisition égoïste des choses matérielles, il est presque inévitable que bientôt quelqu'un d'autre viendra pour mettre de côté un autre autre domaine pour y prêcher que, du point de vue des valeurs ultimes, les choses matérielles sont sans importance, et l'égoïsme – ou même le « soi » [the self] – illusoires. [if one relegates a certain social space simply to the selfish acquisition of material things, it is almost inevitable that soon someone else will come to set aside another domain in which to preach that, from the perspective of ultimate values, material things are unimportant, and selfishness – or even the self – illusory. ]

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à suivre : III. Le moyen-âge (600 av. J.C - 1500 ap.) Le retour à l'argent crédit virtuel.
The Middle Ages (600 CE – 1500 CE). The return to virtual credit money
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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede hocus » 22 Nov 2011, 21:25

la suite :


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III. Le Moyen-Âge (600 ap. J.C - 1500 ap.) Le retour à l'argent-crédit virtuel.


Si l'âge axial a vu l'émergence des idéaux complémentaires du marché des marchandises et ceux des religions mondiales universelles, le Moyen-Âge [3] fût la période où ces deux institutions commencèrent à fusionner. Les religions commencèrent à s'emparer des systèmes de marché. Du commerce international à l'organisation des foires locales, tout en vint à être accompli à travers des réseaux sociaux définis et régulés par les autorités religieuses. Ceci permit le retour de diverses formes d'argent crédit virtuel [virtual credit money] à travers l'Eurasie.

En Europe, où tout ceci pris place sous l'égide de la Chrétienté, les pièces de monnaie [coinage] était seulement sporadiquement et irrégulièrement disponibles. Les prix après l'an 800 était largement calculés en termes d'une vieille monnaie carolingienne qui n'existait alors plus (elle était en fait désignée à l'époque comme « monnaie imaginaire »), mais les achats et ventes quotidiens ordinaires étaient entrepris principalement par d'autres moyens. Un expédient commun, par exemple, était l'utilisation de « bâton de comptage », des morceaux de bois entaillés qui étaient cassés en deux pour servir d'enregistrement de dette, une moitié étant gardée par le créditeur, et l'autre par le débiteur. De tels bâton de comptage étaient encore d'usage commun dans la majeure partie de l'Angleterre jusqu'au 16ème siècle. Les transactions plus importantes étaient entreprises grâce aux lettres de change [bills of exchange], les grands foires commerciales leur servant de chambres de compensation [clearing houses]. L'Église, pendant ce temps, fournissait le cadre légal, appliquant des contrôles strictes sur le prêt d'argent à intérêt et la prohibition de la servitude pour dette [debt bondage].

Le véritable centre nerveux de l'économie-monde médiévale, cependant, était l'océan indien, qui, avec les routes de caravanes d'Asie centrale, connectaient les grandes civilisations d'Inde, de Chine et du Moyen-Orient. Là, le commerce était mené au travers du cadre de l'Islam, qui non seulement fournissait une structure légale hautement propice aux activités mercantiles (tout en interdisant absolument le prêt d'argent à intérêt), mais rendait aussi possible des relations pacifiques entre marchants sur une partie remarquablement grande du globe, permettant la création d'une variété d'instruments de crédit sophistiqués. En fait, l'Europe occidentale était, comme en tant d'autres domaines, un retardataire relatif à cet égard : la plupart des innovations financières qui ont atteint l'Italie et la France aux 11ème et 12ème siècles avaient été d'usage commun en Égypte et en Irak depuis le 8ème ou le 9ème siècle. Le mot « chèque », par exemple, dérive de l'arabe « sakk », et est apparu en anglais seulement aux alentours des années 1220.

Le cas de la Chine est encore plus compliqué : le Moyen-Age commence là avec la diffusion rapide du bouddhisme, qui, bien qu'il ne fût aucunement en position d'édicter des lois ou de réguler le commerce, a rapidement pris des mesures contre les usuriers locaux par l'invention du prêteur sur gages – les premières boutiques de prêteurs sur gages étant basées dans les temples bouddhistes comme moyen d'offrir aux fermiers pauvres une alternative aux usuriers locaux. Peu de temps après, cependant, l'État s'est réaffirmé, comme il tend toujours à le faire en Chine. Mais ce faisant, il n'a pas seulement régulé les taux d'intérêts et essayé d'abolir l'esclavage pour dette [debt peonage] , il s'est aussi entièrement écarté de la monnaie métallique [bullion] en inventant la monnaie papier. Tout ceci fut accompagné par le développement, encore une fois, d'une variété d'instruments financiers complexes.

