de jipé64 » 26 Oct 2014, 18:54
Dans les discussions sur ce thème, j'ai l'impression qu'il y a pas mal de méconnaissance de l'histoire récente de la CNT-AIT. J'en suis membre, je vous livre ici mon analyse personnelle de ce qui a amené à la scission avec le réseau. Bien évidemment, c'est subjectif, mais cela peut peut être permettre de participer à un éclairage.
1993-2000, La CNT-AIT dans les luttes sociales :
Implantation dans la fonction publique :
Depuis la scission avec les Vignoles en 1993, la CNT-AIT française poursuit un travail d’implantation intéressant. Dans la région Nord, le syndicat d’Amiens anime une section syndicale très combative et très écoutée au centre de tri de La Poste. Elle y détient un local syndical. Les syndicats de l’Essonne et de Paris entretiennent également une activité sur cette entreprise nationale. Sous l’impulsion d’Amiens, la CNT-AIT diffuse une propagande dans tous les centres de tri en France pour tenter d’impulser une lutte contre la mécanisation qui dégrade les conditions de travail des salariés. En 1998, le syndicat de l’Essonne mène une lutte contre le changement de règlement intérieur (qui accroît la surveillance des salariés par l’administration) et contre la privatisation de l’entreprise. Ce travail syndical a pour but de mobiliser les salariés en dehors de la tutelle des syndicats institutionnels dans le cadre d’assemblées générales souveraines et en pratiquant l’action directe. Plusieurs syndicats de la CNT-AIT relaient ce travail en France (notamment Marseille, Besançon, Bordeaux et Pau). A Marseille, un travail de fond pour développer une implantation syndicale à France Télécom est menée dans la même période. Ce travail s’effectue dans un contexte particulier puisque le service public des Postes et des Télécommunications subit alors une profonde attaque qui vise à la privatisation de l’entreprise. En 1999, la région Paris Nord coordonne les actions de ses syndicats sur ce secteur et le syndicat de l’Essonne mène une lutte contre la fermeture des garages ateliers de La Poste où elle compte des militants et des sympathisants. Durant la même période, les syndicats d’Amiens et de l’Essonne entament un travail syndical dans une autre entreprise publique d’ampleur nationale : la SNCF. Ce travail se traduit par la participation aux luttes en incitant les travailleurs à l’auto-organisation et contre « le challenge contre la Fraude » initié par la direction de l’entreprise pour multiplier le contrôle des usagers qui ne payent par leurs billets de trains. La région Paris-Nord est également présente dans le secteur de la santé avec un travail constant du syndicat de Paris sur la psychiatrie et une lutte menée par le syndicat de l’Essonne avec des contacts dans ce secteur.
Le secteur de la précarité :
Un travail important a également été effectué dans le domaine de la précarité par des syndicats dans toute la France. Caen et Pau ont des sections chômeurs conséquentes. Un travail important est mené à Marseille dans le secteur des intermittents du spectacle. En décembre 1997, un mouvement national de chômeurs éclate partout en France. Les syndicats de la CNT-AIT s’impliquent dans la lutte comme dans La Manche où le syndicat organise une manifestation de chômeurs ou à Paris où le syndicat appelle à rejoindre les manifestations. Le syndicat de Besançon est très actif dans ce mouvement de chômeurs et parvient à faire en sorte que les chômeurs s’auto-organisent. Tout comme à Pau où, sous l’impulsion des militants de la CNT-AIT, les chômeurs s’organisent en assemblée générale souveraine et se dotent de délégués élus, mandatés et révocables. Ils s’affranchissent de la tutelle intersyndicale en prenant la direction des manifestations et en occupant divers lieux (Banques, centre EDF, Mairie, centre d’action sociale…). Cette assemblée de chômeur fait un travail important pour tenter d’impulser une coordination autogestionnaire des chômeurs en lutte sur toute la France, mais l’initiative n’aboutit que trop tardivement, alors que le mouvement s’essouffle (en février 1998). Reste que cette implantation dans le monde de la précarité est essentielle pour la CNT-AIT dans la société actuelle et perdure aujourd’hui. Durant la période que nous abordons, les syndicats d’Amiens, de l’Essonne, de Paris, de Caen, de Besançon, de Bordeaux, de Tours et de Marseille font un travail dans ce secteur.
Le secteur de l’Education :
Dans le secteur de l’Education, la CNT-AIT est également présente. Un travail en direction des travailleurs de l’Education a déjà débuté à Pau, à Paris, à Avranches, à Caen, à Besançon. Il se traduit essentiellement par une volonté de solidarité avec les précaires de l’Education Nationale et en incitant les salariés à s’affranchir de la tutelle des syndicats institutionnels relativement puissants et écoutés dans le secteur. Mais c’est essentiellement sur les universités que la CNT-AIT obtient des résultats. A Caen et à Pau, les syndicats étudiants de la CNT-AIT sont très influents et les luttes étudiantes se déroulent selon les principes de l’action directe et des assemblées générales souveraines. Dans les années précédentes, les mouvements étudiants avaient été déclenchés par les étudiants de ces universités (avec celles de Rouen et de Montpellier). Le syndicat de Besançon a également une section étudiante très active, ainsi que celui de Tours et le syndicat de Montpellier fait un travail en direction des universités. Les syndicats de Bordeaux et de Bayonne sont également présents dans ce secteur. Cette implantation étudiante est d’autant plus importante que depuis 1968, les mouvements étudiants sont très importants en France et arrivent à parfois à faire reculer le pouvoir, ce qui est plutôt rare malheureusement ces 20 dernières années. Par ailleurs, le faible poids des syndicats étudiants institutionnels permet de combattre plus facilement les récupérations et les manipulations politiques. Les sections étudiantes de la CNT-AIT ont un rôle important lors des mouvements de grèves étudiants nationaux mais elles mènent également des campagnes locales contre l’administration. Elles défendent les étudiants salariés, luttent contre la hausse des frais d’inscription, pour l’amélioration du logement étudiant. Elles organisent des campagnes pour l’abstention lors des élections internes aux universités et font un intense travail de propagande et de formation idéologique auprès de cette population jeune. A Besançon, les étudiants de la CNT-AIT sont à l’initiative d’une lutte contre le projet « Attali/Allègre » de privatisation des universités et appelle à la création d’une coordination nationale des AG d’étudiants en mars 1999. Plusieurs universités répondent à l’appel. A Pau, le mouvement est également lancé par la CNT-AIT. Finalement, le projet est retiré. L’influence de la CNT-AIT dans ce secteur, tout comme celle d’un syndicat étudiant des Vignoles à Paris, entraîne une vaste campagne nationale des officines du Parti Socialiste pour tenter de faire interdire la CNT-AIT des universités en 1997. A Pau, les syndicats étudiants aux ordres du PC et du PS interviennent auprès des instances de l’Université pour privé la section étudiante de la CNT-AIT de son local et de ses panneaux d’affichage, sous prétexte que celle-ci ne participe pas aux élections étudiantes. L’opération échoue car sur cette université, la CNT-AIT a plus de militants que ces deux syndicats réunis et bénéficie d’un fort mouvement de sympathie. Cette implantation de la CNT-AIT dans les universités lui a fourni bon nombre de militants fidèles qui sont encore là aujourd’hui.
L’activité syndicale de la CNT-AIT ne se limite pas à ces secteurs. La CNT-AIT appuie des luttes dans le secteur privé (Avranches avec les salariés de la SOCOVIL de Villedieu et avec les routiers ; Pau avec la lutte des salariés de Périchou Malan, Bayonne avec celle des travailleurs des Aciéries de l’Atlantique). Elle est présente dans la fonction publique territoriale à Tarbes. Elle est présente dans les mouvements sur le logement à Paris et Besançon et appuie la lutte des mal-logés dans les Landes. Un peu partout, elle fait un travail de fond contre la loi sur les 35 heures qui s’accompagnent de reculs sociaux et contre les emplois jeunes qui institutionnalisent la précarité des jeunes (Marseille, Besançon, Bayonne, Tours, Pau). Elle fait des campagnes pour l’abstention aux élections prud’homales (Marseille, Paris, Besançon, Pau). Elle participe aux mouvements sociaux dans la fonction publique en 1997 et 1998 en appelant les travailleurs à l’auto-organisation et à la défiance vis-à-vis des directions syndicales.