Tout ceci ne veut pas dire que cette période n'a pas connu sa part de carnage et de pillage (particulièrement pendant les grandes invasions nomades), ou que la monnaie métallique [coinage] n'était pas, dans beaucoup de lieux et d'époques, un moyen important d'échange. Cependant, ce qui caractérise vraiment la période semble être un mouvement dans l'autre sens. La majeure partie de la période médiéval a vu l'argent largement dissociée des institutions coercitives. Les changeurs d'argent, pourrait-on dire, furent invités à revenir dans les temples, où ils pouvaient être surveillés. Le résultat fût l'éclosion d'institutions reposant sur un degré beaucoup plus haut de confiance sociale [social trust].


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a suivre bientôt
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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede hocus » 23 Nov 2011, 22:24

suite et fin :


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IV. L'âge des Empires Européens (1500-1971). Le retour aux métaux précieux.



Avec l'avènement des grands empires européens – Ibériens, puis Nord Atlantique – le monde a vu à la fois le retour à l'esclavage de masse, au pillage, et aux guerres de destructions, et le retour rapide aux lingots d'or et d'argent [gold and silver bullion] comme principale forme de devise. L'investigation historique va probablement finir par démontrer que les origines de ces transformations furent plus compliquées qu'il n'est d'ordinaire supposé. Une partie de tout ceci commençait à se mettre en place avant même la conquête du Nouveau Monde. Un des principaux facteurs du retour à la monnaie métallique [bullion], par exemple, fut l'émergence de mouvements populaires au début de la dynastie Ming, au 15ème et 16ème siècles, qui au final forcèrent le gouvernement à abandonner non seulement la monnaie-papier, mais aussi toute tentative d'imposer sa propre devise. Ceci mena au retour du vaste marché chinois à l'étalon-argent non-frappé [uncoined silver standard]. Comme les taxes étaient aussi graduellement converties en argent, cela devint plus ou moins la politique officielle chinoise d'essayer d'amener autant d'argent [le métal] dans le pays que possible, afin de garder les taxes à un niveau bas et prévenir de nouvelles vagues d'agitation sociale. L'énorme demande soudaine d'argent [le métal] eut des effets sur toute la planète. La plupart des métaux précieux pillés par les conquistadors puis extraits par les espagnols des mines du Mexique et de Potosi (à un prix quasiment inimaginable en vies humaines) finissait en Chine. Ces connections à une échelle globale ont été documentées en détails. L'idée cruciale est que
la dissociation de l'argent [money] vis à vis des institutions religieuses, et sa ré-association avec des institutions coercitives (en particulier l'État), furent accompagnées alors par un retour idéologique au « métallisme ». [4]

Le crédit, dans ce contexte, était dans l'ensemble une affaire d'États qui étaient eux-mêmes largement menés par le financement par déficit [deficit financing], une forme de crédit qui fut, quant à elle, inventée pour financer des guerres de plus en plus chères. Au niveau international l'Empire britannique fut déterminé à maintenir l'étalon-or au cours du 19ème et au début du 20ème siècle, et de grandes batailles politiques furent menées aux États-Unis pour savoir si c'était l'étalon-or ou l'étalon-argent qui devait prévaloir.

Ce fut aussi, évidemment, la période de la montée du capitalisme, de la révolution industrielle, de la démocratie représentative, etc. Ce que j'essaie de faire ici n'est pas de dénier leur importance, mais de fournir un cadre pour voir de tels évènements familiers dans un contexte moins familier. Cela rend plus facile, par exemple, la détection des liens entre la guerre, le capitalisme et l'esclavage. L'institution du travail salarié, par exemple, a historiquement émergée à l'intérieur de celle de l'esclavage (les premiers contrats de salaire que nous connaissons, de la Grèce au Cités-États malaisiennes, étaient de fait des locations d'esclaves), et elle a tendu, historiquement, a être intimement liée à diverses formes d'esclavage pour dette [debt peonage] – comme elle l'est en fait encore aujourd'hui. Le fait que nous avons moulé de telles institutions dans un langage de liberté ne veut pas dire que ce que nous concevons maintenant comme liberté économique ne repose pas au final sur une logique qui, pendant la majeure partie de l'histoire humaine, a été considérée comme la véritable essence de l'esclavage.




Période contemporaine (1971 et après). L'empire de la dette.



On peut dire que la période actuelle a commencé le 15 août 1971, quand le président des États-Unis Richard Nixon a officiellement suspendu la convertibilité du dollar en or et effectivement créé les régimes actuels de devises flottantes. Nous sommes retournés, de toute façon, à un âge d'argent virtuel, dans lequel les achats du consommateur dans les pays riches impliquent rarement ne serait-ce que de la monnaie-papier, et les économies nationales sont largement tirée par la dette de consommation [consumer debt]. C'est dans ce contexte que nous pouvons parler de « financiarisation » du capital, par quoi la spéculation sur les devises et les instruments financiers devient un domaine en elle-même, détaché de toute relation immédiate avec la production ou même le commerce. Ceci est évidemment le secteur qui est entré en crise aujourd'hui.

Que pouvons-nous dire à propos de cette nouvelle période ? Jusqu'ici, très très peu de choses. Trente ou quarante ans ne sont rien dans les termes de l'échelle à laquelle nous avons eu à faire. Clairement, cette période vient tout juste de commencer. Ceci dit, l'analyse qui suit, aussi grossière soit-elle, nous permet quand même de commencer à faire quelque suggestions informées.

Historiquement, comme nous l'avons vu, l'âge de la monnaie virtuelle, de crédit, a aussi impliqué la création d'une sorte ou d'une autre d'institution générale – la royauté sacrée mésopotamienne, le jubilé mosaïque, la loi de Charia ou la loi Canon – qui mettait en place des contrôles sur les conséquences sociales potentiellement catastrophiques de la dette. Presque invariablement, elles impliquaient des institutions (habituellement pas tout à fait concomitante à l'État, habituellement plus grande) pour protéger les débiteurs [debtors]. Jusqu'ici le mouvement cette fois-ci a été dans l'autre sens : à partir des années 80, nous avons commencé à voir la création du premier système administratif planétaire effectif, opérant à travers le FMI, la Banque Mondiale, les corporations et autres institutions financières, largement dans le but de protéger les intérêts des créditeurs. Cependant, cet appareil a été très rapidement mis en crise, d'abord par le développement très rapide des mouvements sociaux globaux (le mouvement alter-mondialiste), qui a effectivement détruit l'autorité morale des institutions comme le FMI et laissé beaucoup d'entre eux proche de la banqueroute, et maintenant par la crise bancaire actuelle et l'effondrement économique global. Alors que la nouvelle période d'argent virtuel vient tout juste de commencer et que les conséquences à long terme sont encore entièrement indistinctes, nous pouvons déjà dire deux ou trois choses. La première est que le mouvement vers l'argent virtuel n'est pas en lui-même, nécessairement, un effet insidieux du capitalisme. En fait, il pourrait bien signifier exactement le contraire. Pendant la majeure partie de l'histoire humaine, les systèmes d'argent virtuel furent conçus et régulés pour s'assurer que rien de tel que le capitalisme ne puisse jamais émerger – pour le moins, pas tel qu'il apparaît dans sa forme présente, avec la majorité de la population mondiale placée dans une condition qui, dans bien d'autres périodes historiques, aurait été considéré comme équivalente à l'esclavage. Le deuxième argument consiste à souligner le rôle absolument crucial de la violence dans la définition des termes mêmes avec lesquels nous imaginons à la fois « la société » et « les marchés » - en fait, beaucoup de nos idées les plus élémentaires de la liberté. Un monde moins entièrement imprégné de violence commencerait rapidement à développer d'autres institutions. Finalement, réfléchir à la dette en dehors de la double camisole intellectuelle de l'État et du marché ouvre des possibilités excitantes. Par exemple, nous pouvons demander : dans une société dans laquelle cette fondation de violence aurait finalement été arrachée, qu'est-ce, exactement, que des hommes et des femmes libres devraient les uns aux autres ? Quelle sorte de promesses et d'engagements [commitments] devraient-ils se faire ?

Espérons que tout le monde sera un jour en position de commencer à poser de telles questions. Par les temps qui courent, on ne sait jamais [at times likes this, you never know].