La crise de la CNT-AIT ou comment tenter de détruire l’organisation :
Contrairement à ce que l’on peut penser, l’origine de la crise n’est pas le fonctionnement en réseau mais l’approche de l’intervention de la CNT-AIT dans les luttes. L’idée du réseau apparait lorsque la CNT-AIT applique la rotation des mandats et fait passer la rédaction du journal national le Combat syndicaliste, de Toulouse à Besançon. Petit à petit, quelques syndicats qui refusent d’être minoritaires dans la CNT-AIT, prennent le prétexte du réseau pour s’affranchir des décisions communes et créer la discorde dans l’organisation. L’objectif était de faciliter un travail de tendance et détourner l’attention de divergences qui montraient clairement que ces syndicats se détournaient de l’anarchosyndicalisme pour dériver vers une organisation de propagande assez floue. Nous avons subi un travail de sape méthodique où les syndicats les plus en avant dans les luttes ont été, tour à tour, attaqués très violemment jusqu’à ce qu’ils s’en aillent, écœurés. En effet, les polémiques incessantes et absurdes sont très nocives aux syndicats qui fonctionnent réellement en assemblées générales souveraines.
Démanteler l’implantation étudiante :
Dès 1997, nous sentions les premiers effets de cette stratégie lorsqu’une partie des militants de Caen et le syndicat de Toulouse ont cherché à monté les étudiants de Pau, de Toulouse et de Caen, les uns contre les autres. A ce congrès, les étudiants de Caen et de Pau se sont rendu compte de l’artifice. A la suite de ce congrès, une crise a éclaté à Caen. L’intégralité de la section étudiante, le syndicat interco et une partie du syndicat des chômeurs ont quitté la CNT-AIT qui est passée de 30 adhérents à… 4 ! Le syndicat de l’Avranche est également parti à ce moment là pour les mêmes raisons. Le conflit porté sur l’autoritarisme d’un militant historique de Caen qui prenait les décisions seul et dont le comportement dans les luttes portait à débat. Au congrès de Besançon de 1999, le syndicat de Toulouse est venu en force pour pratiquer l’intimidation physique et verbale et semer la confusion afin que les syndicats ne puissent pas débattre de ce problème. A partir de ce moment là, la CNT-AIT de Caen, qui avait une véritable démarche anarchosyndicaliste jusque là, n’a plus fait que du travail de propagande générale et semer la discorde dans l’organisation. A partir de 1999, ce sont les syndicats de Tours et de Besançon qui subissent les attaques réitérer des syndicats de Toulouse, Caen et Perpignan au point que ces syndicats finissent par partir de la CNT-AIT. Le syndicat de Tours a finit par monter, comme l’avaient fait les partants de Caen, un groupe anarchosyndicaliste autonome (le GARAS). L’attaque contre le syndicat de Besançon mérite que l’on s’y attarde car elle montre la mauvaise foi du syndicat de Toulouse. Outre une critique systématique du travail des délégués de Besançon de la rédaction du Combat syndicaliste, Toulouse a reproché au syndicat de Besançon d’avoir appeler, sur une affiche, les travailleurs précaires « à défendre leurs droits » en les accusant de défendre ainsi la justice bourgeoise. C’est la première d’une série d’attaques très claires contre tout travail de lutte syndicale. Par ce biais, chaque fois que des syndicats commenceront à s’implanter quelques part, ils seront l’objet d’une attaque en règle. Alors que le syndicat de Besançon ne faisait qu’appeler les précaires à s’unir pour se défendre et faire respecter les droits acquis, le syndicat de Toulouse n’hésitait pourtant pas à s’en remettre à la Justice bourgeoise pour gérer un conflit local. En fait, cette affiche n’était qu’un prétexte, ce qui gênait Toulouse, c’était le développement d’un syndicat sur des bases anarchosyndicalistes qui agissait sur le terrain et qui avait un rôle important dans les perspectives de développement de la CNT-AIT, notamment en milieu étudiant. En effet, depuis un moment déjà, la section étudiante de Pau était également attaquée par Toulouse. Elle était devenue le plus gros syndicat étudiants de l’université de Pau et était à l’origine de la lutte victorieuse des étudiants palois qui avaient séquestré le président de l’université en 1995 et obtenu 100 postes de professeurs, 50 de personnels IATOS et d’importantes aides financières pour leur université. Le reproche fait par Toulouse était de participer aux mouvements étudiants alors que ceux-ci n’avaient pas un objectif clairement révolutionnaire. Plutôt que d’essayer de permettre aux étudiants de s’auto-organiser dans leurs luttes, la CNT-AIT de Toulouse, au travers d’un groupe de propagande qu’elle avait créé, les jeunes libertaires, préférait lancer des appels à la démission des élus étudiants en restant à l’extérieur du mouvement étudiant (BI de février 1999). Le laissant ainsi sous le contrôle de ces derniers. Ailleurs, les étudiants de la CNT-AIT participaient aux grèves étudiantes et faisaient en sorte qu’elles fonctionnent en assemblées générales souveraines et sans compromission avec les élus étudiants.