--------------

NOTES DU TEXTE ORIGINAL :

[1] Geoffrey W. Gardiner, "The Primacy of Trade Debts in the Development of Money", in Randall Wray (ed.), Credit and State Theories of Money: The Contributions of A. Mitchell Innes, Cheltenham: Elgar, 2004, p.134.


[2] La formule « Âge axial » a été au départ créé par Karl Jaspers pour décrire la période relativement brève entre 800 av. JC et 200 ap. JC dans laquelle, croyait-il, toutes les principales traditions philosophiques qui nous sont familières aujourd'hui ont surgi simultanément en Chine, en Inde, et dans l'est méditerranéen. Ici, je l'utilise dans le sens plus large de Lewis Mumford comme la période qui a vu la naissance de toutes les religions mondiales, s'étendant en gros du temps de Zoroastre à celui de Mahomet.


[3] Ici je relègue tout ce qui est en général appelé les « âges sombres » en Europe à la période précédente, caractérisée par le militarisme prédateur et l'importance des lingots [bullion] qui en découle : les raids vikings, et la célèbre extraction du danegeld en Angleterre dans les années 800, peuvent être vus comme une des dernières manifestations d'un âge où le militarisme prédateur allaient main dans la main avec les amas de lingots d'or et d'argent.

[4] Le mythe du troc et les théories de l'argent comme marchandise [commodity theories of money] furent évidemment développées dans cette période.

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Re: traduction: David Graeber "Dette: les 5000 premières ann

Messagede digger » 24 Nov 2011, 09:14

Gros travail !

Graeber est l’un des instigateurs du mouvement américain Occupy. Il a l’anarchie dans les gènes puisque son père a combattu en Espagne aux côtés des Républicains.
Intéréssé par la forme des manifestations en Egypte, reprises en Espagne, il publie mi juin un court article dans Adbusters, se demandant ce qu’il faudrait pour déclencher un tel mouvement dans les pays occidentaux . Un groupe local de NY, Operation Empire State Rebellion, appelle à une occupation de Zuccotti Park, le 14 juin. Il y aura 4 personnes.
Le 13 juillet, Adbusters publie son propre appel pour le 17 septembre. Un groupe, New Yorkers Against Budget Cuts, prend les choses en main, et établit un premeir petit campement proche de l’Hôtel de Ville, appelé Bloombergville, du nom du maire. Il appelle à une Assemblée Générale pour discuter de la préparation de l’occupation du 17 septembre, et Graeber et 2 ami(e)s , Georgia Sagri une artiste anarchiste grecque et Sabu Kohso, écrivain japonais et traducteur des livres de Graeber) s’y rendent.
Ils constatent qu’en fait d’assemblée générale, il ne s’agit que d’un rassemblement traditionnel, un petite réunion suivie d’une marche vers l’Hôtel de Ville. Et l’organisation est verticale et non horizontale.
Les 3 compères , qui se sentent floués, réunissent quelques insatisfait(e)s et organisent leur propre assemblée à quelques pas de la première, avec pour but l’organisation de l’occupation du 17 sept. Peu à peu, pratiquement toutes les personnes, une cinquantaine, assistant à la premiére, les rejoignent. Le groupe constitue l’ossature des principes du mouvement, encore en fonctionnement aujourd’hui : A.G horizontales, pas de leaders, pas de liaisons personnalisées avec la police et une myriade de réunions de groupes de travail.
Voilà comment est né le mouvement Occupy.

Pour la petite histoire, celle dont on n’entend pas parler, le 22 octobre, Georgia Sagri, qui avait été invitée pour prendre la parole dans une galerie d’art conceptuel à N.Y , Artists Space, s’est brusquement levée en criant “C’est une occupation,”. Rejointe par une douzaine de personnes, le groupe a déclaré la galerie "zone autonome’. Le groupe a affiché ses règles : “Cet espace est occupé,” “tout le monde peut dormir ici,” “pas de police” et “pas de journalistes.”
Le groupe, sous le nom de Take Artists Space a ensuite publié un appel sur son site,
"L’espace nouvellement acquis à Lower Manhattan, qui, contrairement à Zuccotti Park, dispose d’une salle de bain luxueuse et du chauffage central, vient de tenir sa première assemblée officielle. Ce dont nous avons besoin maintenant ce sont des corps avec des voix.”
[url]artistsspaceoccupation.tumblr.com[/url]
Le mouvement a été viré le surlendemain, après 28 heures d’occupation.

Un des slogans de ce mouvement était : Take that which is already yours - Prenez ce qui est déjà à vous, ce qui ressemble fort à une des devises digger : it’s free because it’s yours.- C’est gratuit parce que c’est à vous.
digger
 
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DES FINS DU CAPITALISME – Possibilités I – Hierarchie, rébel

Messagede nemo3637 » 03 Mai 2015, 19:19

David Graeber s’est fait connaître par son livre sur « La Dette 5 000 ans d’histoire» paru en France en 2013. Cet ouvrage a été remarqué par nombre de critiques. Mais autant et peut-être plus que ses livres, l’histoire de l’auteur lui-même, homme d’action, est passionnante. Instigateur du mouvement « Occupy Wall Street », ce qu’il écrit peut donc être rattaché à une pratique.
L’ouvrage évoqué ici se compose de quatre essais. Et d’emblée on peut lui trouver les défauts qui marquent les œuvres construits à partir d’écrits antérieurs, et recomposées, à posteriori, par d’autres pour diffuser et faire connaître la pensée d’un auteur. On pense à « Marx et Keynes » publié en 2010, reprenant des textes essentiels de Paul Mattick (1).
Pourtant ni l’œuvre ni la pensée de David Graeber ne se retrouvent ici réduites ou déformées. Tout au contraire; cet ouvrage décapant correspond bien à l’un des objectifs de l’auteur : nous permettre de prendre en compte les fondements du capitalisme, l’histoire de son évolution, et sa fin annoncée. L’anthropologie est ici l’outil dont l’auteur se sert pour faire des comparaisons et mieux comprendre les évolutions.
Le premier essai traite de la hiérarchie et de sa conception. Il induit la question de sa disparition : et si telle ou telle attitude n’avait qu’une signification relative à une situation donnée ? La déférence obligée fait penser à ce spectacle sur le pets et les flatulences d’un clown inconvenant (2). Le capitalisme en se développant a progressivement imposé un mode de vie inévitable, un nouvel ordre arasant les vieilles cultures. Graeber note judicieusement ici le changement rapide des modes de vie dans la société anglaise entre le XVIe et le XVIIe siècle. On pense à Max Weber mais Graeber va plus loin en multipliant les exemples de ces évolutions ailleurs qu’en Grande-Bretagne.
La disparition de la culture ouvrière avec le fordisme et la montée de la société dite de consommation n’aurait-elle pas aussi méritée une attention ?
L’essai suivant est justement une réflexion sur la consommation où Graeber croit voir un dépassement né des contradictions, de la nécessité de destruction et des évolutions qu’elle engendre.
Le mode de production est l’objet d’une réflexion dans le troisième essai. L’auteur veut le redéfinir en pointant de prétendues insuffisances chez Marx. Ces arguments ne sont pas nouveaux et nous paraissent un peu faibles à l’heure où l’on redécouvre justement une véracité dans la notion de baisse tendancielle du taux de profit. Néanmoins, comme toujours chez Graeber, des questions pertinentes sont posées même si l’on peut être en désaccord avec certains prémisses.
Le quatrième et dernier essai évoque le fétichisme dont parlait Marx. Celui de la société capitaliste est bien la marchandise, mettant à bas toutes les idéologies. Que se passerait-il si elle disparaissait ou si elle était simplement amoindrie ? Une telle évolution à la lumière de la crise ne semble pas impossible.
Le lecteur français qui aime une certaine rigueur dans la composition d’un ouvrage, se trouvera peut-être déconcerté par un apparent éparpillement où l’on a parfois l’impression de sauter du coq à l’âne. Mais n’oublions pas justement que l’on a affaire à quelqu’un qui se fout de toutes les conventions.
L’ouvrage est donc une suite d’exemples historiques, de faits sociétaux judicieusement cités. Graeber envoie ainsi quelques uppercuts bien sentis. Ainsi « il n’y a jamais eu d’Occident » (p.47). Et dans la société capitaliste le salariat est l’héritier direct de l’esclavage (p.208).
Ne cachons pas certaines faiblesses dans les œuvres de Graeber. Sa définition du capitalisme est contestable si l’on se réfère trop simplement à une origine née de la nuit des temps. Ce qui n’est pas faux si l’on considère que l’histoire de l’humanité nait de la préoccupation du lendemain et d’un combat contre la nature. Mais ce que l’on appelle la société capitaliste est un aboutissement apparu au XIXe siècle. Auparavant elle n’existe pas. D’autre part « la dette », condamné comme un mal par l’auteur , n’est-elle pas simplement, acceptée par tous, un rouage indispensable de la société capitaliste. Quand celle-ci n’est pas en crise, l’endettement n’est pas toujours vécu comme une souffrance mais au contraire comme un pari indispensable et réaliste sur l’avenir (3).
David Graeber a connu Bourdieu. Celui-ci a disparu trop tôt pour qu’une quelconque collaboration ait pu voir le jour. Comme Bourdieu, sociologue, il a été amené par l’anthropologie à se radicaliser, à concevoir de plus en plus clairement le capitalisme et ses fondements. Il a vécu dans la dèche à Paris. Il a manifesté et lancé des slogans bien sentis sur le trottoir à New-York. Encore un effort, osera t-on dire, pour se dégager, se différencier des Thomas Piketty, Paul Jorion et autres néo-post keynésiens tiedasses.