Pas d’actions syndicales !
Le discours, que Toulouse et Caen ont développé alors, a toujours été de confondre le syndicalisme d’action directe avec le syndicalisme de collaboration de classe, en assimilant toute action syndicale à du réformisme. L’action de la CNT-AIT doit se cantonner à un appel à la raison, à l’extérieur des mouvements de grèves : « Nous concentrons une grande part de nos forces à la propagation de nos analyses. Dans les mouvements sociaux (…) nous dénonçons les syndicats hiérarchiques et nous défendons les principes de l’autogestion dans les AG et les coordinations » (Toulouse, BI de février 2004). Car, comme l’affirmait un militant de Toulouse au débat de Marseillan plage (juin 2001) : « la CNT ne doit pas avoir de revendication immédiate. Elle ne doit pas signer d’accord à la fin d’une grève, sinon elle fait du réformisme ». Ce même militant affirmant des positions plus proches de Pannekoek que de Bakounine : « Il y a une différence entre prôner la rupture et les petites luttes, que je ne rejettent pas, mais qui doivent être plus le fait d’individus que celui de la CNT »[1]. Cette dérive, qui amène à un reniement de l’anarchosyndicalisme, peut expliquer les liens que le syndicat de Toulouse a tissés avec le Courant Communiste International, mais aussi l’aberrante position anti-gréviste du syndicat de Perpignan à l’encontre d’un mouvement des travailleurs de la Poste. Dans un tract de février 2000, le syndicat de la CNT de Perpignan écrit : « Le samedi 5 février, jour prévu par la CAF pour le versement des allocations, le syndicat CGT de la poste a appelé à un mouvement de grève pour protester contre le surcroit de travail occasionné. Résultat : les bureaux de poste étant fermés (?) les rmistes et autres allocataires se trouvaient pris en otage une fois de plus. Aujourd’hui les postiers, hier les contrôleurs SNCF (…) un autre jour des syndicats agricoles qui détruisaient la nourriture… Ce syndicalisme n’est pas le notre, nous, anarchosyndicalistes ne confondons pas le corporatisme primaire et la lutte des classes ». Par de tels propos, les scissionnistes du réseau n’ont pas fait que déshonorer la CNT-AIT, ils ont également mis nos compagnons postiers dans une situation difficile alors qu’ils faisaient un large travail pour permettre à la CNT-AIT de s’implanter. Travail qui n’était pas sans risque : la même année, la section de la Poste d’Amiens était confrontée à la répression syndicale… Cela explique aussi que des militants aguerris du réseau travaillant dans l’administration ne participent jamais à une grève ou que la section de la CNT-AIT Toulouse sur l’institut national de recherche agronomique n’a jamais fourni de travail syndical, ni même formulé de critiques devant l’implication de leur institut dans la recherche pour les OGM…
Neutraliser les opposants internes.