(1) « Marx et Keynes , les limites de l’économie mixte » – Paul Mattick, éditions Gallimard, 2010.
(2) Un spectacle de clowns comme « la petférence » de Stuk et Gépéta, joué dans le Sud-Ouest, illustre ici à mon avis, le propos de Graeber sur le Plaisanterie et la Déférence, thèmes évoqués dans le premier essai.
(3) « Quand David Graeber étale la dette… Même David Graeber entend ne tenir que des promesses déjà faites » Article publié dans le magazine autrichien Streifzuege. L’auteur, Franz Schandl, rappelle à David Graeber, avec d’ autres notions de base, que l’économie de marché n’est pas le capitalisme
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Re: David Graeber

Messagede bipbip » 17 Jan 2016, 15:06

David Graeber

Anthropologue, économiste et militant altermondialiste très en vue dans l’espace politique de la gauche libertaire américaine, David Graeber revient sur son enfance et le parcours idéologique et militant de ses parents pour expliquer son engagement actuel.

Emission à écouter : http://www.franceculture.fr/emission-ho ... 2016-01-04
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Re: David Graeber

Messagede bipbip » 14 Fév 2016, 16:32

Pourquoi le monde ignore-t-il les Kurdes révolutionnaires en Syrie ?

Au sein de la zone où se déroule la guerre de Syrie, une expérience démocratique est en train de se faire écraser par l’État islamique. Que le reste du monde n’en soit pas conscient est un scandale.

En 1937, mon père s’est porté volontaire pour combattre dans les Brigades internationales pour défendre la République espagnole. Une tentative de coup d’État fasciste avait été temporairement mise en échec par la révolte des ouvriers, dirigée par les anarchistes et les socialistes. Dans une grande partie de l’Espagne une véritable révolution sociale avait suivi, instaurant dans des villes entières une gestion de démocratie directe, mettant les industries sous contrôle des travailleurs et favorisant un renforcement radical du pouvoir des femmes.

Les révolutionnaires espagnols espéraient créer une société libre qui serait un exemple pour tout le monde. Au lieu de cela, les puissances mondiales ont décrété une politique de « non-intervention », ils ont maintenu un blocus rigoureux à l’encontre de la République, même après que Hitler et Mussolini, prétendument d’accord sur une non-intervention, ont commencé à engager des troupes et à fournir des armes pour renforcer le camp fasciste. Le résultat a été des années de guerre civile qui ont pris fin avec l’écrasement de la révolution et quelques-uns des plus sanglants massacres d’un siècle sanglant.

Je n’ai jamais imaginé que la même chose pouvait se reproduire dans ma propre vie. De toute évidence, aucun événement historique n’a jamais lieu deux fois. Il y a mille différences entre ce qui s’est passé en Espagne en 1936 et ce qui se passe aujourd’hui dans le Rojava, les trois provinces largement kurdes du nord de la Syrie. Mais les similitudes sont si frappantes et si pénibles que je sens qu’il m’incombe d’intervenir, comme quelqu’un qui a grandi dans une famille dont les convictions politiques étaient largement définies par la révolution espagnole, pour dire que nous ne pouvons pas laisser l’histoire finir de la même façon.

La région autonome du Rojava, telle qu’elle existe aujourd’hui, est l’un des rares points lumineux — même très lumineux — issus de la tragédie de la révolution syrienne. Après avoir chassé les agents du régime d’Assad en 2011 et malgré l’hostilité de la quasi-totalité de ses voisins, le Rojava a non seulement maintenu son indépendance mais développe une expérience démocratique remarquable. Des assemblées populaires ont été créées comme organe absolu de prise de décisions, des conseils ont été choisis soigneusement en tenant compte de l’équilibre ethnique (dans chaque commune, par exemple, les trois responsables principaux doivent inclure un Kurde, un Arabe et un chrétien assyrien ou arménien, et au moins un des trois doit être une femme), il y a des conseils de femmes et de jeunes, et, en écho remarquable au mouvement Mujeres Libres (Femmes libres) d’Espagne, la milice « YJA Star » (l’Union des femmes libres, star fait ici référence à la déesse mésopotamienne Ishtar), une armée de femmes qui a effectué une grande partie des opérations de combat contre les forces de l’État islamique.

Comment cela peut-il se produire et rester encore presque entièrement ignoré par la communauté internationale, et même, en grande partie, par la gauche internationale ? Principalement, semble-t-il, parce que le parti révolutionnaire du Rojava, le PYD, travaille en alliance avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) de Turquie, un mouvement de guérilla marxiste qui a été depuis les années 1970 engagé dans une longue guerre contre l’État turc. L’OTAN, les États-Unis et l’UE l’ont classé officiellement comme organisation « terroriste ». Parallèlement, les gauchistes le rejettent largement comme stalinien.

Mais, en fait, le même PKK n’a plus rien à voir avec l’ancien parti hiérarchique léniniste qu’il était jadis. Sa propre évolution interne et la conversion intellectuelle de son propre fondateur, Abdullah Öcalan, détenu dans une île-prison turque depuis 1999, ont changé entièrement ses objectifs et ses tactiques.

Le PKK a même déclaré qu’il ne cherche plus à créer un État kurde. Au lieu de cela, en partie inspiré par la vision de l’écologiste social et anarchiste Murray Bookchin, il a adopté la vision du « municipalisme libertaire », appelant les Kurdes à créer des communautés autogérées, libres, fondées sur les principes de la démocratie directe, qui s’uniraient en dépassant les frontières nationales — espérant ainsi qu’avec le temps ces frontières perdraient de plus en plus leur sens. Ainsi, proposent-ils que la lutte kurde devienne un modèle pour un mouvement global vers une véritable démocratie, une économie coopérative et une dissolution progressive de l’État-nation bureaucratique.

Depuis 2005, le PKK, inspiré par la stratégie des rebelles zapatistes au Chiapas, a déclaré un cessez-le-feu unilatéral avec l’État turc et a commencé à concentrer ses efforts sur le développement de structures démocratiques dans les territoires qu’il contrôlait déjà. Certains ont mis en doute le sérieux de tout cela. Il est clair qu’il reste encore des éléments autoritaires. Mais ce qui s’est passé dans le Rojava, où la révolution syrienne a donné aux radicaux kurdes l’occasion de réaliser de telles expériences dans un grand territoire contigu, suggère que c’est autre chose qu’une façade. Conseils, assemblées et milices populaires ont été formés, la propriété du régime a été remise à des coopératives autogérées — et tout ça en dépit des attaques continuelles par les forces d’extrême droite de l’État islamique. Les résultats sont conformes à toute définition d’une révolution sociale. Au Moyen-Orient, au moins, ces efforts ont été remarqués : en particulier après que les forces du PKK et du Rojava sont intervenus pour lutter avec succès à travers le territoire de l’État islamique en Irak pour sauver des milliers de réfugiés yézidis piégés sur le mont Sinjar après que les peshmergas locaux ont fui le territoire. Ces actions ont été largement célébrées dans la région, mais n’ont recueilli presque aucun écho dans la presse européenne ou nord-américaine.

Maintenant, l’État islamique est de retour, avec des tanks de fabrication US et de l’artillerie lourde prise aux forces irakiennes, pour exercer leur vengeance contre un grand nombre de ces mêmes milices révolutionnaires à Kobané, déclarant leur intention de massacrer et de réduire en esclavage — oui, asservir littéralement — l’ensemble de la population civile. Pendant ce temps, l’armée turque se cantonne à la frontière et empêche les renforts et les munitions d’arriver aux défenseurs, pendant que les avions des États-Unis vrombissent, en frappant parfois des coups symboliques, des frappes ponctuelles — juste pour être apparemment en mesure de dire qu’ils ne sont pas restés inactifs tandis qu’un groupe, contre qui ils prétendent être en guerre, écrase les défenseurs d’une des grandes expériences démocratiques dans le monde.