Le départ des militants anarchosyndicalistes de Caen n’a pas été un fait isolé. Plusieurs militants de syndicats du réseau ont disparu de la circulation sans que nous sachions pourquoi. En octobre 2002, une lettre laconique du syndicat de Toulouse nous informe qu’un militant étudiant de longue date ne « fait plus partie de la CNT-AIT » et demande aux syndicats d’en prendre acte. Un syndicat de la région Midi-Pyrénées disparaît sans que nous sachions pourquoi, en Ariège. Un autre, à Foix, disparait également après avoir écrit dans le BI : « Que veut dire le mot syndicalisme, à l’heure actuelle, au sein de la CNT-AIT ? Est-ce de la masturbation intellectuelle de penseurs « intégristes » ou puristes qui veulent déjà organiser une société qui n’existe pas encore ? Ou bien est-ce un syndicalisme de terrain : constructif, évolutif, révolutionnaire ? ». (BI, Mai 2001). Le cas le plus significatif est le sort qu’a connu la section syndicale CNT-AIT de Blagnac (syndicat de Toulouse). Dans un premier temps, le syndicat de Toulouse a laissé ces nouveaux militants se compromettre dans une pratique syndicale complètement réformiste, pour le coup. Cette section annonce « qu’une intersyndicale CMB, CNT, CGT, SUD, avec des animateurs contractuels ou titulaires, est constituer pour décider des moyens d’action à venir » (BI, février 1998), se substituant ainsi à la pratique de l’assemblée générale souveraine. La section semble se satisfaire du «travail en intersyndicale avec une vraie reconnaissance de la CNT » et conclut : « ce qui a dépassé nos espérances est le travail effectué en intersyndicale. Notre position n’est pas toujours facile mais il faut être ouvert et vigilant ». Ce fonctionnement qui ne permet pas aux salariés de se réapproprier leurs luttes et qui ne leur permet pas de voir d’autres différences, entre la CNT-AIT et les autres syndicats, que le choix des couleurs, et pour cause, n’a pas permis à la section de se développer. Après quelques temps, le syndicat de Toulouse a tiré les conclusions de « l’expérience » et le travail sur la section s’est limité à un travail de propagande. Ce qui est inadmissible dans cette affaire, ce n’est pas que des militants novices aient naïvement cherché à singer les organisations syndicales traditionnelles mais que des militants qui ont des années d’expérience les aient laissé bafouer nos pratiques et ainsi se planter au lieu de leur expliquer ce qu’est la pratique syndicale des anarcho-syndicalistes pour finalement leur laisser croire que toute action syndicale est forcément réformiste et vouée à l’échec.
Avec cette crise et le climat délétère entretenu – au départ du syndicat de Tours, le syndicat de Toulouse écrivait « ce groupe désœuvré entraîné par ce pygmée compense son vide de pratique sociale par une agitation épistolaire dans la vie interne de la CNT-AIT » (septembre 2003)- a considérablement affaibli notre organisation. Les théories sur le réseau et la dérive vers un anarchisme d’Etat de ce groupe de syndicats organisé en tendance secrète [2] ont fini d’apporter la confusion et la discorde dans notre organisation. Je ne vais pas décrire tous les déboires que nous avons connus pendant dix ans, j'estime que j'en ai assez dit pour que ce qui le souhaite puissent se faire une idée. Signalons simplement que, durant la période 2000-2010, nous avons déploré beaucoup de départs directement consécutifs à cette stratégie de destruction de notre organisation : les syndicats de Tours, des Landes, de Besançon, d’Avranches, de Rouen, de Châteauroux, du Mans, de Périgueux, de Montpellier, de Marseille, de Foix, de l’Ariège soit un tiers de l’organisation ! Bien évidemment, le travail militant s’est poursuivi tout ce temps, mais il a été considérablement freiné et nous n’avons pas profité des opportunités que nous aurions pu saisir pour dépasser l’activité locale pour agir en cohérence au niveau national. Aujourd’hui, nous nous reconstruisons sur des bases saines.
[1] En parlant de l’AAU, Pannekoek explique : « L’AAU organise la classe prolétarienne dans un but exclusif : la disparition de capitalisme comme système ; elle n’a nullement à prendre en compte et à représenter les intérêts personnels de l’ouvrier individuel au sein du capitalisme… lorsqu’un unioniste est embauché dans une entreprise capitaliste, il passe un contrat privé – en tant qu’ouvrier individuel – avec le chef d’entreprise. Se trouve-t-il dans l’entreprise avec un salaire insuffisant pour le maintien de sa simple existence matérielle, alors il va à nouveau voir son employeur, comme individu ouvrier, en exigeant un changement de son contrat privé sous forme d’amélioration de ses conditions de salaire et de travail… Si l’employeur ne l’accorde pas, alors l’unioniste, en tant qu’individu ouvrier, dans l’entreprise, a à sa disposition une série de moyens pour imposer ses revendications, par exemple la grève et la résistance passive » (Die Kommunistische Arbeit Internazionale, « Räte Internazionale oder Fürher internazionale ? », brochure du KAPD, 1923).
[2] Nous avons eu la preuve que des réunions secrètes de la "tendance réseau" se tenaient déjà deux ans avant la scission par des militants qui ont quitté le réseau lorsqu'ils s'en sont aperçus.