S’il existe un parallèle à faire aujourd’hui avec les prétendus dévots et meurtriers phalangistes de Franco, ce ne pourrait être qu’avec l’État islamique. S’il y a un parallèle à faire avec les Mujeres Libres d’Espagne, ce ne pourrait être qu’avec les femmes courageuses qui défendent les barricades à Kobané. Est-ce que le monde et — cette fois-ci plus scandaleusement encore — la gauche internationale vont vraiment être complices en laissant l’histoire se répéter ?

David Graeber
The Guardian, 8 octobre 2014.
Traduit par E.K., R.V. et M.U.

http://lavoiedujaguar.net/Pourquoi-le-m ... e-t-il-les
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Re: David Graeber

Messagede bipbip » 01 Mai 2016, 01:43

Essai : « Bureaucratie »

Le dernier livre de David Graeber porte mal son titre français, Bureaucratie. Le titre d’origine, The Utopia of Rules (l’utopie des règles), ne vendait pas une somme de savoir pesante et monolithique mais, au contraire, un argument original : la bureaucratie est peut-être l’une des dernières utopies en construction.

Graeber, dans cet ouvrage, fait du Graeber : il développe des idées, fait des détours, mobilise beaucoup la culture, ancienne ou populaire, et ne clôt jamais un débat. C’est pour cette raison que ses livres font toujours émerger dans la tête des lecteurs et des lectrices des interrogations mais aussi de la frustration.

La thèse la plus intéressante de Bureaucratie est que le néo-libéralisme est caractérisé par un développement de la bureaucratie jamais vu dans l’histoire. Voilà la différence fondamentale avec le libéralisme « classique » du XIXe siècle et du début du XXe siècle. L’extension du contrôle de l’État aux aspects de la vie les plus banals a pour corollaire que les individus s’habituent à vivre dans un carcan de règles, parfois absurdes, et pensent de moins en moins à les remettre en question malgré le profond déplaisir qu’elles génèrent. Surtout, le contrôle des dimensions « apolitiques » de nos vies est trompeur puisqu’il finit par rendre l’action politique et la constitution de ­contre-sociétés de plus en plus difficiles.

Graeber note toutefois que ce système de domination est paradoxal car, si le contrôle est central, l’efficacité aussi. Or le système préfère paraître efficace que l’être réellement. C’est la veille observation des sociologues du travail : plus les travailleurs et ­travailleuses peuvent organiser eux-mêmes leurs activités, plus ils sont productifs. La bureaucratie nie cette volonté d’autonomie et reprend, à travers le discours managérial, l’idée que l’efficacité se gagne en instaurant toujours plus de règles arbitraires. Le capitalisme financier en arrive donc à produire de l’inefficacité économique par emballement bureaucratique.

Bureaucratie ouvre des portes et à l’avantage de se lire facilement, même sans culture sociologique ou anthropologique. Il offre un regard original sur le problème de la bureaucratisation de nos sociétés, thème qui mériterait de retrouver sa place centrale dans les discours anti-capitalistes.

J. Clamence (AL Bruxelles)

http://www.alternativelibertaire.org/?E ... reaucratie
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Re: David Graeber

Messagede bipbip » 27 Juil 2016, 17:22

"Dette : 5 000 ans d'histoire", de David Graeber, en version poche. Editions Actes Sud, 672 pages, 11,70 euros.

Première édition sortie en septembre 2013 chez Les Liens qui libèrent http://www.editionslesliensquiliberent. ... 1-0-1.html.

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Re: David Graeber

Messagede bipbip » 25 Aoû 2016, 09:01

David Graeber : Occupy Saturne

paru dans CQFD n°145 (juillet-août 2016), rubrique Bouquin, par Renaud Garcia, illustré par Emilie Seto

Qu’advient-il lorsqu’un brillant universitaire à l’œuvre déjà foisonnante accède au statut de référence internationale de la contestation, brinquebalé de colloques en conférences, d’émissions en manifestations ? On peut se le demander à la lecture de Bureaucratie, le dernier livre de David Graeber, figure du mouvement Occupy, traduit en français aux éditions Les liens qui libèrent.

... http://cqfd-journal.org/David-Graeber-Occupy-Saturne
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